Cet article sur les questions d'introduction à l'épître à Tite traite de son auteur, de son authenticité, du destinataire, de ses particularités, de la date et des circonstances de sa composition, de son message et de l'analyse de son contenu.

Source: Introduction au Nouveau Testament. 7 pages.

Introduction à l'épître à Tite

  1. Auteur et authenticité
  2. Destinataire et particularités
  3. Circonstances et date de composition
  4. Message et intention
  5. Analyse du contenu
  6. Questions

1. Auteur et authenticité🔗

La question de l’auteur et de l’authenticité des lettres dites pastorales de Paul ayant déjà été abordée dans un autre article1, nous ne nous y attarderons pas ici longuement.

Quelques mots suffiront : Paul l’a rédigée entre deux détentions, sans doute autour de l’année 64. Selon certains spécialistes, elle aurait été rédigée le même jour que la première à Timothée, ce qui expliquerait des similarités frappantes entre les deux lettres. Il nous faut toutefois noter une légère différence d’accent; la première à Timothée souligne la nécessité de la saine doctrine, celle à Tite l’importance de l’ordre prescrit par Dieu pour la conduite et le gouvernement de l’Église.

2. Destinataire et particularités🔗

Tite et Timothée sont étroitement associés à la vie et au ministère de Paul. L’un et l’autre sont mentionnés avec affection par leur aîné et sont tenus par lui en grande estime. Cependant, ils sont d’un caractère totalement différent. Timothée est plus sensible et sympathique, Tite est davantage un homme d’action, doué d’une formidable énergie missionnaire et capable de prendre des décisions.

L’estime que Paul porte à ce dernier apparaît dans cette lettre, qui le rend immortel aux yeux de la foi de l’Église. Il nous est décrit comme un ex-païen, d’origine grecque. Il a été converti par l’intermédiaire de Paul. Certains judaïsants s’efforçaient de l’amener à l’observation de la loi mosaïque. C’était pour décider du sort de ces convertis du paganisme que Paul, en compagnie de Tite et d’autres émissaires de l’Église d’Antioche, s’était rendu à Jérusalem lors du premier concile apostolique, où la bataille fit rage autour de la personne de Tite. Mais finalement, on prit la décision d’accorder aux chrétiens la liberté à l’égard de l’observation de la loi, ne tenant pas celle-ci pour le fondement de la foi. Ainsi, le nom de Tite est-il associé à la grande charte de la liberté chrétienne.

Durant son troisième voyage missionnaire et son long séjour à Éphèse, Paul désigna Tite comme son lieutenant et son émissaire particulier dans nombre de situations ecclésiastiques délicates. Notamment dans celle, explosive, de Corinthe, où les chrétiens étaient divisés par un esprit partisan. En outre, ils étaient tombés, au moins certains d’entre eux, dans une grossière immoralité. Ils se permettaient aussi une attitude déshonorante et irrespectueuse lors des assemblées cultuelles. Le moindre mal n’était pas celui des fausses doctrines auxquelles avaient succombé certains d’entre eux.

Afin de remédier à cette situation et outre la collecte qu’il était chargé d’apporter aux Églises mères de Palestine, Tite fut, à deux reprises, envoyé à Corinthe. Son courage, son énergie et la fermeté de son caractère lui permirent d’accomplir sa mission avec un grand succès. La deuxième lettre aux Corinthiens donne d’abondants signes de l’estime dans laquelle les membres de l’Église corinthienne tenaient Tite. Dans la même lettre, Paul lui prodigue, de son côté, un éloge chaleureux. Enfin, avec cette lettre personnelle, l’apôtre lui rend encore et pour la dernière fois un hommage bien mérité. Il la recevra à Crète, où Paul l’a laissé comme épiscope, c’est-à-dire surintendant des Églises nouvellement créées.

Cette île occupait une position stratégique au milieu de la Méditerranée. Dans l’antiquité préhistorique, elle avait connu l’apogée d’une civilisation raffinée. Mais, pour une raison qui nous échappe, celle-ci connut un déclin tel qu’au temps d’Auguste, les Crétois étaient considérés comme des barbares; on les regardait généralement avec aversion et mépris.

En route pour Rome à la suite de son arrestation, Paul, détenu impérial, fit escale dans un port de Crète, mais un violent orage éloigna son malheureux navire lequel, selon le récit du livre des Actes, fit plusieurs jours après naufrage sur les côtes d’une autre île, Malte. Tous les passagers en rescapèrent et Paul fut amené à Rome. Après une détention qui dura deux ans, il fut apparemment relâché et reprit ses itinéraires missionnaires.

L’apôtre semble bien connaître le caractère et la mauvaise réputation des Crétois, mais il pense qu’eux aussi peuvent entendre et même recevoir l’Évangile autant que les Athéniens raffinés ou les citoyens de la capitale. Prenant donc Tite comme compagnon, il se rend sur cette grande île. Il est fort possible que l’Évangile les y eût déjà précédés, car selon Actes 2, dans la foule qui, le jour de Pentecôte, entendit le discours de Pierre, il y avait de nombreux Crétois. Mais ce fut certainement sous l’influence et l’action puissante de Paul que des Églises s’implantèrent en Crète. Avant la fin de sa mission, Paul fut appelé en Macédoine et en Grèce, mais en quittant la Crète, il laissa derrière lui Tite, un homme qui avait toute sa confiance. Celui-ci poursuivra l’œuvre commencée. L’apôtre le chargea également d’ordonner des anciens et des ministres pour la jeune Église.

C’est quelque temps après que Paul lui adresse la présente lettre. Il prend soin de spécifier la fonction des conducteurs spirituels, il exhorte également son jeune collaborateur à s’opposer aux faux docteurs, à exhorter les fidèles à mener une vie de sainteté, conforme à leur vocation chrétienne et à agir fermement contre ceux qui œuvrent pour l’hérésie. La lettre sert également de recommandation en faveur de Zénas et d’Apollos lesquels, fort probablement, apportèrent la lettre à son destinataire. Paul demande à son ami de quitter l’île et de venir lui rendre visite dès qu’Artémas et Tychique arriveront chez lui, et de le rejoindre à Nicopolis. On peut penser que cette réunion des deux amis se réalisa, car peu après, lors de la seconde détention de l’apôtre, celui-ci écrivit à Timothée en l’informant du départ de Tite pour la Dalmatie. Ce départ ne signifie pas que Tite avait abandonné la foi, mais, au contraire, qu’il cherchait à ouvrir un autre champ missionnaire. Il n’y sera d’ailleurs pas davantage à l’abri des difficultés qu’il ne le fut ailleurs.

La dernière fois que nous entendrons parler de Tite, le cher partenaire du grand apôtre, son collaborateur et frère, son enfant spirituel véritable, ce sera dans la seconde lettre à Timothée.

Selon la tradition, il serait mort à l’âge de 94 ans. Les passages du Nouveau Testament où il est fait mention de lui sont les suivants : Galates 1.2-3; 2 Corinthiens 2.12-13; 7.13-15; 8.6; 12.18.

Notons enfin que, contrairement à ce qu’il avait fait pour Timothée, qui était demi-juif du côté de sa mère, Paul n’oblige pas Tite à se faire circoncire. Aussi, en dépit des faux frères glissés dans l’Église, Tite sera accepté par les coryphées de l’Église de Jérusalem, et ce malgré ses origines païennes.

3. Circonstances et date de composition🔗

Sans doute la lettre fut-elle composée vers l’an 64, entre les deux captivités de Paul; la date ne peut être qu’un objet de conjectures et ce, en se référant aux nombreuses similarités entre elle et la première à Timothée.

Nous ignorons les détails suivant la libération de Paul lors de sa première détention. Effectua-t-il ce voyage à Crète? Il est légitime de le penser. Sans doute avait-il eu connaissance des problèmes surgis dans cette Église. Elle n’était pas encore en mesure de s’autogérer. Elle avait un urgent besoin d’un conducteur spirituel ferme et digne de confiance. La situation était d’autant plus délicate que de faux docteurs y opéraient en toute liberté. L’hérésie que décrivent les pastorales semble se répandre comme une épidémie. Sans doute « des juifs et leurs fables » avaient-ils joué un rôle éminent dans la propagation de l’erreur (Tt 1.10-14).

Or, si les Églises de Crète succombaient à l’erreur et tombaient dans cette hérésie pernicieuse, elles risquaient de disparaître très vite sans laisser de trace. Mais qu’allaient penser ceux du dehors? Dans son essence, cette hérésie était révolutionnaire. Elle refusait d’accepter les relations d’autorité et ouvrait ainsi la porte à toutes sortes de pratiques aberrantes, comme si les chrétiens eussent été au-dessus des choses matérielles. Si les chrétiens acceptaient de tels enseignements, le « monde » risquait de les traiter de misanthropes haïssant l’humanité et la communauté. Au lieu d’exercer une influence bénéfique sur la société environnante, ils produiraient, au contraire, un « impact » négatif.

L’apôtre prodigue donc à son ami des conseils sur la manière de gouverner l’Église dans les circonstances données de l’époque. Mais son avis est tout aussi pertinent pour notre époque et pour les problèmes ecclésiastiques actuels, plus particulièrement en ce qui concerne la vigilance pour le maintien de la saine doctrine (orthodoxie). Crète devait être un champ relativement plus petit que celui où travaillait Timothée. Mais les mêmes problèmes apparaissent dans les deux champs. Les Crétois sont tenus par leur propre poète, Épiménide, comme étant menteurs, licencieux, paresseux et gloutons. Paul semble être du même avis. Ce n’était donc pas un peuple facile à traiter.

4. Message et intention🔗

L’apôtre demande à Tite de venir le voir aussitôt qu’il sera remplacé, et lui explique la manière dont il devra s’occuper des Églises dont on lui confie la charge pastorale. Il n’impose pas de règles rigides ni de lois ecclésiastiques stériles. Il fait tout dériver, aussi bien le salut et la piété que l’ordre ecclésiastique, de la rédemption achevée par Christ. La situation à Crète, comme nous l’avons vu, était dangereuse. Ses membres semblaient tout à fait insouciants dans leur conduite. Si les injonctions du chapitre 2 sont une indication des besoins de l’Église, les hommes devaient y être quelque peu laxistes, les vieilles femmes médisantes et adonnées à la boisson, et les jeunes femmes plutôt paresseuses… Peut-être la prédication de l’Évangile de la grâce avait-elle donné aux Crétois l’impression que le salut n’avait pas de rapport avec la vie morale? Ainsi l’apôtre souligne-t-il à six reprises (Tt 1.16; 2.7, 14; 3.1, 8, 14) l’importance des bonnes œuvres. Quoique le salut ne soit nullement dû aux bonnes œuvres comme telles (Tt 3.5), Paul affirme néanmoins avec vigueur que le fidèle devra exercer une vigilance sur son comportement moral.

Les troubles de Crète sont le fruit des effets combinés d’un laxisme moral et de la tendance naturelle des Crétois accentuée par des disputes et des querelles au sujet des « fables juives » ou des commandements imposés par des docteurs judaïsants (impies, sans règle, diviseurs, mercenaires). Ces enseignants étaient différents de ceux qui troublaient les Galates parce que leur erreur consistait en une perversité morale, tandis que celle des faux docteurs sévissant en Galatie était de nature doctrinale (il s’agissait du légalisme). La lettre condamne pourtant les deux erreurs. Elle nous offre un excellent aperçu sur l’enseignement doctrinal de l’Église à l’heure où elle s’institutionnalise. Bien qu’écrite par le grand missionnaire des païens, elle présente une Église qui, passant de la première génération à la seconde, de la première étape vers la suivante, avait besoin de fondements solides. Le terme « sain » implique une norme reconnue de doctrine à laquelle doivent se conformer la conduite et l’enseignement fidèle.

Au sujet de cette lettre, Luther écrivait :

« C’est une épître courte, mais qui contient une telle quintessence de la doctrine chrétienne et qui est rédigée avec une telle maîtrise qu’elle contient tout ce qui est nécessaire pour la connaissance et pour la vie chrétienne. »

On a relevé dans la lettre quelque 44 termes que l’apôtre n’utilise pas ailleurs. Parmi eux, 29 n’apparaissent nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament. Les termes les plus fréquents sont Sauveur, sain, bonnes œuvres, etc.

5. Analyse du contenu🔗

1. Introduction (1.1-4)

Paul se dit l’esclave de Dieu et le messager du Christ, qui encourage la foi des élus de Dieu et la connaissance de la vérité, et qui, grâce aux promesses de Dieu, demeure plein d’espérance quant à la vie éternelle. Tite est appelé vrai ou fidèle, et l’apôtre le considère comme son authentique enfant spirituel.

2. Directives pastorales concernant les anciens et les faux docteurs (1.5-16)

a. Le type d’anciens ordonnés (1.5-9)

Il est essentiel que chaque Église ait le modèle d’ancien, puisque ces hommes sont des ministres de Dieu et ceux qui surveillent la marche et la conduite de l’Église. L’ancien doit jouir d’une réputation excellente, il sera monogame, ses enfants seront croyants, il aura la maîtrise de soi, sera généreux, aura de nobles idéaux, fera preuve de fidélité envers la Parole.

b. Des faux docteurs dangereux (1.10-16)

Ceux qui, nombreux, troublent l’Église en Crète sont d’origine juive et sont motivés par l’amour de l’argent. Tite est invité à les réduire au silence, quoique l’apôtre ne signale pas le procédé. Il avertira les membres de l’Église contre leur enseignement pernicieux. L’Église conservera saine la foi. Les faux prophètes sont des impurs (semblables à ceux qui trouvent des erreurs dans la Bible); ils font preuve de duplicité, car tout en désobéissant à sa Parole, ils prétendent tout connaître au sujet de Dieu

3. Directives pastorales concernant les diverses classes dans l’assemblée (2.1-15)

Le sain enseignement produira des « chrétiens sains ». Paul explique la manière dont les chrétiens se comporteront. Voici les groupes auxquels il s’adresse :

a. Les hommes âgés (2.1-2)

Ils doivent mener une vie digne de leur âge, être sérieux et non frivoles, car la légèreté ne convient pas à un homme d’âge mûr : ils doivent user de tempérance et de modération en toutes choses, avoir un jugement solide et la pureté dans la foi.

b. Les femmes âgées (2.3-5)

L’avis adressé à ce groupe est d’abord négatif. Elles doivent éviter la médisance et les boissons intoxicantes, mais enseigner positivement les jeunes femmes à devenir de bonnes épouses et des mères dévouées; elles doivent avoir de l’affection pour leurs maris et leurs enfants, être chastes, obéissantes et diligentes à faire le bien.

c. Les jeunes gens (2.6-8)

Puisque les jeunes ont une tendance vers la vie frivole, on leur conseille de devenir sérieux. Tite lui-même, homme jeune, devra leur servir de bon exemple, aussi bien par son enseignement que par sa conduite.

d. Les esclaves (2.9-10)

La conversion à Christ n’exempte pas l’esclave de ses obligations envers son maître terrestre. Il devra éviter deux vices : médire et voler. En toutes choses, il devra se montrer digne de la confiance de son maître. Derrière ces deux recommandations, deux motifs chrétiens apparaissent : la parole ne devra pas être insultée à cause de la mauvaise conduite des chrétiens (2.5), et notre doctrine devra être ornée par une vie de piété (Tt 2.9).

Le passage de Tite 2.11-14 résume cette section où l’apôtre déclare qu’après avoir reçu la grâce, nous avons l’obligation de lutter contre l’impiété et les convoitises mondaines et de vivre sobrement (libres à l’égard de toute folie, d’une manière droite, ayant l’approbation de Dieu et pieuse dans la communion avec notre Dieu); enfin, nous devons nous attendre à l’avènement du Christ.

4. Directives pastorales concernant la position des chrétiens en général (3.1-11)

a. Leur citoyenneté (3.1-2)

Puisque les gouvernements ont été institués par Dieu, notre bonne conduite de citoyens fait partie de notre devoir envers lui. Ce motif devrait faire du chrétien le meilleur des citoyens. D’une manière précise, notre devoir inclut l’obéissance et la coopération avec le gouvernement dans tout ce qui est juste : éviter la médisance et les conflits, être disposé à subir les épreuves avec patience.

b. Leur statut passé et présent (3.3-8)

Leur condition antérieure incluait un esprit non régénéré et par conséquent désobéissant; la convoitise, la jalousie et la haine étaient leur mode de vie habituel. Mais ayant été lavés par le bain de régénération (dont le baptême est le symbole), ils sont renouvelés par l’Esprit, ils sont des citoyens du ciel. Cet héritage, ils le possèdent déjà, mais plus tard ils en prendront la pleine possession. À noter la phrase, si riche, dans laquelle Dieu est appelé notre Sauveur; tout l’accent se porte par conséquent sur ce qu’il accomplit.

c. Leur attitude envers l’erreur et les faux docteurs (3.9-11)

Les disputes et les querelles sur des questions insensées, au sujet de trivialités ou au sujet de la loi devront être évitées. En outre, un hérétique doit être exhorté une fois ou deux, et si ces efforts demeurent sans résultat, il doit être exclu de la communion de la foi. Ainsi, ce n’est pas l’Église qui le rejette, mais au contraire, c’est lui-même qui rejette la communion de la foi.

5. Conclusion (3.12-15)

Paul promet d’envoyer l’un de ses assistants, Artémas ou Tychique, pour qu’ils poursuivent le ministère de Tite. Il semble que ce soient Zénas ou Apollos qui porteront la lettre à son destinataire. Celui-ci devra leur remettre l’offrande qu’il a pu collecter dans les Églises crétoises. Ceux qui sont près de Paul saluent leur frère dans la foi.

6. Questions🔗

  1. Que savons-nous au sujet de Tite?
  2. Quelle est la différence entre son ministère et celui de Timothée?
  3. Comment l’apôtre décrit-il les Crétois?
  4. Comment ces derniers ont-ils été gagnés à l’Évangile?
  5. Décrivez brièvement le comportement des hommes, des femmes et des jeunes gens.
  6. Comment Tite doit-il se comporter?
  7. Quelles sont les implications pratiques du salut?
  8. De quelle manière la souveraineté de Dieu se manifeste-t-elle dans notre salut?
  9. Décrire les qualités de l’ancien.
  10. Peut-on, d’après 3.1, parler de patriotisme chrétien?
  11. Souligner toutes les références faites à la saine doctrine.
  12. Résumer et analyser l’enseignement des faux docteurs dénoncés par Paul.

Note

1. Voir mon article intitulé Introduction aux deux épîtres à Timothée.