Cet article a pour sujet les problèmes éthiques soulevés par la sélection des embryons par l'intelligence artificielle, alors que la fécondation in vitro comporte déjà les mêmes problèmes éthiques rattachés à l'eugénisme.

3 pages. Traduit par Paulin Bédard

Les panels de la mort de l’IA, l’eugénisme et la sélection des embryons

Comme des hommes bien plus sages que moi l’ont souvent observé au cours des dernières décennies, l’humanité a acquis les connaissances scientifiques et la puissance technologique nécessaires pour accomplir des choses extraordinaires au moment précis où nous avons perdu la boussole morale nécessaire pour déterminer si nous devrions faire de telles choses. La science de l’ère post-chrétienne ne correspond pas à l’ère éclairée de la science-fiction; elle devient rapidement une dystopie qui ressemble davantage au Frankenstein de Mary Shelley.

Nous en avons la preuve presque chaque semaine. L’exemple le plus évident, et le plus traumatisant sur le plan culturel, consiste bien sûr en l’idée très controversée des « soins d’affirmation du genre », dans le cadre desquels des professionnels de la santé tentent de transformer des petits garçons en petites filles, et réciproquement, en combinant, à la manière de Mengele, castration, blocage de la puberté et traitements hormonaux. « L’industrie de la reproduction » crée des enfants dans des boîtes de Petri pour que des parents potentiels, y compris des homosexuels sans lien avec ces enfants, puissent les acheter. Les problèmes éthiques qui en découlent devraient donner lieu à un débat; malheureusement, c’est rarement le cas.

Je me demande souvent comment nous pourrions agir pour que les gens se sentent mal à l’aise avec ces « industries ». Le complexe médical transgenre, au moins, est de plus en plus critiqué en Europe et aux États-Unis; l’industrie de la reproduction est encore largement acceptée, même par de nombreux chrétiens (pour connaître les arguments chrétiens contre la FIV, regardez cet entretien avec Stephanie Gray-Connors1). Cependant, des histoires comme celle-ci, tirée du Sydney Herald du 5 janvier, devraient nous faire arrêter dans notre élan :

« L’intelligence artificielle est utilisée dans les cliniques de fertilité australiennes pour aider à choisir les embryons à transférer aux patientes, ce qui pourrait s’avérer déshumanisant pour les parents et les bébés, selon les chercheurs. Permettre à l’apprentissage automatique de prendre des décisions sur “qui vient au monde” sans contrôle éthique de son introduction pourrait éroder la confiance du public dans les cliniques de fertilité, affirment les auteurs d’un article australien qui soulève des questions de bioéthique.
Le professeur Catherine Mills, responsable du groupe de recherche Reproduction in Society de l’université Monash et l’un des auteurs de l’article, a déclaré que les patients et les partenaires de FIV pourraient ne pas savoir si l’IA les a aidés à sélectionner l’embryon à utiliser, ou comment on a conçu les algorithmes qui ont effectué ce choix.2 »

Bien que je sois encouragé de voir que les chercheurs se préoccupent de questions éthiques, il convient de noter que cela revient à fermer la porte de l’écurie après que le cheval se soit enfui à travers champ. Les centres de FIV décident déjà « qui vient au monde » — ils doivent décider lequel de ces êtres humains est autorisé à naître, si toutefois il survit au processus. Une fois que nous avons décidé que nous pouvions commercialiser des êtres humains en les créant artificiellement comme un produit à acheter, nous devions nécessairement commencer à appliquer des critères sélectifs pour déterminer quels embryons auraient une nouvelle chance de vivre. En fait, c’est déjà le cas, et les avortements par « réduction sélective » se font fréquemment à cette fin.

Cependant, l’utilisation de l’intelligence artificielle dans ce processus semble provoquer un malaise tardif. Extrait du Sydney Herald :

« L’intelligence artificielle comporte un risque de biais involontaire, selon l’article publié par la Société européenne de reproduction humaine et d’embryologie. Ainsi, “les algorithmes d’apprentissage automatique gagneront en performance pour les membres de certains groupes que pour d’autres (par exemple en fonction de l’appartenance ethnique)”. La technologie peut “prendre en compte des caractéristiques que les patients ne voudraient pas voir influencer le choix de l’embryon (par exemple, si le système d’IA se montre plus susceptible de recommander le transfert d’embryons d’un sexe particulier ou, théoriquement, d’embryons présentant des caractéristiques pathologiques qui se révèlent en corrélation avec une plus grande chance d’implantation)”. »

Une fois de plus, je dois insister sur ce point : Nous faisons déjà tout cela. Il s’agit simplement d’introduire une nouvelle technologie dans un processus technologique déjà profondément déshumanisant. En effet, l’article note que « l’industrie de la fertilité en plein essor en Australie » est « estimée à 922,9 millions de dollars américains en 2023 et devrait atteindre 1,63 milliard de dollars américains d’ici 2030 ». Certains établissements rationalisent le processus grâce à l’IA, afin « d’améliorer la sélection des embryons et les chances de réussite des grossesses, et de réduire le délai de grossesse et le coût des traitements ».

Et pourquoi pas? L’existence d’une « industrie de la fertilité » confirme déjà les prémisses de l’utilisation de cette technologie.

Le Dr Julian Koplin, bioéthicien, estime que le principal problème réside dans l’absence de lignes directrices ou de réglementations. « Et on pourrait imaginer que quelqu’un ne veuille pas qu’un algorithme prenne les décisions concernant les enfants qu’il aura, plutôt qu’un embryologiste humain qui les évaluerait lui-même », a déclaré M. Koplin. « Les algorithmes commencent à prendre des décisions sur les personnes qui viennent au monde. »

Nous n’assistons qu’au tout début de la révolution de l’IA, et cette histoire donne un aperçu de ses aspects dystopiques. On utilise déjà l’IA pour sélectionner les embryons auxquels on donnera une nouvelle chance de vivre. On voit bien que les médecins l’utiliseront de la même manière pour les patients nés; elle servira à trier les patients qui « valent la peine » qu’on leur prodigue des soins de ceux qui ne le valent pas, qui recevront alors une recommandation d’euthanasie, peut-être. Les professionnels de la santé canadiens proposent déjà régulièrement aux patients une option appelée « l’aide médicale à mourir », c’est-à-dire l’assistance au suicide. Un système de panel de la mort par robot pourrait simplifier tout cela et donner aux professionnels de la médecine un degré de retrait très désiré de ce processus déplaisant. Nous acquérons de nouveaux pouvoirs et de nouvelles technologies, mais nous avons déjà abandonné notre éthique.

Notes

1. Stephanie Gray Connors et Jonathon Van Maren, « What Should Christians Think About IVF? » [Que doivent penser les chrétiens de la FIV?], The Bridgehead, 19 octobre 2024.

2. Wendy Tuohy, « Artificial intelligence “beginning to make decisions about who is brought into the world” » [L’intelligence artificielle « commence à prendre des décisions sur les personnes qui viennent au monde »], The Sydney Morning Herald, 5 janvier 2025.