Cet article a pour sujet l'incarnation du Christ qui est Dieu fait homme venu dans le monde pour accomplir notre salut.

Source: Christologie - La personne et l'oeuvre du Christ (AK). 3 pages.

Christologie (5) - Pourquoi l'incarnation?

La question de l’origine de Jésus et la raison de son incarnation nous invitent à considérer l’une des paroles les plus importantes de la prédication de l’Église apostolique; elle montre de quelle manière l’Église primitive a cristallisé en elle toute sa foi : « C’est une parole certaine et digne d’être reçue avec une entière confiance que Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs dont je suis le premier » (1 Tm 1.15). Cette remarquable formulation du but de l’incarnation est, à sa manière, la preuve de la préexistence du Christ. S’il est venu, c’est qu’il a préexisté! Une vie de Jésus, et l’étude qui y est consacrée, ne peut se passer de la lumière de sa préexistence.

Souvenons-nous que sa naissance n’est pas celle d’un simple personnage historique, mais l’incarnation du Fils de Dieu. En lui, nous rencontrons l’Homme-Dieu. Mais elle projette aussi la lumière pour évaluer son œuvre, accomplie en notre faveur. Il serait impossible de l’apprécier à moins d’apprendre que « le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour plusieurs » (Mc 10.45). Ce fut le Fils du ciel qui se dépouilla de sa gloire divine afin d’assumer les conditions de l’humanité et de se consacrer à notre bonheur.

« Nous ne comprendrons jamais, écrivait Alexander Maclaren, prédicateur du début du 20siècle, le Christ Serviteur à moins de comprendre qu’il est incréé et qu’il demeura au long de son incarnation l’éternel du Père. »

Son ministère a débuté bien avant qu’il n’ait apporté secours aux misérables sur notre terre. Il l’a inauguré dès l’instant où il a mis de côté, non pas des vêtements terrestres, mais des habits célestes, revêtant non l’aube tissée de main d’homme, mais la chair même de notre humanité. Ce fut le premier et le plus grand de tous ses sacrifices. C’est déjà beaucoup que ses mains aient guéri, que sa bouche ait consolé, que son cœur se soit ému de compassion en présence de la souffrance des êtres qu’il côtoya. Mais c’est infiniment plus qu’il se soit dépouillé de toute sa gloire divine. Saint Paul nous rappelle la raison de sa venue et la préexistence de Jésus.

Nul ne peut nier que la présence d’un être aussi extraordinaire soulève d’énormes points d’interrogation. Les questions ne peuvent être éludées. Quel que soit le point de vue où nous nous plaçons, intellectuel, moral ou naturaliste, une seule explication s’impose. Du point de vue intellectuel, il y aura le problème soulevé par les lois de la nature. Il n’y a pas de place pour les caprices d’un hasard qui serait entré en action. Car en Jésus-Christ il y a eu un miracle que les causes ordinaires opérant dans le monde de la nature ne peuvent ni sanctionner ni même expliquer. D’autre part, un être entièrement exempt de péché ne saurait facilement cadrer avec une interprétation naturaliste des événements. L’un et l’autre ne s’expliquent qu’à la lumière de cette « parole certaine » de l’apôtre Paul. Si le monde avait été exempt de péché, le Christ ne se serait pas incarné. Le péché a rendu sa venue nécessaire pour apporter à ses élus le salut et pour restaurer la race déchue dans la communion du Père.

On objecte qu’un événement aussi extraordinaire que l’incarnation n’aurait pu avoir lieu sur notre planète. Tout le monde s’accorde sur le fait que le nombre de preuves pour commander la foi en un événement varie selon la nature de l’événement en question. Dans certains cas, on peut croire d’après une preuve minime. Dans d’autres, si l’on s’y refusait, ce serait encore selon la nature de l’événement. On pourrait admettre les preuves en faveur de l’incarnation, et pourtant la refuser. Or, lorsqu’un événement comme celui-ci est placé à la lumière de l’objectif poursuivi, la présomption de son historicité s’accroît. Ajoutons que tout dépend de l’idée que nous nous faisons de la condition morale et spirituelle du monde. Si dans l’ensemble on considère que le monde se trouve dans des conditions plus ou moins normales et que les hommes n’ont pas besoin de salut, il est plutôt anormal d’admettre que le Fils de Dieu se soit incarné. En revanche, si nous croyons que le monde en a besoin parce que condamné et perdu et qu’il va de mal en pis, alors ceux qui croient en Dieu admettront sans peine la nécessité de l’incarnation. Notre foi en elle est étroitement liée à la condition spirituelle de la race humaine.

Aussi, à notre tour, nous soulignons : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jn 3.16). Une difficulté du point de vue éthique pourrait apparaître : le Christ est venu de son propre gré, afin de se rendre compte du degré du péché. Mais comment expliquer la visite de celui qui est saint et sans reproche? Pourquoi s’est-il rendu parmi les hommes iniques et blasphémateurs? Car il ne s’agit pas d’expliquer un simple changement de lieu d’habitation! Le Christ a abandonné le domaine de la lumière pour s’envelopper d’épaisses ténèbres. Il a quitté un monde de pureté pour se rendre dans un monde de corruption totale; les sphères de la sainteté pour se familiariser avec l’iniquité. Ne s’est-il pas alors compromis de son propre gré? Ici encore la réponse biblique demeure claire et incisive : « C’est une parole certaine… » Nous aurions pu expliquer ou dire comment il est venu pour juger, mais nous lisons qu’il est venu principalement par pure compassion.

Certains ont soutenu que l’incarnation aurait eu lieu même en l’absence de la chute. Nulle part l’Écriture ne nous autorise une pareille conjecture. L’Écriture fut précisément rédigée par des hommes intéressés par la rédemption et non par une spéculation philosophique ou théosophique. Les auteurs bibliques nous rappellent : « Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Mt 18.11). « Je ne suis pas venu pour appeler des justes, mais des pécheurs » (Mt 9.13). « Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades » (Mt 9.12). C’est pour cela que « le Fils de Dieu est apparu, afin de détruire les œuvres du diable » (1 Jn 3.8). Nous pourrions multiplier de telles citations bibliques. Au reste, ce qui incite les auteurs à louer Dieu, c’est leur ferme conviction que le Dieu pur et saint a envoyé son Fils. « Ô profondeurs de la sagesse divine » s’écrie saint Paul dans sa lettre aux Romains (Rm 11.33). Pourtant, même ici, tout n’est pas dit au sujet de l’incarnation et de son but, car le Christ vint aussi pour nous révéler Dieu, pour être la lumière du monde, pour réorganiser la société, afin que la justice et l’amour règnent parmi les humains.

Aussi importants que soient ces derniers motifs, ils sont néanmoins subordonnés à l’objectif principal, le salut des pécheurs, dans la mesure où le Christ étant le Sauveur du monde peut accomplir son œuvre de Prophète et de Roi. Le péché demeure à la racine de notre ignorance morale et spirituelle, de même celle du désordre social et de toutes les injustices. Dans la mesure où le péché est éliminé de nos vies, nous sommes capables de profiter de la connaissance que le Christ apporte et d’ajuster les conditions sociales aux exigences du Royaume d’amour et de justice qu’il veut établir.

Concluons donc le présent paragraphe par un autre motif de joie et de reconnaissance : Le Christ est non seulement venu pour notre salut, mais il a réellement opéré ce salut. Il nous est impossible d’accorder à cette parole certaine la même importance que l’Église primitive a reconnue, à moins de lui reconnaître la riche signification que ce salut comporte. Il est à craindre que nous l’ayons affadi et réduit à un quelconque sauvetage. Or, en son sens originel, le Christ est le Sauveur parfait. Ainsi que l’écrivait le théologien réformé Benjamin B. Warfield, « il n’est pas venu nous aider à nous sauver nous-mêmes ou nous rendre capables de le faire, mais il est venu nous sauver ». Son nom, Jésus, signifie bien cela : Sauveur. Il l’a été au sens plein du terme. Dans l’article suivant, nous, examinerons ce que cela veut dire1.

Note

1. Voir mon article intitulé Jésus est Sauveur.