Le Nouvel Âge Une religion universelle pour un monde unifié
Le Nouvel Âge Une religion universelle pour un monde unifié
- Introduction
- Origines
- Holisme
- Tout est Dieu
- L’humanité est Dieu
- La transformation de la conscience
- L’unité des religions
- Le moi supérieur
- La réincarnation
- La spiritualité du Nouvel Âge
- La grande déesse
- Quelle doit être l’attitude chrétienne?
1. Introduction⤒🔗
Le « Nouvel Âge », traduction en français de l’original anglais « New Age », désigne un mouvement spiritualiste moderne qui déferle, depuis quelques dizaines d’années, dans la société en général et fait sentir sa présence même sur des mentalités chrétiennes. Il n’est pas toujours aisé de le définir ni d’en cerner les contours. Il prétend représenter un facteur de transformation énergique aussi bien pour les vies individuelles que pour la société en général. Simultanément, avec une vigueur inattendue, il s’en prend aux valeurs hautement prisées de la culture occidentale autant qu’aux certitudes chrétiennes séculaires.
Depuis plus d’un quart de siècle, les religions orientales se sont mises à envahir l’Occident et à gagner à leurs rangs nombre d’adeptes, non seulement chez des non-chrétiens, mais encore chez des chrétiens, sans doute croyants de nom seulement. Actuellement, un œcuménisme dit « des grandes religions de l’humanité » regroupe aussi bien des croyances occultes que des mouvements se référant à la nouvelle conscience, évoluant autour du mouvement que nous examinons et qui les satellise de manière étonnante. Cependant, le Nouvel Âge, qui n’est nouveau que pour une pensée totalement sécularisée, professe des idées aussi vieilles que l’histoire de l’humanité. La principale concerne l’idée comme quoi toute définition conceptuelle des structures sociales, par exemple la famille, la nature, l’histoire, voire la Bible, s’opposerait à une authentique expérience mystique. Or, pour faire l’expérience de l’unité globale, déclare le Nouvel Âge, on doit non seulement abandonner l’idée selon laquelle on est un individu unique, mais encore renoncer à toute pensée conceptuelle et à toute réflexion critique.
Le Nouvel Âge n’a pas d’organisation centralisée et les doctrines qu’il professe ne sauraient être définies ni décrites avec une précision rigoureuse, bien que l’on puisse en saisir le message ainsi que l’essentiel de l’esprit qui l’anime. Plusieurs milliers d’ouvrages lui ont été déjà consacrés rien qu’en des langues européennes. Ses magazines illustrés nous offrent souvent l’image d’un vaste ciel, d’où d’énormes accumulations de nuages sont balayées vers le lointain et laissent l’impression que le regard peut embrasser l’infini. Des publications de vulgarisations abondent sur la réincarnation et décrivent le rôle de la boule de cristal. Même les rayons de certains magasins de diététique placent à côté de la publicité d’aliments de régime des slogans qui vantent l’exercice holistique de la santé.
Certainement, nous sommes en présence d’un mouvement qui sera plus qu’une mode passagère, même si la virulence conquérante de ses débuts s’est quelque peu estompée. Cependant, tel un courant culturel profond et impétueux, il enrôle sur son passage des milliers d’adhérents issus de toutes les couches sociales, galvanisant des organisations, des événements, des particuliers et des idées par le thème dominant et séduisant de la déification.
En Occident, un domaine culturel après l’autre en est atteint; ils sont devenus des territoires occupés et puissamment orientés par le Nouvel Âge. Le chrétien ne devrait pas rester indifférent, aussi devrait-il connaître cette religion prétendue universelle pour un monde unifié. Il l’analysera et il en exposera les théories, afin de mieux résister à ce nouveau Niagara spiritualiste, totalement étranger aux fleuves d’eaux vives que fait couler le Saint-Esprit. Le chrétien ne se borne pas à se livrer à une rhétorique réactionnaire. S’il nous faut affronter le défi lancé par le Nouvel Âge, il conviendra tout d’abord d’en scruter les assises profondes aussi bien historiques que religieuses.
Plus dangereux qu’un simple mouvement organisé, le caractère informel d’apparence spontané, mais quasi universel du Nouvel Âge lui permet de s’infiltrer partout, jusque dans les milieux chrétiens. Il y a des idées qui ont fait leur chemin toutes seules. En avant-coureur, déjà la Rome antique tendait à centraliser tous les cultes païens en une symphonie universelle d’idoles.
Le Nouvel Âge embrasse les sphères les plus variées, mais ayant ceci de commun qu’elles plongent chacune au moins une racine dans le paganisme, l’occultisme ou l’humanisme athée.
Dans le présent exposé, nous proposons d’en examiner sommairement les différents aspects, espérant tout de même en tracer un portrait aussi fidèle que possible.
Connaître ce mouvement afin de pouvoir dépister le mal contagieux qu’il recèle et véhicule, tel sera notre principal objectif. Simultanément, il nous faut prendre la température du climat religieux moderne qui est singulièrement marqué par un syncrétisme de théologies et de religions de toute espèce. L’amalgame et la confusion entre les grandes familles dites spirituelles du monde étant acceptés comme une nouvelle révélation, chacune d’elles prétend posséder un élément valable de vérité, abritant des communautés qui s’appelleront « églises ».
L’étude, même brève, que nous lui consacrerons rendra compte des nombreuses contradictions internes du mouvement. Tout en rejetant la révélation biblique, ainsi que l’usage de la raison au profit des voix intérieures, d’intuitions, de sensations, etc., il préconise cependant une réflexion systématique de type spéculatif, coupée de la réalité. Un de ses mots-clés est holistique, dont la racine grecque signifie total, entier. Quant à nous, face à l’universalisme rappelant la grande Babylone modernisée de l’Apocalypse, nous nous attacherons à la plénitude de celui qui remettra tout entre les mains du Père tout-puissant et omniprésent.
La présentation claire et convaincante que l’auteur américain Douglas Grothuis fait du Nouvel Âge, Confronting the New Age, nous guidera dans l’essentiel qui suit.
2. Origines←⤒🔗
Le Nouvel Âge est-il une secte religieuse? Malgré les doctrines qu’il professe, on ne peut pas le classer dans la catégorie des sectes ordinaires. Serait-ce une affaire commerciale? Certes, de nombreux entrepreneurs occidentaux mettent à profit certains de ses enseignements « pragmatistes », mais on ne peut pour autant l’assimiler à une entreprise commerciale. Faut-il l’identifier avec un mouvement politique? Bien que des lobbies politiques internationaux se vouant à la paix mondiale et poursuivant la recherche de l’équilibre écologique s’en inspirent, il n’est pas davantage essentiellement une plate-forme politique. Sommes-nous en présence d’un simple mouvement social? On ne saurait davantage le situer à ce niveau-là, bien qu’il s’en rapproche.
Nous le décrirons, à la suite de ses spécialistes, comme « une prise de conscience culturelle qui tient un ensemble d’idées de nature et d’inspiration à la fois cosmologique, pratique et spirituelle ». De manière étonnante, le Nouvel Âge cultive un certain rapport animé à la fois de haine et d’amour envers le monde moderne, admirant, voire bénéficiant du savoir scientifique et technologique, tout en évoluant autour de croyances religieuses primitives et en acceptant les pratiques qu’elles fondent, notamment celles qui sont originaires de l’Inde ancienne et de la Chine.
Voici ce qu’écrit l’auteur d’un article paru dans un périodique chrétien :
« Selon les théories des astrologues chaldéens de Babylone tous les 2000 ans environ, l’axe terrestre pointe vers une nouvelle constellation. Il paraît qu’actuellement nous passons de la constellation du Poisson à celle du Verseau, qui porte aussi le nom d’Aquarius et dont le symbole consacré est le soleil ou bien l’arc-en-ciel. Il se trouve que le poisson, nommé ichthus en grec, est aussi l’acrostiche de l’expression “Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur”, que les chrétiens des premiers siècles avaient adopté comme symbole. On en a déduit que le passage de la constellation du Poisson à celle du Verseau impliquerait le passage d’une ère chrétienne à une ère post-chrétienne. Ce type de raisonnement est caractéristique de la façon de réfléchir des adeptes du Nouvel Âge.
Chaque jour, plus de 200 millions de partisans de ce mouvement invoquent un prétendu retour du Christ (sans lien avec celui des Évangiles). Des centres représentant le mouvement sont fondés en divers endroits. Quatre-vingt-dix pour cent des personnes influencées par le mouvement ne savent pas, en réalité, ce qu’il implique. Ils ignorent qu’il peut avoir pour la société un effet psychologique, moral, voire culturel, bien plus grave pour son avenir que la tragique épidémie du sida elle-même. »
Bien que le Nouvel Âge nous parvient dans une large variété d’emballages, au centre de chacun d’eux nous découvrirons un noyau commun d’enseignement. Qu’il s’agisse de la méditation au moyen de la boule de cristal, de la thérapie dite par la réincarnation, ou comme des disciples de Swami Mutanda, nous finirons sans exception dans une version de la philosophie dont Julian Huxley fut l’un des plus célèbres porte-parole du siècle. Son vocabulaire est un mélange d’hindouisme et de psychologie humaniste athée, auquel il ajoute sa propre gamme de néologismes.
3. Holisme←⤒🔗
Le dogme axiomatique du Nouvel Âge est le concept de l’holisme, c’est-à-dire de la totalité et de l’intégralité de toutes choses.
À l’aide de ce concept de la totalité (« holiste »), le mouvement cherche à faire réintégrer tout ce que la pensée moderne avait déchiré et réduit en miettes, notamment avec la catastrophique dislocation entre l’esprit et le corps. Pour le Nouvel Âge, unité, paix et harmonie sont des idéaux planétaires. Qu’on se rappelle que le concept de holisme n’est pas spécifique au Nouvel Âge, mais fort courant dans la pensée moderne. Cependant, dans le Nouvel Âge, le concept est réduit à ce que la philosophie appelle monisme, c’est-à-dire la réduction de tout ce qui existe à une seule entité indifférenciée et indivise, s’opposant à toute pluralité. Le terme grec « monos » signifie un. Le monisme est l’idée selon laquelle tout, dans l’univers, est Un. Tout est en rapport avec le Tout, interdépendant, interpénétrant. En dernière analyse, il n’existe plus aucune différence réelle entre Dieu, la personne humaine, un morceau de pierre ou le chou-fleur de votre jardin! Tous font partie de l’Un continu de la réalité, illimitée, sans divisions ultimes. Toute différence perçue entre des entités séparées, entre Pierrot et Jeannot, entre Véronique et un arbre, entre Dieu et Philippe, n’est pas réelle, mais apparente seulement.
Cette idée moniste, la réduction de la totalité en un unique composant, est bien plus qu’un concept psychologique. C’est une idée métaphysique et mystique, un monisme empirique, du pur panthéisme s’exprimant dans une expérience extatique. Or tout monisme, c’est-à-dire toute réduction de la création une et multiple à un seul de ses aspects, ce qui est l’assertion fondamentale du Nouvel Âge, s’engage dans un conflit irréconciliable avec la vision chrétienne de l’ordre créé.
Pour la foi chrétienne, la création n’est pas une unité indivise, mais diversité d’objets, d’événements, de personnes créées. Selon le récit de la Genèse, Dieu créa des choses : les plantes, les animaux et les personnes de manière particulière, « chacun selon son espèce ». Dieu a séparé la lumière des ténèbres, le jour de la nuit, la terre des cieux, la terre sèche des océans. L’homme que Dieu créa le fut selon son image et sa ressemblance. La création divine n’a rien de commun avec une sorte de soupe homogène dans laquelle baignerait une unité sans différenciation. Au contraire, elle est composée d’une pluralité créée. La création n’est pas unifiée en soi, mais sur la base et d’après le dessein et les objectifs que Dieu lui assigne en Christ, en qui tout se tient ensemble (Col 1.17). Le monde, écrivait un auteur, est incorrigiblement pluriel. Dieu lui-même, le Dieu de la révélation biblique n’est pas « monos », Un, en un sens arithmétique, mais le Dieu trinitaire : Un seul Dieu en trois personnes, Père, Fils, Saint-Esprit. N’est-ce pas ici l’occasion de rappeler que la foi chrétienne n’a rien en commun avec de prétendues religions monothéistes de l’heure actuelle?
4. Tout est Dieu←⤒🔗
Si nous admettions le dogme moniste, le pas suivant nous mènerait à souscrire à l’idée que tout est Dieu. Cette idée-là, elle, s’appelle panthéisme. Tout ce qui existe, depuis les plantes aux serpents, des objets inanimés aux êtres humains, est dieu! Mon moi est dieu, déclare l’adhérent du Nouvel Âge, puisque tout dans la nature est dieu et que tout est un. Dans la plus pure tradition des anciens Upanishads, le Nouvel Âge poursuit la tâche de rendre compte de l’unité de notre Atman (qu’il faudra sans doute traduire par Moi) avec le tout. Tout participe à une seule essence divine. Une personnalité ne peut exister que si elle se définit en rapport avec ce qui l’entoure. Et si tout est un, alors il n’y a que le Un. Ce monos ne possède aucune personnalité; il dépasse toute individualité. L’idée d’un Dieu personnel est abandonnée en faveur d’une énergie impersonnelle de force, de conscience. La réalité ultime devient Dieu, qui est en tous et à travers tous; en fait, dieu est le tout.
L’Écriture chrétienne affirme que le tout n’est pas Dieu. Le Dieu Créateur et souverain Seigneur se tient en dehors de sa création bien qu’il y soit présent, immanent dans le monde, sans se confondre pourtant avec l’œuvre de ses mains. La création témoigne de sa présence, mais elle ne le contient pas. Dans un célèbre passage, saint Paul parle de ceux « qui ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur » (Rm 1.25). « Dieu est au ciel et toi sur la terre », écrivait l’auteur du livre de l’Ecclésiaste (Ec 5.1). Identifier ce qui n’est pas Dieu avec le souverain Maître de l’univers est le principal péché d’idolâtrie.
Dieu n’est pas une force impersonnelle, une énergie ou une conscience, mais l’Être vivant et personnel possédant une infinie intelligence, une puissance absolue, une pureté parfaite. Il n’est pas une entité amorale, mais l’Être moral et agent de véritable moralité qui déclare : « Tu ne commettras pas… » Il nous appelle à croire en lui et à nous repentir de notre rébellion.
5. L’humanité est Dieu←⤒🔗
Et voici une autre séduisante affirmation du Nouvel Âge : non seulement nous sommes parfaits, mais encore nous sommes dieu! En chassant Dieu, le vrai, l’homme se découvre enfin divin! Il est temps de placer Dieu à sa place, c’est-à-dire de reconnaître l’homme comme dieu… Nous sommes dieu incognito, seule notre ignorance nous empêche de nous en rendre compte, et notre mission consistera à éveiller en nous ce dieu qui dort. Aussi, mettez-vous à genoux devant vous-même, honorez et adorez votre personne, car dieu vous habite en tant que vous-même!
La vérité est que l’humanité n’est pas Dieu. La foi biblique et chrétienne déclare que l’homme est créé à l’image de Dieu, mais cela ne fait nullement de lui une créature d’essence divine. Il n’est pas infini, tout-puissant, omniscient. Il reflète simplement son Créateur en tant qu’être personnel pensant, sentant et agissant, mais il reste une simple créature. Sur le terrain biblique et chrétien, la divinité ne se confond jamais — sous quelque forme que ce soit, même sous forme ecclésiastique ou théologique, par exemple la fameuse prolongation de l’incarnation en l’homme ou en des hommes — avec l’humanité.
6. La transformation de la conscience←⤒🔗
Une autre affirmation du Nouvel Âge est relative au changement qu’il faut effectuer sur la conscience. L’affirmation que tout est un et que tout est dieu ne lui suffit pas, car la culture occidentale aurait façonné notre conscience et orienté nos expériences en domestiquant notre métaphysique. Nous nous satisfaisons d’illusions quotidiennes ou de limitations et finitudes humaines. Il faut nous éclairer, être illuminés. Nous avons oublié notre véritable identité. Il y a de l’espoir, promet le Nouvel Âge. Notre amnésie métaphysique peut être renversée par des techniques appropriées et parvenir à altérer notre conscience ordinaire. Les transformations se produiront aussi bien sur le champ des jeux que dans le laboratoire du savant.
L’affirmation selon laquelle tout serait dieu, et que nous serions dieu, n’est pas une proposition intellectuelle, car elle doit s’éveiller dans le noyau de notre être, soutient le Nouvel Âge. Un tel éveil est vital pour la résurrection de la civilisation occidentale et du monde. La vieille conscience du rationalisme occidental a tué le sens mystique du monde. Que convient-il de faire? Sans tarder, il faut tourner le regard vers l’intérieur, effectuer une introspection sérieuse. Or, le seul moyen pour réussir cette transformation se trouve en nous. La réalisation de l’unité et de la divinité aboutit à la puissance spirituelle et engendre un bien-être parfait.
Faisons observer que la foi chrétienne, elle aussi, parle de transformation, et même de l’urgence d’une régénération. Cependant, elle procède autrement. Selon la Bible, l’ignorance de notre prétendue divinité n’est pas notre problème, mais la tragique réalité de notre état de péché; la rébellion ourdie contre le Dieu saint et les transgressions de sa loi morale. Ce problème-là, problème troublant, et sa solution ne se trouvent pas en nous. De l’intérieur de l’homme ne sort que du mal, affirmait le divin Connaisseur de nos consciences, Jésus-Christ (Mc 7.21-23). Le récit de la chute offre le modèle de toute rébellion humaine contre l’autorité légitime et souveraine de Dieu. Jésus-Christ ne nous propose pas d’améliorer seulement notre situation, de nous transformer nous-mêmes; car il a expié personnellement pour nos offenses. Il a subi notre mort à nous. Désormais, il nous est inconcevable de discourir de spiritualité, de mystique ou d’ascèse religieuse en dehors et indépendamment de lui et de son sacrifice vicaire.
7. L’unité des religions←⤒🔗
Une autre idée fondamentale du Nouvel Âge concerne la fameuse et urgente, dit-on, unité des religions.
À ce propos, il convient de parler de syncrétisme religieux. Si tout est un et que tous sont dieu, en tant qu’êtres illuminés nous devons forcément nous attendre à ce que les représentants des grandes religions, Jésus, Bouddha, Lao-Tsé, Krishna, et tutti quanti, aient fait l’expérience d’une telle unité. Les formes extérieures des religions peuvent varier, soutient le Nouvel Âge, mais leur essence demeure identique. Divers chemins conduisant à la même vérité, plusieurs méthodes achèvent le devenir avec le Un; les différences sont superficielles et extérieures. Les dogmes peuvent apparaître et disparaître, mais l’expérience vitale d’un dieu à l’intérieur de nous-mêmes reste commune à toutes les religions de l’humanité. Aussi, préconise-t-il de rejeter le caractère distinctif et discriminatoire du christianisme et se défaire de son caractère exclusif, si l’on veut se laisser absorber dans l’unité cosmique.
Mais, dirons-nous, si tel était le cas, Jésus-Christ ne serait plus le Fils unique de Dieu, Dieu incarné, Seigneur et Sauveur du cosmos, mais au contraire une simple manifestation parmi d’autres du divin à travers les âges. Sa mission n’aurait consisté qu’à alerter les consciences des masses et à les éveiller à la divinité endormie en elles. Il aurait sa place dans le panthéon panthéiste… Mais le Christ de la Bible n’est pas le ventriloque fabriqué de toutes pièces par le Nouvel Âge. Il est le Médiateur entre Dieu et l’homme; la seule et définitive manifestation de Dieu en chair humaine au cours de l’histoire. Il est la Voie, la Vérité et la Vie; nul ne peut aller à Dieu si ce n’est par lui (Jn 14.6).
« Le salut ne se trouve en aucun autre; car il n’y a sous le ciel aucun autre nom donné parmi les hommes, par qui nous devions être sauvés », déclarait au seuil du véritable Nouvel Âge l’apôtre Pierre (Ac 4.12).
La place du Christ ne se trouve pas dans le temple du panthéisme, mais sur la croix et sorti vivant du tombeau.
8. Le moi supérieur←⤒🔗
Au-delà de notre ego individuel, du moi individuel ou du moi phénoménal, dit le Nouvel Âge, se trouve le moi supérieur qui guide de manière invisible notre vie quotidienne. Moi transpersonnel, placé au niveau mystique, il nous unit à d’autres moi. À l’occasion, ce moi supérieur s’infiltre et pénètre dans notre conscience pour faire l’expérience d’une soudaine explosion de créativité. Il fournirait également une puissance intérieure de guérison, sur laquelle s’appuient les défenseurs de la santé holistique.
La médecine holistique du Nouvel Âge consiste en un ensemble varié de principes et de pratiques visant non seulement la guérison physique de l’homme, mais encore sa transformation spirituelle. Sur un arrière-plan de spiritualité orientale, elle se fonde sur les présupposés suivants :
- Une énergie vitale et universelle circulerait à travers l’homme.
- L’infiniment petit correspondrait à l’infiniment grand. Notre sort se refléterait dans le macrocosme des étoiles (astrologie) et notre santé dans le microcosme de notre iris (iridologie) ou dans les profondeurs de l’âme.
- La maladie serait causée par un déséquilibre énergétique ou des obstacles qui empêchent la libre circulation de l’énergie vitale.
- La guérison n’est que le rétablissement de l’harmonie du corps avec l’univers, c’est-à-dire l’équilibre retrouvé entre le microcosme et le macrocosme.
En tant qu’individus, nous pouvons changer notre situation de manière radicale : autoaccomplissement et autoactualisation seront alors les objectifs de toute existence. En dernière analyse, cela n’est qu’une autre forme d’exercices religieux, puisque c’est dans ce processus que nous nous découvrons en tant que divinités.
9. La réincarnation←⤒🔗
L’une des méthodes les plus séduisantes par laquelle le Nouvel Âge a réussi à opérer la synthèse entre l’ancien Orient et l’Occident moderne est la thérapie dite par la réincarnation. Elle suppose que tous nos problèmes physiques ou psychiques seraient le fait d’un méchant karma qui nous aurait déjà immergés dans une vie antérieure. Nous devons alors nous rendre auprès d’un thérapeute qui nous ramènera vers cette vie antérieure. Le fruit d’une telle thérapie sera une santé transformée de fond en comble…
Le Nouvel Âge a adopté les concepts de l’évolution et de la transformation. Même le nom Nouvel Âge rappelle l’espoir optimiste que nous nous trouvons sur des rivages d’où nous pouvons envisager la transformation radicale de l’existence humaine. Le terme d’évolution est employé toujours au sens de progrès; il se réfère également au développement psychique de l’homme, ce qui doit l’amener vers la vie idéale du futur. Si nous croissons et nous nous développons dans ce sens-là, l’avènement du monde nouveau en sera précipité. Le moyen de cette transformation, qui rappelle le salut chrétien, est le savoir qui prend la forme de l’éveil de conscience. Ceci n’est pas l’équivalent d’un savoir objectif, mais plutôt une connaissance intensément personnelle nous rendant conscients de notre unité avec Dieu. Nous reconnaissons sur ce point encore la vieille hérésie gnostique.
Il n’est pas rare que le Nouvel Âge emploie le nom de Jésus comme expression prototypique de la conscience cosmique propre à chacun d’entre nous; comme Bouddha avant lui. Il existe un livre intitulé Évangile d’Aquarium de Jésus ou les années perdues de Jésus-Christ. Durant ces années-là, le prophète nazaréen se serait rendu dans une école hindoue pour devenir le disciple d’un swami! Ensuite, il aurait apporté son savoir en Palestine. Le Nouvel Âge prétend servir la société en la ramenant vers les enseignements véritables et soi-disant perdus de Jésus. Sur ce point encore, nous aurons du mal à reconnaître le vrai Jésus, dont nous avons à la fois l’enseignement et le portrait fidèle dans les quatre Évangiles du Nouveau Testament. Cette image de Jésus concoctée sous la plume du Nouvel Âge n’est pas assimilable au portrait du Sauveur, celui que trace la Bible chrétienne et que confesse l’Église universelle. Elle ne représente pas le Fils incarné, mais un swami rabbinisé. Aussi bien son enseignement que son exemple ne nous offrent rien d’autre qu’une simple leçon hérétique de gnosticisme.
10. La spiritualité du Nouvel Âge←⤒🔗
La spiritualité propre au Nouvel Âge se présente sous des emballages variés. Ceux-ci sont empruntés soit à des religions orientales, soit à des groupes modernes dits de pratique de méditation personnelle. Les croyances, que l’on tenait pour exotiques et même pour bizarres il y a à peine une vingtaine d’années, ont frayé leur chemin dans les modes de penser et de s’exprimer occidentaux, et un certain nombre de chrétiens semblent s’y intéresser bien qu’elles soient ouvertement opposées à toute formulation orthodoxe de la foi.
Selon le Nouvel Âge, il ne faut pourtant pas réduire cette spiritualité à celle des religions orientales classiques (bouddhisme, taoïsme, hindouisme et leurs dérivés). La pensée religieuse occidentale aurait produit un genre de spiritualité hybride. Elle aurait emprunté son essence aux religions orientales tout en conservant quelques éléments occidentaux et judéo-chrétiens. Le résultat en serait une mutation certaine. Le Un demeure, mais adapté à la sensibilité occidentale. La préoccupation excessive de pragmatisme qui caractérise les Occidentaux et leur poursuite de résultats immédiats a, certes, façonné la nouvelle spiritualité. Parce que la vie moderne dans nos sociétés évoluées se caractérise par des transitions rapides et faciles de la culture pluraliste (on change d’Église, de profession, d’époux ou d’épouse, de vision du monde, etc.), s’engager sur la voie de constance devra être systématisé.
Quoique certains vont se cloîtrer dans des monastères bouddhistes ou bien s’intégrer à une communauté du Nouvel Âge, la nouvelle pratique spirituelle et les nouvelles croyances sont souvent orientées spécifiquement pour un mode d’existence moderne. Le Un pourrait même recevoir le support de la technologie moderne. Bien qu’à l’intérieur même du Nouvel Âge d’aucuns critiquent sévèrement le pragmatisme et le culte d’efficacité, le Un quant à lui, se trouve à l’aise dans ce nouveau cadre mental. (Harvey Cox, auteur du célèbre La Cité séculière, caractérise cette mentalité d’illumination par le « Ticketron »).
Le Nouvel Âge répudie tout ascétisme qui renonce au monde comme le fait la mystique orientale. Il favorise, au contraire, une conception quasi hédoniste de la vie, où l’illumination s’accorde avec le succès remporté dans le monde quotidien des affaires. L’optimisme occidental et la foi dans le progrès parcourent la nouvelle spiritualité, ce qui est totalement étranger aux religions de l’Orient. La vénération des Occidentaux pour la science a influencé nombre de personnes qui ont pris au sérieux la physique quantique et la théorie holiste ainsi que d’autres idées scientifiques qui, affirme le Nouvel Âge, nous incite à nous tourner vers le Un.
On constatera également l’engouement du mouvement pour le néo-paganisme. Pour nombre d’entre nous, le terme occulte rappelle des images du démoniaque et du satanique. Messes noires et horribles sacrifices rituels viennent aussitôt à l’esprit. Quoique ces éléments n’aient jamais été absents au cours de l’histoire et ne le soient pas non plus de la scène moderne, le mouvement néo-païen bourgeonnant n’est pas occulte au sens classique du mot. Cependant, malgré le fait que le néo-paganisme ne veut pas croire en Satan, l’occultisme est un élément permanent de son essence. Occulte signifie caché, secret; une sagesse cachée doit être ressentie en vue de la libération personnelle et pour acquérir un pouvoir psychique.
11. La grande déesse←⤒🔗
Un grand nombre de nos contemporains, mécontents de la spiritualité atrophiée de l’Occident, ont passé outre le christianisme pour opter pour une religion naturelle préchrétienne. Selon les tenants de celle-ci, la religion patriarcale a poussé la divinité loin de la terre et du cœur vers des hauteurs lointaines et inaccessibles. Elle a déifié la masculinité et démoralisé la féminité, en instaurant l’exploitation de la femme et de la nature par l’homme-mâle. Or la déesse, dans toutes ses formes anciennes, Isis, Diane, Cybèle, Hécate, symbolisait les énergies primitives de la fertilité, de la sensualité et de l’imagination. Mais la célébration de la Terre-Mère fut remplacée par le Dieu Père; durant des siècles, Dieu le Père et les enfants de Dieu ont gouverné civilisation après civilisation. À présent, nous devons aller au-delà du Dieu Père pour nous laisser nourrir par la Déesse-Mère.
L’intérêt porté à l’antique déesse va de ce qui est motivé par la psychologie, pour réformer le psyché occidental dominé par le mâle, au symbolisme des mythologies anciennes, en associant l’adoration de la déesse à toutes les causes féministes modernes. Les anciennes déesses de la culture antique lui servent de symboles de libération par rapport à tout sentiment d’infériorité et d’impuissance politique. Les fanatiques de la déesse défendent soit la supériorité de la femme, soit penchent-ils pour l’idéal androgyne. Notons combien les inexactitudes historiques sont nombreuses dans cette obsession du retour vers le culte antique de la déesse.
Faut-il aller au-delà du Dieu Père? On a critiqué le christianisme de professer un credo sexiste masculin. Or, la déformation des données bibliques éclate au grand jour. Le moins que nous puissions et devions dire à ce sujet est que Dieu n’étant pas une personne humaine, aucune analogie de l’être sur le plan naturel et physique entre lui et nous-mêmes, ses créatures, n’est envisageable. Dieu se situe au-delà de la sexualité humaine, quoique non au-delà de la personnalité. Contrairement aux religions orientales, la Bible ne lui attribue aucun organe sexuel, même lorsqu’elle emploie un langage anthropomorphique. Le Dieu de la révélation biblique est un être divin asexué. Lorsque l’Écriture sainte parle de Dieu en tant que il, ou lui, pronoms masculins, le pronom est un personnel générique et non spécifique; il souligne la personnalité de Dieu en le contrastant à des entités impersonnelles.
Pourtant, l’image biblique masculine ne déprécie nullement la femme, pas plus qu’elle n’exclue des traits féminins du caractère de Dieu. Aussi bien l’homme que la femme ont été créés à l’image de Dieu. Nulle part, la Bible ne se réfère à Dieu comme à elle. Certains de ces gestes sont par moments décrits en termes féminins, mais sa personne n’est, nulle part, décrite au féminin. Sans exception, il y est question de Dieu le Père. Le Christ a enseigné à ses disciples de l’appeler notre Père, jamais notre Mère! Pour que la paternité de Dieu puisse signifier quelque chose, il doit y avoir une différence entre elle et la maternité!
12. Quelle doit être l’attitude chrétienne?←⤒🔗
Certains ne voient dans le Nouvel Âge qu’une activité propre à l’Antichrist. D’autres, avec raison, y discernent une version renouvelée du panthéisme; d’autres encore se rendent compte de son antisémitisme foncier. Certainement, il est tout ceci à la fois, mélange et confusion entre la spiritualité chrétienne et la mystique païenne.
D’autres renoncent à la distinction chrétienne classique entre Dieu et le monde, pour ne chercher qu’une vision diaphane qui lierait l’un à l’autre de façon quasi organique, ou encore une synthèse entre méditation chrétienne et extrême-orientale. On a dit qu’au cœur du christianisme se trouverait l’ésotérisme avec un noyau gnostique, mais faisant disparaître la dichotomie entre chair-esprit, monde-ciel, foi-raison.
À notre avis, l’approche correcte nous semble quelque peu différente : selon l’injonction de l’apôtre Jean, il nous faut discerner les esprits (1 Jn 4.1). À la rigueur, on pourrait reconnaître dans le Nouvel Âge certains éléments que les chrétiens auraient pu oublier ou négliger. Mais cela ne justifie pas une synthèse entre tous les éléments qui ont la prétention d’être spirituels. Certes, la Bible elle aussi a une vision de la réalité holiste, totale, unie et unifiée, personnelle et globale. Malheureusement, la pensée occidentale a divisé en fragments cette réalité-là et a détruit les liens d’association entre le subjectif et l’objectif, entre l’esprit et le corps, entre l’individu et la communauté, entre l’humanité et la nature. Il est urgent de lui rappeler l’unité fondamentale qui règne dans l’ordre créé par Dieu. Mais les dangers que le mouvement recèle sont réels et très grands. Son magma métaphysique notamment, ainsi que sa vision du monde, même holiste, sont naïfs et inadéquats.
Le Dieu de la révélation biblique est distinct de sa création. La foi chrétienne se distance résolument par rapport à toute pensée panthéiste, même quand elle se présente sous une forme raffinée. L’univers est une création de Dieu et non pas une émanation divine, elle est une créature et non pas un éon. Même notre être intérieur qui serait supérieur appartient au monde du temps et de l’espace. Kierkegaard exprimait cela dans une phrase devenue célèbre : il existe une différence qualitative infinie entre l’humain et le divin. (Malheureusement, le penseur danois n’a pas su lui-même tirer toujours avec profit toutes les conséquences de sa propre thèse).
Le monde dans lequel nous vivons n’est pas un, uni, essentiellement unifié. Son harmonie a été brisée par le péché, la mort et toute autre manifestation du mal, il s’est aliéné de son Créateur. Notre expérience personnelle confirme déjà cela. Mais lorsque Dieu nous rend visite, s’incarne en son Fils et est accueilli par la croix, nous comprenons encore mieux la réalité. Cette rupture radicale n’est pas une illusion susceptible d’être corrigée à l’aide d’un éveil de conscience; elle est une brisure tragique. La thérapie et la guérison viendront de l’extérieur, de la source créatrice originelle de Dieu, de sa grâce. Le salut nous sera accordé non par notre prise de conscience, mais de manière rédemptrice, eschatologique, lorsque Dieu fera disparaître le moindre vestige du mal de la rébellion du péché.
L’idée holiste en soi est bonne, mais un holisme réaliste devra reconnaître la réalité brisée dans nos vies quotidiennes. La résurrection du Christ par l’Esprit Saint est le gage exclusif de transformation, et le Nouvel Âge véritable est du ressort de celui qui a déclaré : « Voici je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21.5). Ainsi, dès maintenant, nous pouvons nous attendre à la guérison eschatologique dont nous avons, déjà ici et maintenant, l’avant-goût.
Nous conclurons en affirmant la foi chrétienne, pour laquelle Dieu est exclusif! La réconciliation entre le Christ et l’Un impersonnel est impossible. Il faut choisir entre les deux : ou bien lui ou bien le prétendu Nouvel Âge!
Le Christ est le Médiateur exclusif, la Voie qui conduit au Père et la Porte entre Dieu et les hommes. Lorsqu’il nous appelle à lui, c’est pour nous accorder la plénitude qui découle de sa vie, le bénéfice découlant de sa mort expiatoire. Si l’Évangile que nous prêchons n’était pas exclusif, il ne serait jamais universel, il ne s’adresserait pas à tous les hommes et au monde entier. L’Évangile chrétien n’est pas un impérialisme religieux, mais un appel à une foi joyeuse et à une espérance lumineuse. Jésus a donné l’ordre à ses disciples d’enseigner tous les hommes, de toute nation, race et langue. Il ne partage pas sa gloire avec autrui. Il a adressé un solennel avertissement : « Car il s’élèvera de faux christs et de faux prophètes, ils opéreront de grands signes et des prodiges au point de séduire si possible même les élus » (Mt 24.24).
On peut rencontrer des vestiges de vérité dans toutes les religions, mais la vérité du salut et de la communion éternelle avec Dieu se trouve exclusivement en l’Évangile du Christ mort et ressuscité. L’idée de « l’unité totale » du Nouvel Âge collectionne toutes les religions pour en faire un amalgame, mais elle ne parviendra pas à contenir et à absorber celui qui s’est incarné et qui est mort et ressuscité. C’est lui, Jésus-Christ, que nous confessons comme Seigneur universel, à la gloire de Dieu le Père, dans la communion de son Saint-Esprit.