Cet article a pour sujet la souffrance et la richesse qui peuvent nous éloigner de Dieu. Mais les fidèles peuvent apprécier les bénédictions de Dieu dans la prospérité et Dieu peut se servir de l'affliction pour nous purifier.

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Afflictions et égarements

Il existe une connaissance de Dieu toute personnelle et intime, qui nous est acquise au cours des hauts et des bas, des joies et des peines de l’expérience chrétienne. Il convient cependant de ne pas exagérer outre mesure une telle connaissance. L’idée selon laquelle les épreuves et les souffrances ouvriraient, en règle générale, les portes de notre cœur pour y accueillir Dieu est une idée qui ne résiste pas à la réalité. Il n’est pas nécessairement vrai que la souffrance nous rend meilleurs, même si, parfois, un désastre nous frappant lourdement ou la maladie nous minant peu à peu, ou nous emportant violemment comme un tourbillon, ouvrent des brèches dans notre résistance. Nous devenons plus prudents et réfléchis aux choses de la vie et nous renouons avec Dieu…

Il est fréquent d’invoquer le secours de Dieu et d’implorer ses faveurs dans de telles circonstances. Mais dès que l’orage se dissipe, combien parmi nous s’accrochent encore à lui? Je crains que la plupart ne se livrent, avec un acharnement encore plus grand qu’auparavant, à l’avarice, à la luxure ou à un autre péché tout aussi asservissant une fois le danger écarté. Car nous voilà vite rassurés avec le retour de nos forces; et avec la confiance retrouvée, nous redevenons tout à fait prétentieux; qu’avons-nous besoin d’un secours céleste?

Il est même très fréquent qu’une grande adversité, un deuil, la souffrance ou l’échec, nous plongent dans les ténèbres de l’athéisme le plus outrancier. Il n’est pas rare que notre appel au secours et nos prières restent sans réponse ou qu’ils ne reçoivent pas la réponse que nous désirons. Alors, gronde la rébellion, et nous savons parfaitement comment diriger nos flèches empoisonnées contre Dieu, considéré comme notre adversaire! Oui, j’ose prétendre, en dépit de tant d’idées reçues, que la souffrance ne rend pas nécessairement les gens meilleurs. Si elle le fait, la raison en est que notre cœur a été déjà ouvert pour accueillir la grâce divine.

Pour celui qui s’est barricadé hermétiquement dans son hostilité contre Dieu, la peine ne produit aucun effet positif. Certes, il peut s’en servir comme d’un outil pour nous ramener de nos égarements et pour convertir l’esprit rebelle, mais c’est Dieu qui en est la cause, et cette cause se trouve en Dieu et non en la souffrance en elle-même. Voyez l’épouse mécréante de Job, devant son mari assis sur les cendres et dans la poussière d’une misère innommable. Dans son exaspération, elle lui crie : « Maudis Dieu et meurs! » (Jb 2.9). Mais un autre croyant de l’Ancien Testament, l’auteur du Psaume 119, lui, confie : « Avant d’avoir été humilié, je m’égarais; maintenant, j’observe ta Parole » (Ps 119.67).

C’est encore pire lorsque nous nous trouvons en pleine prospérité matérielle. Généralement, l’opulence nous aliène de Dieu. À nos yeux, nous nous suffisons amplement. La radieuse beauté de la jeune fille, la santé éclatante du jeune homme, la prospérité de l’homme d’affaires ayant bien réussi, une carrière mondaine sans failles et l’absence de soucis et d’angoisses, voilà les facteurs qui favorisent et fertilisent l’indifférence… Telle est l’expérience des particuliers et des foyers, telle est aussi l’expérience des peuples et des civilisations. Quand la prospérité s’installe, la paix est stable; la puissance militaire à son faîte, il y a une régression spirituelle en proportion, même, hélas! en ce qui concerne les chrétiens. La dure adversité et les persécutions meurtrières avaient forgé des caractères indomptables et offert sur l’autel du martyre beaucoup de vies de saints et de saintes. Combien de mollesse à présent, que de semblants de foi et de piété, sans force ni consistance!

Je ne nie pas, loin de là, que des particuliers ou des familles, voire des Églises qui ont été matériellement comblées, ne donnent jamais des signes de foi et de piété authentique. Je crois même que, parfois, ils se sont attachés plus profondément à Dieu parce que la grâce divine a engendré en eux la gratitude et que son Esprit a accompagné la prospérité matérielle octroyée. « Il faut des jambes puissantes pour porter la richesse », dit un proverbe étranger. Je le crois sans peine. Car l’adversaire, lui, sait comment découvrir le talon d’Achille dans nos richesses et l’abondance en biens matériels.

Je voudrais noter cependant que le fidèle, lui, aussi bien dans la joie que dans la peine, peut connaître et reconnaître plus profondément Dieu et pénétrer davantage dans son intimité. Pendant la prospérité et les jours de joie, il discernera le danger pour éviter de se comporter comme un automate sans âme, dans sa foi et dans ses prières. Il peut même se rendre compte que certains biens matériels et une vie de piété ne se trouvent pas nécessairement en harmonie, que l’opulence peut devenir une rivale de Dieu. Si en soi-même la richesse n’est pas en cause, puisque Dieu l’a créée et l’offre aussi pour le bonheur des hommes, le péché, lui, envenime comme un poison l’esprit et tourne les biens matériels contre le Donateur céleste.

Dans la prospérité, le croyant découvre d’abord la spiritualité de Dieu. Il est en mesure d’apprécier le prix et d’évaluer le sens des trésors spirituels. Je crois, pour les avoir rencontrés personnellement, qu’il existe parmi ceux qu’on appelle « les riches », des hommes et des femmes qui sont, tout d’abord, riches en Dieu. Ils se considèrent comme des administrateurs des biens qui leur ont été confiés et ne tombent pas dans l’arrogance. Ils n’ont aucune mauvaise conscience d’être riches et ne sombrent pas dans le masochisme, celui qu’enseignent de nos jours certains catéchètes de malheur, maudissant toute richesse et calomniant toute propriété privée. Ils ont appris à vivre premièrement et essentiellement dans la sainte crainte de Dieu. Ainsi, la connaissance de Dieu est une affaire intime, profonde et réelle, même dans la propriété matérielle. Elle peut l’être également dans l’adversité ou la disette, à condition que la grâce divine précède celle-ci.

L’affliction brise l’exaltation de soi. Elle nous rend conscients qu’il existe des pouvoirs qui nous échappent et qui peuvent nous attaquer violemment : la maladie, la mort, la colère, la haine… Les connaître ou les subir nous dévoile alors que seul Dieu est au-dessus d’eux et que lui seul détient tout pouvoir dans nos vies et dans l’univers. L’affliction a le pouvoir d’ouvrir des brèches. Au sein de la tourmente, nous éprouvons l’immense pouvoir des ténèbres. Nous ne saurions leur opposer une résistance. La conviction de notre faiblesse et de notre état démuni nous précipite vers Dieu qui, seul, est en mesure de nous abriter et de nous libérer s’il le juge bon.

Je sais qu’en de tels moments et dans de telles circonstances notre vie nous apparaît fragile et misérable. Mais en réalité, notre existence devient le champ d’une bataille surhumaine. Champ de bataille où Satan et ses anges, doués d’une puissance de haine et de destruction terrifiantes, livrent une lutte sans merci contre la puissance de la grâce et contre l’amour rédempteur de notre Dieu. Combat violent et féroce, dans lequel nous devons laisser le champ libre pour l’action de Dieu et de ses anges célestes. Ils luttent pour notre sécurité et se battent pour notre victoire. J’ose dire que les véritables extra-terrestres auxquels nous avons affaire et à croire, ce sont ces puissances célestes mises en branle et mobilisées en notre faveur, pour notre défense.

Il s’agit d’une lutte exaltée, sainte, dans laquelle nous sommes encerclés d’un côté par les légions de l’enfer, mais aussi environnés puissamment par les armées du Dieu de notre défense. Nous sommes la cible des lutteurs cosmiques et des spectateurs d’outre-monde. C’est pour cela que même au sein de l’affliction la plus douloureuse, il nous est possible de chanter des louanges à notre Dieu. Quel que soit le degré de l’acharnement diabolique, il ne se produira que ce que l’amour de Dieu aura d’avance décidé pour nous. Et l’amour de Dieu a décidé notre purification en nous passant par le creuset de la souffrance, afin que les scories soient séparées de l’or et que celui-ci apparaisse pur et scintillant, afin que nous soyons confortés et préparés à remporter d’autres victoires lors d’autres épreuves et d’autres tribulations. Alors la question essentielle ce n’est plus « Dieu m’a-t-il délivré? », mais plutôt « Ai-je été suffisamment purifié, fortifié, en vue d’une autre victoire qui dépasse ma cause personnelle? Dieu a-t-il remporté la victoire dans mon épreuve? » Nous devrions savoir, nous autres chrétiens, que dans une telle lutte cosmique, Satan sera toujours perdant. Car le dernier mot appartient toujours au Dieu de notre foi.

C’est pourquoi il nous est possible de chanter comme le faisait le vieux psalmiste : « Avant d’avoir été humilié, je m’égarais; maintenant, j’observe ta Parole. » À toi soit la gloire!

Voulez-vous méditer sur les paroles d’un autre psaume, le 130e, que je veux citer d’après le cantique que de nombreux chrétiens ont pu chanter avec foi et reconnaissance :

Des profondeurs de l’abîme, je t’invoque, ô Éternel!
Seigneur, écoute ma voix!
Que tes oreilles soient attentives
À la voix de mes supplications!
Si tu gardais le souvenir des fautes, Éternel,
Seigneur, qui pourrait subsister?
Mais le pardon se trouve auprès de toi,
Afin qu’on te craigne.
J’espère en l’Éternel, mon âme espère,
Et je m’attends à sa parole.
Mon âme compte sur le Seigneur,
Plus que les gardes ne comptent sur le matin,
Que les gardes ne comptent sur le matin.
Israël, attends-toi à l’Éternel!
Car la bienveillance est auprès de l’Éternel,
Et la libération abonde auprès de lui.
C’est lui qui libérera Israël
De toutes ses fautes.