Cette fiche de formation a pour sujet l'ordre de priorité entre la vie de couple, de famille et en Église. Toute bénédiction vécue en Église procurera des bienfaits dans le mariage et la famille, et vice versa.

Source: Pastorale de la famille. 4 pages.

Pastorale de la famille (5) - Le couple, la famille, l'Église

  1. Un ordre de priorité?
  2. Qui influence qui?
  3. Voir ce qui est plus grand

1. Un ordre de priorité?🔗

La question des priorités est à la fois importante et délicate. En effet, il n’y a pas, dans la vie, que des choses bonnes ou mauvaises qui doivent être gardées ou rejetées. Il y a aussi, parmi les choses bonnes celles qui sont premières et celles qui sont secondes qui doivent donc être ordonnées. Le couple, la famille et l’Église sont trois domaines bons et précieux. Mais comment les articuler? Lequel doit primer? Il n’est pas si facile de répondre.

Jésus n’a-t-il pas, à plusieurs reprises, relativisé l’importance de la famille1 en demandant que la cause du Royaume de Dieu vienne résolument en première place? Et pourtant, Jésus et les apôtres démontrent que ces relations, loin d’être abolies, demeurent capitales. Une chrétienne agit-elle bien en négligeant son mari non croyant pour se joindre aux réunions de son assemblée? Sans doute que non. Alors?

Une clé biblique ou théologique peut éclairer cette question, celle du « déjà – pas encore » de notre situation présente. Ainsi, usant de discernement, il y aura toujours une parole appropriée pour rappeler la dimension que l’on est tenté d’oublier. Le « déjà » va souligner la priorité incontestable du Royaume de Dieu et de la communion fraternelle. Le « déjà » permet à deux conjoints chrétiens de se considérer vraiment comme « frère et sœur en Christ ». Frère et sœur en Christ, c’est pour l’éternité, mari et femme, c’est pour un temps seulement. Le « pas encore », c’est que cet homme est un époux et cette femme une épouse et que ce n’est pas encore le moment de s’émanciper des droits et des devoirs de ces deux vocations. L’apôtre Paul rappelle le « déjà » en écrivant que ceux qui sont mariés soient comme ne l’étant pas (1 Co 7.29), et le « pas encore » quand il dit au chrétien qu’il n’a pas à se séparer de son conjoint, même si celui-ci n’est pas croyant (1 Co 7.10-14)2. Ainsi, il faudra souvent corriger, tantôt en rappelant une perspective, tantôt une autre.

Il me paraît juste, cependant, d’établir un ordre de priorité général ainsi :

  1. La relation personnelle de chacun avec le Seigneur. « Entre dans ta chambre et prie… »
  2. Pour ceux qui sont mariés, la relation du couple. « Mari, aimez votre femme; épouse… »
  3. Pour ceux qui ont des enfants, la dimension de la famille. « Parents…; enfants… »
  4. L’engagement dans la communion fraternelle et l’édification de l’Église.

Je crois que ces divers engagements sont en réalité dépendants les uns des autres, dans tous les sens. Cependant, il me semble légitime de suggérer cet ordre de priorité. Rappelons que le couple ne doit pas nuire à la relation que chacun continue à développer personnellement avec Dieu. En se tenant seul devant Dieu, le chrétien apaise son cœur, règle sa pensée et sa conduite selon la volonté de Dieu et s’édifie dans l’amour du Seigneur. Cela sera immédiatement bénéfique pour le couple, pour les enfants et pour l’Église, selon le principe du débordement de la grâce.

Notons que l’apôtre Paul dans sa première lettre à Timothée confirme cet ordre de priorité. En substance, il dit : Tu veux avoir une responsabilité dans l’Église, c’est très bien. Veille seulement à être d’abord fidèle dans ta vie de couple et dans ta vie de famille. Une phrase le dit de manière lapidaire : « Si quelqu’un ne sait pas diriger sa propre maison [cela vaut aussi pour les célibataires, d’ailleurs], comment prendra-t-il soin de l’Église de Dieu? » (1 Tm 3.5)3.

2. Qui influence qui?🔗

Il est certain (même si cela ne se voit pas toujours…) que toute bénédiction vécue dans le cadre de l’Église aura un retentissement dans la vie d’une personne et dans ses relations, jusque dans sa maison. Quelqu’un a dit ainsi : « Si un homme se convertit, même le chat de la maison doit s’en apercevoir! » Demandes de pardon, engagements de sincérité, esprit de service, prière en commun, etc. peuvent bien se nourrir de la prédication et de la communion fraternelle et enrichir la vie personnelle et familiale.

Cependant, l’inverse est vrai également. Ce qui se vit dans les maisons — en positif et en négatif — influence grandement la vie de l’Église, plus sans doute qu’on ne pourrait l’imaginer, y compris sur la base d’habitudes ou d’attitudes non dévoilées. Mon avis est que beaucoup de problèmes non réglés dans les Églises ont leur racine dans des situations non réglées dans la vie des couples et des familles. Le tabou qui enveloppe la vie privée empêche trop souvent d’aborder ces points de blocage, de résistance ou de tension, et les situations demeurent… malgré l’enseignement, malgré la prière. Cela est fort regrettable. Certes, ce n’est pas au pasteur ou aux anciens de diriger ce qui se vit dans les maisons à la place de ceux et celles qui ont cette charge. Cependant, osons dire qu’il ne devrait pas y avoir de domaines qui puissent s’abstraire d’une mise en lumière devant la Parole de Dieu. Paul dit bien que, quoi que nous fassions, en parole ou en acte, nous devrions le faire pour la gloire de Dieu (1 Co 10.31; Col 3.17). Rappelons-nous que le peuple d’Israël a subi une grave défaite, un jour, parce que quelque chose d’interdit était caché sous le tapis d’une tente dans une famille d’Israël — et personne ne le savait (Jos 7)4.

3. Voir ce qui est plus grand🔗

Tout sur la terre renvoie à quelque chose de plus grand. « Les cieux racontent la gloire de Dieu », écrit David (Ps 19.2). Le pain et le vin de la Cène renvoient aux noces de l’Agneau dans le Royaume de Dieu et la plus petite communauté renvoie à la multitude des rachetés.

Jésus a admiré la foi intelligente du centenier qui a comparé le rapport d’autorité qu’il avait avec ses supérieurs et ses subordonnés à la soumission que Jésus vivait vis-à-vis de son Père et à l’autorité qu’il avait dès lors pour commander qu’un malade soit guéri! (Lc 7.8-10).

Tout renvoie à quelque chose de plus grand : n’est-ce pas la raison pour laquelle nous remercions Dieu pour le pain que le boulanger a fait cuire, pour le repas que la maman (ou le papa, parfois!) a préparé? C’est ainsi que nous éviterons de donner aux choses que Dieu nous demande de vivre et de gérer ni plus d’importance qu’elles doivent en avoir… ni moins.

Nous l’avons déjà dit : l’attitude de l’épouse chrétienne renvoie à l’attitude de l’Église, l’Épouse de Christ, confiante, soumise, zélée et aimante. L’attitude des maris chrétiens renvoie à celle de Christ qui n’est « pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup » (Mt 20.28). L’attitude des mamans renvoie à l’amour protecteur de Dieu qui pourvoit à nos besoins (Ph 4.19), et celle des papas à la direction du Berger qui, lui aussi, protège et indique la direction à suivre. Enfin, l’attitude des enfants renvoie à celle des disciples confiants, obéissants, grandissant en maturité et en grâce.

Ainsi, ce que vit une Église (rassemblée ou dispersée, au lieu de culte, dans les maisons ou ailleurs) prêche plus fort et plus efficacement que les meilleures prédications.

En écrivant que « les parents doivent être les bergers de leurs enfants et gérer leurs maisons comme de petites Églises », Calvin ne confond pas la maison et l’Église. Il rappelle seulement que tout est lié et que si on est fidèle dans les petites choses, on le sera aussi dans les grandes (Lc 16.10). À cet égard, la fidélité que Dieu nous demande et nous donne de vivre en tant qu’homme ou femme est d’une grande importance. Elle est en partie mystérieuse, il est vrai, mais cela rappelle les limites à l’intérieur desquelles peuvent et doivent se vivre la grâce et la bénédiction.

Notes

1. Relation parents-enfants, relation de couple… : Lc 1.48-50; Jn 2.4; Mc 3.31.35; Mt 8.22; 10.37…

2. Le même raisonnement est appliqué à la relation entre maître et serviteur. S’ils sont tous deux chrétiens — et donc frères en Christ —, cela n’annule pas le rapport social de maître et de serviteur (1 Tm 6.2).

3. Notons qu’il n’est pas dit que le conjoint ou les enfants doivent nécessairement être chrétiens.

4. Cela peut s’expliquer de plusieurs manières. Cela tient en partie à ce qu’on peut appeler l’ordre de la création. En un sens, la vie de couple et de famille est primordiale, car elle est créationnelle : chrétiens et non chrétiens sont appelés à vivre cette disposition qui relève de l’ordre créé. Il est possible d’ailleurs d’observer que bien des non-chrétiens peuvent vivre leur engagement conjugal et familial avec autant voire plus de sagesse que bien des chrétiens. Cela touche à des questions aussi importantes que l’autorité, le service, le don de soi, le respect, la fidélité, etc. Si la vie d’un chrétien n’est pas ordonnée selon Dieu dans la vie de couple ou de famille, comment son engagement dans l’Église pourrait-il être fécond?

Cela tient aussi du rapport entre la sphère privée et la sphère dite publique. La Bible distingue sans doute les domaines, mais ne les sépare jamais. On a beau être un chrétien engagé, on ne passe que quelques heures par semaine avec les frères et sœurs dans la foi. Dans la maison, on vit bien d’autres moments d’intimité, de fragilité, de défaillance... Cela ne peut pas être mis entre parenthèses. Cela nous parle de l’importance de la visite pastorale (pasteurs et anciens). Si Dieu peut agir dans la maison, alors l’Église sera bénie, même si on ne dit rien!