Jude 1 - Sodome et Gomorrhe
Jude 1 - Sodome et Gomorrhe
« De même, Sodome et Gomorrhe et les villes voisines, qui se livrèrent de la même manière à la débauche et recherchèrent des unions contre nature, sont données en exemple, soumises à la peine d’un feu éternel. »
Jude 1.7
Le répugnant incident rapporté par le livre de la Genèse avait laissé une impression indélébile sur l’esprit des Israélites. Dans leur mémoire, ce forfait constitue le péché par excellence (voir Dt 29.21-23; 32.32; És 1.9; 3.9; 13.19; Jr 23.14; 49.18; 50.40; Lm 4.6; Éz 16.46,49,53,55; Am 4.11; So 2.9; Mt 10.15; 11.24; Lc 10.12, 17.29; Rm 9.29, 2 Pi 2.6; Ap 11.8).
La fornication ici, comme ailleurs dans toute la Bible, peut signifier aussi idolâtrie spirituelle. Dans 1 Pierre 4.3-4, elle dénote la société humaine et ses violentes tentatives d’auto-exaltation. C’est là que réside le point commun entre les deux villes de la plaine et les apostats de Jude. Les anges déchus furent jetés dans d’épaisses ténèbres; Sodome et Gomorrhe, elles, furent punies par un feu inextinguible. Il est donc urgent de ne pas suivre l’exemple de tels coupables et d’éviter toute forme — nous ajouterons même toute apparence — d’impiété et d’iniquité qui deviennent inévitablement monnaie courante dans une société ne craignant plus Dieu.
L’histoire de Sodome et de Gomorrhe est relatée dans Genèse 18.16 à 19.29. Dans Genèse 14, Sodome et Gomorrhe sont mentionnées avec cinq autres villes; cependant, ce sont elles qui sont mises en avant (pour les autres villes, voir Dt 29.22-23; Os 11.8). Leur comportement est caractérisé par la même arrogance et la même convoitise que celles des anges déchus.
Quel est le mal dont se sont rendues coupables les villes maudites? Le récit de la Genèse nous informe plus particulièrement de ce qui se passa à Sodome, où les habitants cherchèrent à avoir des rapports homosexuels avec les visiteurs de Lot. Le châtiment qu’elles subirent sera dépeint avec de vives couleurs dans Genèse 19.24-25, bien qu’ici le feu qui les embrase et consume ne soit pas qualifié d’éternel.
Outre le texte biblique, qui traite ces deux villes comme étant particulièrement dépravées, la tradition judaïque les connaît pour leur cruauté, leur avarice, leurs rapines et, par-dessus tout, leurs mœurs sexuelles singulièrement dissolues.
Selon l’historien juif Flavius Josèphe, en ce temps-là, les Sodomites, devenus puissants et prospères et se croyant à l’abri de représailles, traitaient leur prochain avec injustice et se comportaient de manière impie envers Dieu, faisant ainsi preuve d’une ingratitude injustifiable. Ils haïssaient tout particulièrement les étrangers et se rendaient coupables de pratiques… sodomites.
De son côté, Philon d’Alexandrie fait état de leur tendance à l’ivrognerie et aux pratiques sexuelles contre nature, très répandues parmi eux. Non seulement ils convoitent les femmes de leurs voisins, violant de la sorte les liens du mariage, mais encore ils se livrent à des péchés contre nature particulièrement abominables.
Arrêtons-nous un instant sur deux interprétations modernes du péché des Sodomites. Selon celles-ci, le châtiment qui les frappa était dû, d’une part, à leur odieuse xénophobie et à leur absence d’esprit d’hospitalité, d’autre part au fait qu’ils auraient convoité non pas des hommes, mais… des anges!
On peut s’étonner de voir la manière singulière dont certains de nos contemporains cherchent à écarter à tout prix la pratique de l’homosexualité comme étant la cause ou l’une des causes principales du châtiment qui détruisit les deux villes immondes. Cependant, aussi bien l’interprétation de la Bible elle-même (et à cet endroit, rappelons-nous d’une règle impérative de lecture biblique : la Bible est sa seule interprète autorisée) que la tradition judaïque montrent que les Sodomites ont été surtout coupables d’avoir cherché à commettre avec les visiteurs de Lot un péché contre nature. Sans rappeler le texte de Romains 1, il existe suffisamment de raisons pour condamner aussi bien l’homosexualité masculine que féminine et pour savoir que toutes les deux sont odieuses aux yeux de Dieu. Aucune interprétation spécieuse ne saurait atténuer leur gravité aux yeux de Dieu. Voici le commentaire de Calvin sur Jude 1.5 :
« Où sont ces personnages? Bien que leur intention fût d’abuser vilainement et contre nature de ces étrangers, toutefois en paroles ils font semblant de demander quelque autre chose. Car ils commandent Lot de montrer et de produire les gens inconnus qu’il avait reçus en sa maison, lui qui était étranger. D’aucuns exposent “connaître” par “avoir affaire à eux”, et les traducteurs grecs ont ainsi tourné. Mais je pense que ce mot est mis en un autre sens, comme s’il disait : “Nous voulons savoir quels hôtes tu mènes en ta maison”. L’Écriture a bien coutume de noter modestement une chose honteuse par ce mot-ci. Mais les Sodomites eussent usé de paroles plus affrontées s’ils eussent parlé de ce péché si abominable, mais pour cacher leur perversité ils prennent querelle à ce saint personnage et usent d’autorité envers lui parce qu’il a osé recevoir chez lui des gens inconnus.
Toutefois surgit ici une question : car si les Sodomites avaient été accoutumés à vexer ainsi tous les étrangers, que dirons-nous avoir été fait aux autres? Car Lot n’avait pas alors seulement commencé à les accueillir et les Sodomites avaient toujours été ainsi abandonnés et désordonnés. Lot est tout prêt à exposer ses propres filles en opprobre pour en retirer ses hôtes. Combien de fois les avait-il fallu prostituer, si la rage de ceux qui demandaient ces hommes pour les violer ne pouvait être apaisée par un autre moyen? Or si Lot connaissait qu’un tel danger fût proche, il devait plutôt avertir ses hôtes de se retirer tout bonnement de la ville. À mon jugement, bien que Lot connut les mœurs, toutefois il n’a point eu soupçon de ce qui est advenu, que ces gens-ci le dussent venir assaillir avec une telle violence et impétuosité dans sa propre maison. Il semble donc que cela ait été nouveau. Mais il a fallu qu’ils se soient ainsi éclatés pour se jeter dans cet horrible méfait, quand les anges ont été envoyés pour faire l’examen de ce peuple.
Voilà comment les infidèles, après s’être égayés avec assurance dans leur méchanceté, se hâtent de faire venir leur perdition en un moment, quand ils se jettent et abandonnent à leur furie. Dieu a donc voulu montrer comme le dernier acte de la méchante vie des Sodomites, quand il les appelait en jugement, et il les a poussés par un esprit d’étourdissement en ce crime dont l’énormité ne permit plus que la perdition en fût plus longuement différée. Car, ainsi que l’hospitalité de ce saint homme de Lot a été excellemment récompensée, parce qu’il a reçu des anges au lieu d’hommes, n’en sachant rien, et les a repus en sa maison, aussi Dieu a fait plus gravement vengeance de la convoitise débordée des autres qui, en voulant forcer et violer les anges, n’ont pas seulement fait injure aux hommes, mais, autant qu’il a été en eux, ont violé par leur fureur pleine de sacrilège la gloire céleste de Dieu. »
Sodome et Gomorrhe sont considérées dans la Bible comme des exemples du jugement divin.
Des écrits de Philon d’Alexandrie et de Flavius Josèphe, nous apprenons encore que le feu dévasta non seulement tout ce qui était visible au-dessus de la terre, mais qu’il pénétra encore jusque dans ses entrailles pour en détruire la force vitale et réduire toute la région en un désert aride, empêchant de la sorte qu’elle porte désormais des fruits et qu’elle fasse pousser de l’herbe. À ce jour, brûle encore un feu qui ne s’éteint jamais et poursuit ses ravages et, tel un monument dressé au désastre, s’y élève une fumée perpétuelle…
À propos de ce châtiment tel que nous le révèle la nature, Sir George Adam Smith dira dans The Historical Geography of the Holy Land : « Le sol est bitumeux avec, dans le sous-sol, une couche de liquide inflammable. » D’après le savant britannique, le cataclysme se produisit à peu près comme suit :
« Sous ce sol bitumeux eut lieu l’une des plus terribles explosions dont on ait gardé la trace. Dans ces sous-sols se sont formés des réservoirs de gaz et de bitume qui, lorsqu’ils subissent la pression d’un séisme, explosent, faisant monter dans l’air des masses d’huile qui, comme une pluie de feu, retombent sur le sol et sont tellement inflammables qu’elles peuvent flotter sur la surface de la mer sans s’éteindre. »
Ce fut par une telle éruption que ces villes furent détruites.
Nous insérons ici un paragraphe relatif au « châtiment » d’après le Vocabulaire de théologie biblique :
« Certes, les pages de la Bible nous annoncent le Royaume de Dieu, qui est placé sous le signe de la béatitude. Cependant, elles parlent aussi de châtiment. Le dessein de Dieu consiste à se réconcilier la création matérielle et invisible. Mais l’enfer existe et il sépare définitivement celui qui s’est volontairement opposé à sa souveraine transcendance et s’est moqué de son amour. Au cours de l’histoire humaine, calamités, déluge, dispersion, ennemis, enfer, guerre, mort, souffrance, tous ces châtiments révèlent à l’homme trois choses : une situation, celle du pécheur; une logique, celle qui conduit du péché au châtiment; un visage personnel, celui du Dieu qui juge et qui sauve.
Et tout d’abord, le châtiment est le signe du péché. À travers le châtiment qu’elle subit douloureusement, la volonté de la créature pécheresse saisit qu’elle est séparée de Dieu. Le serpent, séducteur et homicide; l’homme, découvrant que par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché, la mort, la souffrance, le travail pénible, les villes châtiées pour leur incrédulité, dont Sodome et Gomorrhe, les ennemis du peuple de Dieu, les nations, même si Dieu s’en sert pour châtier son peuple; le peuple de Dieu lui-même en qui doit apparaître le mieux la finalité positive du châtiment; la création matérielle enfin, assujettie à la vanité à la suite du péché d’Adam.
Le châtiment est le fruit du péché. On peut distinguer trois temps dans la genèse du châtiment. Au point de départ, il y a à la fois le don de Dieu et le péché. Puis l’appel de Dieu à la conversion est refusé par le pécheur, qui pourtant perçoit souvent à travers l’appel l’annonce du châtiment. Alors, devant un tel endurcissement, le juge décide de châtier.
L’issue du châtiment est double, selon l’ouverture du cœur : certains châtiments sont “clos” et condamnent, les autres sont ouverts et appellent à la conversion. Ainsi le châtiment est un barrage opposé au péché. Ce n’est donc pas le châtiment qui sépare de Dieu, mais le péché dont il est la rétribution.
Le châtiment est aussi révélation de Dieu. Une théophanie appropriée au pécheur. Qui n’accueille pas la grâce de la visite divine se heurte à la sainteté et rencontre le Dieu du jugement. Ainsi, le châtiment est d’autant plus terrible que celui qu’il atteint est plus proche de Dieu. La même présence douce au cœur pur devient douloureuse à l’endurci, bien que toute souffrance ne soit pas châtiment.
Plus encore, le châtiment révèle les profondeurs du cœur de Dieu : sa jalousie, dès qu’on est entré dans son Alliance, sa colère, sa vengeance vis-à-vis de ses ennemis, sa justice, sa volonté de pardon, sa miséricorde, enfin son amour pressant. Mais il est un châtiment au cœur de notre histoire, où le tentateur et le péché ont été frappés à mort, c’est la croix, où éclate la sagesse de Dieu. Dans la croix coïncident la condamnation “close” de Satan, du péché et de la mort, et la souffrance “ouverte”, source de vie.
S’il y a proximité du jugement décisif, déjà à l’œuvre, qui anticipe la condamnation de tout ce qui ne peut hériter du Royaume de Dieu, pour le “spirituel”, le jugement est justification, le châtiment devient expiation dans le Christ volontairement acceptée, il fait mourir la chair pour vivre selon l’Esprit. »