Cet article sur Jude 1.4 a pour sujet les apostats, ces faux enseignants qui enseignent des erreurs (hérésies, gnosticisme) et encouragent l'immoralité (licence, antinomisme).

Source: La foi transmise une fois pour toutes - Méditations sur l'épître de Jude. 4 pages.

Jude 1 - La nature du mal

« Car il s’est glissé parmi vous certains hommes, dont la condamnation est écrite depuis longtemps, impies qui changent en dérèglement la grâce de notre Dieu et qui renient notre seul Maître et Seigneur Jésus-Christ. »

Jude 1.4

La section principale de la lettre qui débute ici traite du caractère du châtiment qui attend ceux dont la présence au sein de l’Église et leur activité néfaste parmi des fidèles mettent en péril la foi transmise une fois pour toutes.

Une comparaison avec 2 Pierre 2 montrera que les deux passages sont quasi identiques. Les ennemis mentionnés par Pierre sont ici dépeints comme ayant atteint le sommet de leur activité dévastatrice. Ils semblent avoir franchi le point de non-retour.

En dépit de frappantes similarités, nous devons cependant reconnaître l’originalité propre à chacune de ces deux lettres. Jude admet que les chrétiens peuvent tout connaître au sujet de leur salut commun, mais ils devraient aussi connaître les faits et croyances des adversaires de la vérité. Aussi leur signale-t-il qu’ils n’avaient pas été suffisamment vigilants et n’avaient pas accompli avec toute l’énergie requise leur mission « de colonne et d’appui de la vérité ». Il les exhorte donc à compléter leur connaissance par une action correcte. Si, avec raison, ils doivent se souvenir des grands événements de leur salut, ils doivent simultanément garder à l’esprit que la mémoire, à elle seule, ne suffit pas. Il faut en plus, « le discernement des esprits » (voir 1 Co 12.10; Hé 5.14; 1 Jn 4.1). Il ne suffit pas « d’être informé une fois pour toutes »; il faut encore qu’on se rappelle constamment des points essentiels de sa foi.

Pourquoi est-il nécessaire de combattre pour la foi? La réponse nous est fournie par Jude. Satan a semé son ivraie dans le bon grain. Des faux frères se sont infiltrés parmi les vrais membres de l’Église (2 Co 11.26; Ga 2.4-5). Cette situation, apparue dès le temps de Jude, durera jusqu’à la fin (1 Tm 4.1). Dans ce cas, le ministre fidèle et le disciple dévoué du Christ peuvent-ils se taire, demeurer passifs?

Jude signale que la condamnation avait été prédite. Plus haut, nous signalions diverses interprétations données à ce rappel. Anticipons ici quelque peu ce que nous dirons plus loin.

Hénoch avait déjà, avant le déluge, prédit une telle activité. Mais le Seigneur en personne déclarait dans l’une de ses paraboles (Mt 13.24-30) que Satan était activement à l’œuvre. Le même Seigneur a parlé des enfants du diable. Ne sont enfants de Dieu que ceux qui acceptent le Christ et qui écoutent sa voix de bon Berger. Là où le Christ est refusé par ceux qui ont été informés du salut et invités à en bénéficier, là l’apostasie est active.

L’apostat est celui qui reçoit la Parole, croit pendant quelque temps, mais ensuite déchoit. Il est intéressant de noter que, dans Luc 8.13, l’original grec dit de ceux qui reçoivent la parole sans pour autant persévérer qu’ils ont reçu, « dekomai », tandis que dans Marc 4.20, pour ceux qui reçoivent, croient et persévèrent, le verbe employé est « paradekomai ». Les premiers n’ont pas de racine (Mt 13.21), de vie en Christ (voir aussi le verset 12 de notre épître). On voit que l’apostasie n’est pas simple indifférence, pas même une erreur doctrinale comme telle. Car même le chrétien régénéré peut, à l’occasion, commettre une erreur doctrinale sans pour autant devenir apostat. L’apostat est celui qui a reçu la lumière, mais pas la vie, il a lu la Parole écrite, mais n’a pas cru en la Parole vivante, au Fils de Dieu. L’apostat est un impie, il n’a pas la crainte de Dieu. Il conserve la forme de la piété, mais il en a renié la force (2 Tm 3.5). Pour lui, l’Évangile n’est pas la puissance pour le salut de quiconque croit (Rm 1.16). Il se refuse au pouvoir de transformation de celui-ci (Ph 3.10).

L’apostat peut présenter tous les traits de l’homme de bien, ne pas commettre d’iniquité apparente, ni être forcément un dépravé moral. Mais Jude, comme Samuel dans l’Ancien Testament, s’intéresse au cœur. Car Dieu lui aussi regarde non aux apparences, mais au cœur. Si le cœur n’accepte pas la vérité, le Saint-Esprit tient l’homme pour un impie. L’on peut professer la foi en Dieu, mais refuser sa révélation en Christ. L’on peut singer le langage biblique, lui emprunter sa terminologie, celle de l’amour par exemple, sans pour autant respecter l’autorité de la Parole écrite.

L’apostat change la grâce en licence, prétextant que le salut par grâce équivaut à une liberté effrénée. Selon Tite 2.11-13, le salut acquis nous enseigne à renoncer à toute immoralité. L’apostasie commence sans exception par rejeter l’autorité de la Parole, qu’elle subordonne à la tradition, aux coutumes, aux expériences individuelles, à des révélations sans contenu ni autorité divine. Ainsi niera-t-elle la seigneurie universelle du Christ, sa position actuelle, son office de Sauveur, sa messianité. Pour l’apostat, le Christ n’est qu’une simple créature et non la deuxième personne de la Trinité, non pas le Fils unique incarné et né de la vierge Marie. Il n’est pas, par conséquent, le Seigneur ressuscité de la foi universelle. C’est ainsi que de l’impiété à l’incrédulité le pas est vite franchi. Il est recommandé de lire et de méditer des textes tels que Matthieu 10.33, 2 Timothée 2.12, Tite 1.16 et 1 Jean 2.22-23. Ces passages éclairent parfaitement bien le visage de toute apostasie.

Parmi les exemples et les illustrations qui devaient permettre à ses lecteurs de tirer de salutaires leçons pour leur conduite et leur combat contre le mal, Jude situe le cas d’Israël, sa libération du pays d’Égypte. Pourtant, le peuple, arraché à la servitude par un grand et puissant miracle, a quand même péri à cause de son incrédulité. Cet exemple illustre à la fois la certitude du châtiment et le caractère des hommes iniques. Il trace la source de leur incrédulité. Il montre qu’un privilège, même très grand, n’assure pas automatiquement la victoire. On peut tomber dans le doute, voire sombrer dans l’incrédulité. On peut se considérer comme un chrétien véritable, recevoir le baptême en tant que signe de l’Alliance de grâce, avoir part au Saint-Esprit comme les arrhes du salut à venir, et néanmoins manquer de foi profonde et véritable. Le risque est grand et réel. Une fausse conviction entretenue dans l’indifférence et l’irresponsabilité est bien plus dangereuse qu’une résistance ouverte à la grâce. Aussi est-il bon de se souvenir de l’avertissement de la lettre aux Hébreux : « Prenez garde mes frères de ne pas avoir une conduite d’incrédulité loin du Dieu vivant » (Hé 3.12).

Quelle est la nature des faux enseignements dénoncés par Jude? Nous avons déjà eu l’occasion de mentionner l’antinomisme, attitude de relâchement moral sous prétexte que la loi de Dieu aurait cessé d’être en vigueur pour le chrétien et qu’elle ne régirait plus les principes de l’éthique chrétienne.

L’antinomisme est apparu dans l’Église assez tôt et il ne l’a pas encore désertée, bien au contraire. À ses yeux, le chrétien devenu « spirituel » n’a plus besoin de la loi pour se conduire ni pour reconnaître son état de péché; il n’a pas à se préoccuper des péchés commis dans la chair, puisque depuis l’avènement du régime de l’Esprit, son importance a été anéantie.

La seule chose qui importe aux antinomistes est le rapport direct, presque immédiat avec Dieu, une mystique, si ce n’est une magie, sans parenté avec la vie menée sous l’éclairage de la révélation biblique. Le rapport avec la nature ne revêt ainsi aucune importance. L’antinomisme souligne un seul aspect de la foi qu’il élève hors proportions jusqu’à complètement pervertir la foi et la grâce. Lorsque le salut est envisagé sous l’angle de la seule activité de Dieu, sans engager en même temps la responsabilité morale du fidèle, alors l’éthique sera négligée, ou même ouvertement répudiée sous le fallacieux prétexte que le salut est donné par pure grâce.

Cette conception relève d’une mystique aux yeux de laquelle la création physique ainsi que l’ensemble de l’ordre créationnel sont considérés comme un niveau inférieur, la nature étant quantité négligeable et les actes commis dans le corps sans incidence pour la vie spirituelle. Cette « spiritualité », si on peut encore la qualifier ainsi, prévalait largement à l’époque de la rédaction de notre lettre. Bien qu’on ne puisse pas décrire avec exactitude tous les faux enseignements dénoncés par Jude, car il ne nous en donne que quelques fragments, ils sont suffisants pour mettre ses lecteurs, et toute l’Église, en garde contre ces dangereuses hérésies.

Peut-être s’agissait-il aussi d’une sorte de protognosticisme qui soulignait exagérément la primauté de la connaissance au détriment de l’obéissance, refusant également toute relation vitale avec le Christ historique, celui des Évangiles, au profit d’un Christ mythique. Ici et là, nous rencontrons de légères indications au sujet de ces imposteurs et de leurs erreurs. Ils s’adonnent à des rêves et à des visions personnelles qu’ils attribuent à une origine divine. Ils ne se fondent nullement sur l’enseignement apostolique ni sur son autorité plénipotentiaire. Dans leurs rêveries et fantasmes, ils profanent leur corps. Ne comptent à leurs yeux que leurs visions dites « spirituelles ». Libertins, ils préfèrent l’anarchie à l’ordre établi; ils ne manifestent aucun souci de discipline morale; ils cherchent même à abolir l’ordre ecclésiastique.

Ce type de spiritualistes antinomistes est apparu tout au long de l’histoire de l’Église. Au Moyen Âge, ils soutenaient qu’aucune règle ni aucun principe moral ne pouvaient présider leurs actions, car ç’aurait été en flagrant désaccord avec l’esprit, émancipé de la tutelle de la chair.

Ces faux docteurs niaient que Jésus fût le Seigneur. Tout en admettant qu’il était le Fils de Dieu, ils prétendaient qu’il existait d’autres pouvoirs en dehors de lui dans la hiérarchie des êtres célestes, dont certains auraient même été supérieurs à Jésus, ainsi que le rappellera, au 2siècle Irénée, évêque de Lyon, en Gaule.

Pour Jude, ces pervers sont des animaux irrationnels; ils tiennent des propos contradictoires; ils obéissent à la pression de leurs sens tout en prétendant vivre une authentique spiritualité. En outre, ils sont coupables de profaner ce qu’ils ne comprennent pas; ils n’obéissent qu’à la nature de leur instinct; ils se moquent de ce qui est honorable; ils condamnent la vraie foi chrétienne, dont ils ne veulent pas entendre parler; ils feraient mieux d’écouter les avertissements de l’archange lorsque celui-ci refusa de répondre à l’insolence du diable…

Ce sont des faux chrétiens deux fois morts, une fois avant leur conversion et leur baptême, une seconde fois après leur baptême. Sans cesse mécontents de leur sort, sécularistes, ils ne vivent que pour la satisfaction sensuelle; fanfarons, ils s’imaginent tout savoir. En réalité, ce sont des parasites flagorneurs auprès des riches afin de rehausser leur propre rang et d’améliorer leur propre sort.

Ce sont des diviseurs des frères. Ils prétendent posséder l’Esprit, mais leur conduite est un démenti catégorique de leur profession de foi. Ils ne pourraient sans doute jamais souscrire à cette affirmation : « Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu et que vous n’êtes pas à vous-mêmes? » (1 Co 6.19).