Démonologie - Le ministère de guérison - Conclusion
Démonologie - Le ministère de guérison - Conclusion
Que conclure, si ce n’est que marcher sur ce sentier n’est pas sans repos ni à l’abri de tout danger. Nous allons prendre de nombreuses précautions pour éviter que là où il n’y a que maladie mentale, nous ne conjurions l’esprit impur! Afin aussi que nous ne pratiquions pas l’exorcisme en Afrique ou ailleurs de la même manière qu’il le fut en Europe durant des siècles. Ce qui reviendrait à établir une équation entre le magicien, l’hérétique et le diable. Dans ce cas, tout ennemi serait considéré comme possédé du démon et toute mésaventure attribuée à son action, ce qui mènerait finalement à chercher un bouc émissaire. Une approche erronée se contente de croire au diable au lieu de lutter contre lui.
Notre critère d’action contre les méchants esprits sera l’Écriture et notre modèle de guérison, Jésus. Dans sa rencontre avec les démons, il n’a pas eu recours à des formules magiques et il ne s’est pas servi de symboles rituels. Mais dans chaque circonstance, Jésus tient le rôle principal et exerce un contrôle total. L’exorcisme pratiqué par lui est un acte de délivrance exécuté avec autorité et puissance. En même temps, les disciples doivent se préparer spirituellement par la prière et la discipline personnelle, conditions stratégiques indispensables pour s’engager dans un conflit véritablement gigantesque.
La victoire ultime appartient au Seigneur. Il vint au monde et soumit Satan (Col 2.15). Les puissances diaboliques ont perdu leur pouvoir et ont été acculées à la défaite. La victoire du Christ constituera le point de départ de notre ministère de délivrance. Elle a déjà été remportée. Notre libération est effective, quoi que ce soit par la foi que nous participons à son triomphe. Nous ne nions pas l’existence et les activités des mauvais esprits, mais nous proclamons surtout le pouvoir absolu de Dieu manifesté en Christ. Il nous faut garder une perspective sotériologique intégrale. En considérant l’œuvre rédemptrice du Christ du point de vue trinitaire, nous éviterons d’avoir recours à des techniques étrangères à la foi et à la piété réformées.
L’Église locale est une société thérapeutique au sens pastoral du terme, la communauté de ceux qui prennent soin de leur prochain. C’est elle plutôt que l’individu qui est le successeur du ministère de guérison du Christ. Ministère sans cesse exercé dans le service de la Parole et des sacrements ainsi que lors du soin pastoral.
Nous n’avons ni nié la possibilité de la possession démoniaque ni celle, pour l’Église, d’exercer un ministère de guérison. Aussi nous faut-il maintenir un sain équilibre entre une pastorale et les soins médicaux à proprement parler. Veillons à expurger de ces deux types thérapeutiques tout élément parasitaire. Nous sommes affranchis de la possession non par des incantations ou la magie, mais par la proclamation de l’Évangile et les prières de l’Église.
Laissons de nouveau, pour conclure, la parole à Édouard Thurneysen :
« Le témoignage biblique sur ces réalités nous permet d’approfondir notre compréhension de la grâce et du péché. Nous venons de la souligner; cela est d’une importance toute particulière pour la cure d’âme. D’après la Bible, le péché entraîne l’asservissement de l’homme à la puissance des ténèbres, mais l’homme en est libéré quand il reçoit la grâce. C’est ce qu’exprime l’épître aux Colossiens (Col 1.13) qui dit que le salut de l’homme consiste en ce que Dieu, en Jésus-Christ, l’a délivré de la puissance des ténèbres et l’a transporté dans le Royaume nouveau de son Fils, ainsi que la première épître de Jean (Jn 3.8) qui annonce que Jésus-Christ est celui qui détruit les œuvres du diable. C’est également la conception qui est à la base des récits évangéliques relatant les guérisons des démoniaques. En effet, d’après la formulation sommaire des deux textes cités ci-dessus, la prise de possession de notre vie par les puissances infernales est, dans le péché, la règle. Mais cette prise de possession atteint dans certains cas particuliers, bien caractérisés et soigneusement relatés par les Évangiles, un paroxysme sous la forme de la véritable possession démoniaque.
L’Église a reçu l’ordre et la mission d’annoncer cette protection et ce soutien et de les rendre efficaces par la prédication et par le sacrement. Ce n’est pas là affaiblir ce que nous avons dit de la puissance de Satan et de ses anges. Certes, le péché n’est pas sujet de plaisanterie. Qu’il s’agisse d’avarice, de sensualité ou de tout autre penchant au mal, si l’homme, dans son refus de la grâce, y succombe, une porte dérobée s’ouvre qui permet au Malin d’entrer en lui. Et pourtant, nous savons que nous sommes “délivrés de toute la puissance du diable”. Nous savons que ce ne sont pas des paroles en l’air, mais que notre prière sera exaucée lorsque, dans le Notre Père, nous demandons avec une totale confiance d’être délivrés du Malin. […]
Un deuxième fait ressort du témoignage de la Bible à ce sujet : L’histoire de la souffrance, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ, comme aussi l’histoire tout entière de sa vie dont l’aboutissement est la croix et Pâques, raconte le combat et la victoire de Jésus-Christ sur les puissances infernales. Dans son itinéraire qui l’a mené du trône de Dieu à la crèche, à la croix, à la résurrection et à l’ascension, il s’est emparé des “clés de la mort et du séjour des morts”. Il a réduit les puissances à l’impuissance. Le pardon qu’il a gagné pour nous dans cette lutte est donc une libération. Jésus-Christ rompt les chaînes qui nous liaient à la puissance du péché.
On voit bien maintenant pourquoi le pardon est notre seul et unique salut, et pourquoi les plans moral et psychologique ne sont pas une base suffisante pour la réflexion et l’action sur l’homme pécheur. Se saisir du pardon, voilà la seule chose efficace. Il s’agit de dire “oui” de nouveau, non plus au péché cette fois, mais à Jésus-Christ qui acquitte l’homme et qui, en l’acquittant, partage avec lui les fruits de sa lutte et de sa victoire. Au moment où est prononcé le “oui” au pardon, la domination des démons sur nous est abolie. C’est là ce qui nous sauve. Certes, nous n’en sommes pas moins enclins au péché, mais son emprise a cessé, ses liens sont coupés. Et le fait que le pardon ait été accordé, que l’homme ait donc pu passer de l’esclavage du péché à la glorieuse liberté des enfants de Dieu se manifeste par l’assurance triomphale du pécheur, mais aussi par une libération significative de servitudes concrètes et mauvaises, auxquelles il peut maintenant échapper. Si nous ne maltraitions plus aujourd’hui les malades mentaux, comme c’était encore le cas dans le monde juif et païen, à l’époque de Jésus…
Il faut considérer ce progrès, de même que chaque pas en avant accompli sur le plan de la thérapeutique et des soins, comme un fruit et un signe de cette miséricorde incessante de Jésus-Christ. Parce que Jésus-Christ a guéri, et qu’il guérit encore par la puissance de Dieu, tout ce qui peut être réalisé sur le plan humain, en ce qui concerne aide et guérison, doit être approuvé et peut être béni.
Ceci confère à l’entretien de cure d’âme dont le but est de proclamer la victoire et la miséricorde de Jésus-Christ une dernière caractéristique. Il est à la fois une conversation et une lutte. Cela veut dire que toute la cure d’âme doit être considérée maintenant comme le théâtre de la lutte très réelle, menée dans la foi en Christ contre les puissances infernales. Il s’agit là vraiment de chasser les esprits “qui règnent dans les ténèbres de ce monde”, par l’Esprit de Dieu qui, à l’aide de la Parole, veut prendre possession de la vie de l’homme séparé de lui. Conduire un entretien de cure d’âme n’est pas une sinécure, une œuvre superficielle, futile et vaine, mais au contraire un dur et fécond labeur. Nous menons ce combat décrit dans l’épître aux Éphésiens. Point n’est besoin de penser ici à des épisodes dramatiques. Au contraire, si la cure d’âme est exercée d’une manière réellement responsable, tout s’y passera de façon très sobre et tranquille. Il ne s’agit pas, en effet, qui nous y mettions en œuvre un quelconque dynamisme psychique, mais que nous proclamions simplement la Parole de Dieu, en priant et en demandant le Saint-Esprit. Les armes avec lesquelles on combattra ici sont la Bible et la prière, et elles seules.
Si l’entretien de cure d’âme prend un caractère dramatique, avec cris et adjurations, c’est qu’on a cédé à la tentation d’affronter par ses propres moyens les forces et les puissances. Ceci n’est plus alors de la cure d’âme, mais une sorte de magie spirituelle sacrilège. Cela existe, certes, mais ce n’est pas ainsi qu’on arrive à libérer; on ne fait que lier plus sûrement encore. S’il y a bien parfois un exorcisme dans la cure d’âme, celui de chasser les démons, gardons-nous surtout de tout pseudo-exorcisme!
Le sérieux, cette sobriété et cette patience, mais aussi l’authentique courage, la confiance et l’assurance nous seront accordées si notre cure d’âme est exercée dans l’espérance. C’est ce qu’il restait à dire. Mais il faut entendre le mot espérance comme le comprend la Bible; l’espérance de l’accomplissement de toutes choses, de la fin réelle et triomphale de la lutte, de la venue du Royaume au jour de Jésus-Christ. Le Nouveau Testament ne parle jamais de ce combat contre Satan et ses anges qu’en ouvrant en même temps une perspective sur ce jour, sur les choses dernières, sur la fin. Les signes de guérison chez les possédés sont toujours des signes prophétiques de la venue du Royaume de Dieu. Le Royaume vient, mais il n’est pas encore là. Les démons sont vaincus, mais cette victoire n’est pas encore pleinement visible (1 Jn 3.2).1 »
Note
1. E. Thurneysen, Doctrine de la cure d’âme.