Cet article a pour sujet l'Évangile, qui proclame aux nations l'autorité du Christ, contre l'étatisme, d'où la persécution des chrétiens (Empire romain, États modernes). La prophétie d'Ésaïe 19 s'est accomplie à la Pentecôte.

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Dieu et les nations

Quoi de plus naturel que d’affirmer que notre époque ressemble bien peu à celle de l’Empire romain, autour du bassin méditerranéen, il y a environ deux mille ans. Tant d’eau a coulé sous les ponts, tant de choses ont changé, tant de bouleversements sont intervenus au cours de l’histoire des hommes, dans leurs relations sociales, économiques, dans l’histoire des idées, etc. On ne peut se pencher sur cette époque ancienne qu’à la manière dont on visite un musée intéressant, mais qui n’a que peu de rapports avec notre situation présente. Dans ces conditions, quelle valeur pourrait avoir le message de l’Évangile, justement proclamé au sein de ce même bassin méditerranéen par des prêcheurs itinérants il y a deux mille ans?

Eh bien, prenons à rebours ces affirmations apparemment irréfutables. Le monde méditerranéen d’alors, sous la férule de Rome, était un monde très globalisé, dont la langue dominante, en tout cas dans la partie est de l’empire, n’était pas l’anglais, l’arabe ou le chinois, mais le grec. Le pouvoir occidental de Rome était en lutte avec plusieurs puissances du Moyen-Orient, comme les Parthes ou les Perses. L’étatisme romain oppressait les régions de l’empire et les accablait d’impôts. Et puis, l’État romain se faisait non seulement respecter par la supériorité de ses forces armées, mais il se faisait aussi adorer en la personne de l’empereur comme pourvoyant aux besoins matériels des populations qu’il contrôlait.

L’État providence ne date pas de notre époque, tant s’en faut! Le pluralisme religieux, la variété des croyances, caractérisait ce monde globalisé. L’État romain garantissait la liberté de tous les cultes, à condition que le culte de l’empereur, qui a pris des proportions de plus en plus étendues au cours des âges, soit maintenu par tous. Il fallait en quelque sorte vénérer l’État en la personne de l’empereur, considéré comme un demi-dieu. Le ciment de l’existence des peuples, le cadre de leurs activités c’était donc le gouvernement de Rome considéré comme universel.

Et c’est là que le christianisme a apporté un ferment de contestation beaucoup plus profond qu’un mouvement d’opposition ou une rébellion voire une révolution violente. Car il annonçait qu’au-delà des autorités humaines, il existe une autorité suprême, celle de Jésus-Christ, le crucifié ressuscité, qui exige une allégeance unique. Lui seul porte le titre de Roi des rois, et les normes de droit et de justice qui doivent prévaloir entre les humains dans toutes les situations qu’on peut rencontrer doivent dériver de celles qu’il a enseignées et pratiquées, et dont Dieu, son Père céleste, est la source. Pas étonnant que les autorités romaines aient commencé à apercevoir le danger que représentait cette foi pour la perpétuation de leur système religieux et politique. Même si les chrétiens ne prenaient pas les armes pour opérer un renversement de régime, même s’ils restaient des sujets loyaux de l’empire, leur cœur, leurs pensées allaient vers un autre Seigneur que l’empereur de Rome. D’où les violentes persécutions contre eux qui ont commencé à voir le jour au sein de l’empire.

Quel est le rapport, aujourd’hui, entre les chrétiens et l’État moderne? Dans quelle mesure celui-ci ne se déclare-t-il pas la norme ultime de ce qui est bien ou mal, de ce qui est juste ou injuste? Et, posons la question : Jusqu’à quand tolérera-t-il en son sein l’existence d’une minorité qui ose affirmer, avec Jésus-Christ, que tout pouvoir dans le ciel et sur la terre lui a été donné, raison pour laquelle il peut commander à ses disciples de répandre son enseignement dans toutes les nations afin qu’elles lui obéissent?

Je voudrais maintenant faire un énorme saut dans le temps et vous parler des relations internationales au Proche et au Moyen-Orient il y a quelque 2800 ans. Iraq, Égypte, Israël : voilà un trio détonnant, me direz-vous. Peut-on imaginer, dans la conjoncture actuelle, ces trois pays réunis et formant une alliance, vivant en harmonie l’un avec l’autre? Eh bien, figurez-vous que vers l’an 715 avant Jésus-Christ, c’était tout aussi difficile à imaginer. Quelques années auparavant, le royaume d’Israël venait d’être envahi par les Assyriens, et sa population emmenée en captivité dans diverses régions de ce vaste empire aux monarques sans pitié pour leurs ennemis. L’Assyrie, qui géographiquement correspondait partiellement à l’Iraq d’aujourd’hui, s’en prenait ensuite au petit royaume de Juda et à sa capitale Jérusalem, sans toutefois pouvoir s’en emparer; elle menaçait néanmoins sa grande rivale, l’Égypte, en avançant le long de la côte méditerranéenne et en soumettant les villes de la Philistie.

Mais pourquoi est-ce que je vous raconte cela? Tout simplement parce que le prophète de l’Ancien Testament Ésaïe en parle abondamment dans la première partie du livre qui porte son nom. L’Égypte sera minée de l’intérieur par des luttes intestines à l’approche des Assyriens, tandis que le rouleau compresseur assyrien sera lui aussi écrasé en son temps, pour s’être considéré avec arrogance comme invincible et absolu, au lieu de servir d’instrument de la justice divine pour l’accomplissement du plan de Dieu.

Et c’est bien ce qui lui arriva un siècle plus tard, lorsqu’avec la prise de Ninive en 612 par sa turbulente vassale Babylone, cet empire disparut de la surface de la terre. Les prophéties d’Ésaïe sur les nations qui lui étaient contemporaines sont frappantes par la violence des maux qu’elles prédisent, et ne laissent guère de répit au lecteur. Raison pour laquelle la vision du chapitre 19 est si frappante, car elle entrevoit un jour futur où ces trois nations vivront unies dans une même communion et adoration de l’Éternel. Écoutez plutôt :

« En ce jour-là, l’Éternel aura un autel au milieu de l’Égypte, et une stèle sera dressée en l’honneur du Seigneur sur sa frontière. Ils serviront de signes et de témoins pour l’Éternel, le Seigneur des armées célestes, dans le pays d’Égypte. Et quand les Égyptiens crieront à l’Éternel à cause de leurs oppresseurs, il leur enverra un libérateur qui prendra leur parti et les délivrera. L’Éternel se fera connaître au pays de l’Égypte et, ce jour-là, les Égyptiens connaîtront l’Éternel. Ils lui rendront un culte avec des sacrifices et des offrandes, et ils feront des vœux à l’Éternel et s’en acquitteront. L’Éternel frappera les Égyptiens, il frappera, mais il les guérira et ils se tourneront vers l’Éternel qui les exaucera et les guérira. En ce jour-là, il y aura une route frayée allant d’Égypte en Assyrie. Les Assyriens se rendront en Égypte, les Égyptiens en Assyrie; l’Égypte et l’Assyrie rendront leur culte ensemble. En ce jour-là, Israël sera le troisième, avec l’Égypte et l’Assyrie, et pour la terre entière cela sera une bénédiction. Et l’Éternel, le Seigneur des armées célestes, les bénira, disant : Bénie soit l’Égypte, mon peuple, bénie soit l’Assyrie, mon œuvre, et Israël, qui m’appartient » (És 19.19-25).

Le Nouveau Testament, au livre des Actes des apôtres, nous apprend que 700 ans plus tard, lors de la Pentecôte qui vit les disciples du Christ équipés par le Saint-Esprit de Dieu pour aller proclamer l’Évangile à toutes les nations, il y avait sur place des habitants de la Mésopotamie, donc de l’ancienne Assyrie, aussi bien que des Égyptiens. Ils étaient en visite à Jérusalem pour la célébration de cette fête juive. Ils furent les témoins de cet événement extraordinaire, et ne repartirent pas dans leur contrée respective sans avoir été transformés par la puissance de la présence divine manifestée spécialement à la Pentecôte. Une Église assyrienne et une Église égyptienne naissaient au premier siècle, parallèlement à la première communauté chrétienne à Jérusalem. Elles existent du reste toujours aujourd’hui, vivant au milieu d’une oppression chronique dont les médias se font de temps en temps l’écho. L’ancienne prophétie d’Ésaïe avait commencé à se réaliser…

Mais parlons justement des nations contemporaines. À l’heure où elles se coalisent, on parle volontiers de la communauté internationale en semblant sous-entendre que plus les nations se mettent ensemble et se lient par des traités et des accords de toutes sortes, plus leur union où leurs relations réciproques codifiées entraînent davantage de moralité et de respectabilité pour le genre humain (comme si le nombre d’adhérents à une idéologie ou une religion quelconque était le garant de sa validité). Drôle de conclusion en effet, en tout cas drôle de perception. Afin de nous délivrer de telles fausses idées, il n’est pas inutile de nous mettre à l’écoute d’un texte de la Bible, le Psaume 33, écrit bien des siècles avant notre ère. Il nous servira d’antidote contre toute naïveté quant à la moralité supposée des efforts internationaux; il renversera aussi nos idées reçues sur la confiance des nations dans leurs armées puissantes et leur technologie militaire avancée.

« Que toute la terre craigne l’Éternel! Que tous les habitants du monde tremblent devant lui! Car il dit, et la chose arrive; il ordonne, et elle existe. L’Éternel renverse le conseil des nations, il anéantit les projets des peuples. Le conseil de l’Éternel subsiste à toujours, et les projets de son cœur, de génération en génération. Heureuse la nation dont l’Éternel est le Dieu! Heureux le peuple qu’il a choisi pour son héritage! L’Éternel regarde du haut des cieux, il voit tous les humains. Du lieu de sa demeure il observe tous les habitants de la terre, lui qui forme leur cœur à tous, qui est attentif à toutes leurs œuvres. Point de roi qui soit sauvé par une grande armée; le héros n’est pas délivré par une grande force. Le cheval n’est qu’une illusion pour assurer le salut, et toute sa vigueur ne donne pas la délivrance. Voici que l’œil de l’Éternel est sur ceux qui le craignent, sur ceux qui s’attendent à sa bienveillance, afin d’arracher leur âme à la mort et de les faire vivre pendant la famine » (Ps 33.8-19).

Beaucoup diront que ce texte est bien beau, mais ne fait que refléter la vision mythologique, préscientifique, de son auteur, bien excusable pour le temps reculé où il vivait. Mais aujourd’hui, on a acquis trop de connaissances scientifiques pour s’en tenir à une telle vision de l’histoire et des rapports humains. Il n’y a que les rapports de forces en présence qui comptent dans l’issue favorable ou défavorable d’un conflit humain, avec en plus une bonne dose de hasard, de facteurs non contrôlés, en tout cas non contrôlables. Tout ce qu’on peut faire, c’est se ranger du côté de ce qu’on estime le moins nocif. Le reste, c’est de la légende…

Eh bien, à voir la direction que prend le monde sur ce fondement, on peut être assuré que loin de s’arranger, il versera de plus en plus dans le cynisme le plus effroyable. Et quant aux droits de l’homme, quant à la générosité et à la solidarité des humains entre eux, elles se soumettront de gré ou de force aux diktats des plus puissants. Le Psaume 33, lui, conclut sur ces paroles d’espérance :

« Notre âme attend l’Éternel; il est notre secours et notre bouclier, car notre cœur se réjouit en lui, car nous avons confiance en son saint nom. Éternel! Que ta bienveillance soit sur nous, comme nous nous attendons à toi » (Ps 33.20-22).