Cet article sur Jude a pour sujet l'apostasie des faux enseignants qui propagent dans l'Église des erreurs (hérésies) et des perversions morales, d'où le besoin d'une exhortation à la persévérance dans la foi véritable.

Source: La foi transmise une fois pour toutes - Méditations sur l'épître de Jude. 3 pages.

L'épître de Jude - Avertissement et parénèse à l'Église

Parmi les livres canoniques du Nouveau Testament, la brève épître de Jude nous surprend par son caractère inhabituel et par les aspects de la vérité évangélique qu’elle aborde. Son style est original et le ton très intense. Par moments, les critiques formulées contre les adversaires de la foi et de la vérité deviennent si véhémentes que le style de l’écrit s’apparente davantage à celui de la littérature apocalyptique qu’à celui d’une épître courante. C’est avec une rare violence que Jude s’en prend aux hérétiques sévissant au sein de l’Église, coupables de propager non seulement l’erreur, mais encore un laxisme moral aberrant.

Les conséquences éthiques de la mauvaise théologie ne devraient pas nous surprendre, car toute déviation doctrinale aura pour conséquence inévitable, à court ou à long terme, la corruption des bonnes mœurs. Le christianisme nominal existe, nous le rencontrons à chaque pas… Jésus-Christ en personne avait déjà lancé des avertissements contre les imposteurs en citant le prophète Ésaïe (Mc 7.6; És 29.13). Il avait également posé la question : « Quand le Fils de l’homme reviendra sur terre, trouvera-t-il la foi? » (Lc 18.8). Saint Paul nous a laissé un terme technique qui décrit toutes les rébellions, aussi bien doctrinales que morales, contre le Dieu souverain : apostasie, mot qui, en grec, signifie « se tenir en dehors de… » (2 Th 2.3). Elle est rupture avec la foi, déviation mortelle par rapport à l’original déposé (1 Tm 4.1), refus de supporter la saine doctrine (2 Tm 4.3).

Nous apprenons aussi par l’intermédiaire de l’apôtre Pierre que de faux docteurs apparaîtront pour propager des hérésies, allant jusqu’à nier la rédemption (2 Pi 2.1; 3.3). Mais c’est la plume de Jude qui décrit l’apostasie à son apogée. Celle-ci était déjà active au moment du premier meurtre et au milieu de cette génération du peuple élu qui, par son incrédulité, périssait dans le désert. Bien des rois et des princes, au cours de l’histoire d’Israël, ont été apostats, et même des prophètes. Des anges sont déchus autant que des hommes mortels et pervers. Le feu éternel a consumé certains d’entre eux et les ténèbres ont entouré ceux qui se sont égarés et qui, délibérément, ont cherché à égarer les autres. Jude ne nous épargne pas ses avertissements salutaires.

Nous nous étonnons de l’absence de commentaires, en français tout au moins, consacrés à cette brève, mais importante épître. À part les deux versets de la fin (ceux de la doxologie), on connaît peu son contenu. Pour quelle raison un document aussi riche en informations a-t-il été aussi négligé? Cet écrit devrait pourtant frapper les esprits modernes tel un marteau, retentir comme une sonnette d’alarme afin de faire sursauter même ceux qui sont profondément endormis. Les activités frénétiques des apostats modernes nous invitent à lui accorder une attention particulière et à en tirer les instructions les plus élémentaires pour la défense de la foi transmise une fois pour toutes. Cette raison est suffisante pour que nous lui consacrions la présente étude.

L’épître de Jude est la dernière sur la liste des lettres dites catholiques au sens d’universelles parce qu’elle n’a aucune attache géographique particulière, mais qu’elle s’adresse à toutes les Églises se trouvant à l’intérieur de la sphère de l’amour de Dieu. Lettre universelle, elle s’adresse également à l’Église de notre époque. Elle contient le dernier avertissement qu’ont dû entendre les chrétiens de la première génération, qu’elle a exhortés à lutter pour maintenir intacte et pure la foi délivrée aux saints.

Malgré sa brièveté, la lettre contient une foule de précieux renseignements au sujet des erreurs doctrinales et des perversions morales sévissant dans l’Église apostolique. Des hommes impies s’y sont subrepticement frayé un chemin; d’où l’urgence de l’avertissement solennel adressé aux croyants pour qu’ils demeurent vigilants face à une action subversive menée à l’intérieur de l’Église, en présence de dangers la menaçant non seulement de l’extérieur, mais surgis encore de ses propres rangs.

Aux yeux de l’auteur, l’hérésie aboutit toujours à une vie dissolue, engendrée par des rêves chimériques; elle consomme le divorce entre la vérité (la doctrine) et la conduite morale (l’éthique). Hors de Dieu, tout homme finira par se comporter tel un animal, car il est homme « psychique », naturel. À l’inverse, une religion professée dans la plus pure orthodoxie, mais ne tenant pas compte de la réalité de la nature humaine et de ses défaillances, dégénérera inévitablement en gnosticisme1, cette hérésie des premiers temps de l’Église qui, sous des formes variées, s’infiltre périodiquement dans la théologie chrétienne.

À l’instar de tous les auteurs bibliques, Jude affirme que la vérité révélée et la morale qu’elle fonde et qu’elle inspire ne peuvent se dissocier sans renier la foi. Celui qui s’écarte de cette règle, du « kanôn pistéos », encourt le jugement céleste. Quiconque corrompt la foi sera retranché de la communion des fidèles et de l’union avec le Dieu Sauveur. Mais le disciple dont la foi est fondée en l’Esprit, qui se nourrit de la Parole et qui sait prier en Esprit, peut faire face à la situation et manifestera des signes authentiques de maturité. Il s’appuiera sur Dieu, en s’inspirant de son amour, et son comportement sera éclairé par une ferme et joyeuse espérance. Il ne manquera pas de donner la preuve de son zèle évangélisateur parmi ceux qui périssent, cherchant à les arracher au feu qui les attend et qui ne manquera pas de consumer quiconque persiste dans sa rébellion.

Selon les hérétiques, ce que l’on accomplit dans la chair n’affecte pas l’esprit. Cette opinion se fonde sur l’idée dualiste païenne qui sépare le corps de l’esprit et les considère comme des entités opposées. Mais cette idée ouvre largement la porte à l’anarchie morale et conduit aux pires excès, y compris aux péchés licencieux. L’erreur doctrinale change la grâce libératrice en dissolution éthique. En dernier ressort, elle est la négation même de la seigneurie de Jésus-Christ.

Jude tire de l’Ancien Testament une impressionnante série d’illustrations. En accord avec la deuxième lettre de Pierre, l’antinomisme, c’est-à-dire l’opposition à l’autorité de la loi sous prétexte de s’attacher à la seule grâce, met en péril l’existence même de la foi. Contrairement aux judaïsants des premiers temps, les antinomistes versent dans l’immoralité, ne reconnaissant et ne respectant aucune règle fixe de conduite chrétienne.

Il faut réagir, écrit Jude, et très vite. Il faut combattre pour la foi véritable. Non seulement en théorie, mais encore par une conduite conforme à la révélation. Ce n’est qu’à cette condition-là que les adversaires seront confondus. L’orthodoxie et l’orthopraxie, c’est-à-dire la confession correcte de la foi et une conduite droite en éthique, seront les marques du disciple, témoin du Christ. Si on professe que l’on aime Dieu, on ne peut manquer de mettre en pratique sa loi.

Remarquons à ce propos que se maintenir dans l’amour de Dieu ne signifie pas que l’on peut s’y introduire par ses propres efforts. Jude ne prêche pas le salut par la loi et par la morale, autrement il n’aurait pas tant insisté sur l’édification fondée sur la très sainte foi. Il ne faut jamais perdre de vue qu’on ne peut pas mener le combat de la foi par ses propres forces.

Malgré la rudesse du ton, l’auteur n’invite nulle part les fidèles à persécuter les déviants doctrinaux. Il semble être d’avis que ceux-ci disparaîtront d’eux-mêmes. En revanche, la persévérance dans la foi est possible parce que le Christ nous maintient dans notre très sainte foi.

Le langage de Jude est inhabituel et sa lettre ne semble pas être bien populaire; sans doute parce qu’elle ne cède pas au goût du jour. Elle ne va pas dans « le sens de l’histoire ». Et pourtant, elle est d’une étonnante actualité. Son style littéraire, ses métaphores et ses illustrations rappellent étrangement nombre d’écrivains contemporains. En quelques traits de plume, il réussit à décrire un paysage spirituel et moral sur lequel dominent la stérilité et la mort.

Pourquoi la lettre de Jude est-elle aussi impopulaire? Serait-ce dû à l’âpre langage de son auteur? Certainement pas. Elle dérange à cause de la ferme position qu’il prend en faveur de la vérité. Il ne parle pas en termes vagues, mais montre du doigt des péchés spécifiques. Il dénonce et il avertit. Quant à nous, nous pouvons nous demander quel est le public, depuis Jude, depuis Hénoch, depuis Abel le juste, qui apprécierait et applaudirait à de tels propos…

Note

1. Voir mon article intitulé Le gnosticisme.