Cet article a pour sujet la théologie dogmatique qui formule des dogmes par lesquelles elle confesse sa foi avec autorité dans l'obéissance à la Parole de Dieu et en harmonie avec sa confession de foi.

Source: Introduction à la théologie dogmatique. 5 pages.

Dogmatique (8) - L'objet de la théologie dogmatique

Nous avons défini la dogmatique comme la science théologique qui s’occupe des dogmes de l’Église. Examinons à présent ce qu’est un dogme. Dans le sens que nous lui donnons, le mot ne se trouve pas dans la Bible. Dogme vient du grec « dokein » et « doktai », ce qui est décidé. Le terme est employé dans la Bible pour les commandements du gouvernement (Lc 2.1) et pour les ordonnances de l’Ancien Testament (Ép 2.15; Col 2.14); les décisions que l’assemblée de Jérusalem a prises en vue de la vie pratique sont aussi appelées des dogmes (Ac 15.8; 16.24). Ce dernier emploi du dogme ressemble donc le plus au sens que nous donnons à ce mot. La philosophie classique se servait du mot pour désigner des vérités indubitables. De là, il a été introduit dans la langue ecclésiastique. Alors il signifie une doctrine dans laquelle l’Église confesse sa foi avec autorité.

Certains voudraient que l’Église forme des confessions, mais ils rejettent le dogme parce que celui-ci suppose l’autorité de l’Église. Cependant, quelle est la raison pour l’Église de prêcher la vérité de Dieu avec autorité? Parce que Dieu a confié sa Parole à l’Église afin qu’elle la prêchât dans le monde. Elle est la colonne et l’appui de la vérité (1 Tm 3.15), elle doit garder le dépôt qui lui a été confié (1 Tm 6.20; 2 Tm 1.13; 3.15). L’Église doit condamner la fausse doctrine (Rm 16.17; Tt 3.10; 2 Jn 1.10; Jude 1.3; Ap. 2.14). Matthieu 18.18 parle de l’autorité de l’Église. Elle a reçu pouvoir de lier et de délier sur la terre avec une autorité divine. L’expression « lier et délier », selon l’interprétation la plus probable, veut dire prendre des décisions doctrinales. Ainsi est-elle employée dans la langue des rabbins.

L’autorité de l’Église repose sur le fait que l’Église agit selon une commission divine. Cette autorité de l’Église n’appartient pas exclusivement à ceux qui ont une certaine fonction, un certain ministère ou office; l’Église doit sans doute avoir de tels fonctionnaires qui ont aussi une propre tâche pour la formation du dogme. Mais cela n’empêche pas le dogme qu’il soit l’affaire de toute l’Église. Tous les chrétiens doivent éprouver ce qui est prêché dans l’Église (1 Jn 4.6). Tous ont reçu l’onction et la connaissance nécessaire (1 Jn 2.20). Étant les brebis du Christ, les croyants connaissent la voix de leur Berger (Jn 10.3). C’est la tâche de tous les croyants de résister aux séductions du diable avec la Parole de Dieu (Ép 6.10). Depuis la première Pentecôte, tous les croyants sont des prophètes (Ac 2.17). Ils ont perdu la minorité qui était caractéristique pour l’Ancienne Alliance (Lc 22.25; 2 Co 1.24; Ga 4.1; 1 Pi 5.3). Chaque membre de l’Église est immédiatement responsable (2 Jn 1.8). Cela veut dire que chaque membre de l’Église peut prêcher la Parole de Dieu avec autorité sans qu’il tienne compte des autres. La compréhension de l’Évangile de Dieu et par conséquent la promulgation du dogme ne sont pourtant pas une affaire d’un chrétien isolé, mais celle de toute l’Église (Ép 3.16). Le Saint-Esprit habite dans l’Église qui est la communauté des saints et ainsi habite-t-il en chaque croyant. Les différents membres se complètent. La promesse de la connaissance de la vérité est donc donnée à l’Église, dont les membres essaient ensemble et dans la communion avec l’Église d’autrefois de comprendre l’Évangile de Dieu.

Il ne faut donc pas négliger la fonction de l’Église pour notre connaissance de Dieu. Aussi le pasteur ne doit-il pas s’isoler avec sa Bible de l’enseignement de l’Église actuelle et de celle du passé. Car ainsi chaque pasteur a sa doctrine à lui ou celle du théologien dont il est dépendant. L’Église ne doit pas son autorité à elle-même. Le Christ la lui a donnée. Les affirmations de l’Église n’ont donc d’autorité que si elles correspondent à la Parole du Christ dans la Bible. Le Christ est le fondement de l’Église (1 Co 3.11). Il l’est en dirigeant son Église par la doctrine apostolique et par les livres de l’Ancien Testament qui témoignent de lui (Jn 5.39; 1 Pi 1.11). C’est pourquoi les apôtres eux aussi peuvent être appelés le fondement de l’Église (Mt 16.16; Ép 2.20; 1 Co 3.10; Ap 21.14). Celui qui les écoute écoute le Christ (Lc 10.16). L’Église n’a pas le droit d’ajouter quelque chose à l’enseignement des apôtres ou de l’en retrancher (Ap 22.18). Timothée et Tite ne reçoivent pas la charge de prendre de nouvelles décisions, mais de demeurer dans les choses qu’ils ont apprises (1 Tm 1.14; 3.20). Jean exhorte l’Église à demeurer dans son enseignement (1 Jn 2.24) et de ne pas aller plus loin (2 Jn 1.9). Jude veut l’édification de l’Église sur la très sainte foi qui leur a été transmise (Jude 1.20). Le critère de tout ce que l’Église enseigne doit être la parole des apôtres.

Cela ne veut pas dire que l’Église dans sa doctrine doit répéter littéralement la Bible. La forme de l’Écriture exclut déjà cela. En ce qui concerne leur forme, les différents livres de la Bible sont très dépendants de la situation dans laquelle ils ont été écrits. L’Église doit cependant prêcher la Parole de Dieu dans la situation dans laquelle elle se trouve à un certain moment, et qui ne se distingue pas seulement de celle des diverses périodes de l’Ancienne Alliance, mais aussi par exemple de celle de l’Église de Corinthe, à qui Paul a écrit ses lettres. Il peut être nécessaire dans une certaine situation que l’Église doive se servir des notions et des termes qui sont plus difficilement mal interprétés que des notions et des termes par lesquels une vérité est exprimée dans la Bible (penser par exemple au dogme de la « homoousia » du Christ avec le Père). L’Église doit souvent résumer dans le dogme ce qui se trouve en différentes parties de la Bible. Cela n’empêche naturellement pas que le contenu du dogme ne puisse être légitimement autre chose qu’une interprétation de ce que l’Écriture enseigne.

On reproche quelquefois au dogme son caractère intellectuel. Ainsi il serait contre l’esprit simple du christianisme dans lequel il ne s’agirait pas en premier lieu d’une doctrine pure, mais d’une vie avec Dieu. C’est juste de dire que la révélation divine ne doit pas être comprise comme une série d’affirmations intellectuelles dont le but n’est pas d’enrichir ce que nous savons. Dieu veut communiquer personnellement avec nous par la révélation. La révélation est sans doute appelée la vérité dans la Bible. Mais n’oublions pas que la connaissance de cette vérité n’est pas une connaissance purement intellectuelle, selon Jean, parce que cette vérité n’est pas purement destinée à notre intelligence. La connaissance de cette vérité est la vie éternelle (Jn 17.3). On peut marcher dans cette vérité (Jn 3.4). Mais cela n’enlève pas que la révélation peut être appelée la vérité parce qu’elle s’adresse essentiellement aussi à notre intelligence. La révélation demande la réponse du cœur, mais cette relation de notre personnalité totale avec Dieu implique notre connaissance de Dieu parce que le Christ est la Parole de Dieu. C’est pourquoi nous pouvons parler de Dieu d’une manière qui répond à la réalité de l’essence divine. Cette connaissance par notre intelligence est un aspect essentiel de cette connaissance qui est plus qu’intellectuelle et dont Jean dit qu’elle est la vie éternelle. Nous ne pouvons pas entrer dans la communion avec Dieu sans que nous sachions qui est Dieu. Cela nous prouve la valeur religieuse du dogme et de la doctrine de l’Église qui est la totalité des dogmes. C’est pourquoi la doctrine des apôtres avait une place essentielle dans l’Église dès le premier le jour de Pentecôte.

La valeur du dogme est cependant dépendante de l’obéissance de l’Église à la Bible. Cette obéissance n’est pas une chose automatique. L’Église a reçu la promesse de la direction du Saint-Esprit (Jn 16.13; Rm 8.14) et l’assurance que les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre elle (Mt 16.18). Mais cela ne prouve pas une obéissance automatique. Même la promesse de la direction promise aux apôtres était liée à leur obéissance (Jn 14.15,21,22; 15.17; 16.13). Ainsi l’autorité de l’Église suppose leur prière et leur rassemblement dans le nom du Christ (Mt 18.19). L’Église doit écouter humblement la parole du Christ pour pouvoir être la colonne et l’appui de la vérité. Des loups cruels peuvent pénétrer dans l’Église (Ac 20.29). L’Antichrist se trouvera dans l’Église (Ga 1.8; 2 Th 2.4,11). L’Église ne peut pas accomplir sa tâche sans qu’elle écoute fidèlement la Parole de Dieu dans la Bible. Mais obéissante à la sainte Écriture, elle est capable de prêcher la Parole de Dieu dans chaque situation dans laquelle Dieu le lui demande. Certes, on ne peut pas comprendre la Parole de Dieu sans l’Esprit de Dieu. Mais le Seigneur a promis d’être présent par son Esprit où on s’est assemblé en son nom (Mt 18.20).

Il est clair que le dogme de l’Église est comme la confession plus riche que la doctrine que l’on trouve dans les symboles. Le contenu des confessions écrites dépend d’habitude d’une situation très spéciale, où on doit refuser une hérésie dangereuse; l’attitude du gouvernement rend nécessaire une déclaration de la foi; une réforme fait éprouver le besoin d’exprimer l’unité de foi de ceux qui donnent leur adhésion à cette réformation et de proclamer de nouveau la vérité qui était oubliée pendant une certaine période, etc. Le témoignage, la foi de l’Église, s’exprime cependant par toute la vie, dans chaque prédication. Ce qui n’empêche cependant pas de dire aussi que le dogme de l’Église dans le sens le plus large ne couvre pas tout à fait le contenu de la Bible. Il y a aussi une évolution du dogme. Pour garder la vérité qui lui est confiée, l’Église doit interpréter cette vérité et la défendre dans plusieurs situations. Alors, elle comprend de mieux en mieux la richesse de la Parole de Dieu et elle l’assimile de plus en plus.

Ce développement du dogme est dépendant de différents facteurs. Il ne doit pas être compris comme n’étant que la conséquence de la réflexion sur le contenu de la Bible. On n’aurait jamais trouvé certaines pensées bibliques si l’Esprit n’avait pas enseigné l’Église en la conduisant dans toutes les conditions et en la plaçant devant plusieurs questions et décisions. Bien que le raisonnement ne soit donc pas le seul moyen pour l’évolution du dogme, on doit exiger que l’Église puisse prouver rationnellement que tous ses dogmes ont leur base dans la Bible. Le dogme actuel n’épuise donc pas l’Écriture. Cela ne veut pas dire que la Bible n’a pas d’autorité sans la proposition faite par l’Église. La proposition par l’Église n’est pas la cause de l’autorité de la vérité divine. Au contraire, ce qui donne son autorité à la doctrine de l’Église est que cette doctrine a matériellement son origine dans la Bible. Mais il n’est pas question du dogme dans le sens formel sans que la vérité biblique trouve sa reconnaissance par l’Église.

Le dogme et la confession de la foi sont donc deux côtés d’une même chose. Il n’y a de dogme véritable que si l’Église veut confesser sa foi, si elle veut répéter en obéissant avec reconnaissance la Parole de Dieu. Ce contact de la foi avec la Parole divine doit rester dans l’Église. Une Église qui n’a que son résumé de la Bible parce qu’elle n’écoute plus la Bible devient très pauvre. Alors elle n’a plus la possibilité de dire ce que Dieu lui demande dans de nouvelles situations. Elle devient stérile. De plus, elle entend alors de moins en moins la voix de son Seigneur sans la doctrine qui était fixée autrefois. Finalement, l’Église se priverait ainsi de la possibilité de corriger des erreurs dans sa doctrine dont on ne peut jamais dire a priori qu’elles soient absentes. Le dogme ecclésiastique peut donc empêcher que l’on écoute le Seigneur. Mais alors il s’agit d’un abus du dogme dont le but véritable n’est pas de remplacer la voix du Maître, mais justement de faire pénétrer cette voix dans le monde.

Nous avons déjà signalé que la question clé dans l’histoire de la théologie et l’encyclopédie théologique était la question de l’objet de la théologie. Sans anticiper la discussion qui suivra du caractère scientifique de la théologie, il est d’ordinaire affirmé que ce qui distingue les diverses sciences est le champ de leur investigation, l’objet spécial d’investigation particulière, en distinction d’autres champs. Nous avons établi que l’objet de la théologie est premièrement la Parole de Dieu, que la connaissance de Dieu et de nous-mêmes se trouve au centre de l’intérêt théologique et que l’explication est dérivée de cet objet particulier. Pour nous, Dieu se révèle. Nous insistons sur une théologie qui est authentiquement « théologique », à savoir parole, « logos », au sujet de Dieu. Mais nous ne pouvons connaître Dieu en tant qu’objet de la même manière que nous connaissons d’autres objets, puisque nous ne pouvons le connaître que tel qu’il se fait connaître à nous. Selon Kuyper, cela peut se dire « objet-sujet ». Une difficulté avec cette position est que l’on pense connaître Dieu révélé seulement dans le cosmos, ici-bas, tandis que Dieu transcende le cosmos. Ainsi, nous ne connaissons Dieu que tel qu’il se révèle. Dieu est Seigneur dans sa révélation. Il choisit de se révéler. Dieu se rend objet fiable, sans se faire un « objet » à notre disposition.

La révélation de Dieu s’accommode à notre capacité. Nous avons été créés selon l’image de Dieu, avec la capacité de communion avec lui et de la connaissance de Dieu. Toute révélation inclut la condescendance gracieuse et l’accommodation au niveau de la créature. Bien que Dieu se révèle dans sa révélation dans une forme qui nous soit accessible, cet acte de révélation est authentique : « Celui qui m’a vu a vu le Père », dit Jésus (Jn 14.9). Quoique nous devons distinguer entre Dieu tel qu’il est en soi et tel qu’il se révèle à nous, toutefois ceci ne requiert pas une disjonction entre les deux. Notre théologie est celle de la connaissance de Dieu, par conséquent fondée sur la conviction que Dieu est présent à nous dans sa Parole, et alors cette révélation nous devient disponible pour notre réflexion théologique. En résumé, notre théologie est celle de la connaissance de Dieu et de nous-mêmes, connaissance de Dieu qui nous est donnée dans sa révélation. Celle-ci est accordée dans les œuvres extérieures de Dieu (« opera ad extra »), les paroles et les œuvres du Dieu trine, à l’intérieur du domaine de sa création et au cours des actes créateurs et rédempteurs.

Selon Abraham Kuyper et Cornelius Van Til, il faut commencer d’emblée avec la reconnaissance de la présupposition de la foi : Dieu trinitaire, révélation, création de l’homme selon l’image de Dieu pour le connaître, les effets noétiques du péché et de la chute. C’est cette position que nous suivrons.