Cet article a pour sujet la souveraineté de Dieu qui réclame pour lui la totalité de notre vie, aussi bien notre corps que notre âme, notre vie en couple, en famille, en société, l'économie, la politique, les affaires, les arts, l'environnement.

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Le Dieu souverain

« À l’Éternel la terre et ce qui la remplit, le monde et ceux qui l’habitent! Car c’est lui qui l’a fondée sur les mers et affermie sur les fleuves » (Ps 24.1-2). Le début du Psaume 24 nous parle de Dieu comme de celui qui possède la création dont il est l’auteur. Tout lui appartient, sans exception. De son côté, le Psaume 19 veut exprimer le chant de l’univers qui reconnaît Dieu comme son Créateur et en manifeste la gloire : « Les cieux racontent la gloire de Dieu, et l’étendue céleste annonce l’œuvre de ses mains » (Ps 19.2). Donc, pas de doute : l’univers tout entier est l’œuvre du Dieu éternel et il en est l’unique propriétaire.

Mais quelles conséquences pour la vie de tous les jours le chrétien peut-il tirer de cette certitude? Devons-nous nous limiter à confesser une fois par semaine avec les chrétiens du monde entier que seul le Dieu dont nous parle la Bible est le Créateur et le propriétaire du monde? Ou bien y a-t-il dans cet article de foi une dimension spirituelle supplémentaire qui doit nous guider tous les jours et renouveler notre regard sur ce monde en proie à tant de déchirements? Voilà une question fondamentale à laquelle je voudrais répondre à la lumière de l’Écriture sainte.

Lorsque le Psaume 24 nous dit que ceux qui habitent la terre appartiennent à l’Éternel, il nous faut bien saisir la portée d’une telle affirmation. Ce ne sont pas seulement nos corps physiques qui lui appartiennent, mais également toutes nos pensées, toutes nos activités. Le Dieu souverain réclame pour lui la totalité de notre vie, à chaque instant. Et bien que tout croyant sincère sache qu’il est loin d’obéir en tous points à la volonté de Dieu et que le péché endommage gravement sa relation avec Dieu, néanmoins il recherche cette obéissance à la volonté divine. Il recherche d’abord la gloire du Dieu vivant, mais il sait également qu’une véritable libération passe par la soumission au Dieu saint, juste et bon. Or, ce Dieu qui a créé l’univers dans toute son extraordinaire complexité veut nous enseigner à lui obéir sur tous les plans de l’existence humaine.

La Bible ne nous parle pas seulement du salut de notre âme et d’une vie éternelle glorieuse lors du retour du Christ; elle parle du manger, du boire, du dormir, de l’hygiène corporelle et de la santé physique, de la vie sociale, politique, économique. Elle parle du mariage, de la famille et de l’éducation des enfants, de la poésie et de la musique, des relations internationales et de bien d’autres choses encore. La Bible ne parle pas de toutes ces choses comme un livre de recettes à appliquer mécaniquement pour se sortir de situations difficiles. Elle ne cherche pas non plus à répondre en détail à toutes les questions qui viennent à l’esprit; mais elle nous enseigne que Dieu s’intéresse avec amour à notre vie tout entière. C’est pourquoi ce Dieu d’amour n’a pas hésité à envoyer celui qui est sa propre image, le rayonnement de sa gloire et l’expression de son être, dans une chair semblable à la nôtre. Si Dieu ne s’était pas préoccupé de notre vie tout entière, aurait-il laissé crucifier son Fils dans une chair d’homme et l’aurait-il ressuscité physiquement, dans un corps glorifié et impérissable? La venue dans le monde du Fils éternel de Dieu témoigne du souci de Dieu pour la vie tout entière des humains. Nous lisons aussi dans la lettre aux Hébreux que Jésus-Christ a été tenté en tous points comme nous, mais sans commettre de péché (Hé 4.15).

Mais maintenant, écoutons aussi ce que dit Jésus-Christ lui-même à ses disciples, tout à fait à la fin de l’Évangile selon Matthieu :

« Allez, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28.19-20).

Avez-vous bien entendu les paroles de Jésus-Christ? « Tout ce que je vous ai prescrit », dit-il. Paroles à mettre en rapport avec ce qui devrait constituer l’essence même de la vie des chrétiens, d’après l’enseignement du Seigneur dans le Sermon sur la Montagne : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné par-dessus » (Mt 6.33). Chercher d’abord le Royaume du Père céleste dans toute sa richesse, sans l’amputer d’aucune sorte, obéir en tout ce que Jésus-Christ nous a enseigné, voilà la tâche du chrétien.

Il est clair que rien n’échappe au regard de Dieu. Il est clair aussi qu’en accordant à ses enfants des dons, des talents particuliers, pour l’enseignement, pour les affaires, pour l’action politique ou pour quelque autre activité que ce soit, Dieu veut que chacun exerce une telle activité dans l’obéissance à sa Parole. Car chacun, à son poste, est un soldat du Royaume et doit en manifester le caractère unique dans sa manière d’être, d’agir, de concevoir son travail. C’est de cette manière que l’Évangile apporte une différence dans la vie des gens. Même ceux qui ne croient pas devraient être touchés par la manière, l’esprit même dans lequel nous autres chrétiens exerçons notre vocation. Car si une différence n’est pas perceptible, aussi bien dans la qualité que dans le contenu de ce que nous faisons, en quoi sommes-nous donc le sel de la terre? Suffit-il de prier « Que ta volonté soit faite » sans rechercher ce qu’est la volonté de Dieu pour nos activités familiales, professionnelles ou publiques? Un tel christianisme peut-il témoigner concrètement du pouvoir de guérison de l’Évangile dans nos sociétés ravagées par le péché?

Pour bien comprendre le mandat que le Dieu souverain adresse à chaque homme et à chaque femme dans le monde, il nous faut revenir au récit biblique de la création, aux chapitres 1 et 2 du livre de la Genèse. Aux versets 27 et 28 du premier chapitre, nous lisons :

« Dieu créa l’homme à son image : Il le créa à l’image de Dieu, homme et femme il les créa. Dieu les bénit et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui rampe sur la terre. »

Un peu plus loin, au chapitre 2, versets 8 et 15, nous lisons :

« Puis l’Éternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l’Orient, et il y mit l’homme qu’il avait formé. […] L’Éternel Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Éden pour le cultiver et pour le garder. »

En des termes très simples, mais d’une richesse extraordinaire et d’une portée universelle, le livre de la Genèse définit ce qui était à l’origine, et reste toujours, le mandat de l’homme sur terre : la cultiver et la garder. Comment comprenons-nous ce mandat culturel? S’agit-il seulement d’agriculture? Non, il s’agit de bien plus que cela. Il s’agit de cultiver tous les domaines de l’existence humaine, en aussi grand nombre qu’ils se présentent à notre attention. Mais comment, me demanderez-vous, trouver une règle d’approche et d’action qui rend gloire à mon Créateur dans telle ou telle de mes activités? Certes, une grande sagesse est nécessaire pour ce faire, et celle-ci ne vient qu’avec beaucoup de temps passé à lire la Bible, à prier en demandant cette sagesse, à observer la vie autour de soi et à méditer sur le monde à la lumière de ce qu’en dit l’Écriture. Oui, il faut savoir s’étonner des merveilles de la création. Mais avant tout, la reconnaissance de la souveraineté de Dieu sur toutes choses demeure le fondement d’une pensée renouvelée par l’Esprit Saint. Essentielle aussi est la reconnaissance que le péché a tout pénétré et abîme tout.

Comment un chrétien peut-il se satisfaire de l’état des choses telles qu’il les vit au jour le jour lorsque la Parole divine lui parle de la restauration intégrale de la création au jour du retour du Christ? Peut-on accepter sans plus le mal et l’injustice, la pauvreté et la maladie, la guerre et la famine, les relations familiales et sociales faussées? Tout cela ne fait pas partie de la création originelle bonne et parfaite dont nous parle la Genèse. Où est le Dieu souverain dans tout cela? Tout au long de ses pages, la Bible nous enseigne qu’il nous faut voir cette misère à la lumière de la désobéissance humaine à la loi divine. Il n’est pas un millimètre carré dans le monde où les effets du péché ne se fassent sentir. C’est la création tout entière qui est tombée dans la mort et qui est en proie aux maux les plus divers. Pas seulement l’homme et ses pensées. Mais c’est justement lorsque le croyant désemparé a pris la mesure de la dimension du péché qu’il doit se tourner vers le Dieu souverain. Car celui-ci proclame qu’en Jésus-Christ il fait toutes choses nouvelles.

Écoutez ce qu’en dit l’apôtre Paul, dans sa deuxième lettre aux Corinthiens :

« Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles. Et tout cela vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par Christ, et qui nous a donné le service de la réconciliation. Car Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, sans tenir compte aux hommes de leurs fautes, et il a mis en nous la parole de la réconciliation » (2 Co 5.17-19).

Désormais, donc, nous sommes appelés à remplir notre mandat culturel, le même qui fut donné au premier homme et à la première femme, à la lumière de cette réconciliation.

C’est en tant que créatures renouvelées que nous cultivons le jardin de la création, là où le Seigneur, le Dieu souverain, nous a placés. Nous cultivons ce jardin et nous le gardons. Nous ne l’abîmons pas, nous ne cherchons pas à l’exploiter ou à le détruire, mais nous vivons sous le regard bienveillant de Dieu cette réconciliation opérée en Jésus-Christ. Nous cultivons et gardons le jardin de l’éducation de nos enfants; nous cultivons et gardons le jardin de relations sociales et économiques justes et saines. Nous encourageons la culture et la garde d’une vie politique intérieure et internationale juste et ordonnée, à la lumière de ce que Dieu nous enseigne sur ce qu’est sa justice et son ordre. Nous promouvons une culture et un art qui reconnaissent que Dieu est le Créateur de toutes choses et que le péché est une réalité quotidienne en nous et autour de nous. Mais nous promouvons aussi une culture et un art qui reconnaissent que la grâce divine opère une réconciliation unique dans la vie des croyants et des sociétés qui obéissent à sa loi. C’est de cette manière que nous témoignons, chacun dans son environnement et à son poste, de la souveraineté de Dieu.

De cette manière, nous pouvons prendre part au chant de la création tout entière célébrant le Dieu souverain. Je cite à nouveau quelques versets du Psaume 19 :

« Tous les cieux proclament combien Dieu est glorieux, l’étendue céleste publie l’œuvre de ses mains. Un jour en informe un autre, une nuit à l’autre nuit en transmet la connaissance. Ce ne sont pas des paroles, ce ne sont pas des discours ni des voix qu’on peut entendre. Cependant, leur voix parvient jusqu’aux confins de la terre et leurs accents dans tout l’univers. […] La loi de Dieu est parfaite, elle nous redonne vie. Toutes ses affirmations sont dignes de confiance. Aux gens sans détour elle donne la sagesse. Justes sont ses exigences, elles font la joie du cœur; et ses ordres si limpides donnent du discernement. »