Cet article a pour sujet le fondement du droit, qui est religieux, basé sur la Parole de Dieu, et non basé sur la science, la psychologie ou la sociologie, comme le prétend l'humanisme, où le droit est ce que l'État décide.

Source: Pénologie - Considérations sur la peine capitale. 4 pages.

Quel fondement pour le droit?

Toute considération chrétienne sur une question donnée — morale, sociale, psychologique, culturelle — suppose, il va de soi, un engagement théorique et pratique de nature religieuse. Nous entendons ce terme non pas au sens courant, celui que lui donne le dictionnaire, dans une acceptation « philosophique », « psychologique », « phénoménologique » ou « sociologique », mais au sens biblique originel, à savoir : la vie entière comme religion, fondée, motivée et orientée dans toutes ses expressions vers Dieu, celui de la révélation biblique, ou vers l’anti-Dieu, qu’il s’agisse d’un homme, d’une idée, d’un objet ou d’un acte. Ainsi que l’écrivait Hebden Taylor, professeur de droit à Dordt College, dans l’Iowa, « l’homme ne saurait vivre sans religion comme il ne saurait vivre en dehors de sa peau, pas même un seul instant ».

Ces remarques préliminaires s’imposent pour rendre clair et compréhensible notre point de départ. Nous tenons à montrer que la peine capitale, comme tant d’autres questions, n’est pas uniquement une affaire d’ordre juridique ou social, même pas moral, mais une question éminemment religieuse dans le sens que nous venons de donner à ce terme. Ce qui nous permet de signaler que le droit n’a pas de fondement théologique, mais simplement un fondement religieux. Nous expliquerons cela plus loin, mais nous expliquerons déjà notre pensée et notre approche dans ce premier paragraphe. Quel est le vrai fondement du droit ou d’une juridiction de la légalité? Ne pas aborder cette question de manière « religieuse », c’est la réduire à un seul aspect de sa réalité et à l’isoler singulièrement de son fondement même, qui seul pourra nous permettre un examen global de celle-ci. La question primordiale est donc celle que les penseurs grecs posaient à propos de chacune de leurs attitudes ou options : « pou stô? » Quel est le terrain sur lequel je me tiens?

Tout homme agit d’après sa foi religieuse. Même humaniste, celle-ci ne cesse d’être une foi de nature religieuse. Et son engagement ou préengagement fera en sorte que ses motivations et ses orientations établiront l’homme, et non pas Dieu, comme critère de référence à toute chose et à toute question, de même que les solutions envisagées et proposées ne tiendront pas compte de la révélation de la Parole de Dieu concernant la totalité de l’existence et toutes les activités humaines.

En affirmant cela, nous n’avons pas la prétention d’avoir révélé des mystères que tout lecteur averti de la Bible n’eût pu trouver tout aussi bien — et même peut-être plus complètement — que nous-mêmes. Nous voulons simplement affirmer le caractère réductionniste de l’humanisme, avec ses multiples et contradictoires réponses qu’aucune discipline scientifique moderne ne réussit à unifier en un ensemble cohérent (qu’il s’agisse des sciences physiques, de la psychologie, de la sociobiologie, etc.).

Contrairement à la Parole qui inspire et régit aussi bien les théories que les pratiques, la pensée humaniste, en dépit de ses acharnements, ne nous livre depuis plusieurs siècles qu’une connaissance partielle, fragmentée et mutilée de la réalité créée, et plus particulièrement de l’homme créé. La pensée humaniste témoigne ainsi de la détresse de l’homme moderne livré entre les mains de multiples spécialistes plus incapables les uns que les autres de trouver le sens et d’accorder la réponse.

Mais l’humanisme athée n’est pas le seul responsable de ce réductionnisme. La théologie scolastique qui a réduit le motif central de l’existence à une simple question morale, ainsi que les diverses interprétations spiritualistes protestantes ne cherchant qu’un salut de l’âme sans plus, abandonnant la direction de la vie courante et réelle — tenue pour profane — aux soins d’un humanisme ouvertement athée ou vigoureusement païen, sont à leur tour des attitudes réductionnistes. En un mot, les chrétiens ont, eux aussi, complètement perdu de vue ce que dans un admirable petit ouvrage Harry Blamires appelle « l’esprit chrétien » (The Christian Mind). Toutes les questions modernes sont envisagées par l’humanisme sous tel ou tel angle (psychologie, anthropologie, sociologie, etc.) lesquelles, même réunies ou juxtaposées, quand ce n’est confusément amalgamées, ne forment qu’un amas de connaissances cherchant à se substituer radicalement à la Parole de Dieu, qui est pourtant le seul facteur de véritable unité. Elles proposent, voire imposent, des solutions sur tous les sujets actuellement controversés, tels l’euthanasie, l’insémination artificielle des femmes, la stérilisation des hommes, la légalisation de la pornographie et celle de l’homosexualité, etc.

Sous couvert de nouvelles connaissances scientifiques de la nature de l’homme et de sa situation présente, les lois existant jadis sont remplacées par la psychologie ou la psychiatrie, par exemple. Cette nouvelle anthropologie donnera naissance à une « nouvelle morale » suivie, ou déjà précédée, par la nouvelle légalité. Ayant les prétentions de battre en brèche les données de la révélation biblique (l’enjeu est ici entre psychologie et création), les sciences sécularisées voudraient non seulement réfuter l’image biblique de l’homme ou jeter aux orties la morale chrétienne, mais, ainsi que le démontre brillamment Hebden Taylor, dans son ouvrage La philosophie chrétienne du droit, créer encore une nouvelle légalité et un nouveau droit.

De son côté, Rousas John Rushdoony attire l’attention sur l’insuffisance des définitions que le dictionnaire donne au mot loi :

1. Règle d’action établie par une autorité reconnue en vue de renforcer la justice et de prescrire le devoir et les obligations…

2. Système de règles et de régulations reconnu par les hommes ou par les peuples et appliqué par les tribunaux.

Selon Emmanuel Kant, « toute formule qui exprime la nécessité d’une action sera appelée loi ».

Rushdoony précise que ce ne sont là que des définitions. En réalité, ce sont des évasions du réel, fuites hors de la réalité. Une définition ne fait qu’expliquer et poser les limites d’un objet, ou encore montrer les contextes d’un concept. Pourtant, la loi ne peut être ni expliquée ni définie sans référence à son fondement religieux. La loi s’occupe des affaires relevant de la justice ou de l’autorité établie, des devoirs et des obligations, c’est-à-dire de tout ce qu’il y a de plus religieux et, par conséquent, des questions d’intérêt ultime de l’existence. Divorcée de la religion, la loi est devenue actuellement une préoccupation exclusive des choses sociologiques, orientée vers des nécessités dites sociales ou vers des dogmes réputés scientifiques.

Cette révolution dans le domaine de la loi et du droit a rejeté la foi chrétienne pour lui substituer une foi athée, laquelle, toute athée qu’elle soit, n’en demeure pas moins religieuse. L’humanisme non théiste, de même que certaines grandes religions non théistes, est une force religieuse de tout premier ordre. Non seulement elle veut devenir une religion universelle, mais elle est encore intolérante entre toutes à l’égard des autres religions. Théoriquement, elle ne fait pas de discrimination, mais en fait, elle n’accepte aucune expression dogmatique à côté de la sienne. Toute autre religion sera éventuellement tolérée et subsistera grâce à ses faveurs, à condition de reconnaître son universalité. En cela, elle nous rappelle l’attitude de la religion romaine, tolérant toutes les religions excepté la foi de l’Église chrétienne naissante, et ce, pour cause. Celle-ci mettait en question la prétendue suprématie du pontifex maximus qu’était l’empereur romain, « fils divin » annonciateur d’un évangile horizontal…

Totalitaire, le droit humaniste découle d’une conception prétendument scientifique de la réalité, celle de l’évolution. L’univers humaniste est un univers « évoluant », en expansion, curieusement appelé « ouvert », en contraste avec celui de la révélation biblique qui, lui, est considéré comme un « univers clos ». Cette présentation n’est pas seulement injuste vis-à-vis de la pensée chrétienne, mais elle renverse toute la réalité. Comment, en effet, appeler honnêtement univers « ouvert » un monde dont les perspectives — même devant les fenêtres largement ouvertes — ne renvoient l’homme qu’à sa propre image, projetée sur un écran à sa dimension? En revanche, l’univers chrétien qui n’a besoin ni d’évolution ni d’expansion, au sens où on l’entend couramment, ouvre ses fenêtres vers celui qui en est l’origine et qui demeurera jusqu’à la fin Créateur et Providence, Fondement et Libération.

Totalitaire, cette nouvelle conception de la loi n’est pas particulière aux régimes des oligarchies despotiques. Plus insidieusement, elle étend son hégémonie sous les cieux plus cléments de nos démocraties libérales. Entre les mains de l’étatisme moderne, la loi humaniste fait de l’État la seule et exclusive compétence, le pouvoir total sur toutes les matières, en particulier sur la juridiction. L’intrusion de l’État dans tous les domaines lui permet de tout prendre en charge et de contrôler l’homme tout entier, de manière « religieuse », dans des domaines aussi divers que l’éducation des jeunes, l’agriculture, la science, la gériatrie, l’eugénisme, l’avortement… L’État est promu au rang de dieu, chargé de veiller à ce qui est considéré comme le bien-être du citoyen. Désormais, il assume la pleine responsabilité, celle de Dieu, en suppléant à ses desseins éternels, et sa programmation remplace de manière toute pragmatique la providence et la prédestination de Dieu dans la Bible. En réclamant pour lui de tels droits, l’État se place au-dessus de la loi, et naturellement, au-dessus des citoyens.

L’État humaniste moderne est fondamentalement une organisation qui exerce le contrôle des pouvoirs législatifs et juridiques. Par conséquent, le droit est ce que l’État décide.

Les chrétiens de notre époque se sont trop facilement accommodés de la société pluraliste. Se posent-ils encore la question de savoir quels sont les fondements non seulement de leur foi, mais encore ceux de la vie sociale, politique, morale et légale? De quelle manière la Parole des pages de l’Écriture sainte pourra régir efficacement l’ensemble de leur vie et celle de la société dans laquelle ils doivent mener un combat acharné pour la défense des droits aliénables que Dieu confère à la personne humaine? Quelques pâles références à un évangile tout à fait désincarné, juste bonnes pour régler certains problèmes relevant exclusivement de la vie de l’Église, ne suffisent pas pour mener ce combat redoutable.

Même des « considérations bibliques sur la peine capitale » n’échapperont pas à la question préalable de savoir quel est le fondement du droit et quelle est la conception biblique de la justice.

Placés sur le terrain biblique, nous opterons pour une attitude « principielle » en matière de légalité ou pour reprendre un terme cher aux Anglo-saxons, pour une approche « réformationnelle ».

Sans doute, au regard de l’humanisme moderne avec sa conception des droits de l’homme, la peine capitale sera considérée comme le péché impardonnable contre l’humanité. En dépit pourtant de ses bonnes intentions et son souci de défendre l’homme, il devient de plus en plus évident que l’humanisme a détruit, peut-être à son insu, tout concept correct de justice et tout critère objectif. Ceci se trouve dans sa nature même, dans sa vision d’un amour romantisé et surtout dans sa conception poétisée de la justice qui, hélas!, contrôle et dicte la pensée, les discours et les actes non seulement des humanistes, mais encore de beaucoup d’hommes d’Église. Il nous faut reconnaître que la sécularisation a envahi nombre d’Églises et qu’elle est l’esprit et le discours qui les animent.

Une nouvelle forme de transsubstantiation apparaît qui change des concepts en leur opposé, et les prend l’un pour l’autre. Il en résulte par exemple la conviction que le crime est la conséquence de l’environnement. Ici, la responsabilité individuelle n’existe plus. Il y a seulement des victimes malades de leur environnement. Par conséquent, « l’environnementalisme » plaidera non seulement pour l’acquittement juridique de l’accusé, à vrai dire simple victime, mais subsistera encore à ce qui est juridique un traitement de nature médicale. Un élément a été pris pour un autre. Peut-être que le paragraphe suivant consacré à une certaine conception de la justice nous permettra de mieux saisir la nature et le mode de ces échanges illégitimes entre deux concepts d’ordre différent.