La connaissance de l'homme (1)
La connaissance de l'homme (1)
2e jour du 9e mois
Lecture : Psaume 139
D’autre part, il est notoire que l’homme ne vient jamais à la claire connaissance de soi-même sinon que premièrement il ait contemplé la face du Seigneur et, après l’avoir considérée, descende à se regarder. Car cette arrogance est enracinée en nous tous : que toujours il nous semble que nous sommes justes et véritables, sages et saints, sinon que par signes évidents nous soyons convaincus d’injustice, mensonge, folie et immondicité. Or nous n’en sommes point convaincus si nous regardons seulement à nous et non au Seigneur pareillement, qui est la règle unique à laquelle il faut que ce jugement soit conforme. Car d’autant que nous sommes tous naturellement enclins à hypocrisie, une vaine apparence de justice nous contente amplement au lieu de la vérité, et pour ce qu’il n’y a rien alentour de nous qui ne soit grandement contaminé, ce qui est un peu moins souillé est accepté de nous très pur, cependant que nous contentons notre esprit entre les limites de notre humanité, qui est toute polluée. Tout ainsi que l’œil, lequel ne voit rien que chose de couleur noire, juge ce qui est d’une blancheur obscure ou bien encore à demi gris, être le plus blanc du monde. Il se pourra encore de plus près comprendre combien nous sommes abusés en estimant les vertus de l’âme par une similitude de la vue corporelle. Car si nous regardons en plein jour bas en terre ou si nous contemplons les choses qui sont alentour de nous, il nous semble bien avis que nous avons la vue très ferme et claire. Mais quand nous venons à élever les yeux droit au soleil, la force laquelle se montrait en la terre est confuse et éblouie d’une si grande lumière tellement que nous sommes contraints de confesser que la bonne vue que nous avons à considérer les choses terriennes est bien faible et débile pour regarder le soleil. Ainsi en advient-il en réputant nos facultés spirituelles. Car tant que notre contemplation ne passe point la terre, étant très bien contents de notre propre justice, sagesse et vertu nous nous flattons et applaudissons et peu s’en faut que nous ne nous estimions demi-dieux. Mais si nous dressons une fois encore notre cogitation au Seigneur et reconnaissons qu’elle est la perfection de sa justice… à la mesure de laquelle il nous faut régler, ce qui nous plaisait auparavant sous couleur de justice apparaîtra être souillé de très grande iniquité.
Prière
Seigneur, tu lis au fond de moi
Ton œil me suit où que je sois,
De mon lever à mon coucher,
Dans mes projets les plus cachés;
De ce que je dis, ce que je pense,
Seigneur, tu le connais d’avance