La souffrance a-t-elle un sens?
La souffrance a-t-elle un sens?
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Les constats que rejoint la Parole de Dieu
a. Nous acceptons l’alternance des situations
b. Nous acceptons que ceux qui aiment le Seigneur souffrent aussi
c. Nous acceptons de ne pas tout comprendre -
Ce que l’Écriture nous apprend par ailleurs
a. Dieu est saint, pur de tout mal
b. Le premier mal : l’impiété
c. La grâce générale et la patience de Dieu -
La pédagogie de Dieu
a. Le travail et les douleurs de l’enfantement
b. Le désert pour écouter Dieu
c. Le creuset et la purification du cœur -
L’étape de la maturité
a. Aller vers ce qui est plus précieux
b. L’aptitude à souffrir, si Dieu le veut
c. Notre bien ou la gloire de Dieu?
La souffrance a-t-elle un sens? Une question pratiquement incontournable, mais qui s’avère redoutable, notamment pendant le temps où l’on souffre. En d’autres termes, on n’en parle pas forcément de la même manière selon qu’on va bien ou selon qu’on est affligé… Une question qui requiert une écoute intérieure, comme l’a vécu le fils prodigue dès lors qu’il est « entré en lui-même » (Lc 15.17). La joie est venue prendre place, peu après. Pour lui, c’est vrai; mais aussi pour son père qui attendait…
1. Les constats que rejoint la Parole de Dieu⤒🔗
Par exemple, pratiquement tout le monde, croyant ou pas, peut dire que la vie est à la fois merveilleusement belle et terriblement dure. Ces constats sont importants, même s’ils posent plus de questions qu’ils en résolvent. Où est Dieu quand je souffre?
Ces constats sont importants dans le sens où nous sommes à la fois témoins et participants de ce qui se passe. Ils sont importants parce qu’ils offrent un terrain commun entre tous les hommes, même de conditions différentes. Leur importance est également confirmée par le fait que la Bible ne les nie aucunement : aucun des auteurs bibliques ne nie le caractère bousculant et parfois dramatique de la souffrance. Tout en révélant des réalités cachées — ce sera notre deuxième point — la Bible est réaliste. Pour la Bible, vérité et réalité sont indissociables.
Dans cette partie, je retiens trois constats. Comme ce sont des faits, il nous faut les accepter, en tout cas pour le moment.
a. Nous acceptons l’alternance des situations←↰⤒🔗
« La femme, lorsqu’elle enfante, éprouve de la tristesse, parce que son heure est venue; mais, lorsqu’elle a donné le jour à l’enfant, elle ne se souvient plus de la souffrance, à cause de la joie qu’elle a de ce qu’un homme est né dans le monde » (Jn 16.21).
L’Association pour le droit de mourir dans la dignité milite pour rendre possible le suicide assisté quand la vie d’une personne ne lui paraît plus digne d’être vécue. Mais qui peut exclure qu’un chemin sombre et escarpé puisse de nouveau être baigné de lumière et offrir une vue magnifique1?
Les moments les plus beaux peuvent être suivis de moments bien difficiles. L’inverse est vrai également. Dans un cas, on croit défaillir. Dans l’autre, c’est comme une résurrection!
Trop de joie nous rend aveugles. Trop de douleur aussi. C’est comme une ivresse. On se souvient d’Anne, la mère de Samuel2. On se souvient aussi de Rachel « qui n’a pas voulu être consolée » (Mt 2.18). Il est difficile d’être juste quand on est aveugle… Celui qui souffre est tenté de penser qu’il n’y a que lui qui souffre. Est-ce juste?
Je pense à cette exhortation de Paul : « Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent; pleurez avec ceux qui pleurent » (Rm 12.15). S’agit-il d’instabilité émotionnelle? Au contraire : il s’agit de dépasser ma propre tristesse et ma propre joie, étant en communion avec ceux qui passent par des situations éventuellement très différentes des miennes3. C’est un peu monter sur la montagne pour mieux comprendre…
N’est-ce pas ce à quoi Paul nous invite, ailleurs :
« Voici ce que je dis, frères, c’est que le temps est court; que désormais ceux qui pleurent soient comme ne pleurant pas, ceux qui se réjouissent comme ne se réjouissant pas, car la figure de ce monde passe. Or, je voudrais que vous fussiez sans inquiétude… » (1 Co 7.29-32).
C’est l’esprit des Béatitudes.
Cette alternance est encore visible, je trouve, dans cette parole de Jésus : « Celui qui croit en moi vivra, même s’il meurt » (Jn 11.25). Tout homme vivant va passer par la mort, ce qui, selon beaucoup, est de nature à rendre impossible tout véritable bonheur4. Mais Jésus annonce une vie après la mort. Pour qui y songe dans la foi, cela change tout, également. Nous y reviendrons en parlant de la foi et de l’espérance.
Verset difficile : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur » (Ph 4.4). Le sens est : en tout temps, en toutes circonstances. Il y a évidemment là une dimension de foi qui dépasse la raison naturelle et ce que l’âme peut ressentir par elle-même. La joie dont il est question est celle que Jésus connaissait, « parfaite » (Jn 15.11; 17.13), y compris au milieu de beaucoup de tristesses. « Que ma joie demeure » : c’est celle qui est, portée par le Saint-Esprit, en lien étroit avec l’espérance et l’amour. Nul ne nous la ravira (Jn 16.22). Cette dimension est déjà exprimée au Psaume 112, au sujet de celui qui craint l’Éternel : « Il ne craint pas les mauvaises nouvelles, son cœur est ferme, confiant en l’Éternel » (Ps 112.7).
b. Nous acceptons que ceux qui aiment le Seigneur souffrent aussi←↰⤒🔗
La souffrance du croyant est maintes fois évoquée dans les Psaumes. « Et moi, je suis un ver et non un homme, l’opprobre des hommes et le méprisé du peuple » (Ps 22.7). « Chaque jour, je suis frappé, et tous les matins mon châtiment est là » (Ps 73.14).
Je pense à Jean-Baptiste, dont Jésus dit qu’aucun homme, jusqu’à lui, ne fut aussi grand que lui (Mt 11.11). Jean-Baptiste est mort décapité dans un cachot par le caprice d’une femme (Mt 14.8). Avait-il été infidèle? Cela n’est pas dit, pas plus que pour Étienne, lapidé sous le regard de Saul (Ac 7.57-60), ou pour Jacques qu’Hérode fit périr, tandis que Pierre était seulement emprisonné (Ac 12.1-3). Jésus n’aimait-il pas Jean-Baptiste? Il est évident que Jésus l’aimait et l’estimait au plus haut point.
En un sens, les croyants souffrent plus que les autres, car leur foi est troublée. « Pourquoi, ô Éternel, te tiens-tu éloigné, pourquoi te caches-tu au temps de la détresse? » (Ps 10.1).
« Jusqu’à quand, Éternel, m’oublieras-tu sans cesse? Jusqu’à quand me cacheras-tu ta face? Jusqu’à quand aurai-je des soucis dans mon âme et chaque jour des chagrins dans mon cœur? » (Ps 13.2).
Asaph confie son désarroi de manière explicite dans le Psaume 73 :
« Oui, Dieu est bon pour Israël, pour ceux qui ont le cœur pur. Toutefois, mon pied allait fléchir, mes pas étaient sur le point de glisser. […] Quand j’ai réfléchi là-dessus pour m’éclairer, la difficulté fut grande à mes yeux » (Ps 73.1-2, 16).
On pense évidemment au cri terrible de Jésus en croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » (Mt 27.46). Ils ont cru qu’il appelait Éli. Solitude totale.
Dans son livre Le matin vient5, le pasteur Jean Cadier, un des principaux artisans du Réveil de la Drôme, raconte que, revenant d’une mission en Ardèche, la barre de direction de sa voiture céda et il percuta violemment un platane au bord de la route. Il crut sa dernière heure arrivée et se confia en Dieu. Avait-il prié moins longtemps ce matin-là? Il dira : « J’ai appris que mon statut de serviteur de Dieu ne protégeait nullement, et mon assurance en sortit grandie. »
Le chrétien souffre comme les autres : une grippe est une grippe. En même temps, le chrétien, osons le dire, ne souffre pas comme les autres, car il n’est pas « sans espérance et sans Dieu dans le monde » (Ép 2.12). La parabole du sage et de l’insensé (Mt 7.24-27) en témoigne : la pluie, les torrents et le vent se jettent sur la maison de l’un et de l’autre. Mais une s’écroule tandis que l’autre tient bon.
« Quelqu’un parmi vous est-il dans la souffrance? Qu’il prie! », écrit Jacques (Jc 5.13). Parmi vous? Il s’agit des disciples. Oui, il y avait des pauvres dans l’Église de Jérusalem (Rm 15.26), et évidemment des veuves et des orphelins parmi les chrétiens (Ac 6.1; 1 Tm 5.4).
Verset difficile : « Aucun malheur ne t’arrivera » (Ps 91.10). Ce verset est à rapprocher du Psaume 34.20 qui affirme que « le malheur atteint souvent le juste ». Ces affirmations ne nous apparaissent pas contradictoires, mais paradoxales, éclairées par l’intention de l’auteur. Quand le Psaume 23 dit : « Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal » (Ps 23.4), il associe les deux, en affirmant le secours efficace de Dieu jusque dans le malheur! Paul dit la même chose quand il affirme que « ni le péril ni l’épée ne nous sépareront de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ » (Rm 8.35-39). En d’autres termes, l’assurance du croyant n’exclut ni le péril ni l’épée. « Le malheur atteint souvent le juste, mais l’Éternel l’en délivre toujours », écrit David. La délivrance ne concerne pas le malheur, mais la chute à cause du malheur6.
c. Nous acceptons de ne pas tout comprendre←↰⤒🔗
J’aurais pu commencer par là. C’est une bonne partie du sens du livre de Job7. Ce fut la foi de David, exprimée merveilleusement dans le Psaume 131. Ce fut la sagesse des réformateurs : « Il faut être fou pour chercher à comprendre ce qu’il n’a pas plu à Dieu de révéler », écrit Luther. En cela, ils diffèrent de bien des théologiens d’aujourd’hui qui croient bien faire en « sortant de la foi » et en adoptant les outils des sciences humaines pour mieux expliquer la Parole de Dieu. Jésus lui-même fut troublé à divers moments de sa vie (devant le tombeau de Lazare, à Gethsémané, sur la croix…). « Il a appris, bien qu’il fût Fils, l’obéissance par les choses qu’il a souffertes », dit la lettre aux Hébreux (Hé 5.8). Cette souffrance a été en grande partie celle d’un renoncement8…
La Seconde Confession helvétique9, écrite par le réformateur Henri Bullinger au 16e siècle, affirme que le respect de l’Écriture implique le refus de toute spéculation métaphysique qui revient à outrepasser les vérités révélées. Bullinger donne deux exemples : le numerus clausus en rapport avec l’élection, sur lequel l’Écriture ne donne pas de réponse unilatérale, Jésus se contentant de dire que la porte est étroite; et les tentatives de rendre transparentes les causes profondes de la chute de l’homme, tentatives qualifiées de quaestiones curiosas : des questions oiseuses. Bullinger, à la suite de Calvin, rappelle que nous avons à respecter les limites posées par l’Écriture et à mettre en suspens notre logique de créatures dès que nous voyons « la bouche sacrée de Dieu fermée10 ».
Accepter de ne pas tout comprendre, est-ce un refus de réfléchir? Charles Spurgeon a le droit d’écrire : « Quant à moi, je suis persuadé que la chute faisait elle-même partie du plan de Dieu. Qui pourrait s’appuyer sur un Dieu de hasard?11 » Il s’agit seulement de se souvenir que le premier péché a été la transgression d’une limite, la quête d’une connaissance qui n’appartenait qu’à Dieu. Dans notre condition, et bien qu’il fut Fils de Dieu, Jésus n’a pas craint de dire : « Pour ce qui est du jour et de l’heure, personne ne le sait, ni les anges des cieux, ni le Fils, mais le Père seul » (Mt 24.36).
Verset difficile : « Les hommes livrés au mal ne comprennent pas ce qui est juste, mais ceux qui cherchent l’Éternel comprennent tout » (Pr 28.5). Il importe ici de rappeler une règle importante d’interprétation biblique. Les mots « tout » ou « tous » indiquent bien une globalité, mais celle-ci s’inscrit généralement dans un cadre défini12. Dans ce verset des Proverbes, il faut évidemment comprendre : Tout ce qu’il est nécessaire de comprendre pour diriger sa vie d’une manière juste, et pas tout de manière encyclopédique! Nous comprenons ce même sens, quand le Psaume 23 dit : « Je ne manquerai de rien. » Une personne qui se confie en Dieu peut dire cela même si elle possède peu de choses, car Dieu connaît ce dont elle a besoin (Mt 6.32; Ph 4.19)!
2. Ce que l’Écriture nous apprend par ailleurs←⤒🔗
Les constats sont importants. Le Psaume 19 (Ps 19.2-7) ou Paul (Rm 1.18-21) disent que l’homme est inexcusable, car tout ce qu’on peut connaître de Dieu est visible dans sa création. Cependant, devenu aveugle et inintelligent, l’homme a besoin d’une révélation plus explicite (Ps 19.8-11; 119.89-93; Jn 1.12; Hé 1.1-2). Nous mettons sous nos yeux quelques affirmations fondamentales de la révélation biblique13.
a. Dieu est saint, pur de tout mal←↰⤒🔗
Cette affirmation est trop souvent présente dans l’Écriture pour qu’il soit nécessaire de l’étayer ici. Quand Jésus nous enseigne à dire : « Que ton nom soit sanctifié » (Mt 6.10), cela signifie : reconnu comme saint et manifesté comme tel par notre conduite. C’est ce que fit Job, après les malheurs qui l’ont touché :
« Sa femme lui dit : Tu demeures ferme dans ton intégrité! Maudis Dieu, et meurs! Job lui répondit : Tu parles comme une femme insensée. Quoi! nous recevons de Dieu le bien, et nous ne recevrions pas aussi le mal! En tout cela, Job ne pécha point par ses lèvres » (Jb 2.9-10).
Que nous comprenions ou pas, la certitude qui doit demeurer est que Dieu ne se trompe pas. La description par le philosophe protestant Soren Kierkegaard de l’épreuve d’Abraham conduisant son fils Isaac au sacrifice est saisissante, à cet égard.
« La nouvelle que nous avons apprise, c’est que Dieu est lumière, et qu’il n’y a pas en lui de ténèbres », écrit Jean (1 Jn 1.5). « Y a-t-il en Dieu de l’injustice? Loin de là! », s’exclame Paul (Rm 9.14). Cela peut et doit nous accompagner dans les circonstances les plus inconfortables qui puissent survenir. Nous songeons à Jésus priant à Gethsémané : « Étant en agonie, il priait plus instamment, et sa sueur devint comme des grumeaux de sang, qui tombaient à terre » (Lc 22.44).
Verset difficile : « N’est-ce pas de la volonté du Très-Haut que viennent les maux et les biens? » (Lm 3.38).
« Dieu n’est pas directement la cause des problèmes de Job. Il les a seulement permis, mais c’est Satan qui a causé la souffrance. Dieu ne peut pas infliger le mal, qui est contraire à sa nature profonde. Il lui suffit de retirer sa grâce, de relever son aile protectrice, pour que le mal reprenne ses droits et nous frappe. Les déistes pensent que Dieu s’est retiré du monde après l’avoir créé. Or, les lois naturelles montrent que Dieu prend soin durablement de toutes ses créatures et qu’il veille sur elles.14 »
b. Le premier mal : l’impiété←↰⤒🔗
J’introduis ici une approche peu commune, qui prend en compte la souffrance de Dieu. Personne n’y songe… Elle permet cependant d’opérer une sorte de conversion de la pensée qui semble s’accorder vraiment avec la révélation biblique : le coupable n’est pas Dieu!
Quand nous lisons la Genèse, nous constatons en effet que le premier mal n’est pas une blessure, c’est une transgression. Paul le dit ainsi : « Par une seule offense, la condamnation a atteint tous les hommes » (Rm 5.18). Et Jésus nous enseigne à demander à Dieu de « nous pardonner nos offenses » (Mt 6.12). Certes, nous voyons que nous sommes pécheurs et que cela a des conséquences multiples pour nous. Nous oublions que tout péché est contre Dieu qui est le premier offensé (Ps 51.6). Paul dit cela dans sa lettre aux Romains : « La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui retiennent injustement la vérité captive. […] Ils sont donc inexcusables » (Rm 1.18, 21).
Parmi les conséquences du péché des hommes, il y a certes la souffrance répandue, parfois de manière anarchique et en apparence injuste, la souffrance des innocents, comme on dit. Nous voyons cela et nous nous souvenons que Dieu est compatissant et secourable. Mais aucune souffrance ne justifie la victimisation à laquelle on assiste souvent, qui devient une sorte de prison de laquelle on ne parvient plus à sortir… Beaucoup d’hommes et de femmes justifient leur incrédulité par les souffrances rencontrées. Jésus révèle que la vraie raison est le refus de se reconnaître pécheur devant Dieu (Jn 3.19), ce qui est le fruit d’un endurcissement du cœur (Ép 4.18)15 et d’un mensonge (1 Jn 1.6, 8).
Qu’entend-on par impiété? Le manque de reconnaissance envers Dieu; le manque d’égard par rapport à sa personne et à sa volonté. L’homme impie est appelé « méchant » dans la Bible, même si, par ailleurs, il est très gentil.
Verset difficile : « Pourquoi l’homme vivant se plaindrait-il? Que chacun se plaigne de ses propres péchés. Recherchons nos voies et les sondons, et retournons à l’Éternel » (Lm 3.39-40). Ce verset peut choquer s’il laisse penser que Dieu serait insensible à toute souffrance. Or nous savons que ce n’est pas le cas : Dieu est compatissant, il souffre avec celui qui souffre. Ce verset ferme seulement la voie vers une impasse : se plaindre durablement ne fera rien avancer. Si une chose arrive, Dieu l’a permise, même si cela est difficile à comprendre, à accepter. Dieu ne se trompe pas. Il est souverain et peut permettre, au travers d’un mal, un bien plus grand. La victimisation est une impasse, un mensonge, un piège dont il faut sortir au plus vite.
c. La grâce générale et la patience de Dieu←↰⤒🔗
L’impiété met en évidence la culpabilité des hommes; la grâce générale manifeste la bonté de Dieu. On pourrait le dire ainsi : l’homme, placé sous la condamnation, ne mérite rien de bon, pas même l’air qu’il respire. Non seulement Dieu lui donne l’air à respirer, mais aussi des jours et des années, « les pluies et les saisons fertiles, la nourriture en abondance et même de la joie dans les cœurs » (Ac 14.17). Cette grâce générale repose de manière formelle sur l’alliance offerte à Noé après le déluge (Gn 8.21-22; 9.8-17). C’est en vertu de cette grâce — pas à salut, mais grâce quand même — que « Dieu fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, qu’il fait pleuvoir sur les justes et les injustes » (Mt 5.45).
Pas à salut, mais grâce quand même. On l’appelle aussi « grâce commune », ou encore « grâce de survie », ce qui dit bien la précarité de la condition de l’homme pécheur devant Dieu. En d’autres termes, quelle que soit la situation rencontrée — et Dieu sait si certaines situations sont cruelles — il est possible de dire que cela pourrait être pire. Le mal n’est pas étonnant, c’est le bien qui l’est!
Cette vision pessimiste de la condition de l’homme fut celle des auteurs bibliques dont les écrits ne devraient pas être lus à la lumière des présupposés humanistes si répandus aujourd’hui16. L’Ecclésiaste ne dit-il pas qu’un enfant mort-né est plus heureux que celui qui vivrait cent ans, car il ne voit pas le mal qui se commet sur la terre (Ec 6.3-6). L’apôtre Paul ne crie-t-il pas son impatience de « s’en aller et d’être avec Christ » (Ph 1.23; voir 2 Co 5.8). Cette vision pessimiste de la condition de l’homme fut celle des réformateurs17. Est-elle morbide? Non, elle exalte la grâce de Dieu qui répand ses bienfaits et use de patience! Elle invite l’homme à renoncer à ses illusions et à se confier en Dieu seul.
Le thème de la patience de Dieu, souvent mentionné dans l’Écriture, doit être mentionné ici. « Dieu use de patience », écrit Pierre (2 Pi 3.9). Autrement dit, Dieu pourrait à tout moment exercer son jugement et mettre une fin définitive à toute arrogance, à toute méchanceté, à toute injustice, à toute souffrance. Mais qui échapperait à ce jugement? Le dessein de Dieu est qu’aucun ne se perde de ceux qu’il a élus pour le salut. C’est pourquoi c’est encore le temps de sa patience : « Encore un peu, un peu de temps : celui qui doit venir viendra, et il ne tardera pas » (Hé 10.37).
Il est vrai qu’à cette patience est liée l’épreuve du temps pour ceux qui souffrent. Cela est clairement pris en compte dans la Bible : la prière sacerdotale de Jésus (Jn 17), l’intercession constante du Seigneur pour les siens (Rm 8.34; Hé 7.25; Ap 3.5), le ministère de défenseur-consolateur du Saint-Esprit dans le cœur des croyants (Jn 14.16), les ministères de nature pastorale et diaconale18, etc., nous en donnent l’assurance19. Nous devrions cependant considérer que cette patience exalte surtout la bonté de Dieu : « Méprises-tu les richesses de sa bonté, de sa patience et de sa longanimité, ne reconnaissant pas que la bonté de Dieu te pousse à la repentance? » (Rm 2.4).
Verset difficile : « Il donne la nourriture à toute chair, car sa miséricorde dure à toujours » (Ps 136.25). Ce verset nie-t-il la réalité des famines? La réponse est non, puisque des disettes et des famines sont mentionnées dans l’Écriture. Ce verset dit une évidence : la terre, bien que maudite, produit de la nourriture pour les hommes et pour les bêtes, généralement avec abondance. C’est cette situation-là qui doit nous paraître étonnante et source de louange, tandis que les périodes de pénurie, aussi cruelles soient-elles, sont dans la logique de la malédiction. Il en est de même pour la santé et pour la maladie. L’idée d’un mérite direct doit généralement être écartée.
3. La pédagogie de Dieu←⤒🔗
a. Le travail et les douleurs de l’enfantement←↰⤒🔗
Nous comprenons sans peine que ces deux réalités sont associées à la malédiction qui a résulté du péché, avec la peine qui caractérise tout travail, dorénavant (Gn 3.17-19). On pense aux douleurs de l’enfantement — qui comprennent sans aucun doute l’éducation des enfants devenue fastidieuse (Gn 3.16; Pr 22.15). Cette expression (les douleurs de l’enfantement) est utilisée pour évoquer la souffrance de la création tout entière (Rm 8.22), mais aussi l’avènement du Royaume de Dieu au sein d’une humanité corrompue. La douleur de l’enfantement est associée à de l’angoisse et à une dimension de ruine et même de mort, présente en même temps que la vie apparaît avec difficulté (2 Co 11.28; Ga 4.19; 1 Th 5.3; Ap 12.2.).
Il n’est pas difficile d’y reconnaître ce que l’on appelle « l’œuvre de la croix » sans laquelle aucune résurrection n’est possible. Cette dimension de la croix, rappelons-le, est scandaleuse pour la raison humaine, contraire à toute aspiration naturelle des hommes…
De la même manière, l’absence de travail est synonyme de famine, faute de moisson. « Il faut que le laboureur travaille avant de recueillir les fruits », rappelle Paul (2 Tm 2.6; voir 1 Co 9.10). « Voilà deux ans que la famine est dans le pays; et pendant cinq années encore, il n’y aura ni labour ni moisson » (Gn 45.6; voir Am 9.13). Ce travail est fastidieux, marqué par la patience, par l’endurance (Jc 5.7). Et il n’est pas difficile d’associer le travail avec le brisement sans lequel aucun fruit ne peut être attendu20.
Ce brisement, Jésus lui-même l’a vécu, bien que sans péché : « Il a plu à l’Éternel de le briser par la souffrance » (És 53.10). Combien plus il est nécessaire dans la vie de l’homme pécheur. « Avant d’avoir été humilié, je m’égarais; maintenant, j’observe ta Parole » (Ps 119.67). « Il m’est bon d’être humilié, afin que j’apprenne tes statuts » (Ps 119.71). « Ainsi parle le Très-Haut : Je suis avec l’homme contrit et humilié, afin de ranimer les esprits humiliés, afin de ranimer les cœurs contrits » (És 57.15).
Est-ce volontiers que Dieu humilie les hommes? La réponse est non. Mais c’est une nécessité, comme le dira aussi Paul. « C’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le Royaume de Dieu » (Ac 14.22; voir 2 Co 4.6, 11-12; 8.2; 1 Th 1.6). L’humiliation est un choix de foi qui incombe à l’homme (Jc 4.10; 1 Pi 5.6). Dieu humiliera celui qui s’y refuse…
Remarquons combien est forte aujourd’hui la tentation d’annoncer un Évangile qui soit empreint de sagesse humaine ou de merveilleux (1 Co 1.22-23)21, mais qui esquive cet aspect humiliant, inconfortable, de l’échec et du brisement… Quant à nous, nous devons accepter que cela ne soit pas la caractéristique de la conversion seulement, mais aussi de toute la vie chrétienne, comme le dit Paul (2 Co 2.4). Nous disons cela, normalement, chaque fois que nous prenons le pain et le vin du repas du Seigneur.
b. Le désert pour écouter Dieu←↰⤒🔗
Que le peuple de Dieu, oublieux et infidèle, soit conduit « au désert » pour entendre enfin Dieu parler à son cœur (Os 2.16), la plupart d’entre nous peuvent le comprendre, même si le désert est, par excellence, le lieu inconfortable où on n’a pas envie d’aller. L’expérience du fils prodigue en illustre la nécessité. Mais que Jésus ait été conduit « par l’Esprit au désert pour y être éprouvé22 par le diable » (Mt 4.1), cela peut nous paraître surprenant. C’est pourtant ce qui s’est passé. Jésus avait-il besoin d’être corrigé, comme « l’enfant dont le cœur est touché de folie » (Pr 22.15)? Il nous semble que non. Nous devons cependant nous souvenir que Jésus, durant sa vie terrestre, a partagé notre condition, exactement, entièrement. Nous savons qu’il « a présenté avec de grands cris et avec larmes des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort; qu’il a été exaucé à cause de sa piété [Osterwald dit : “de sa crainte”] et qu’il a appris, bien qu’il fût Fils, l’obéissance par les choses qu’il a souffertes » (Hé 5.7-8).
La dimension du désert peut aisément être associée à celle du jeûne : la privation pour un temps (plus ou moins long) d’une chose bonne, en vue d’une meilleure. Nous notons que l’objectif n’est pas d’obtenir ce que l’on veut, mais ce que Dieu veut23.
c. Le creuset et la purification du cœur←↰⤒🔗
Comme le travail, comme le désert, l’image du creuset évoque l’inconfort total, l’étape qu’on voudrait éviter à tout prix. Plus encore que le travail et le désert, le creuset illustre la purification toujours plus profonde de notre cœur, le perfectionnement de notre sanctification. « Tu nous as éprouvés, ô Dieu! Tu nous as fait passer au creuset comme l’argent » (Ps 66.10; voir Pr 27.21; És 48.10)24.
Cette purification toujours plus grande peut passer pour superflue aux yeux de certains : le pardon de nos péchés n’est-il pas suffisant? C’est oublier la sainteté de Dieu qui, au contraire de nous, ne s’habitue pas au péché…, notamment au sein de son peuple (Ép 4.30); c’est oublier la préservation de notre cœur (Pr 4.23), devenu temple du Saint-Esprit et source de vie (Jn 4.14; 7.38-39; Rm 5.5); c’est oublier la perspective de la croissance et de la maturité dans le témoignage, dans le service que Dieu nous confie.
Cela est sans doute éclairé par la parabole du cep et des sarments. Nous y apprenons que Dieu coupe (retranche) les sarments qui ne portent pas de fruits, mais aussi qu’il coupe (taille) les sarments qui portent déjà du fruit, afin qu’ils en portent davantage (Jn 15.2). La finalité de cela : la manifestation de la gloire de Dieu (Jn 15.8). Il ressort assez clairement de ces passages (et de bien d’autres) qu’il existe un lien étroit entre la souffrance, l’obéissance de la foi et la gloire de Dieu. Ce n’était pas ainsi avant la chute; c’est ainsi maintenant. Nous reviendrons sur le motif de la gloire de Dieu dans une autre section.
À ces trois « étapes pédagogiques » est associé le principe de la correction qui, comme son nom l’indique, n’est pas tant punitive que corrective et atteste la filiation, l’appartenance à Dieu.
« Dieu corrige25 celui qu’il aime. Dieu nous corrige pour notre bien, afin que nous participions à sa sainteté. Il est vrai que toute correction semble d’abord un sujet de tristesse et non de joie; mais elle produit plus tard, pour ceux qui ont été ainsi exercés, un fruit paisible de justice » (Hé 12.10-11).
Il y a, avec ce passage, une indication de première importance pour tout chrétien qui regarde sa vie comme celle d’un disciple. La pratique d’une juste et bienveillante discipline est légitimée, tant dans la maison que dans l’Église (Ps 118.18; Pr 3.12; 19.18; 21.11; 29.17; 2 Co 2.4; 7.10)26.
La correction ou les épreuves, même douloureuses, nient-elles la compassion de Dieu? Nullement. « Lorsqu’il afflige, il a compassion selon sa grande miséricorde » (Lm 3.32). Ce souci de Dieu pour ceux qui souffrent se manifeste sur deux registres : d’une manière générale, toute injustice, toute souffrance est comptée, car toute vie a une valeur aux yeux de Dieu, y compris celle d’un petit oiseau qui tombe (Mt 10.29; voir 1 Pi 2.17); d’une manière plus spécifique, « l’Éternel a compassion de ceux qui le craignent, de ceux qui espèrent en sa bonté » (Ps 103.47)27.
4. L’étape de la maturité←⤒🔗
« Souvenez-vous de ces premiers jours, où, après avoir été éclairés, vous avez soutenu un grand combat au milieu des souffrances, d’une part, exposés comme en spectacle aux opprobres et aux tribulations, et de l’autre, vous associant à ceux dont la position était la même. En effet, vous avez eu de la compassion pour les prisonniers, et vous avez accepté avec joie l’enlèvement de vos biens, sachant que vous avez des biens meilleurs et qui durent toujours. N’abandonnez donc pas votre assurance, à laquelle est attachée une grande rémunération. Car vous avez besoin de persévérance, afin qu’après avoir accompli la volonté de Dieu, vous obteniez ce qui vous est promis. Encore un peu, un peu de temps : celui qui doit venir viendra, et il ne tardera pas. Et mon juste vivra par la foi; mais, s’il se retire, mon âme ne prend pas plaisir en lui. Nous, nous ne sommes pas de ceux qui se retirent pour se perdre, mais de ceux qui ont la foi pour sauver leur âme » (Hé 10.32-39).
a. Aller vers ce qui est plus précieux←↰⤒🔗
Constamment, l’homme est fasciné par ce qui l’entoure, ce qu’il voit, ce qu’il ressent, souvent au détriment des réalités plus intérieures et plus profondes. Le peuple d’Israël n’a-t-il pas méprisé les promesses de Dieu à cause des concombres et des poireaux qu’il pouvait avoir en Égypte (Nb 11.5), et Ésaü son droit d’aînesse pour un plat de lentilles (Gn 25.34)? Dans le même sens, Paul prévient que les hommes « aimeront le plaisir plus que Dieu » (2 Tm 3.4). C’est la raison pour laquelle Jésus recommande de « ne pas se faire de trésor sur la terre, où les voleurs percent et dérobent, mais de se faire un trésor dans le ciel » (Mt 6.19-20; voir Hé 10.34). La progression vers ce qui est plus précieux est visible quand on associe ces deux passages : « La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus le vêtement? » (Mt 6.25) et « Ta bonté vaut mieux que la vie! » (Ps 63.3).
Il est évident que la maturité consiste à évaluer ce qui est moins précieux à la lumière de ce qui l’est plus. Cela affectera inévitablement la manière de gérer le temps qui passe (Ps 90.12), à gérer les choses de cette vie (1 Co 7.29-31; 1 Tm 3.2-5). Cela affectera aussi la manière de servir (Ph 1.22-24), l’aptitude à persévérer (Hé 6.12; 10.36), et enfin l’aptitude à endurer et à souffrir, si Dieu le veut (1 Pi 3.17).
Je me souviens d’un chrétien âgé, souffrant de divers maux, qui m’avait dit, alors que je le quittais : « Ne priez pas pour que j’aille mieux, priez pour que je sois fidèle »28. C’est un signe de maturité.
b. L’aptitude à souffrir, si Dieu le veut←↰⤒🔗
« Mieux vaut souffrir, si telle est la volonté de Dieu, en faisant le bien qu’en faisant le mal », dit Pierre (1 Pi 3.17). Il est clair que la souffrance ne doit pas être recherchée pour elle-même, dans une perspective expiatoire ou méritoire. Elle ne doit pas non plus être évitée à tout prix29. Ce serait oublier que si Jésus n’est pas qu’un modèle (il est le Rédempteur), il est aussi un modèle : « Celui qui dit qu’il demeure en lui doit marcher aussi comme lui-même a marché » (1 Jn 2.6). Or, Jésus n’a pas évité la souffrance! Il s’est dépouillé, s’est fait serviteur, obéissant jusqu’à la mort (Ph 2.5-8).
L’Évangile nous fait comprendre que l’amour comprend l’aptitude à servir, à souffrir, à donner sa vie, à mourir30. La foi aussi, de même que l’espérance, les trois étant indissociables31. « Le bon berger donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10.11) et c’est de cet amour-là que nous devons nous aimer les uns les autres (Jn 13.34; 15.12-13).
Le couple est un des lieux où cet amour qui donne sa vie doit se manifester, sous le registre de la soumission pour l’épouse, celui du sacrifice pour le mari (Ép 5.22-27).
L’Église également, dans une logique semblable. « Nous avons connu l’amour en ce qu’il a donné sa vie pour nous; nous aussi, nous devons donner notre vie pour les frères » (1 Jn 3.16). Cela est porteur de nombreuses implications, irréalisables en dehors de la foi. Parmi elles, il y a l’aptitude à « souffrir quelque injustice, et même à se laisser dépouiller plutôt que d’avoir des querelles entre frères » (1 Co 6.7). Le témoignage est en jeu (Jn 13.35), mais aussi la communion et, partant, la présence même du Seigneur.
Cette maturité se caractérise par le désintéressement (1 Tm 3.3; 1 Pi 5.2) : ce que je fais, je ne le fais pas dans la recherche d’un intérêt personnel. L’apôtre Paul l’exprime bien quand il écrit :
« Je suis pressé des deux côtés : j’ai le désir de m’en aller et d’être avec Christ, ce qui de beaucoup est le meilleur; mais à cause de vous, il est plus nécessaire que je demeure dans la chair » (Ph 1.23-24).
C’est une manière de donner sa vie, comme le dit le « toutefois, non pas ma volonté, mais la tienne » de Jésus à Gethsémané (Lc 22.42).
c. Notre bien ou la gloire de Dieu?←↰⤒🔗
« Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu32 », écrit Paul (Rm 8.28), « de ceux qui sont appelés selon son dessein ». Cette affirmation, bien que délicate à rappeler, parfois, n’a pas à être atténuée33. Elle contient, comme souvent dans l’Écriture, un élément de promesse et un élément d’exhortation, étroitement associés. Mais la question est : de quel bien s’agit-il? La réponse du chrétien sera-t-elle semblable à celle des incroyants? Le bien que recherche le chrétien met-il en premier lieu la dimension du confort? « Bien-aimés, ne soyez pas surpris, comme d’une chose étrange qui vous arrive, de la fournaise qui est au milieu de vous pour vous éprouver » (1 Pi 4.12). Jean-Claude Chabloz écrit :
« Dans toutes les épreuves, avec la douleur que nous pouvons subir dans notre marche avec Dieu, Dieu peut tirer du bien pour nous. La nature même nous en donne bien des indices. L’huître nacre patiemment le grain de sable qui blesse sa chair jusqu’à en faire une perle merveilleuse… La souffrance a une grande vertu éducative.34 »
Cela est vrai. Il existe cependant une finalité au-delà du « bien pour nous », c’est la gloire de Dieu.
Nous avons déjà évoqué le lien qui existe entre la souffrance, l’obéissance et la gloire de Dieu35. Saint Augustin a parlé de cela : Dieu n’aurait pas permis le mal s’il n’avait pas pu en faire sortir un bien. Mais de quel bien s’agit-il? Ici, James Packer rappelle que « le sujet principal de la Bible n’est pas l’homme, mais Dieu. Derrière tout ce que nous voyons dans le monde, il y a le plan de Dieu36 ». Packer va plus loin en disant que le dessein ultime de Dieu est de manifester sa gloire.
Une telle affirmation peut paraître osée si on ne la relie pas aux textes bibliques qui la sous-tendent. L’infirmité de l’homme aveugle de naissance, c’est pour la gloire de Dieu (Jn 9.1-3), la maladie de Lazare est pour la gloire de Dieu (Jn 11.4), les vases de colère et les vases de miséricorde, c’est pour la gloire de Dieu (Rm 9.22-23). Pourquoi un sarment devrait-il demeurer attaché à Christ? Pour porter du fruit. Pourquoi porter du fruit? Pour que le Père soit glorifié (Jn 15.8). « C’est de lui, par lui, et pour lui que sont toutes choses. À lui la gloire dans tous les siècles! Amen! » (Rm 11.36).
Annexes←⤒🔗
1. La foi, l’espérance et l’amour←↰⤒🔗
Les trois demeurent, dit Paul (1 Co 13.13). Les trois sont indissociables.
a. La foi←↰⤒🔗
La foi saisit ce qui est pour maintenant. « Abraham obéit et partit » (Hé 11.8). « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix… » (Hé 3.7). La foi est la confiance qui répond à l’appel de Dieu. La foi saisit également les promesses de Dieu, sachant qu’il ne ment pas. « Celui qui croit en elle [la Parole de Dieu] ne sera pas confus » (1 Pi 2.6). En ce sens, la foi et l’espérance sont proches (voir Hé 11.1).
b. L’espérance←↰⤒🔗
L’espérance saisit ce qui est pour plus tard. « Nous ne voyons pas encore… » (Hé 2.8-9). « Nous le verrons tel qu’il est » (1 Jn 3.2). Elle est « une ancre de l’âme » (Hé 6.19). Paul montre bien que l’espérance, autant que la foi, conditionne la marche présente, notamment la patience, la persévérance, l’endurance (1 Co 15.32). Jésus lui-même a souffert, portant les yeux sur la joie qui lui était réservée (Hé 12.2).
c. L’amour←↰⤒🔗
L’amour est pour toujours, nourri non pas par les sentiments ou les calculs, mais par la foi qui reçoit et par l’espérance qui possède déjà, autrement dit par le Saint-Esprit. S’il y a de l’amour, on peut supporter beaucoup.
2. Peut-on prier pour aller mieux?←↰⤒🔗
La réponse est oui, mais avec une limite. Paul a supplié trois fois Dieu de lui ôter son écharde (2 Co 12.8). Il n’était pas nécessaire d’insister. Il est vrai que Dieu lui a parlé à ce sujet (2 Co 12.9). Mais Paul a écouté. Notre prière doit également être écoutante. Distinguons la persévérance et l’obstination.
Nous avons tous constaté que c’est au travers des épreuves que nous avons appris les principales leçons que nous avions à apprendre. Cela était nécessaire. Ces épreuves, nous ne les avons pas recherchées (encore que, parfois…), mais Dieu les a permises et nous a parlé, et nous avons avancé. Dès lors, il est permis de se demander si la prière constante du chrétien devrait consister à demander à ce que tout aille bien, à ce qu’il n’y ait aucun problème, à ce que tout soit aisé…
Il y a beaucoup d’exemples de prières dans la Bible, y compris celles de Jésus. Nous savons que nous pouvons faire connaître nos besoins à Dieu, y compris à cœur ouvert. La maturité de la foi, cependant, se démontre par la prière de ce frère âgé : « Ne priez pas pour que j’aille mieux, priez pour que je sois fidèle. » C’est une supplication, mais la finalité, c’est Dieu! Il en est de même pour le jeûne.
Notes
1. « Le désert et le pays aride se réjouiront; la solitude s’égaiera, et fleurira comme un narcisse; elle se couvrira de fleurs, et tressaillira de joie, avec chants d’allégresse et cris de triomphe; la gloire du Liban lui sera donnée, la magnificence du Carmel et de Saron. Ils verront la gloire de l’Éternel, la magnificence de notre Dieu. Fortifiez les mains languissantes, et affermissez les genoux qui chancellent; dites à ceux qui ont le cœur troublé : prenez courage, ne craignez point; voici votre Dieu, la vengeance viendra, la rétribution de Dieu; il viendra lui-même, et vous sauvera. Les rachetés de l’Éternel retourneront, ils iront à Sion avec chants de triomphe, et une joie éternelle couronnera leur tête; l’allégresse et la joie s’approcheront, la douleur et les gémissements s’enfuiront » (És 35.1-4, 10).
2. « Anne répondit à Éli : Non, mon seigneur, je suis une femme qui souffre en son cœur, et je n’ai bu ni vin ni boisson enivrante; mais je répandais mon âme devant l’Éternel. Ne prends pas ta servante pour une femme pervertie, car c’est l’excès de ma douleur et de mon chagrin qui m’a fait parler jusqu’à présent » (1 S 1.15-16).
3. Il est tout à fait normal d’éprouver en même temps de la joie et de la tristesse. Il y a tant de raisons pour l’une comme pour l’autre. Mais la prière du chrétien devrait être : « Que ma joie demeure! »
4. « Tant qu’il se saura mortel, l’homme ne sera jamais vraiment décontracté. » — Woody Allen.
5. Livre captivant qui raconte le Réveil de la Drôme, en 1923-1933.
6. C’est le sens de 2 Co 12.9 : « Ma grâce te suffit »; de Jc 5.15 : « La foi sauvera le malade et le Seigneur le relèvera. »
7. « Si notre esprit se fixe trop longtemps sur la liberté et la responsabilité de l’homme, nous finirons par conclure que Dieu a des devoirs envers nous, et non le contraire… Une créature pécheresse ne peut prétendre à aucun droit à l’égard de Dieu, sinon le salut relèverait des œuvres, et non plus de la grâce. » Charles Spurgeon (Sermon sur la grâce souveraine de Dieu, Europresse, 1992).
8. Nous nous souvenons que Paul aussi écrit : « J’ai appris […] à être content de l’état où je me trouve » (Ph 4.11). Là encore, la leçon porte sur le renoncement dans un esprit de contentement, de foi.
10. Jean Calvin, Institution chrétienne, III,xxxi,3.
11. La grâce aux 1000 facettes, Europresse, 1992.
12. Remarquez l’usage étonnant du mot « tous » en Rm 5.18, éclairé par le verset 19. Voir de même comment 1 Co 15.22 est éclairé par 15.23.
13. L’énumération de propositions fondamentales considérées comme des clés de l’interprétation biblique relève à proprement parler de la démarche théologique. Deux présupposés sont ici présents : La Bible constitue un tout cohérent malgré la diversité de ses parties; la Bible s’explique par la Bible.
14. Jean-Claude Chabloz, Pour aider les malades et ceux qui prient avec eux, Éditions Première Partie, Lyon, 2012.
15. Ép 4.18 fait de l’ignorance la conséquence de l’endurcissement, et non l’inverse. La Bible affirme que tout homme sait où est la vérité, mais la refuse. La refusant, il finit par devenir ignorant.
16. Aujourd’hui, certains théologiens humanistes (ils mettent l’homme au centre) et progressistes tentent d’expliquer l’injustice et la souffrance du temps présent en suggérant que Dieu serait faible ou lui-même en devenir, incertain de l’issue de l’histoire… Ces théories portent le nom de théologie du Process ou Open theism.
17. Revenant d’un pays en guerre, je me suis dit un jour : « C’est partout la guerre. Il y a seulement des endroits où cela se voit plus. »
18. « L’assistance destinée aux saints » (Rm 12.13; 2 Co 9.1).
19. Voir plus bas les remarques sur l’espérance.
20. Il y a deux sortes de médecins : ceux qui ont déjà été malades, et les autres…
21. « La prédication de la croix est une folie pour ceux qui périssent, mais pour nous qui sommes sauvés, elle est une puissance de Dieu » (1 Co 1.18).
22. Le même mot grec peut être traduit par tenter ou par éprouver. Il est vrai que toute épreuve comporte une tentation et que toute tentation est une épreuve…
23. Voir le chapitre « Est-ce le temps de jeûner? » dans mon article intitulé Vivre à l’écoute.
24. On se souvient de l’expression : « être sauvé comme au travers du feu » (1 Co 3.15), c’est-à-dire de justesse, sans le témoignage des fruits qui glorifient le Seigneur, nos œuvres de paille et de chaume étant consumées…
25. La notion de correction (plutôt que de châtiment) est prépondérante dans ce passage, comme le confirme Hébreux 12.13. Darby traduit par discipliner. Le mot grec « païdeuô » contient la racine du mot enfant : former l’enfant en vue de sa maturité. C’est un des thèmes majeurs du livre des Proverbes.
26. Dans la cité, c’est le rôle de l’État, minimal, mais nécessaire.
27. Le Psaume 33 semble mentionner ces deux « regards » de Dieu : pour les hommes en général (Ps 33.13-15), pour son peuple en particulier (Ps 33.18).
28. Voir en annexe : Peut-on prier pour aller mieux?
29. On pense à l’expression : « résister jusqu’au sang contre le péché » (Hé 12.4).
30. À cette aune, on comprend aussi que l’amour est plus rare que ce qui semble, comme le dit aussi Paul (1 Co 13.3).
31. Voir en annexe : La foi, l’espérance et l’amour.
32. Certains manuscrits disent : « de ceux qu’aime Dieu ».
33. On pense au « Felix culpa » de saint Augustin : « Faute heureuse, qui nous valut un si grand Sauveur! » Commentant cette citation, le professeur Paul Wells écrit : « En Christ, nous avons plus qu’Adam avant la chute. »
34. Pour aider les malades et ceux qui prient avec eux, Éditions Première Partie, 2012. Jean-Claude Chabloz est, en tant que pasteur évangélique, attaché permanent au Palais fédéral suisse en tant qu’intercesseur. Voir son autre livre : Un pasteur dans les coulisses du Parlement, Éditions Première Partie, 2015.
35. Voir Rm 8.18; 2 Co 4.17; 1 Th 3.3; 2 Tm 2.12.
36. Dans son livre : Évangélisation et souveraineté de Dieu.