Cette fiche de formation a pour sujet la nécessité d'être un enfant (dépendance, confiance en Dieu, apprentissage du disciple) et de devenir un adulte en Christ (maturité, croissance, édification, responsabilité).

21 pages.

Être comme un enfant... mais devenir adulte!

  1. Les affirmations paradoxales
  2. Le disciple comme un enfant
  3. Jésus enfant et adulte
  4. Devenir adulte
  5. Grandir pas à pas
  6. Pour avancer encore
  7. Les signes de la maturité
  8. La notion biblique d’édification
  9. La croissance ne s’arrête jamais
  10. Annexe 1 – L’accélérateur et le frein
  11. Annexe 2 – Écouter
  12. Annexe 3 – L’adulescence

1. Les affirmations paradoxales🔗

Dans son célèbre petit livre De la liberté chrétienne (1520), Martin Luther écrit ceci :

« Le chrétien est l’homme le plus libre; maître de toutes choses il n’est assujetti à personne. L’homme chrétien est en toutes choses le plus serviable des serviteurs; il est assujetti à tous. »

Cette pensée nous aide à comprendre la différence entre un paradoxe et une contradiction. On pourrait dire que deux affirmations contradictoires s’annulent et donc s’excluent. Par exemple : Dieu est tout-puissant et Dieu est faible1. Tandis que deux affirmations paradoxales sont compatibles et se corrigent l’une l’autre dans un rapport dynamique.

Il n’est pas difficile de trouver dans la Bible un assez grand nombre d’affirmations paradoxales. Elles peuvent paraître obscures dans un premier temps, mais elles parlent quand la foi les éclaire. J’en relève quelques-unes.

« Heureux ceux qui pleurent » (Mt 5.4). Cette affirmation peut bien paraître paradoxale et donc suspecte, voire pathologique. Elle est en effet incompréhensible en dehors de la perspective du Royaume de Dieu et de l’espérance qui l’accompagne. La promesse « ils seront consolés » trouve en effet son plein accomplissement dans le futur, mais l’effet de cet accomplissement commence dès maintenant2.

« Heureux les débonnaires », dit aussi Jésus (Mt 5.5), c’est-à-dire ceux qui ne réclament rien. Mais plus loin, il dit : « Demandez et l’on vous donnera » (Mt 7.7). Cela peut bien paraître contradictoire. Le paradoxe s’éclaire par la différence entre demander et réclamer. Voir aussi dans ce sens Ph 4.4 et 1 Tm 6.6 (!).

« Ne jugez pas. […] Ne jetez pas vos perles aux pourceaux » (Mt 7.1, 6). Ces deux recommandations paraissent se contredire. Le verbe (krinô = juger) peut avoir, selon le contexte, un sens négatif : condamner, mépriser, faire acception de personnes pour des motifs personnels (Rm 14.10) – ou un sens positif : exercer un discernement selon Dieu (1 Co 5.12; 14.20). Dans le premier sens, c’est à exclure, car c’est prendre la place de Dieu; dans le second sens, c’est hautement souhaitable et secourable. « N’y a-t-il aucun homme sage parmi vous qui puisse prononcer entre ses frères? » (1 Co 6.2-5).

« Soyez prudents comme des serpents et simples comme des colombes » (Mt 10.16). Cela paraît impossible! Et pourtant, il y a des raisons manifestes pour le vivre, le même Esprit nous rappelant l’une et l’autre de ces recommandations réalistes. Toute l’éducation des enfants et une bonne partie de la tâche pastorale sont contenues dans ce verset : le monde est devenu un lieu redoutable, mais Dieu demeure fidèle et fort.

« L’amour croit tout, l’amour se réjouit de la vérité » (1 Co 13.6-7). Là, c’est la traduction qui est en cause; mais je le mentionne, car c’est en lien avec notre sujet. En fait, ce n’est pas : tout et n’importe quoi, mais : tout ce qui est vrai, et en tout temps. On pourrait dire : l’amour croit entièrement, sans retenue3; ce qui est conforme au verset précédent (v. 6) : « L’amour ne se réjouit pas de l’injustice, il se réjouit de la vérité. » Le chrétien est-il appelé à être naïf, crédule? Jamais.

« Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort », écrit Paul (2 Co 12.10). Certains sages pourraient dire quelque chose de semblable. Mais Paul l’a appris dans sa rencontre avec Jésus. Plus faible, donc plus près de Jésus, donc plus fort. On est proche du cœur de l’expérience chrétienne. « Ni par puissance, ni par force, mais par l’Esprit du Seigneur » (Za 4.6).

On pourrait mentionner aussi la patience et l’urgence. « Soyez patients, affermissez vos cœurs, car l’avènement du Seigneur est proche » (Jc 5.9; voir 2 Pi 3.9-10). On comprend que les deux non seulement se complètent, mais se nourrissent l’un l’autre4.

« Combattre le bon combat » (1 Tm 6.10); « entrer dans le repos de Dieu » (Hé 4.9, 11). Il en est de même ici. Le repos dont il est question n’est pas un relâchement, mais un ressourcement qui permet de combattre.

Enfin, pour nous rapprocher de notre sujet : « Si vous ne devenez pas comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu » (Mt 18.3; 19.14). Nicodème n’était pas là, mais on peut penser qu’il n’aurait pas bien compris, lui qui se demandait s’il fallait rentrer « dans le sein de sa mère » (Jn 3.4)! Et nous? Sommes-nous sûrs de bien le comprendre? Et de bien le vivre? Est-ce un détail?

Il n’est pas seulement question du salut ici, me semble-t-il, mais de vivre la dimension du Royaume de Dieu. En réalité, on ne peut pas vraiment séparer les deux. Le salut n’est pas une fin en soi. La fin, c’est le règne de Dieu (voir le début et la fin du Notre Père). Toute notre vie, nous allons apprendre — souvent difficilement — à devenir semblables à de petits enfants, pour que Dieu prenne enfin la place qui doit être la sienne dans notre vie. Et certains — y compris des chrétiens — vont l’apprendre seulement peu avant de mourir…

Tout à l’heure, nous avons parlé de la nécessité de la foi pour comprendre certaines vérités. Que signifie que Dieu règne, finalement? Je crois qu’on peut le dire avec deux mots : la dépendance et la responsabilité.

La dépendance, c’est la dimension de l’enfant. Il connaît ses limites, ses besoins. Il a recours spontanément à quelqu’un de plus grand que lui5.

La responsabilité concerne la gestion des biens qui nous sont confiés, comme dans les paraboles où on voit un roi remettre ses biens à des intendants. Ici, c’est bien sûr la dimension de l’adulte.

Dans ce sens, nous avons cet appel de Paul : « Frères, ne soyez pas des enfants sous le rapport du bon sens; pour ce qui est du mal, soyez des enfants, et à l’égard du bon sens, soyez des hommes faits » (1 Co 14.20).

On voit bien dans cette parole (pas si facile à saisir, d’ailleurs) que les termes enfants et adultes sont tout à la fois opposés et conciliables. C’est le sujet de notre étude.

2. Le disciple comme un enfant🔗

Dans sa deuxième lettre, Paul dit à Timothée : « Toi donc, mon enfant, fortifie-toi dans la grâce qui est en Jésus-Christ » (2 Tm 2.1)6.

Qu’est-ce qui est frappant dans ce verset? Timothée était jeune, mais n’était assurément pas un enfant. De plus, Paul n’avait pas d’enfants! Est-ce la seule fois que Paul s’exprime ainsi? Non (1 Tm 1.1-2a, 18; 2 Tm 1.2; 1 Co 4.17). Était-ce seulement avec Timothée? Non. Aussi avec Tite (Tt 1.4); également au sujet d’Onésime (Phm 1.10).

Paul est-il le seul à s’exprimer ainsi? Non. Quand Jésus voit l’homme paralysé qu’on lui amène (Mt 9.1-2), il lui dit : « Mon enfant, tes péchés te sont pardonnés. » Or, cet homme n’était pas un enfant (et Jésus n’avait pas d’enfants). Enfin, dans sa première lettre, l’apôtre Jean appelle souvent ses interlocuteurs : mes enfants, et même : petits enfants (1 Jn 2.1, 12, 18)7.

Était-ce un usage de l’époque? Je ne crois pas. Ces passages montrent simplement que le disciple, aux yeux de Jésus et des apôtres, à bien des égards est semblable à un enfant8.

Quels sont les caractères propres à l’enfant? Il apprend! Il est curieux d’apprendre, il pose des questions. Il se sait fragile et accepte d’être dépendant. Il connaît ses limites et sait demander de l’aide. Il fait confiance aux plus grands. Il accepte de ne pas tout comprendre. Il accepte de ne pas y arriver d’un coup ou de voir que ce qu’il fait n’est pas parfait. Il accepte d’être repris. Il sait pleurer. Il accepte d’être aimé sans toujours être aimable… Nous reconnaissons là, assez exactement, les caractéristiques d’un disciple.

Cela est confirmé par d’autres termes utilisés pour désigner les disciples :

Pauvres. Assez souvent, le mot pauvre (Lc 6.20; 2 Co 6.10; Jc 2.5) associe la dimension économique et la dimension morale ou spirituelle, pour rejoindre le sens des béatitudes : les disciples sont — aux yeux des autres et à leurs propres yeux — des pauvres. Ou bien ils doivent le redevenir (Ap 3.17-18)! C’est le sens de l’expression pauvres en esprit (Mt 5.3) : ceux qui ont un esprit de pauvreté (2 Co 8.9; Ap 3.17-18). C’est le cas de Nicodème qui interroge Jésus, alors qu’il est docteur de la loi (Jn 3.4). C’est le cas de la femme syro-phénicienne qui se compare aux petits chiens (Mt 15.27), du centenier romain qui se dit indigne que Jésus entre dans sa maison (Lc 7.6), du ministre de la reine Candace qui interroge parce qu’il ne comprend pas (Ac 8.34). Noter que dans ces trois derniers cas, il s’agit d’étrangers à qui Dieu a déjà donné un cœur de disciple. C’est le sens de l’expression : « La bonne nouvelle est annoncée aux pauvres » (Mt 11.5), c’est-à-dire ceux qui ont soif (Jn 7.37-38).

Petits. Le sens est proche de celui du mot pauvre : le disciple accepte d’être regardé comme un « petit ». Jésus désigne les disciples avec ce mot (Mt 10.42; 18.5-6, 10, 14-15; 20.28; 25.40; Lc 22.26; Ph 2.3-8). C’est dans ce sens qu’ils sont appelés enfants et même petits enfants (1 Jn 2.1, 12, 13, 18, 28; 3.7, 18; 4.4; 5.21).

Humbles. Là aussi, il ne s’agit pas d’une vertu morale, mais d’une disposition de cœur qui a recours à la grâce et qui est proche de la foi (Lc 1.51-52; Jc 4.6; 1 Pi 5.5). « Avant d’avoir été humilié, je m’égarais; maintenant, j’observe ta parole » (Ps 119.67). Cette posture nous fait penser à la catégorie des « craignant Dieu » (Jos 2.8-13; Lc 7.2-7; Ac 10.1-2) : avant de connaître le Seigneur, ils ont déjà un cœur de disciple!

Faibles. La Bible ne demande jamais au croyant d’être faible. Faible, il l’est! C’est pourquoi il a appris à ne plus se confier en lui-même (Jr 17.5). En conséquence, il a aussi appris à déposer l’apparence de force qui permet à tant de personnes de tenir debout (1 Co 1.27; 4.10; 9.22; 12.22; 1 Th 5.14)…

La rencontre de Jésus avec Nicodème est instructive. Nicodème s’est élevé par la connaissance. Jésus va l’inviter à « redescendre ». « Tu es docteur de la loi et tu ne sais pas ces choses! » (Jn 3.10). Jésus invite Nicodème à repasser par la case « enfant ». Non pas pour y rester, mais pour recommencer à apprendre et à franchir les étapes de croissance. Il s’agit d’abandonner toute prétention, accepter d’être conduit par un autre.

En un sens, l’étape de l’enfant doit être dépassée, car un adulte qui se comporte comme un enfant n’est pas fiable. « Quand j’étais un enfant, je parlais comme un enfant; […] lorsque je suis devenu homme, j’ai abandonné ce qui est de l’enfant » (1 Co 13.11). Cependant, tout au long de sa vie, le disciple devra retrouver périodiquement9 la position de l’enfant, c’est-à-dire de celui ou celle qui se trompe et apprend, de celui ou celle qu’on relève et même qu’on porte dans les bras, de celui ou celle qu’on reprend ou qu’on console. Non pas pour régresser, mais pour cesser de se tromper soi-même, pour recommencer à écouter et à apprendre (És 50.4-5), en vue de grandir10.

N’est-ce pas ce que dit Jésus, alors qu’il place un enfant au milieu des disciples :

« Si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. C’est pourquoi quiconque se rendra humble comme ce petit enfant sera le plus grand dans le Royaume des cieux » (Mt 18.1-4).

Retenons l’expression « se rendre humble »11. Que faisaient les disciples? Ils demandaient à Jésus qui est le plus grand dans le Royaume des cieux! Cet avertissement de Jésus doit être pris au sérieux (Jc 4.10; 1 Pi 5.6)12.

L’expression « entrer dans le Royaume de Dieu » ou « recevoir le Royaume de Dieu » (Lc 18.17) a sans doute quelque chose à voir avec le salut, mais je crois que c’est plus que cela. Certains, en effet, peuvent être sauvés, et pourtant, vivre peu de choses de la dimension du Royaume de Dieu : peu de fruits, peu d’amour, peu d’autorité, peu de ressemblance avec Jésus, peu de témoignages vécus, peu de reflets de la grâce et de la lumière du Seigneur, peu de capacité à souffrir pour lui. En un sens, la maturité d’un chrétien apparaît quand il ne fait pas de son salut une finalité… On est sauvé en vue d’autre chose, notamment en vue du règne de Dieu; autrement en vue de glorifier Dieu comme Roi! La foi et la vie chrétiennes sont normalement orientées vers Dieu. C’est donc là une étape de maturité qui demande de repasser par la case « enfant ».

Tout cela peut nous paraître hors de portée. C’est hors de portée, à moins de s’humilier comme un petit enfant qui admet : Je n’y arrive pas tout seul! Je ne peux pas. Porte-moi! C’est la pédagogie de l’échec. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15.5). Paul l’a appris et en rend témoignage à maintes reprises : « J’étais auprès de vous dans un état de faiblesse, de crainte et de grand tremblement » (1 Co 2.3), reconnaissant ne plus « mettre sa confiance en la chair » (Ph 3.3-4, 7), c’est-à-dire ce qui faisait sa force à ses propres yeux et aux yeux des autres13. On se souvient qu’il a dit : « Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort » (1 Co 12.10). Le mot faible traduit le grec asthenos qui signifie : qui ne peut pas tenir debout. Qui ne tient pas debout tout seul; qu’on doit tenir par la main.

L’apôtre Pierre pensait pouvoir défendre Jésus contre ses ennemis. C’était une bonne idée… en apparence. Après qu’il eut été profondément humilié (Mt 26.75; Jn 21.15-17), Jésus lui annonce une autre manière de servir : « Quand tu étais plus jeune, tu te ceignais toi-même et tu allais où tu voulais; mais quand tu seras vieux, un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudras pas » (Jn 21.18). On songe au fils prodigue : « Je me lèverai, j’irai chez mon père… » (Lc 15.18). Repasser par la case « enfant ».

Est-ce pour régresser? Non, c’est pour avancer. « Devenez donc les imitateurs de Dieu, comme des enfants bien-aimés » (Ép 5.1).

Je ne peux terminer ce point sans mentionner le Psaume 131, si secourable. Ce n’est pas un enfant qui écrit, c’est le roi David.

« Éternel, je n’ai ni un cœur qui s’enfle ni des regards hautains. Je ne m’occupe pas de choses trop grandes ou trop élevées pour moi. Loin de là, j’ai l’âme calme et tranquille comme un enfant sevré qui est auprès de sa mère; j’ai l’âme comme un enfant sevré » (Ps 131.1-2).

C’est la case enfant. On ne s’y installe pas, mais on y revient autant de fois qu’il le faut pour retrouver le repos en vue du combat.

3. Jésus enfant et adulte🔗

Sur Jésus enfant, nous n’avons pas un nombre de textes très important, mais nous allons essayer de tirer instruction de ce que nous avons. Ce sera notamment l’occasion de réfléchir à l’importance de ce qui se vit à la maison, même si nous n’avons pas ou plus d’enfants à la maison. Nous avons, cela est sûr, été enfants à la maison, un jour!

a. La visite de l’ange à Marie (Lc 1.26-38)🔗

Que remarque-t-on? L’étonnement de Marie. Elle ne comprend pas (Lc 1.29). Remarquons que cette difficulté à comprendre va poursuivre Marie pendant longtemps (lors de l’adoration des mages; quand Jésus a 12 ans, aux noces de Cana…). Elle interroge (Lc 1.34). Elle s’en remet à la volonté d’un autre. « Je suis la servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1.38)14. Cela est assez exactement l’attitude de l’enfant, et celle du disciple. Remarquer que l’initiative ne vient pas d’elle15.

b. La visite de Marie à Élisabeth (Lc 1.39-45)🔗

Ce qui se passe les dépasse complètement. Elles sont autant témoins qu’actrices. C’est la bonne manière de participer à l’œuvre de Dieu. Quelle joie chez ces deux femmes! C’est aussi une femme qui sera la première à voir Jésus ressuscité. Les hommes sont plus raisonneurs, plus incrédules (Lc 24.22-24, 41; Jn 20.24-25). Les femmes adoptent aujourd’hui le même chemin, prenant les hommes pour modèles…

c. Le cantique de Marie (Lc 1.46-56)🔗

On sait l’impact qu’ont eu de nombreuses femmes pieuses sur leurs enfants devenus ensuite de grands serviteurs de Dieu (voir 2 Tm 1.5). L’esprit de service est contagieux, fécond.

d. Jésus à l’âge de 12 ans (Lc 2.45-52)🔗

Que relève-t-on? L’enfant Jésus n’est pas la « propriété » de ses parents. Il leur a été confié, ce qui est différent. Il en est de même pour tous les enfants. Son cadre de vie semble large, avec une dimension communautaire : ses parents voyagent durant deux jours, le pensant avec d’autres. On en déduit que son père n’exerçait pas une autorité dominatrice, ce qui n’est pas meilleur qu’une autorité défaillante (Ép 6.1-4). Nous voyons que ses parents ne font pas écran entre Dieu et lui : il grandit d’abord « devant Dieu », il sait qu’il y a quelqu’un de plus grand au-dessus de ses parents. Cela est capital. Son intelligence est vive, alors qu’il n’a pas étudié (Jn 7.15)16. Cependant, il n’enseigne pas les docteurs de la loi : il les écoute et les interroge (Lc 2.46). Il apprend, comme un disciple. Il n’est pas pour autant sans parents : « Et il leur était soumis » (Lc 2.51). Que disent les témoins? « Jésus croissait en sagesse, en stature et en grâce, devant Dieu et devant les hommes » (Lc 2.52). C’est le sujet même de notre étude.

Qu’apprenons-nous encore?

a. Cela nous parle très directement de l’importance de ce qui se vit à la maison17, dans les couples et avec les enfants, en termes d’égalité et de soumission… (Ép 5.21-22; 6.1-4; 1 Pi 3.7-8). Y trouve-t-on une autorité qui aide, qui fait grandir? À bien des égards, ce qui se vit à la maison a priorité sur ce qui se vit à l’Église18.

b. On apprend qu’il ne faut pas sauter les étapes. Il s’agit, en fait, d’être à sa place; juste sa place. Jésus a 12 ans ici; ni 8 ni 16. C’était le moment, pour lui, de vivre cela (et pour ses parents de l’apprendre). Sauter une étape, ce n’est pas gagner du temps, car il faudra revenir en arrière (1 Tm 3.6)19. Jésus le dira ainsi : « Le disciple n’est pas plus que le maître, mais tout disciple accompli sera comme son maître » (Lc 6.40). Nous reviendrons sur ce verset important pour notre sujet.

c. On apprend aussi quelque chose du rapport soumission-autorité (Lc 2.51). Jésus fait montre d’une certaine autorité dans ses propos avec les docteurs de la loi, car ce qu’il dit est juste. Avoir autorité, c’est être autorisé à. Cette justesse n’est pas sans rapport avec la justesse de son attitude (soumis à ses parents, écoutant et interrogeant les docteurs de la loi)20. Cette autorité n’est pas sans rapport avec son attitude soumise (à ses parents = au Seigneur, selon Ép 6.1). Le centenier craignant Dieu de Luc 7 vit ce même rapport soumission-autorité et le voit dans la personne de Jésus. Jésus admirera sa foi (= son intelligence spirituelle, ici). (Voir Ps 119.130; Pr 28.5; Dn 1.8, 17).

d. Les chrétiens doivent apprendre (à commencer par les enfants dans la cour de l’école) à dire oui quand il faut et non quand il faut (voir Mt 4.10-11; 5.37; 16.23; 21.27; Ac 4.19-20; 5.29; Ga 2.11…)21. Le « non » paraît négatif, sans amour. Jésus a-t-il toujours dit oui à tout? Il y a des « non » à dire qui sont aussi importants que des « oui ». Et il y a des oui qui sont lâches. Il faut développer la conscience de l’enfant (temps de solitude, temps de silence, référence à ce que Dieu pense), lui apprendre à dire oui, à dire non, à être social, à savoir être seul. Attention à la télévision, si on l’a; attention à l’impact de la musique, des chansons, de l’école…

e. Par rapport à ma propre enfance : le rapport affection-autorité a-t-il été équilibré? Suis-je encore habité par des réflexes de peur, de dissimulation, de rébellion…?

4. Devenir adulte🔗

Nous avons vu que Jésus n’a pas attendu d’avoir 18 ans pour avoir un comportement qu’on pourrait qualifier « d’adulte », de responsable (= qui peut répondre de ses actes).

Et pourtant, enfant, il était soumis à ses parents. Un enfant doit commencer à apprendre (notamment apprendre à obéir) très tôt. Le plus tôt possible. L’enfant, comme un disciple. « Le disciple n’est pas plus grand que le maître; mais tout disciple accompli sera comme son maître » (Lc 6.40). C’est le futur présent : il est en train de le devenir, mais il ne l’est pas encore (voir Ph 3.12-13).

Nous avons dit qu’une des caractéristiques de l’enfant, c’est qu’il apprend, tous les jours. Toute sa vie, en fait! L’apôtre Paul ne dit-il pas à plusieurs reprises : « j’ai appris » (1 Co 1.11; Ph 4.11-12). Jésus lui-même « a appris, bien qu’il fût fils, l’obéissance par les choses qu’il a souffertes » (Hé 5.7-8). Dans tous ces cas, il n’est pas dit que cela s’est fait en un seul coup22… C’est ainsi qu’ils sont devenus « adultes ».

Suis-je encore en train d’apprendre?

Par contre, Jésus a attendu 30 ans pour entrer dans son ministère. Pas de précipitation. Nous l’avons déjà dit, il ne faut pas sauter les étapes. Attendre l’heure de Dieu est le meilleur moyen de ne pas perdre de temps. Si je saute une étape, Dieu me demandera un jour de retourner là où j’ai refusé d’attendre, là où j’ai refusé d’entendre23.

Pour devenir adulte, certaines prises de conscience sont nécessaires, notamment le fait qu’on ne doit pas demeurer un enfant toute sa vie24. Le terme « enfant », en effet, peut avoir un sens péjoratif dans certains cas.

a. « C’est comme à des êtres charnels que j’ai pu vous parler, comme à des enfants en Christ » (1 Co 3.1-3).🔗

Ces versets associent le mot « enfant » au mot « charnel ». Ce mot signifie ici : qui se fie à ses impulsions naturelles, à ses réflexes spontanés, à ses propres désirs. On pourrait le remplacer par « épidermique ». Il s’agit de quelqu’un qui ne réfléchit qu’après (Jc 3.10-12; Ép 4.29). Et ce qui est touchant chez un enfant de 2 ans (et encore, avec des limites) devient grotesque quand c’est le fait d’un adulte.

Le verset 3 décrit certains fruits du comportement immature : jalousie, disputes… La cour de l’école! Plus loin, est mentionné l’orgueil (1 Co 4.6, 18). Ces choses se voient encore chez ceux et celles qui devraient être des modèles depuis longtemps… Il est significatif que les chapitres suivants mentionnent les dérèglements dans le comportement (sexuel, nourriture, recherche du sensationnel… 1 Co 5.1-2; 6.12-15). Ces comportements peuvent faire penser à ceux d’un « enfant gâté » : égoïste, insatiable, ingrat, incapable d’aimer… Celui-là est malheureux et rend les autres malheureux.

Paul dit aux Corinthiens qu’il ne leur manque aucun don. Mais quel usage en font-ils? Ils s’en servent pour eux-mêmes! « Charnel » signifie : « tout humain » ou : qui vit au niveau de son âme (psychê) naturelle. Celui-là confond ce qui est psychique et ce qui est spirituel25.

Question : La foi chrétienne peut-elle devenir un facteur d’immaturité? La réponse est oui, malheureusement (Rm 6.1; 1 Co 5.1; 11.17). Quel est alors le remède?

b. « Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant… » (1 Co 13.11-12)🔗

Ici aussi, le mot « enfant » a nettement un sens péjoratif. Il correspond à une étape passagère, certes importante, mais qui doit laisser place à une autre.

Questions : Depuis combien de temps suis-je dans l’étape actuelle? Suis-je en train de m’approcher de l’étape suivante? Ma main est-elle dans celle du Seigneur? Mon oreille entend-elle sa voix? Que dois-je délaisser, maintenant, pour avancer?

c. « Quiconque en est au lait… est un enfant » (Hé 5.12-14)🔗

L’apôtre s’adresse ici à des chrétiens, et il s’étonne qu’ils n’aient pas atteint un niveau de maturité plus grand. Si je plante un arbre dans un pot de fleurs, il demeure petit; mais ce n’est pas sa condition naturelle26. C’est le rôle des bergers (les parents, les anciens) de veiller à ce que chaque membre grandisse, pas après pas. C’est aussi le rôle de chacun de bien écouter. « Mes brebis écoutent ma voix et elles me suivent » (Jn 10.27)27. Le constat est que ces chrétiens n’ont pas appris ou n’ont pas mis à profit ce qu’ils ont appris. Le comportement de l’adulte est caractérisé par un « jugement exercé par l’usage à discerner ce qui est bien et ce qui est mal » (Hé 5.14). Noter, ici encore, le caractère positif du mot « jugement »28.

Questions : Quelles leçons ai-je apprises de mes derniers échecs? Ai-je commencé à mettre en pratique ce que j’ai appris du Seigneur? Quels sont les véritables obstacles à cet apprentissage, à cette mise en pratique? Mon regard est-il tourné vers l’avant?

d. « Ôte premièrement la poutre » (Mt 7.3-5)🔗

Être adulte, c’est penser d’abord à soi, non pas pour ce qui concerne le bien-être, mais pour ce qui concerne la responsabilité. Le contraire de « se défiler ». La parabole de la poutre et de la paille en est une bonne illustration (Mt 7.3-5) : Jésus ne dit pas de ne pas se préoccuper de son frère ou de sa sœur; il dit : il y a quelque chose à faire d’abord. Le devoir de répréhension fraternelle (Mt 18.15) implique de ne pas toujours attendre qu’un autre le fasse; et de ne pas seulement prier! Prier, c’est pour recevoir de Dieu le feu vert, l’instruction sur le comment, la manière… L’amour fraternel (déjà dans la maison) suppose cette disposition à aider, servir, donner, soutenir, sans attendre qu’un autre commence (Rm 13.8). Paul donne à ce sujet l’exemple du soldat qui n’est pas retenu en arrière pas ses sentiments (2 Tm 2.3-4).

e. « Vous avez été appelés à la liberté » (Ga 5.1, 13)🔗

De quoi suis-je encore esclave (retenu en arrière)? La Bible nous donne de la liberté une autre définition que celle qui est entendue habituellement. Quelle est ma définition? Est libre celui ou celle qui peut répondre à l’appel de Dieu sans attendre. « Ils laissèrent tout et le suivirent » (Lc 5.11). Les chapitres 6 à 8 de la lettre aux Romains parlent de cette liberté par rapport au péché, par rapport à la « chair », liberté qui permet de marcher « selon l’Esprit ». Cela passe par ma crucifixion avec Christ (Ga 5.1, 13) : déjà opérée (c’est ma position, Rm 6.5, 11) et encore en train de s’opérer (c’est la croissance, Rm 6.13-14; 8.13; Co 3.5).

Peut-on donner une définition de l’adulte? Il y en a plusieurs, sans aucun doute. Je propose celle-ci : un adulte, c’est quelqu’un qui procure du repos autour de soi. On voit que c’est une définition qui n’est pas tournée vers soi… mais qui commence par soi. Jésus en est le modèle parfait, qui a dit : « Venez à moi et vous trouverez du repos pour vos âmes » (Mt 11.28.30). Jésus donne du repos à son Église en en prenant soin (Ép 5.28-30). C’est dans ce sens que Naomi dit à ses belles-filles : « Peut-être Dieu vous donnera-t-il de trouver du repos dans la maison d’un mari » (Rt 1.9).

5. Grandir pas à pas🔗

Trois rappels, trois questions.

a. « Lorsque nous étions enfants, nous étions sous l’esclavage… » (Ga 4.1-2)🔗

Dans ce passage, l’état d’enfant est assurément décrit comme un temps qui ne doit pas durer toujours. Ici, Paul décrit le peuple d’Israël avant la venue du Messie : c’est ce qu’il appelle le temps de l’enfance : les choses sont promises, mais on n’en jouit pas encore. C’est un temps d’attente, encore proche du temps de dénuement.

Ce qui est étonnant, c’est qu’un enfant peut aspirer à devenir adulte, mais quand ce temps-là arrive, il choisit finalement de demeurer un enfant, de rester sous la tutelle.

Question : Ai-je repéré dans ma vie des liens (des attachements) qui m’empêchent de grandir?

b. « Mon enfant, fortifie-toi dans la grâce qui est en Jésus-Christ » (2 Tm 2.1)🔗

Jamais la Bible ne recommande d’être faible. Doux, patient, mais pas faibles. La faiblesse fait le jeu du diable. Faibles, nous le sommes. Nous devons nous fortifier : par notre relation personnelle avec le Seigneur (qui comprend l’obéissance de la foi)29; les uns les autres (là encore, c’est de la part du Seigneur)30. Chaque jour qui passe devrait y contribuer, y compris les jours difficiles ou marqués par un échec.

Question : Puis-je comprendre cet enchaînement dynamique : plus faible, plus près de Jésus, plus fort?

c. « Tout disciple accompli devient comme son maître » (Lc 6.40)🔗

Cela devrait-il concerner tous les chrétiens? Je crois que oui; du moins ceux qui viennent à Jésus avant la toute fin de leur vie. Le mot traduit par accompli (kataridzô) signifie : bien formé, bien ordonné (comparer avec Hé 11.3). Deux écueils doivent être évités : croire que c’est facile, croire que c’est impossible. En d’autres termes, l’ambition et le fatalisme31.

Question : Suis-je accessible à l’un ou l’autre de ces écueils? Ou aux deux?

6. Pour avancer encore🔗

a. Accepter la correction du Seigneur (Hé 12.10-11)🔗

La correction du Seigneur est une preuve de notre adoption. L’épreuve comme une preuve… C’est l’étape de l’émondage (Jn 15.2), du creuset (1 Pi 1.7). C’est la nécessité de pleurer, de crier parfois (Rm 7.24). Jésus l’a vécu (Hé 5.7-8). Nous devons veiller à ne pas nous installer dans la plainte. Celui qui se plaint se place en victime et n’apprend pas. « Pourquoi l’homme vivant se plaindrait-il? Que chacun se plaigne de ses propres péchés » (Lm 3.39). Celui qui se plaint sans cesse sort de la foi et finit par faire de Dieu le coupable.

b. Bien distinguer les regrets et la repentance🔗

Le fils prodigue est passé de l’un à l’autre, étant « entré en lui-même » (Lc 15.17). Comment le voit-on? Il se lève et il va selon ce que Dieu lui a montré. « Si mon peuple sur qui est invoqué mon nom s’humilie, prie et recherche ma face, s’il revient de ses mauvaises voies… » (2 Ch 7.14). Effectuer des choix, ôter les obstacles. Agir ainsi, c’est démontrer notre amour pour le Seigneur en réponse à son amour. C’est la véritable intelligence spirituelle. Ce n’est pas un mérite, mais c’est une condition (2 Ch 7.14; Mt 3.2-3; 4.17). Dans ce sens, la passivité, la négligence, l’indécision sont des attitudes fort préjudiciables (Jc 1.7; 4.8-10). Elles s’opposent à Dieu, elles nous exposent à l’emprise du diable, elles privent la communauté de la grâce qui devrait passer par moi.

c. La pédagogie de l’échec (Job 42.1-5; Mt 26.69-75)🔗

Faire la volonté de Dieu n’est pas difficile, c’est impossible… par mes seules forces! Nous devons passer par la perte de nos illusions. Je ne suis pas un cow-boy, dit le petit garçon; je ne suis pas une princesse, dit la petite fille. Normalement, tout chrétien a déjà appris cela pour venir à Jésus. Le chrétien n’est pas un rêveur. La foi est le contraire de la fuite! Mais la leçon demeure peu aisée à apprendre. Beaucoup de grands serviteurs de Dieu (Abraham, Jacob, Moïse, David, Pierre, Paul…, mais aussi jusqu’à nous) l’ont apprise d’une manière profonde, souvent de manière coûteuse… « Avant d’avoir été humilié, je m’égarais; maintenant, j’observe ta Parole. […] Il m’est bon d’être humilié afin que j’apprenne tes statuts » (Ps 119.67, 71). En réalité, on apprend souvent davantage de nos échecs que de nos réussites.

d. Vivre les processus de deuil🔗

Chaque pas entraîne une forme de deuil. Nous ne devons pas regarder en arrière (Lc 9.62; 17.31; Ph 3.13). Nous ne devons pas refuser d’avancer, quoi qu’il arrive (Gn 22.1-3; Ps 23.4; Mt 2.18; Hé 11.8)32. Nous devons revenir au point de blocage : où me suis-je arrêté d’avancer? Nous devons apprendre à « quitter » : son pays, la maison de son père, comme Abraham; l’Égypte, comme Moïse et le peuple hébreu; ses biens, si le Seigneur le demande (Mc 10.21), ce qui faisait notre force, comme Paul (Ph 3.8). On se souvient de l’expression de Montaigne : « Il faut être botté et prêt à partir. »

e. Avoir des modèles🔗

Le modèle est celui ou celle qui nous devance, même de peu : il ou elle « fait la trace ». C’est précieux, à tout âge, depuis la cour de l’école jusqu’à l’agonie (Hé 11.13). Le modèle a lui-même un modèle. Le modèle absolu, c’est Christ (1 Co 11.1; Ph 3.17). Chacun peut devenir un modèle à son tour. Le modèle n’est pas encore arrivé : il est aussi un modèle dans sa manière de vivre les échecs, de demander pardon… Le modèle est encore en train d’apprendre! (1 Tm 4.15). Ainsi en est-il des parents dans la maison; ainsi en est-il des anciens et des diacres dans l’Église.

f. Le message de la croix : notre union avec Christ🔗

C’est le deuil principal, si on peut dire, c’est celui de ma propre vie (Rm 12.1). L’amour est-il possible sans cela? Certes pas! « Celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la trouvera » (Mt 16.25). On dit souvent que Jésus est mort à notre place. Cela est vrai, mais n’est pas suffisant : il est aussi mort pour nous entraîner avec lui dans sa mort afin que nous puissions marcher en nouveauté de vie. Pas de résurrection sans mort! « Nous sommes devenus une même plante avec lui dans l’union à sa mort afin de marcher en nouveauté de vie », dit Paul en substance (Rm 6.3-7). Et il précise : « Celui qui est mort est libre du péché. » C’est la condition pour vivre « selon l’Esprit » (Rm 8.9), vie par l’Esprit qui consiste à « faire mourir » ce qui est lié à notre nature égoïste (Rm 8.13). « Ce n’est plus moi qui vit, c’est Christ qui vit en moi » (Ga 2.20) est précédé de cette affirmation : « J’ai été crucifié avec Christ. » Normalement, cela se voit…

g. L’espérance conditionne la marche🔗

L’espérance est proche de la foi (Hé 11.1). Elle s’en distingue cependant (1 Co 13.13), mais un lien étroit les unit. Je le formulerais ainsi : l’espérance s’attache aux choses promises reconnues comme certaines; la foi s’attache à l’espérance pour avancer aujourd’hui (Hé 6.19). C’est en considérant l’accomplissement des promesses (la terre promise, sa postérité, la résurrection d’Isaac, la venue de Jésus…) qu’Abraham a marché pour répondre à l’appel de Dieu (Hé 11.10, 13, 16). C’est en vue de la joie qui lui était réservée que Jésus a souffert la croix et vaincu malgré l’opposition (Hé 12.2). Si ce qui m’attend est certain (l’espérance), aucun obstacle ne pourra m’arrêter (la foi). Ainsi, la foi qui me permet de marcher a-t-elle besoin d’une forte espérance (1 Co 15.58; 1 Th 4.13; 5.6-11).

Comment le vivre? En étant bien persuadé que rien, dans notre être naturel, ne peut accomplir la plus petite part de la volonté de Dieu : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15.5; voir Rm 7.24). En venant à Jésus et en demeurant en lui : « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure porte beaucoup de fruit » (Jn 15.5). En rendant notre âme (sentiments, pensée, volonté) servante de Christ, servante de la volonté de Dieu, de sa Parole; autrement dit, en gardant ses commandements dans l’obéissance de la foi.

7. Les signes de la maturité🔗

Nous allons essayer de recenser quelques signes de la maturité. Il y en a beaucoup évidemment, mais qu’on peut tenter de rassembler autour d’un certain nombre de traits caractéristiques.

Deux remarques d’abord.

Premièrement, nous devons être bien persuadés que ce que la Bible décrit comme étant la marche chrétienne n’est pas un idéal. C’est une manière de vivre conforme à notre appartenance à Christ. C’est une marche conforme à une position. Certains disent : c’est difficile. Ce n’est pas difficile, c’est impossible! Mais quand on renonce à le vivre par soi-même, quand on se courbe sous l’autorité du Seigneur et qu’on s’ouvre à sa grâce, on découvre qu’il est possible de marcher et de grandir avec lui. Si nous ne sommes pas convaincus de cela, nous courons deux risques redoutables : trouver des excuses ou nous mettre sous une loi. Deux manières de ne pas avancer!

Deuxièmement, les signes de la maturité, ce sont aussi des objectifs qui ne sont pas complètement atteints. Cela, oui! Mais si nous sommes chrétiens, nous avons déjà commencé à les vivre. Cela est très important. Et nous tendons vers cette maturité en avançant sur un chemin qui s’appelle Christ. En réalité, c’est lui qui accomplit cela en nous! (Ga 5.16, 22; 1 Th 5.24).

a. Accepter d’être aimé🔗

C’est la surprise totale. C’est la dimension de la grâce. L’accepter, c’est mourir à beaucoup de choses « anciennes ». On pourrait le dire ainsi : la vie chrétienne commence par le repos. Pensons au témoignage de Blaise Pascal, à sa conversion : « Joie! Pleurs de joie! »

Lire Rm 5.6; Ép 1.3-6; 1 Tm 1.15; Hé 4.9-11; 1 Jn 4.10.

b. Transmettre à d’autres ce que j’ai reçu🔗

Un petit enfant peu déjà commencer à le faire… Transmettre l’amour reçu, d’abord; des paroles de grâce; du pain…

Lire Ps 98.5-8; Mt 20.19-20; Jn 13.34; 1 Co 12.7; Ép 4.25, 29; 2 Tm 2.2; 1 Pi 4.10; 1 Jn 4.11.

c. Faire passer la communauté avant moi🔗

Un époux peut mourir pour son épouse. Des parents peuvent mourir pour leurs enfants. Le berger donne sa vie pour ses brebis. C’est ce principe-là. Cela a beaucoup d’implications pratiques, quotidiennes.

Lire Ex 32.32; Rm 9.3; 10.1; 1 Co 6.8; 10.24; 14.12; Ph 1.22-24.

d. La disponibilité pour servir🔗

Servir est la vocation première de tout homme. Le faire dans la foi est la source d’une grande joie. L’expression « les uns les autres » est toujours accompagnée par l’idée de servir, dans les Évangiles et les lettres apostoliques (Ga 5.13). Elle trouve son application première dans la maison, puis dans la communauté. Ensuite à l’extérieur. Veiller à la motivation (1 Tm 3.3; 1 Co 13.3). Servir les frères dans la foi, c’est servir le Seigneur! (Hé 6.10).

Lire Mt 20.28; Jn 13.1-5; 1 Co 10.24; Ph 2.3-7; Ap 19.5.

e. Savoir écouter🔗

L’écoute est une disposition du cœur. Écouter, c’est accueillir, c’est recevoir, c’est être vraiment présent et montrer à l’autre qu’il existe vraiment33. Laisser de la place pour l’écoute dans la prière, c’est accepter que ma prière soit orientée par Dieu, jusqu’à demander ce qu’il veut lui-même. La prière que Dieu exauce, c’est celle qu’il inspire (1 Jn 5.14-15). Écouter permet de dire la parole opportune (És 50.4-5).

  • Écouter Dieu (Dt 6.4; 1 Sa 3.10; És 55.3; Os 2.16; Jn 10.27).
  • Écouter les autres (Ép 5.21).

f. Être capable de renoncer à ses droits légitimes🔗

C’est une des implications. Elle n’est pas naturelle. Elle témoigne de notre assurance dans l’amour du Christ et de notre espérance.

Lire Rm 14.13, 15-16; 1 Co 6.8; 10.32-33.

g. Abandonner les excuses🔗

Reconnaître mes péchés et marcher dans la lumière. Imaginez dans un couple en difficulté… Cela commence à genoux, dans la prière.

Lire Rm 1.21; 2.14-16; Ph 2.14-15; 1 Jn 1.5-10; 2.1-6.

h. Être capable de souffrir pour Christ🔗

Notons que c’est bien plus difficile quand cela se passe à l’intérieur de l’Église. C’est difficile aussi sur le lieu du travail : être capable d’être différent pour des raisons pures, quel que soit le prix à payer…

Lire Mt 5.10-12; Ac 4.18-21; 5.29, 41; Rm 8.17; Ph 1.27-30; 1 Pi 2.12; 3.13-17.

On peut ajouter à ce point, vivre un amour qui intègre la dimension du sacrifice.

Lire Gn 22.1-2; Mt 20.28; Rm 12.1-2; Ép 5.22-25; 1 Jn 3.16.

i. Avoir une vision centrée sur Christ et non sur moi-même (contre le moralisme)🔗

Par exemple, Ép 5.21-33 parle de la relation au sein du couple. Mais le vrai sujet, c’est l’Église et sa relation avec le Seigneur : c’est de cela que le couple doit être un reflet (Co 1.15-18)34. La foi chrétienne n’a pas l’homme pour centre!

Lire Jn 15.8; Rm 11.36; Ép 1.5-6.

j. Garder la joie du salut, même au temps des larmes🔗

Pensons à la cantate de Bach : Que ma joie demeure! Il ne s’agit pas forcément de faire la fête…; en tout cas, pas de faire semblant. Il s’agit de ne pas confondre les choses qui passent et celles qui demeurent.

Lire Ps 51.14; Mt 6.19-21; Jn 16.22; Ac 16.25; Ph 2.17-18; 3.1; 4.4.

k. Accepter les différences légitimes🔗

Notamment la diversité de la grâce et des mesures de grâce, des vocations, des dons, des ministères, des parcours et des expériences possibles. Les mots « chacun » et « tous » renvoient chacun à lui-même, tout en veillant à l’unité avec tous. Il est à la fois utile et dangereux de (se) comparer… Enfin, accepter les différences, c’est aussi accepter mes propres limites, ce qui ne s’apprend pas si facilement.

Lire Ex 18.18; Rm 12.4-5; Ép 4.1-3; 1 Co 3.3-4; 12.4-7, 11, 14-21; 14.1; Ph 3.16.

l. La maîtrise de la langue🔗

La Bible en parle beaucoup. Ce n’est pas pour rien. L’usage de la parole est un des traits de ressemblance entre l’homme et Dieu. Une bonne parole fait beaucoup de bien; une mauvaise parole fait beaucoup de mal. Toutes nos paroles devraient être bonnes (approuvées de Dieu), y compris les paroles sévères… Tout mensonge est exclu.

Lire Ec 5.1; Pr 21.23; Mt 12.33-37; Ép 4.25, 29-30; Jc 3.1-12.

m. Savoir être seul🔗

Cela concerne déjà le jeune enfant. Cela concerne celui ou celle qui cherche une compagne ou un compagnon (Gn 24.63); celui qui se prépare à servir (1 S 16.11; Mt 4.1); celui qui prie (Mt 6.6); celui qui a besoin d’entendre Dieu (Ex 3.1-2; 1 S 3.1-3; 1 R 19.3-5; Lc 15.15-17); celui qui est confronté à un combat (Lc 22.41; Jn 6.15; 16.32; 2 Tm 1.15; 4.16). Celui qui meurt, car on meurt seul…

n. Être en mesure d’exercer des jugements🔗

Le même verbe grec (krinô), qui signifie « juger », peut avoir un sens négatif ou un sens positif. C’est le contexte qui le montre. Le sens négatif : « ne jugez pas » (Mt 7.1), « pourquoi juges-tu ton frère? » (Rm 14.3, 10) suppose que l’on prend la place de Dieu. Le sens positif signifie que l’on exerce un discernement de la part de Dieu (Lv 10.10). « Ne donnez pas les choses saintes aux chiens… », dit Jésus (Mt 7.6), après avoir dit : « ne jugez pas » (!). « N’y a-t-il parmi vous aucun homme sage qui puisse juger entre ses frères? » (1 Co 6.2). « À l’égard du jugement, soyez des hommes faits » (1 Co 14.10, 24-25, 29).

o. Dépasser la peur🔗

« La crainte de l’Éternel est le commencement de la sagesse » (Ps 111.10; Pr 9.10); mais la peur est mauvaise conseillère. Peu avant d’être pendu par les nazis, alors qu’il est déjà en prison depuis trois ans, le pasteur allemand Dietrich Bonhoeffer confie ses combats et ses victoires dans la foi.

« Bonhoeffer avait toujours craint de ne pas être assez fort pour faire face à une telle épreuve, mais maintenant il savait qu’il n’y avait rien dans la vie dont on ne devait avoir peur, rien.35 »

Nous devons repérer les attitudes qui, en nous, sont motivées par une peur. Il est peu probable qu’elles soient constructives et portent du fruit.

Lire 2 Ch 20.15; Né 4.14; És 7.4; 41.10; So 3.16; Mt 10.28; Mc 5.36; Rm 8.31-39; Ap 2.10.

p. Être en mesure de parler de la mort, y compris de ma propre mort🔗

Aujourd’hui, la mort (bien que partout présente) est occultée. Comme Dieu. Pour chaque humain, ce sont pourtant là deux grands rendez-vous36. Être prêt à mourir, n’est-ce pas être (enfin) prêt à vivre correctement? Il ne s’agit pas de banaliser la mort. Il s’agit d’être prêt, équipé, armé d’une solide espérance (2 Co 5.1-5; Ph 1.22-24; 1 Th 4.13).

8. La notion biblique d’édification🔗

Cette méditation prolonge ce que nous avons déjà dit :

  • avoir une pensée centrée sur Christ;
  • faire passer la communauté avant moi.

Ces deux objectifs de la vocation chrétienne sont indissociables, comme sont indissociables la tête, Christ, et le corps, l’Église (1 Co 12.12; Hé 6.10).

Par exemple, le temps de culte a deux objectifs : honorer le Seigneur (c’est pour lui!) et édifier l’Église dans le sens d’affermir son unité spirituelle et sa maturité.

Bien sûr, cela passe par la maturité de chacun. Mais l’objectif n’est pas la maturité de chacun; l’objectif, c’est la maturité de l’ensemble, c’est-à-dire l’édification, la construction d’un édifice bien coordonné (Ép 4.16; Ac 16.5).

Le chapitre 4 de la lettre aux Éphésiens mentionne les ministères de direction spirituelle (v. 11), qui sont donnés « pour le perfectionnement des saints » (v. 12 dans la traduction Segond). Le mot « perfectionnement » fait songer à l’intérêt de chacun (comme le mot « édification », souvent : « Ce livre m’édifie… »). Ainsi, il serait plus correct de traduire « pour l’équipement des saints ». En effet, le perfectionnement, c’est pour soi; tandis que l’équipement37, c’est en vue de quelque chose. En vue de quoi? En vue de « l’édification du corps de Christ » (v. 12), et en vue de « l’œuvre du ministère » (le ministère de toute l’Église en tant que corps de Christ). Cela est présenté dans les deux schémas qui suivent.

1re compréhension possible d’Éphésiens 4.11-12 :

       l'équipement des saints
  Christ  les ministères  l'édification du corps
       l'oeuvre du ministère

Cette compréhension fait des ministères établis le centre de toute l’œuvre. Tout repose sur les ministères ordonnés. C’est le modèle traditionnel hérité du catholicisme.

2compréhension plus correcte du même texte :

          l'édification    du corps
  Christ      les ministères  l'équipement     des saints    
          l'oeuvre du   ministère

Les cinq mêmes éléments sont bien là. Ce deuxième schéma n’abolit pas les ministères donnés par Christ, mais ils ne sont qu’un moyen. Le point central, en un sens, c’est l’équipement des saints; c’est d’eux tous que dépend le reste. Cette deuxième compréhension correspond bien à la vision des réformateurs qui ont maintenu ensemble les ministères ordonnés et le « sacerdoce commun » des croyants.

Comme pour les parents dans une maison, la vocation des ministères est de favoriser la maturité de chacun et de tous. Des ministères trop présents ou trop peu présents, trop autoritaires ou manquant d’autorité empêcheront de servir cet objectif.

a. La notion biblique d’édification (Ép 2.20-22)🔗

Nous avons compris que la notion biblique d’édification n’est pas individuelle; elle est communautaire. Prendre conscience de cela a beaucoup de conséquences. Cette perspective, ce souci occupent constamment la pensée de l’apôtre Paul. Cela se traduit au travers des thèmes qu’il aborde souvent.

b. La dimension du corps🔗

Nous sommes le corps dont Christ est la tête. Mais cela forme un tout! (Ac 9.1 5; 1 Co 8.12; 12.12). Chacun et tous : dans un corps, tous les membres sont nécessaires et reliés les uns aux autres. Si un est honoré, tous se réjouissent; si un souffre, tous souffrent (1 Co 12.14-27). Tous, c’est chacun! Chacun, c’est tous! Ne négliger personne (Lc 15.3-6; Jc 2.1-4).

c. L’unité spirituelle🔗

Il ne suffit pas d’être assis côte à côte et de chanter des cantiques pour être unis spirituellement. Bien des fissures empêchent la coupe de se remplir et de déborder. L’unité entre les frères est d’une nature semblable à celle qui unit le Père et le Fils (Jn 17.20-23; Ph 2.1-4)!

d. L’amour fraternel🔗

De même, l’amour entre les frères et sœurs dans la foi est de la même nature que celui que Christ a pour nous (Jn 13.34-35). Il ne s’agit pas d’imiter l’amour de Christ; il s’agit d’aimer de cet amour reçu (1 Jn 4.11)!

e. La sainteté de vie🔗

Le chrétien doit marcher comme Christ a marché (1 Jn 2.6), chose impossible par nous-mêmes, mais possible par la grâce qui est en Jésus-Christ (2 Tm 2.1) et par l’Esprit Saint (Rm 14.17; 15.13). La sainteté est déjà la position du chrétien (Rm 12.13; 15.25; 1 Co 1.2). Sa conduite doit simplement être conforme à cette position (Ép 5.3; Ph 1.27; Co 1.10; 1 Th 2.12). Est-ce contraire à la joie? « C’est une joie pour le juste de pratiquer la justice » (Pr 21.15). Sommes-nous conscients que le même péché commis par un chrétien est, en un sens, bien plus grave que s’il est commis par un non-chrétien? Les conséquences sont tout autres… (Ép 4.30).

f. La vérité dans l’amour (Ép 4.15)🔗

On oppose souvent les deux. Mais les deux sont normalement inséparables : « L’amour se réjouit de la vérité » (1 Co 13.6)38. Cela fait un couple à trois : l’amour, la vérité et la joie!

g. La cène et ses implications🔗

La tristesse d’avoir causé la mort du Sauveur, la joie d’avoir un Sauveur parfait, l’espérance du Royaume de Dieu, la réalité du corps de Christ avec ses nombreuses implications : toute la vie chrétienne est concernée par ce qui se dit et se vit à la table du Seigneur39.

9. La croissance ne s’arrête jamais🔗

a. Veiller sur mes failles🔗

Certains chrétiens ont beaucoup d’atouts et semblent dépasser tous les autres par leur zèle, leurs engagements, leur avancement. Mais un jour, on les retrouve par terre : ils ont négligé de veiller sur un point faible dans leur vie. Attention, le plus fort n’est pas sans vulnérabilité. C’est pourquoi l’apôtre écrit « que celui qui est debout prenne garde de tomber » (1 Co 10.12). Jean Calvin exhorte aussi à la prudence et à l’humilité : « Il arrive aux plus saints de trébucher bien lourdement. » Cela fait réfléchir.

b. On ne peut pas sauter les étapes🔗

Nous l’avons déjà dit. Celui qui cesse de grandir court le risque de régresser (Hé 5.12-13). Mais rien ne sert de convoiter l’étape 4 si l’étape 3 n’a pas été franchie. « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant » (Jn 16.12). Chaque étape prépare la suivante.

c. Avoir un compagnon de prière🔗

Non pas un complice, mais quelqu’un à qui on peut tout dire (ou presque) et qui a le droit de nous dire des choses difficiles, éventuellement.

d. Grandir jusqu’où?🔗

« Jusqu’à ce que Christ soit formé en vous » (Ga 4.19). Cette expression se réfère à la gestation, quand Dieu « nous tissa dans le ventre de notre mère » (Ps 139.13) pour faire de nous « une créature si merveilleuse » (Ps 139.14). Il en est de même de la transformation qui s’opère en nous, par l’Esprit (2 Co 3.18).

e. Peut-on un jour se considérer comme arrivés?🔗

Non. Cela pourrait être une tentation dans deux cas différents : pour celui ou celle qui pense qu’il est au-dessus de tous les autres (Lc 18.11); pour celui ou celle qui, à force d’échecs, désespère de pouvoir aller plus loin. Quand il s’adresse aux Thessaloniciens, Paul loue leur marche fidèle, mais il les incite à « marcher à cet égard de progrès en progrès » (1 Th 4.1)40. Pas pour être « les meilleurs », mais pour l’enrichissement du corps de Christ, c’est-à-dire pour Christ!

10. Annexe 1 – L’accélérateur et le frein🔗

Finalement, qu’est-ce qui est le plus important dans une voiture : l’accélérateur ou le frein? Pas facile de répondre! Pourtant, les deux semblent opposés. Cependant, ils sont utiles, et même indispensables l’un et l’autre.

En un sens, l’enfant est celui qui voudra toujours aller plus vite. L’adulte doit lui dire : Attention, ralentis, freine! Mais devenu plus grand, l’enfant peut aussi devenir craintif et ne plus oser avancer. L’adulte devra alors lui dire : N’aie pas peur, tu peux y aller.

Cette illustration tend à montrer que si la spontanéité est parfois souhaitable, elle ne peut suffire à gérer notre vie. Apprendre à réguler notre spontanéité, nos sentiments et même nos pensées, c’est faire preuve de responsabilité. C’est devenir adulte, dans le bon sens du terme.

11. Annexe 2 – Écouter🔗

« Le premier service que l’on doit au prochain est de l’écouter. De même que l’amour de Dieu commence par l’écoute de sa Parole, ainsi le commencement de l’amour pour le frère consiste à apprendre à l’écouter.
Les chrétiens, et spécialement les prédicateurs, croient souvent devoir toujours “offrir” quelque chose à l’autre lorsqu’ils se trouvent avec lui; et ils pensent que c’est leur unique devoir. Ils oublient qu’écouter peut être un service bien plus grand que de parler.
Qui ne sait pas écouter son frère bientôt ne saura même plus écouter Dieu; même en face de Dieu, ce sera toujours lui qui parlera… Nous devons écouter avec les oreilles de Dieu, afin de pouvoir nous adresser aux autres avec sa parole.41 »

12. Annexe 3 – L’adulescence🔗

« Vous savez en quel temps nous sommes… » (Rm 13.11). Notre temps est marqué entre autres par « l’absence » d’homme et la féminisation des pratiques. Dire cela ne signifie pas que la vocation féminine serait négative. Loin de là! Ce qui est négatif, c’est la perte de la vocation masculine, à divers échelons, et la prépondérance du modèle féminin. Une psychologue a dit : « Aujourd’hui, les papas s’occupent plus des enfants qu’auparavant, mais ils s’en occupent comme des mamans. » Ce sont des mamans bis… Ainsi, l’enfant a en quelque sorte deux mamans qui sont avant tout portées par le désir de pourvoir. Cet enfant aura du mal à devenir un adulte.

« Prends soin de toi », dit-on quelques fois maintenant, en prenant congé de quelqu’un. C’est révélateur de notre époque. C’est un peu comme si on prenait conscience, au niveau social, que l’on est des êtres fragiles, susceptibles de souffrir. L’accompagnement, la relation d’aide, l’écoute, le cocooning, le « care »42, les soins palliatifs, la notion de bien-être, d’épanouissement, etc. De nombreux phénomènes accompagnent le développement de cette attitude, comme le syndrome de victimisation, par exemple.

Il importe cependant de repérer ce qui nourrit cette volonté sociétale de « prendre soin ». À certains égards, c’est une vision du monde centrée sur l’homme (en d’autres termes « sur soi-même ») et non sur Dieu; c’est également une vision de la vie sans espérance : ce qui importe, c’est d’éviter de souffrir maintenant, puisqu’après il n’y a rien. Cela obéit à un principe de vie où les droits l’emportent sur les devoirs, où l’amour se conçoit en termes de bien-être et non en termes de sacrifice…

Notes

1. Les théologiens modernistes se plaisent à parler du Dieu faible...

2. Un enfant qui tombe et que sa maman console pleure et est consolé en même temps.

3. La Bible en français courant dit : En toutes circonstances. La Bible du Semeur dit : En toute occasion.

4. Voir l’annexe 1 : L’accélérateur et le frein.

5. Je pense à cette parole de Ch. Spurgeon, dans une de ses prédications : « Chrétien, pourquoi déshonores-tu ton Seigneur en portant sans cesse un front soucieux? »

6. Voir ma prédication sur 2 Timothée 2 intitulée Toi donc mon enfant, fortifie-toi.

7. Voir mon article sur 1 Jean 2 intitulé Petits enfants.

8. Notons que si le disciple, en un sens, est comme un enfant, l’enfant, lui, devrait être comme un petit disciple... En d’autres termes, ce que nous disons ici ne fait pas de l’enfant un être innocent ou idéal (Pr 22.15).

9. En un sens tous les jours, à genoux pour la prière.

10. Apollos était « un homme éloquent et versé dans les Écritures, instruit dans la voie du Seigneur et fervent d’esprit; il enseignait avec exactitude ce qui concerne Jésus ». Mais il a accepté d’être repris et enseigné encore (Ac 18.24-26).

11. On pourrait dire : se rendre volontairement humble, non pas en apparence seulement. C’est ce qui a conduit Jésus de la gloire céleste à la condition humaine, à la condition d’un serviteur obéissant (Ph 2.6-8).

12. Samuel, tout serviteur de Dieu qu’il était, a dû également apprendre cette leçon, alors qu’il était chez Isaï pour oindre le futur roi d’Israël. N’allait-il pas choisir le plus grand, le plus fort des fils d’Isaï? Heureusement, comme un enfant qui écoute, il a entendu la voix de Dieu qui lui disait : « Ne prends point garde à son apparence et à la hauteur de sa taille, car je l’ai rejeté. L’homme considère ce qui frappe les yeux, mais l’Éternel regarde au cœur » (1 S 16.7). Celui qu’il oindra finalement, David, n’était qu’un enfant (1 S 17.33).

13. On imagine Paul prêcher avec aisance...; mais il demande qu’on prie pour lui afin que, quand il ouvre la bouche, il puisse « faire connaître hardiment et librement le mystère de l’Évangile » (Ép 6.19).

14. Une chrétienne qui dirait cela tous les matins en se levant démontrerait une belle disposition. On m’a parlé d’un berger qui disait tous les jours, au saut du lit : « Seigneur, ton serviteur se lève. » Je le fais depuis quelques années.

15. Remarquer qu’il en est ainsi à chaque page du livre des Actes. Tout au long de la Bible, finalement!

16. On peut lire Pr 1.8-9; 2.1-6; 3.1-4; 28.5.

17. Certains diront qu’avec Jésus c’était différent. Pas si sûr. Sa conception virginale n’abolit pas sa pleine humanité. Il a été faible comme nous, il a été tenté comme nous (Hé 4.15), il a appris l’obéissance, comme nous (Hé 5.8).

18. Sur l’importance de ce qui se vit à la maison, on peut lire Dt 6.4-9; Ps 78.5-8; 131; 1 Tm 5.4.

19. Les versets 1 à 13 de 1 Timothée 3 disent cela, en fait.

20. Nous nous souvenons que la soumission aux parents (quand on est enfant) n’est pas sans rapport avec la soumission à Dieu, toute autorité étant déléguée (Rm 13.1; Ép 6.1). Par ailleurs, un enfant est provisoirement enfant!

21. En France, les chrétiens sont encore assez peu persécutés. Peut-être parce qu’ils ne savent pas dire non quand pourtant ce serait nécessaire...

22. Cela ne se fait pas nécessairement sans souffrance (2 Co 7.8-9; Hé 12.4-7, 10-11). Jésus lui- même a supplié son Père avec cris (Lc 22.42; Mt 27.46; Hé 5.7). Il y a une manière de supplier (ou de jeûner) qui ressemble à un caprice; il y a une manière qui ressemble à un apprentissage (Ép 6.18; Ph 4.6; 1 Tm 2.1…). Penser au verbe « crier » (Ps 107.6, 13, 19, 28...). L’objectif est de demander ce que Dieu veut (Mt 26.42; 1 Jn 5.14-15).

23. Je relève également que l’apprentissage ne s’achève pas à 16 ans. Dans mon ministère d’aumônier hospitalier, je vois des croyants âgés qui apprennent des leçons du commencement à la fin de la vie chrétienne (la gravité du péché, l’étendue de l’amour de Dieu, la nécessité de se consacrer entièrement...). Voir l’annexe 2 sur l’écoute.

24. Voir l’annexe 3 sur l’adulescence.

25. Le mot charnel (« vous êtes encore charnels » 1 Co 3.2) traduit le terme grec psychikos qui signifie « selon l’âme » (psyché). Paul dit aussi : « selon l’homme » (1 Co 3.3). Parfois, le même mot psychikos est traduit pas naturel (1 Co 2.14). Ailleurs, le mot psychikos est associé aux mots terrestre et diabolique (Jc 3.15). Un chrétien charnel est assurément un chrétien immature.

26« Le royaume de Dieu est semblable à un grain de sénevé, [...] mais quand il a poussé, il devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent habiter dans ses branches » (Mt 13.32). Si l’on retient ce que dit Jésus ici, c’est moins moi-même qui dois grandir que le Royaume de Dieu dans ma vie (Jn 3.30). C’est bien de cela que nous parlons.

27. Voir l’annexe 2 sur l’écoute. Voir aussi mon étude intitulée Vivre à l’écoute.

28. Voir plus loin à la section 7, le point n.

29« Si quelqu’un détourne l’oreille pour ne pas écouter la loi, sa prière même est une abomination » (Pr 28.9). En un sens, l’obéissance de la foi est la plus belle prière, c’est-à-dire l’offrande de notre cœur.

30« Qu’on n’entende parmi vous aucune mauvaise parole, mais, s’il y a lieu, quelque bonne parole qui serve à l’édification et communique une grâce à ceux qui l’entendent » (Ép 4.29). C’est un ministère de la parole pour tous.

31. Voir mon article intitulé Le perfectionnisme.

32. On peut être cloué sur un lit d’hôpital et beaucoup avancer…

33. Voir en annexe 2, la citation de Dietrich Bonhoeffer. Voir aussi le livre de J.-C. Guillebeau, Je n’ai plus peur (Le Point, 2013), ainsi que mon étude intitulée Vivre à l’écoute.

34. Jonathan Edwards définit un chrétien immature comme étant celui qui trouve Christ utile, alors que le vrai chrétien est celui qui trouve Christ beau pour qui il est.

35. Lettre de Payne Best à Sabine, la sœur de Dietrich Bonhoeffer. Voir le livre de J.-C. Guillebeau Je n’ai plus peur, (Le Point, 2013).

36. On peut mentionner la conférence donnée par le pasteur Marc Boegner en 1929 : Dieu, l’éternel tourment des hommes.

37. Le mot grec traduit est katarstismos qui signifie : redresser, former, préparer, mettre en ordre.

38. Comment comprendre l’affirmation « l’amour espère tout, l’amour croit tout » (1 Co 13.7)? Le mot « tout », ici, ne signifie pas : tout et n’importe quoi. En effet, le verset précédent affirme que « l’amour ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité ». Ève a cru ce que disait le serpent : a-t-elle bien fait? Le mot « tout », ici, doit être traduit par entièrement, sans restriction, en tout temps. Le sens est : l’amour ne s’accommode pas en gardant ce qu’il préfère.

39. Voir mon article intitulé Le diaconat et la maturité de l’Église.

40. Dans les derniers jours de notre vie, Dieu peut nous faire faire de grands pas, encore!

41. Dietrich Bonhoeffer, De la vie communautaire.

42. To care = prendre soin. « L’éthique de la sollicitude, parfois appelée éthique du care, est une réflexion morale récente, issue dans les pays anglophones d’approches et de recherches féministes dans ce domaine » (Wikipédia).