Cet article a pour sujet la discipline ecclésiale par laquelle nous cherchons la résolution des conflits dans l'Église et la réconciliation entre frères au moyen d'avertissements, jusqu'à la possibilité d'exclusion de la Cène et de l'Église.

Source: Comment résoudre les conflits dans l'Église?. 4 pages.

Comment résoudre les conflits dans l'Église? (4) - La discipline ecclésiastique

La résolution des conflits dans l’Église locale passe par une voie ordonnée, un certain nombre d’étapes que le Seigneur Jésus-Christ lui-même a prescrites dans un passage de l’Évangile que j’ai cité dans les premiers articles sur ce thème, et que je vais citer à nouveau afin de bien nous remémorer la base et le principe de toute action dans l’Église. Jésus, qui est le Seigneur de l’Église, a enseigné la chose suivante à ses disciples :

« Si ton frère s’est rendu coupable à ton égard, va le trouver, et convaincs-le de sa faute : mais que cela se passe en tête-à-tête. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, reviens le voir en prenant avec toi une ou deux autres personnes, pour que tout ce qui sera dit soit appuyé sur les déclarations de deux ou trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église. S’il refuse aussi d’écouter l’Église, mets-le sur le même plan que les païens et les collecteurs d’impôts. Vraiment, je vous l’assure : tous ceux que vous exclurez sur la terre auront été exclus aux yeux de Dieu et tous ceux que vous accueillerez sur la terre auront été accueillis aux yeux de Dieu » (Mt 18.15-18).

Nous avons vu aussi dans notre article précédent que le Catéchisme de Heidelberg, qui expose fidèlement le contenu de la foi chrétienne biblique, consacre toute une section à la question des clés du Royaume qui ont été confiées par Jésus-Christ à son Église. Le dimanche 31 du catéchisme s’en occupe particulièrement. La question et la réponse 83 sont énoncées de la manière suivante : « Comment s’exerce le pouvoir des clés? » Réponse : « Par la prédication de l’Évangile et la discipline ecclésiastique. Ainsi le Royaume des cieux est ouvert aux croyants et fermé aux incrédules. »

Il faut souligner que ce pouvoir des clés concerne très particulièrement le pardon des péchés par Jésus-Christ, sur la base de la prédication fidèle de l’Évangile et l’exercice de la discipline qu’il a instaurée au sein de son Église. Car en fin de compte, lui seul a le pouvoir de pardonner les péchés. Lorsqu’on parle de la discipline ecclésiastique, il faut bien comprendre qu’il ne s’agit jamais de règles ou de commandements édictés par l’Église, mais de ce que le Christ lui-même a enseigné et prescrit, et que l’Église retransmet fidèlement. Le reste n’est que prescriptions humaines, qui peuvent parfois s’apparenter à un abus de pouvoir spirituel, ce que j’appellerais un « coup d’Église », comme on parle de « coup d’État ».

On ne doit jamais oublier les paroles de Jésus à ses disciples tout à fait à la fin de l’Évangile selon Matthieu, lorsqu’il les envoie vers toutes les nations pour en faire des disciples : « Et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit » (Mt 28.20). L’Église ne peut jamais demander aux uns et aux autres de garder et d’obéir à des commandements ou des prescriptions que Jésus n’a jamais donnés, ce qui, comme je viens de le dire, s’apparenterait tout simplement à un abus de pouvoir. Dans un tel cas, elle invente elle-même des péchés contre lesquels elle s’élève en menaçant d’exclure du Royaume de Dieu ceux qui ne lui obéissent pas sur des points qu’elle a forgés elle-même.

Pour établir ce fait sur la Parole de Dieu, je vous cite le passage du chapitre 20 de l’Évangile selon Jean où Jésus, apparaissant au milieu de ses disciples après sa résurrection des morts, leur dit :

« Que la paix soit avec vous! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Après ces paroles, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés, et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » (Jn 20.21-23).

Or, a dit Jésus à ses disciples avant son arrestation, toujours dans l’Évangile selon Jean, au chapitre 16 :

« Quand il sera venu, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité; car ses paroles ne viendront pas de lui-même, mais il parlera de tout ce qu’il aura entendu et vous annoncera les choses à venir » (Jn 16.13).

Donc quand Jésus envoie le Saint-Esprit sur ses disciples en Jean chapitre 20, c’est pour qu’il leur rappelle et témoigne intérieurement de tout ce que Jésus leur a enseigné durant son ministère terrestre.

La question et réponse 85 du dimanche 31 du Catéchisme de Heidelberg cerne de plus près la définition de la discipline ecclésiastique :

« Comment le Royaume des cieux est-il ouvert et fermé par la discipline ecclésiale? Réponse : Selon l’ordre du Christ, ceux qui, se prétendant chrétiens, enseignent une doctrine ou mènent une vie non chrétienne reçoivent plusieurs avertissements fraternels. S’ils ne renoncent pas à leurs erreurs et à leurs vices, ils sont cités devant l’Église, ou devant ceux qui ont été établis pour cela par l’Église. Et s’ils méprisent aussi ces exhortations, ils sont exclus, par l’interdiction des sacrements, de la communauté chrétienne et, par Dieu lui-même, du Royaume du Christ. Mais ils sont reçus à nouveau comme membres du Christ et de l’Église s’ils promettent et manifestent un réel amendement. »

Nous avons encore vu la dernière fois que ce qu’enseigne le Catéchisme de Heidelberg, rédigé en 1563, a été repris dans l’ordre ecclésiastique de Dordrecht, rédigé par le Synode des Églises qui s’est tenu dans cette ville en 1619, ordre qui a été adopté dans bien des Églises de par le monde. Il y a une ligne continue entre ce qu’enseigne Jésus dans Matthieu 18, la manière dont le catéchisme l’exprime au dimanche 31, et la mise en application ordonnée dans l’ordre ecclésiastique. Plus on les met en rapport, plus cela devient évident.

Il me faut préciser que cet ordre ecclésiastique n’est pas une série d’articles arbitraires instaurés pour des raisons administratives ou bureaucratiques, ce qui bien sûr n’aurait rien à voir avec la nature même de l’Église. Il est là pour donner aux actes de l’Église un cours conforme à ce que la tête de l’Église, c’est-à-dire le Christ lui-même, ordonne à son corps pour sa bonne marche, afin que le nom de Dieu soit glorifié. Il s’agit tout d’abord de l’Église locale, qui est rassemblée autour de la prédication de l’Évangile, de l’administration des sacrements, de l’exercice de l’amour fraternel (notamment par le ministère des diacres sur le plan de l’aide matérielle). L’ordre ecclésiastique s’étend ensuite aux relations fraternelles qu’entretiennent toutes les Églises locales qui ont la même confession de foi et qui la vivent en commun sur plusieurs terrains. L’Église locale, elle, ne peut exister comme corps que si tous ses membres sont disciplinés et agissent chacun dans l’intérêt du corps tout entier, en se soumettant tous à la tête, le Christ lui-même. Ce qui implique une discipline ecclésiastique au sein de l’Église locale.

C’est là qu’intervient la question du pouvoir des clés du Royaume, confié par le Christ à son Église, à travers ceux qu’il appelle à un ministère particulier. C’est là aussi que les articles de l’ordre ecclésiastique indiquent la marche à suivre afin que tout se fasse dans l’ordre spirituel prescrit par la Parole de Dieu. Dans le Nouveau Testament, l’apôtre Paul insiste sur cette façon ordonnée qui doit marquer les actes de l’Église dans sa lettre aux chrétiens de Corinthe, au chapitre 14. Il a donné des règles de conduite à tenir lors des assemblées du culte et à un moment, il leur écrit : « Dieu, en effet, n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix » (1 Co 14.33). Et à la fin de ce même chapitre, il leur donne l’injonction suivante : « Mais veillez à ce que tout se passe convenablement et non dans le désordre » (1 Co 14.40).

Je reprends donc avec vous les articles de l’ordre ecclésiastique issu du Synode de Dordrecht, à partir de l’article 71 qui commence la section sur l’exercice de la discipline et de la censure :

Article 71 : « La discipline ecclésiastique est spirituelle; donc — en dehors des peines prononcées par l’autorité civile — la censure spirituelle est nécessaire pour préserver l’honneur de Dieu, pour réconcilier le pécheur avec l’Église et avec son prochain et pour ôter toute offense de l’Église du Christ. »

Article 72 : « Si donc quelqu’un pèche par rapport à la pureté de la doctrine ou à la piété de son comportement personnel, il faut s’en tenir à la règle clairement prescrite par le Christ en Matthieu 18, pour autant que cela reste caché et ne donne lieu à aucune offense en public. »

Article 73 : « Les péchés cachés dont le pécheur s’est repenti après avoir été repris par une personne en privé, ou bien en présence de deux ou trois témoins, ne doivent pas être rapportés au conseil de l’Église. »

Article 74 : « Si quelqu’un, après qu’il ait été repris par deux ou trois personnes avec amour à propos d’un péché caché, ne veut rien entendre ou s’il commet un péché connu publiquement, l’affaire doit être soumise à l’attention du conseil de l’Église. »

Article 75 : « La réconciliation pour tous les péchés qui sont devenus publics par leur nature même ou à cause du mépris avec lequel les avertissements fraternels ont été reçus, doit prendre place de la manière que chaque conseil d’Église jugera utile pour l’édification de l’Église, à condition qu’il y ait suffisamment de signes de repentance et de contrition. S’il y a une différence d’opinions au sein du conseil de l’Église sur la question de savoir si dans certains cas il faut que la réconciliation ait lieu de manière publique, la décision doit être prise après avoir pris l’avis de deux conseils d’Église voisins. »

Article 76 : « Ceux qui rejettent avec endurcissement les admonitions du conseil de l’Église et ceux qui ont commis en public un péché grossier doivent être exclus de la table du Seigneur, c’est-à-dire du sacrement de la Sainte Cène. »

À la lecture de ces articles, on peut constater que, en droite ligne de la voie prescrite par Jésus en Matthieu 18, l’exclusion de la table du Seigneur n’intervient pas tout de suite dans le cas de péchés qui sont cachés, c’est-à-dire qui ne sont pas connus de toute la communauté, mais seulement de quelques-uns, et qui n’offrent donc pas d’occasion de scandale. Un chemin d’avertissements fraternels est suivi, d’abord de manière privée, puis, si on ne s’est pas amendé, par la voie du conseil de l’Église. Même l’exclusion de la table du Seigneur ne signifie pas le rejet du pécheur, mais bien plutôt un appel à la repentance. En lui montrant la gravité de son attitude d’endurcissement, l’Église lui signifie qu’il est en train de se couper du corps, car celui-ci doit être maintenant protégé contre une contamination qui ne manquerait pas d’avoir lieu si le virus n’était pas combattu. L’Église en tant que corps du Seigneur doit être maintenue à la fois sainte et saine.

Dans un prochain article, je voudrais vous entretenir d’autres aspects concernant la discipline que Christ fait régner dans son Église par sa Parole et son Esprit. Je reprendrai quelques-uns des thèmes abordés jusqu’à maintenant, tout en développant de nouvelles pistes autour de la juste compréhension de cette discipline.