Cet article sur Amos 1.3 à Amos 2.3 a pour sujet l'annonce du jugement des voisins d'Israël contre les crimes de la Syrie, Philistie, Tyr, Édom, Ammon, Moab. Le jugement du monde appelle l'Église à la repentance.

Source: Un prophète pour quoi faire? - Méditations sur le livre d'Amos. 5 pages.

Amos 1 - Bulletin de l'étranger

« Ainsi parle l’Éternel : À cause de trois crimes de Damas, même de quatre, je ne révoque pas mon arrêt : Parce qu’ils ont foulé Galaad avec des herses de fer, j’enverrai le feu contre la maison de Hazaël, et il dévorera les donjons de Ben-Hadad. Je briserai les verrous de Damas, j’exterminerai de Biqath-Aven les habitants et de Beth-Éden celui qui tient le sceptre; et le peuple de Syrie sera déporté à Qir, dit l’Éternel. Ainsi parle l’Éternel : À cause de trois crimes de Gaza, même de quatre, je ne révoque pas mon arrêt; parce qu’ils ont déporté tout un peuple pour le livrer à Édom, J’enverrai le feu contre la muraille de Gaza, et il en dévorera les donjons. Je retrancherai d’Asdod tout habitant et d’Askalon celui qui tient le sceptre : Je tournerai ma main contre Ékron et le reste des Philistins périra, dit le Seigneur, l’Éternel. Ainsi parle l’Éternel : À cause de trois crimes de Tyr, même de quatre, je ne révoque pas mon arrêt; parce qu’ils ont livré à Édom tout un peuple de déportés sans se souvenir de l’alliance fraternelle, j’enverrai le feu contre la muraille de Tyr, et il en dévorera les donjons. Ainsi parle l’Éternel : À cause de trois crimes d’Édom, même de quatre, je ne révoque pas mon arrêt : Parce qu’il a poursuivi son frère avec l’épée en étouffant sa compassion, parce que sa colère déchire sans cesse, et qu’il garde continuellement son courroux, j’enverrai le feu contre Témân, et il dévorera les donjons de Botsra. Ainsi parle l’Éternel : À cause de trois crimes des Ammonites, même de quatre, je ne révoque pas mon arrêt; parce qu’ils ont éventré les femmes enceintes de Galaad afin d’agrandir leur territoire, j’allumerai le feu contre la muraille de Rabba, et il en dévorera les donjons. Au milieu des cris de guerre au jour du combat, au milieu de l’ouragan au jour de la tempête; et leur roi s’en ira en captivité, lui, et ses chefs avec lui, dit l’Éternel. Ainsi parle l’Éternel : À cause de trois crimes de Moab, même de quatre, je ne révoque pas mon arrêt : Parce qu’il a brûlé, calciné les os du roi d’Édom, j’enverrai le feu contre Moab. Il dévorera les donjons de Qerioth; et Moab périra au milieu du tumulte, au milieu des cris de guerre et du son du cor. Je retrancherai le juge de son sein et je tuerai tous ses chefs avec lui, dit l’Éternel. »

Amos 1.3 à 2.3

Les premières lignes du discours d’Amos concernent l’ensemble des nations environnant Israël. C’est un lourd réquisitoire que celui que prononce le berger de Tékoa à l’encontre de chacune d’elles, avant de s’en prendre à son propre peuple. Au départ, cette chronique internationale pouvait donner une grande satisfaction à ses concitoyens et flatter leur nationalisme viscéral et étriqué. Voilà un sermon d’actualité, devait se dire l’auditeur moyen du prophète, combien percutant et à propos.

Je suppose que nombre de chrétiens, écoutant des sermons vibrants de feu et de fougue, doivent ressembler à ces Israélites-là. On a la tendance de croire que le prédicateur s’adresse au voisin, à cette dame X que vous connaissez, si mauvaise langue, vous savez, ou à Z, cet homme au caractère impossible…

Amos, comme tout prophète qui se respecte, ne laissera personne s’imaginer que c’est l’autre qui doit se convertir. Il va donc s’en prendre aux Israélites après avoir dénoncé les nations désunies. Il renverra, horreur!, dos à dos nations païennes et peuple élu, exactement comme le fera saint Paul des siècles plus tard, au début de sa célèbre lettre aux Romains, annonçant le courroux de Dieu aussi bien sur les idolâtres que sur les adorateurs du Dieu d’Israël.

Telle une monotone litanie funèbre, le réquisitoire d’Amos revient sans cesse. « À cause de trois crimes, […] même de quatre » dont Damas, Tyr, Moab et les autres se sont rendues coupables. Je suppose que tout lecteur de la Bible aura l’élémentaire prudence de ne pas assimiler les événements internationaux de l’époque lointaine d’Amos à ceux, tout aussi sanglants et inhumains, que nous connaissons aujourd’hui dans la même région du monde. Pour ma part, je vois accusées dans ce texte toutes les nations de notre siècle, ainsi que l’Église chrétienne, devenue le nouvel Israël. Elle le remplace par pure grâce, mais exactement comme son prédécesseur, s’égare et se rebelle contre le Seigneur son Dieu. Je crois qu’il était indispensable, à cet endroit, de prévenir tout malentendu.

Capitale de la Syrie, Damas sera visée la première, car elle doit périr. Un seul de ses crimes eut suffi pour la condamner, mais voilà que la mesure est comble. Dieu se montre miséricordieux envers son peuple en punissant d’abord l’étranger; le jugement s’abattant sur le monde appelle Israël à la repentance, lui donne le temps de se convertir et de se tourner vers son Dieu.

Car il s’occupe avec sollicitude de ceux qui lui appartiennent et il se met en fureur, de nos jours encore, contre ceux qui persécutent l’Église, où que ce soit dans le monde. Dans notre monde occidental, se vantant d’être libre et démocratique, nous subissons les assauts de plus en plus violents d’un humanisme anti-chrétien qui est aussi une forme de persécution contre les chrétiens qui prennent leur foi au sérieux. Mais ce monde qui, à sa manière subtilement perverse, les opprime verra sonner son heure. Dieu attache un grand prix à ceux qu’il a arrachés, par l’offrande de son Fils, à tout asservissement, soit directement au diable, soit au péché routinier et aux humains insensés.

Pour « le crime de Damas », je vous renvoie au passage du deuxième livre des Rois, chapitre 8. Hazaël, le fondateur de la dynastie, s’était montré d’une rare cruauté. Une fois, il avait ordonné aux habitants de la ville de Ramoth en Galaad de se mettre à genoux et les avait fait broyer avec les machines à labour, mêlant leur chair à la terre des champs (voir aussi Ps 129.2-3). Pourtant, les Israélites avaient toujours fait preuve de bienveillance à l’égard de cette voisine. Ce fait cruel s’était passé il y avait bien des années. On aurait pu penser que nul ne s’en souviendrait. Mais même si les hommes oublient, le Juge suprême de l’histoire ne laissera pas subsister le moindre mal impuni, et ce parfois au cours même de notre histoire.

On aura beau chercher à faire oublier le premier génocide perpétré au début de notre siècle, en 1915 en Asie Mineure, contre le peuple sans défense qu’était le peuple arménien, ou bien oser affirmer qu’il n’y a pas eu de génocide contre les Juifs durant la Seconde Guerre mondiale… Dieu n’a pas la mémoire courte. Il se souvient de tout et le fait crier haut et fort par ses porte-parole. Oui, Dieu fulmine à travers ses prophètes contre les malfaiteurs non repentis.

Actuellement, l’Église qui s’attache fidèlement à Jésus-Christ n’a rien de bon à attendre de la part des hommes. Mais que ses oppresseurs sachent que s’attaquer à elle, c’est s’attaquer à la prunelle des yeux du Dieu de l’univers.

Le crime perpétré par Gaza et par Tyr était d’une autre nature. Ces deux villes étaient coupables de trafic d’esclaves. C’était la source de leur richesse. Elles séparaient les femmes de leurs maris, arrachaient les enfants au sein de leur mère et expédiaient les jeunes au-delà des mers, jusqu’en Grèce. D’après le livre de l’Exode (Ex 23.16), le trafic d’êtres humains devait être sévèrement puni. Mais le cas de Tyr était encore aggravé par la rupture et la violation d’un pacte d’amitié conclu avec Israël, même s’il n’aurait pas dû exister entre celle-ci et les « goïm » de pacte profond. Israël avait conclu un accord avec le Dieu de l’Alliance de grâce. Mais un accord économique remontant au temps du roi Salomon et Hiram, roi de Tyr, sans doute demeuré en vigueur deux siècles plus tard, aurait dû être respecté.

D’après ce passage, il est clair que Dieu ne s’intéresse pas exclusivement aux affaires spirituelles de notre monde. Il prend également soin des événements concrets qui tissent la trame de notre vie ordinaire, et ceux-ci comprennent jusqu’aux traités internationaux. Il lit avec bien plus de soin que nous les clauses des articles de tout accord légal. Il exige qu’on le respecte, quel qu’en soit le partenaire. Hélas!, il est à craindre que même chez des chrétiens, et ce pour des motifs futiles, des accords librement conclus soient violés sans scrupules, et que des corbeilles à papier en recueillent les feuilles chiffonnées. Apprenons donc que Dieu ne permet qu’aucun homme soit lésé dans ses droits, dont il est le Garant ultime. Tôt ou tard, il en prendra personnellement la défense.

Édom n’était pas inconnu des auditeurs du prophète. Descendant d’Ésaü, le frère jumeau de Jacob, leur ancêtre, ce peuple accompagnera Israël jusqu’au jour de la naissance du Fils de Dieu. C’est, en effet, un Édomite de triste réputation, le roi Hérode, qui occupera le trône de Jérusalem à cette période. Et ce fut précisément à ce moment-là que l’hostilité entre Édom et Israël atteignit son point culminant. Car l’Édomite tenta de détruire le Messie promis, le fils de Marie, le Sauveur du monde, comme il s’était jadis, plusieurs siècles plus tôt, levé contre son frère (Éz 25.12).

Or, un tel fratricide est encore plus grave que celui du trafic d’êtres humains. C’est dans un esprit refusant la réconciliation que l’on trouve la source de tout meurtre. Parce qu’Édom a pris l’épée contre son frère, il doit périr par l’épée. Bientôt, les Assyriens s’abattront sur lui et le feront disparaître en tant que nation. Ne concluons pas trop hâtivement que ce langage de l’Ancien Testament est indigne du Nouveau Testament. L’Évangile, lui aussi, parle de châtiment et de mort. Jésus en personne profère la menace la plus terrifiante que nous ayons jamais entendue : celle du feu éternel qui ne s’éteint jamais (Mt 5.22).

Cette hostilité entre Édom et Israël nous renvoie à un conflit vieux comme le monde, qui éclata déjà à l’aube de l’humanité entre l’adversaire haineux de Dieu et la race humaine, représentés par le serpent rusé et « le descendant de la femme », le Fils de Dieu. Le premier lui mordra le talon, le second lui écrasera la tête (Gn 3.15). Mais soyons rassurés. Ce Fils, qui échappera à Hérode comme il échappa au grand Adversaire, est l’unique qui puisse rétablir la paix entre des frères ennemis. C’est en lui seul que l’Église comme le monde peuvent trouver la paix.

Pour trois crimes et même pour quatre, le réquisitoire tombe lourd aussi pour Ammon. Ammon était le fils de la honte et de l’ignominie, fruit véreux conçu dans la caverne de Tsoar par Lot et l’une de ses deux filles après une nuit d’ivresse et d’inceste (Gn 19.30-38). Celui-ci, comme sa famille, avait trop longtemps vécu parmi les Sodomites pour ne pas avoir été contaminé par leurs mœurs dissolues. Ainsi, telle mère tel fils. Ammon sera l’un des pires oppresseurs d’Israël et l’un des plus cruels. Son crime particulier consistait, durant ses raids contre Israël, à s’attaquer aux femmes enceintes, à les éventrer et à tuer les enfants qu’elles portaient pour agrandir son territoire et accroître sa puissance. Égorger les enfants dans le sein de leur mère n’était pas une façon classique de faire la guerre, mais une méthode visant tout d’abord à démoraliser l’ennemi. De nos jours, cela ne s’appelle plus un crime odieux, mais une mesure sociale légitime appelée « interruption volontaire de grossesse », voire un droit indispensable pour les citoyens avachis que nous sommes devenus dans les pays « avancés ».

Mais dans le cas d’Ammon, au-delà de ce crime odieux, il y avait une dimension infiniment plus importante. En tuant les femmes enceintes, Ammon, mû par Satan, l’adversaire du peuple de Dieu, cherchait déjà à atteindre le Christ, comme lors du massacre des enfants de Bethléem. Vous souvenez-vous de cette page de l’Apocalypse décrivant le conflit entre le Dragon et la femme? C’est un conflit autrement plus grave qu’un conflit sociopolitique ou militaire. Il s’agit d’une conspiration contre Dieu lui-même, d’une nouvelle forme d’apostasie et d’une rébellion contre le Fils de Dieu.

Dans le champ de bataille où se perpétrait le crime d’Ammon se livrait cette guerre totale que livre, depuis toujours, le Prince de ce monde contre Dieu en personne. Souvenons-nous que cette lutte n’est pas contre la chair et le sang, mais contre les puissances de ce siècle. Ammon et ses émules modernes tuent des enfants parmi lesquels peut y avoir des appelés au salut en Christ. Mais viendra le jour où tous les princes, y compris celui des ténèbres, seront écrasés et soumis à celui qui règne depuis l’éternité et pour toute l’éternité.

Moab est le dernier qui apparaît dans le triste panorama dressé par le prophète Amos. Moab aussi fut le fruit de l’inceste entre Lot et son autre fille. Il est accusé d’avoir brûlé le cadavre du roi d’Édom, son ennemi. Cela peut nous surprendre. Quelle importance cela peut-il avoir? Pourtant, ce crime n’échappe pas à la législation divine. Un tel acte, perpétré sur la personne d’un homme représentant un peuple, même ennemi, signifie l’acharnement, la haine et la cruauté perpétrés au-delà de la mort. Et si Dieu prend un soin particulier des siens, il veille également sur tous les peuples de la terre, même ceux qu’il s’apprête à juger. Il exige le respect à l’égard de tous les hommes, porteurs de son image et sa propriété. Ceux-ci ne peuvent pas se permettre des actes de jugement qui relèvent uniquement de la justice divine (voir És 33; 1 R 13 et 2 R 23.20).

Il ne suffit pas que nous autres modernes nous nous lamentions avec un sentimentalisme inutile sur la violation des droits de l’homme, car aucune charte universelle des droits de l’homme ne viendra à bout des exactions et des violations. L’homme, notre prochain, ne retrouvera sa respectabilité et n’aura droit à la liberté que s’il se réfère à Dieu. Or, on viole les droits de l’homme, image de Dieu, lorsqu’on brûle par cruauté et acharnement son cadavre inanimé. À l’époque d’Amos, on offrait des sacrifices humains pour apaiser la colère des dieux. Moab, lui, s’acharnait sur les cadavres de ses ennemis, pulvérisant leurs os. À son tour, il est voué à la destruction. Deux siècles plus tard, Jérémie, un autre prophète, annoncera que le feu envoyé par Dieu « dévorera les flancs de Moab » (Jr 48.45).

À de tels jugements et réquisitoires ne peuvent échapper que ceux et celles qui s’abritent sous la grâce du Dieu souverain et qui confessent leur foi : « Pour moi, Christ est ma vie et la mort m’est un gain » (Ph 1 .21).