Cet article a pour sujet la triple fonction du Christ: il est le Prophète qui nous a révélé le Père, le Sacrificateur qui s'est offert pour nos péchés, le Roi qui a reçu tout pouvoir pour assurer notre rédemption. Notre vocation de chrétiens en découle.

Source: Croire pour comprendre. 4 pages.

La triple fonction du Christ

Imaginez un instant que Jésus se présente parmi nous de la même manière qu’il y a deux mille ans et qu’interrogé par des journalistes, il décline son identité. Comment pensez-vous qu’il se désignerait? Se nommerait-il la Porte? Le Berger? L’Alpha et l’Oméga? Ou un autre nom symbolique? Je ne le crois pas. En déclinant son identité, le Seigneur se présenterait tout simplement comme « Jésus », le « Christ ».

Vous savez sans doute que le terme « Christ » désigne toute la fonction qu’il est venu assumer. Il est le Christ, celui qui a reçu de la part de Dieu l’onction pour être Prophète, Prêtre et Roi. Le Catéchisme de Heidelberg, cette source inépuisable de piété et de connaissance biblique, parle à juste titre de cette triple fonction. Laissons-lui la parole :

Question : « Pourquoi est-il appelé Christ, c’est-à-dire Oint? » Réponse : « Parce qu’il a été ordonné de Dieu le Père et oint du Saint-Esprit pour être notre souverain Prophète et docteur, qui nous a pleinement révélé le conseil secret et la volonté de Dieu touchant notre rédemption, pour être notre unique Souverain Sacrificateur qui, par une seule oblation de son corps, nous a délivrés, et qui intercède continuellement pour nous auprès du Père; et pour être notre Roi éternel, qui nous gouverne par sa Parole et par son Esprit et qui nous garde et maintient dans la rédemption qu’il nous a acquise. »

Des incidents de son ministère, retenons les trois exemples suivants. Ils illustrent cette triple fonction.

1. D’abord, la réaction de la foule à la fin du Sermon dit « sur la montagne ». Elle déclarait avec émerveillement : « Il les enseignait comme quelqu’un qui a de l’autorité et non pas comme leurs scribes » (Mt 7.29). Le rôle prophétique du Christ apparaît donc dans son enseignement divin. Il est Prophète et nous sommes ses disciples qui avons tout à apprendre de lui.

2. Lorsque longeant les rives du Jourdain, il s’approchera un jour de Jean-Baptiste, ce dernier s’écriera : « Voici l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde » (Jn 1.29). Dans ce témoignage nous apparaît l’office sacerdotal du Christ. Il est le Prêtre par excellence, celui qui s’occupe du péché des hommes. Il est notre Prêtre et nous sommes son peuple racheté.

3. Rappelons-nous, enfin, qu’à la suite d’un incident dramatique — la tempête apaisée sur le lac — ceux qui se trouvaient avec lui dans la barque se sont interrogés avec stupéfaction et crainte : « Quel est celui-ci, car même les vents et la mer lui obéissent? » (Mt 8.27). Cette question révélait l’office royal de Jésus-Christ. Jésus est investi de l’autorité suprême et nous sommes à ce titre son peuple soumis.

Ainsi, Christ ne fut pas un prophète à la manière de ses prédécesseurs dans l’Ancien Testament qui parlaient de la part de Dieu. Jésus, lui, est venu parler en tant que Dieu, Parole incarnée, en dépit de l’opposition irréductible ou de la résistance haineuse. Les moins enclins à la courtoisie l’appelaient quand même Rabbi, c’est-à-dire Maître. Pourtant, quelle absurdité inouïe, selon les critères humains, que d’appeler un homme la vérité incarnée de Dieu! N’est-ce pas encore cela qui scandalise de nos jours les adversaires du Christ et parfois même ceux qui, apparemment, se déclarent ses admirateurs? Que Jésus soit un enseignant de la même trempe que les fondateurs des grandes religions ou qu’il ait une plus grande envergure que les moralistes et les philosophes de tous les âges, on est disposé à l’admettre, mais le confesser comme Parole unique et rédemptrice, n’est-ce pas là folie suprême?

Christ est aussi Prêtre, mais officiant et victime en même temps. Vous connaissez peut-être l’extraordinaire et poignante aventure d’Abraham grimpant sur les pentes de la montagne, prêt à sacrifier à Dieu, en signe d’obéissance, son fils unique Isaac. Vous en connaissez l’issue inespérée : au moment même où l’homme de foi s’apprête à offrir son enfant, Dieu l’en empêche. Dieu pourvoit personnellement au sacrifice en substituant un bélier au jeune Isaac (Gn 22).

Tout au long de l’histoire de ce peuple étonnant que furent les descendants d’Abraham, les sacrifices d’animaux se perpétuèrent. Mais prêtres et holocaustes n’étaient que des préfigurations du Prêtre à venir, de la victime parfaite. Vingt siècles après Abraham, Jésus sera offert en personne comme le sacrifice parfait. Il a été offert une fois pour toutes pour effacer notre péché. À présent, personne n’est tenu de se faire représenter devant Dieu ni de chercher un médiateur bienveillant ailleurs que dans le Christ de Dieu. Et c’est ainsi que le fidèle reconnaissant peut chanter avec le poète :

Rien ô Jésus! que ta grâce,
Rien que ton sang précieux,
Qui seul mes péchés efface,
Ne me rend saint, juste, heureux.
Ne me dites autre chose
Sinon qu’il est mon Sauveur,
L’Auteur, la source et la cause
De mon éternel bonheur.

Enfin, nous proclamons Christ souverain Seigneur de nos vies, de l’Église et du monde. L’Ancien Testament, ce livre méconnu, mal lu, incompris si ce n’est méprisé nous parle des rois d’Israël dans ses pages historiques. À leur manière, ces souverains préfiguraient le véritable monarque que serait un jour Jésus. Il n’est pas sans signification que, du point de vue de sa descendance physique, Jésus soit l’héritier de David, le plus célèbre et le plus glorieux de tous les monarques d’Israël. Son pouvoir actuel et réel s’exerce depuis le jour de Pâques sur son peuple, sur la nature et sur le cosmos tout entier.

Il est le Roi du Royaume parfait. Tout pouvoir lui a été remis sur la terre et dans les cieux. Son « sceptre » écrasera bientôt toutes les résistances.

L’image de Jésus-Christ dans sa triple fonction est tout autre que celle que l’on nous présente si souvent : ce « doux » Jésus pastoral et inoffensif, à la longue barbe, produit de notre imagination plutôt que portrait fidèle et vivant sorti des pages de l’Évangile. Mais connaître le Christ, c’est surtout se mettre au bénéfice de son œuvre. C’est là, me semble-t-il, le point le plus important que je tiens à développer dans la suite de ce chapitre.

Tout ce que nous disons d’ordinaire au sujet de Christ passe pour être une déclaration théorique, sans prise avec la réalité. Et il est vrai que des théologiens, dans leurs brillants exposés, sont restés souvent au stade déclaratif de la foi sans établir un lien entre la vie quotidienne et leurs études. La triple fonction du Christ a une répercussion directe sur notre vie de chaque jour. Je m’explique.

Vous exercez telle ou telle fonction. Vous estimez peut-être qu’en tant que chrétien, votre travail ne contribue pas nécessairement au règne du Christ, ou bien qu’il ne porte pas de témoignage à son œuvre. Je songe à une catégorie de chrétiens qui estiment qu’ils ne seront « respectés » que s’ils sont prédicateurs laïcs, conseillers d’Église, ou bien moniteurs ou monitrices de l’école biblique. Rien ne s’oppose à ce que des « laïcs » exercent de telles fonctions et rendent des services de cette nature. Mais l’idée selon laquelle ils ajoutent à leur statut un « surplus spirituel » me paraît tout à fait étrangère à l’Écriture. En tant que croyants, par la grâce qui nous a été faite, nous exerçons une triple fonction. Ce ne sont pas uniquement les pasteurs, les évangélistes, les missionnaires, les diacres et les anciens qui l’exercent. Être chrétien, c’est assumer sa tâche là où on a été placé. L’artisan comme le commerçant, l’intellectuel comme le travailleur manuel, le boulanger comme l’ouvrier d’usine, l’employé de bureau comme le P.D.G. de l’entreprise doivent contribuer à la bonne marche de la société en servant fidèlement Dieu et leur prochain.

Aussi une question s’impose : À quel moment de votre journée estimez-vous être plus près de votre vocation chrétienne? Est-ce exclusivement à l’heure du culte personnel ou celui célébré par la communauté chrétienne, ou simplement lorsque vous lisez votre Bible? Il existe tellement d’idées erronées sur ce qu’est la vie spirituelle que nous la partageons souvent en deux étages. L’un est celui des affaires jugées terrestres, matérielles et inférieures, l’autre, supérieur, celui où nous exerçons la foi et la piété. Mais voyez combien il serait absurde que le boulanger chrétien, sous prétexte de rendre témoignage, au lieu de bien pétrir sa pâte et de fabriquer du bon pain, se contentât de tracer sur les morceaux de pâte une croix, ou d’y inscrire des versets bibliques! Ou bien que le tailleur, au lieu de confectionner des vêtements solides et de bon goût, s’appliquât surtout à y coudre des étiquettes du genre : « Jésus vous sauve ».

Les Églises issues de la Réforme ont parlé du sacerdoce universel du chrétien. Tout chrétien participe à sa manière, dans l’Église et dans le monde, à la triple fonction du Christ. Il n’existe pas de clergé privilégié par rapport à des chrétiens de seconde zone. Dans le foyer, à l’école chrétienne, dans les publications littéraires, en tant qu’artiste, cadre, éboueur ou cordonnier, le chrétien exerce un ministère.

De nos jours, le terme « chrétien » est dévalué. Mais n’était-ce pas le cas à l’origine? Souvenez-vous que ce fut un sobriquet péjoratif donné aux premiers disciples. Ceux-ci l’ont reçu comme un titre d’honneur. Ils étaient chrétiens, participant à l’onction suprême du Christ comme prêtres, prophètes et rois.

Examinez donc s’il existe, dans la vie du chrétien, des moments privilégiés par rapport aux autres : le culte primant le travail, la prière supprimant l’industrie. Ne dressons pas artificiellement des compartiments opposant le sacré au profane. Vous êtes prophète, prêtre et roi; c’est à travers vous qu’à présent le Christ exerce sa triple fonction.