Cet article a pour sujet la lettre de Guy de Brès (1522-1567) écrite à sa mère pour l'encourager dans l'épreuve alors que, sous la persécution, il était emprisonné et condamné à mort à cause de sa foi.

12 pages.

Lettre de Guy de Brès à sa mère Un coeur enflammé de zèle

A. Introduction

B. Lettre de Guy de Brès à sa mère

C. Commentaires

A. Introduction

1. Encourager les autres🔗

Vous est-il déjà arrivé d’encourager un frère ou une sœur en difficulté, alors que vous-même vous traversiez une dure épreuve? Il est bien normal, dans un temps d’épreuve, d’avoir besoin de l’encouragement des autres. Ce qui est exceptionnel, c’est de pouvoir encourager les autres alors que nous-mêmes nous sommes au milieu d’une épreuve. C’est vraiment l’œuvre de la grâce. Comme dit l’apôtre Paul en 2 Corinthiens 1.3-4 :

« Le Dieu de toute consolation nous console dans toutes nos afflictions afin que, par la consolation que nous recevons nous-mêmes de la part de Dieu, nous puissions consoler ceux qui se trouvent dans toutes sortes d’afflictions. »

2. Dans une prison lugubre🔗

Nous faisons aujourd’hui un petit voyage dans une prison lugubre de Valenciennes, dans le nord de la France. Nous sommes en 1567. Guy de Brès traverse la dure épreuve de la persécution. Il est emprisonné et condamné à mort parce qu’il a été trouvé coupable de prêcher l’Évangile et de croire en Jésus seul pour son salut. Dans sa prison, il écrit à sa mère pour l’encourager. Avant de lire cette lettre absolument magnifique, quelques mots d’abord sur Guy de Brès.

3. Qui est Guy de Brès?🔗

Guy est né vers 1522 dans la ville de Mons, en Belgique (Région wallonne ou française), ou peut-être dans le village de Bray, tout près de Mons. Pendant que sa mère était enceinte de lui, elle a été bouleversée par le message d’un prédicateur. Elle s’est mise à prier pour son bébé, pour qu’il devienne lui aussi prédicateur de la Parole de Dieu. Dieu a entendu cette prière. Guy a grandi dans une famille catholique romaine pieuse.

Il s’est converti vers l’âge de 25 ans. Il a exercé le ministère de pasteur pendant la très dure Inquisition espagnole. Arrêté une première fois, il a réussi à s’enfuir à Londres (1547-1552) où il a fait la connaissance d’autres réformateurs réfugiés (Jean Lasko, Peter Dathenus, etc.). En 1552, il est revenu en France et est devenu pasteur à Lille, exerçant un ministère itinérant dans toute la région. Il a rédigé son premier livre, Le Bâton de la foi, qui avait pour but de montrer que c’était l’Église réformée qui était la continuation de l’Église ancienne et non l’Église romaine.

Plusieurs membres de son Église sont morts martyrs. Guy a été obligé de s’enfuir encore une fois. Il s’est rendu à Francfort (en Allemagne), puis à Lausanne et à Genève (en Suisse). Là, il a pu approfondir ses connaissances à l’école de Calvin et de Théodore de Bèze. En 1559, il est rentré au pays et s’est établi à Tournai (Belgique). Il a alors épousé Catherine Ramon.

Son ministère itinérant l’a amené à prêcher l’Évangile et à établir des Églises dans le nord de la France et en Belgique (cette région faisait autrefois partie des Pays-Bas). En 1561, il a publié en français la Confession de foi des Églises réformées aux Pays-Bas. Pourchassé, il a dû de nouveau s’enfuir et se réfugier dans différentes villes pendant cinq ans. Il a écrit un autre livre, La Racine, qui réfute les erreurs des anabaptistes et qui explique qu’il ne faut pas confondre les Églises réformées avec les anabaptistes radicaux insoumis aux autorités.

Le mouvement réformé a beaucoup grandi dans ces régions. De grands rassemblements avaient lieu en plein air. Une bonne partie de la population devenue réformée a voulu prendre possession des églises et démolir les images et les statues. Guy de Brès, partisan de la modération, n’était pas d’accord avec ces violences, mais la répression s’est installée. La population a résisté plusieurs mois, mais finalement, le 11 avril 1567, il fut arrêté avec d’autres, puis jeté dans la prison de Valenciennes.

Pendant son emprisonnement, il a reçu la force d’écrire plusieurs lettres, dont une lettre à son épouse Catherine Ramon, alors qu’il savait qu’il allait mourir à cause de sa foi. Le 31 mai, il a été pendu sur la place publique pour avoir officié une célébration de la sainte Cène qui était alors interdite.

Lisons maintenant la lettre écrite à sa mère alors qu’il était en prison.


B. Lettre de Guy de Brès à sa mère

La grâce et la miséricorde de Dieu le Père, et l’amour de son Fils notre Seigneur Jésus-Christ soient pour votre salut éternel.

Ma chère et bien-aimée mère, quand je pense à la peine que représente pour vous mon emprisonnement et à la difficulté de le supporter en raison de la grande affection maternelle que vous m’avez toujours portée, je ne peux pas empêcher que mon cœur soit transpercé de douleur et que mes entrailles en soient grandement émues. Et je peux certainement dire par expérience que c’est une séparation difficile entre une mère et son enfant. Cependant, la séparation serait bien plus dure si un homme devait quitter son Dieu et renoncer au bonheur éternel. Je suis quelque peu soulagé de ma tristesse quand je pense à ma vocation et à la cause du Fils de Dieu que je dois défendre devant les hommes.

Il me semble entendre Jésus-Christ, mon Maître, parler d’une voix forte et me dire : « Celui qui aime père ou mère plus que moi n’est pas digne de moi » (Mt 10.37). De même :

« En vérité, je vous le dis […] quiconque aura quitté, à cause de mon nom, maisons, frères, sœurs, père, mère, femme, enfants ou terre recevra beaucoup plus et héritera la vie éternelle » (Mt 19.29).

De telles paroles me font mettre de côté toutes autres choses et font bondir mon cœur de joie. Quand je pense à la fermeté et à la vérité de celui qui a parlé ainsi, je peux dire courageusement avec saint Paul :

« Je considère tout comme une perte à cause de l’excellence de la connaissance du Christ-Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j’ai accepté de tout perdre, et je considère tout comme des ordures, afin de gagner Christ » (Ph 3.8).

Vous aussi, ma bien-aimée, vous devez surmonter vos peines en considérant le bon vouloir de Dieu, qui veut se glorifier à travers moi qui suis un pauvre instrument fragile. Rappelez-vous qu’il a plu à Dieu de m’appeler à son service contre toute attente humaine. Rappelez-vous comment, avant ma naissance, vous alliez à Mons pour écouter un certain jésuite italien, qui prêchait dans les rues. Vous disiez alors, en priant Dieu : « Mon Dieu, s’il était possible que vous puissiez me donner un tel enfant, je vous en prie, peut-être même l’enfant que je porte, pour prêcher votre Parole. » Vous avez prononcé cette prière et Dieu l’a exaucée. Parce qu’il est riche et miséricordieux et qu’il peut faire toutes choses plus abondamment que nous osons demander, il vous a donné plus que ce que vous ne lui aviez demandé. Vous aviez demandé que l’enfant que vous portiez puisse être comme ce jésuite. Il est bien devenu jésuite, mais pas de la nouvelle secte que les gens appellent « jésuite ». Il a fait de moi un vrai imitateur de Jésus, le Fils de Dieu, et m’a appelé au saint ministère, non pas pour prêcher les doctrines des hommes, mais la pure et simple Parole de Jésus et de ses apôtres. C’est ce que j’ai fait jusqu’à présent avec une bonne et pure conscience, ne cherchant rien d’autre que le salut des hommes, et non ma propre gloire ou mon propre profit.

Le zèle de Dieu qui a été en moi en témoigne, accompagné de beaucoup de croix, d’afflictions et de travaux, et cela non pas pendant un petit nombre de jours, mais pendant de nombreuses années. Ce sont toutes ces choses que vous devez considérer pour votre consolation, et vous devez vous estimer heureuse que Dieu vous ait donné l’honneur de porter, de nourrir et d’élever un de ses serviteurs, qui recevra la couronne et la gloire du martyre. Alors ce n’est pas à vous de vous opposer si mon Dieu veut me recevoir maintenant comme un sacrifice de bonne odeur et fortifier le peuple élu par ma mort.

Je suis moi-même dans la joie et je vous prie de vous réjouir avec moi, sachant que cela tournera à mon grand bien et à mon salut. Je me soumets à ce qu’il lui plaira de me faire, sachant qu’il ne fera rien qui ne soit juste et raisonnable. Il est mon Dieu et mon Père, il n’a que de la bonne volonté à mon égard et le pouvoir de me délivrer s’il trouve bon de le faire. C’est pourquoi je me repose entièrement en lui. S’il a trouvé bon de me retirer à présent de cette pauvre vie caduque et laborieuse, il me retirera dans la force de l’âge, après avoir beaucoup travaillé et semé dans l’Église de son Fils.

Il m’a déjà fait voir de mes yeux le fruit de mes labeurs et de mes travaux, ayant béni et rendu grandement fructueux mon ministère, de telle sorte que l’Église en ressentira les effets pendant de nombreuses années après ma mort. Je suis content et heureux de voir ce que mon Dieu m’a fait voir. Il y a encore beaucoup de bonne semence que j’ai semée et qui est encore en terre, mais après avoir été arrosée de mon sang, elle croîtra et se manifestera de façon étonnante. Que dois-je donc désirer maintenant, sinon que la volonté de mon Dieu se fasse et que je m’apprête à récolter au ciel dans la gloire et l’incorruptibilité le fruit de ce que j’ai semé sur la terre avec larmes aux yeux? Et j’espère que le peuple nombreux que j’ai gagné à mon Seigneur Jésus par l’Évangile sera ma gloire et ma couronne au dernier jour.

Je m’en vais donc et je marche sur le chemin étroit et difficile qui mène à la vie. Je marche sur le chemin par lequel sont passés tous les prophètes, les apôtres et même le Fils unique de Dieu, notre Seigneur Jésus-Christ, et tant de milliers de martyrs qui ont versé leur sang pour le témoignage de l’Évangile. C’est la voix que le Christ a fait entendre lorsqu’il a dit : « Entrez par la porte étroite, car, je vous le dis, beaucoup chercheront à entrer et n’en seront pas capables » (Lc 13.24). C’est le chemin très étroit dont parle Esdras, qui n’est large que d’un pas, et sous lequel il y a un grand fleuve et un feu qui dévore ceux qui trébuchent et qui tombent. Ce chemin conduit à la ville remplie de tous biens, qui est la vie bienheureuse, où les enfants de Dieu ne manquent de rien.

À quoi me servirait-il de cheminer avec le monde sur la voie large et spacieuse, pour tomber à la fin dans la ruine et la perdition éternelle? Je sais bien que, si je devais renoncer à mon bon Seigneur Jésus et retourner à mon impureté et à la souillure de cette vie, le monde m’embrasserait et estimerait ma personne. Cependant, il ne serait pas agréable à Dieu que je renonce à mon Sauveur pour mettre des idoles à sa place et des choses profanes à la place de son précieux sang. Je le sers depuis plus de vingt ans, et jamais il ne m’a fait défaut en quoi que ce soit, me témoignant toujours un amour qui surpasse l’entendement des hommes. Au-delà de ce grand bienfait, il s’est donné lui-même à la mort ignominieuse de la croix pour me donner la vie éternelle. Quoi donc? Délaisserais-je celui qui est vivant pour trouver refuge parmi les morts? Abandonnerais-je le ciel pour la terre? Les choses éternelles pour les temporelles? Abandonnerais-je la vraie vie pour la mort corporelle?

Celui qui seul est ma force et mon rocher m’en préservera; il sera mon garant, mon bouclier, mon défenseur et la force de ma vie dans ma petitesse et dans ma faiblesse. Je peux dire avec saint Pierre, lorsque le Christ lui demanda, après que plusieurs de ses disciples l’eurent abandonné : « Et vous, ne voulez-vous pas aussi vous en aller? » Pierre répondit : « Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6.67-58). Le Seigneur mon Dieu ne permettra pas que je délaisse les sources d’eau vive, avec le monde, pour creuser des citernes qui ne retiennent pas d’eau, comme Dieu l’a si bien dit à son peuple d’Israël par son prophète Jérémie. Je crois fermement que je ne suis pas de ceux qui se retirent pour se perdre, mais de ceux qui croient pour sauver leur âme. Je peux dire avec Moïse que j’aime mieux être affligé avec le peuple de Dieu que de jouir pour un temps des plaisirs du péché. J’aime mieux considérer l’opprobre du Christ comme une richesse plus grande que tous les trésors du monde, car j’attends la récompense et j’espère que la force de la foi ne sera pas vaine en moi dans mon besoin. Car c’est par elle que j’ai déjà vaincu le monde et tous les adversaires.

L’apôtre me montre et m’enseigne que les fidèles de l’Ancien Testament, ayant la même foi, ont tout surmonté dans leurs afflictions. Il parle de certains qui étaient considérés comme des tambours à battre, qui n’acceptèrent pas d’être délivrés, afin d’obtenir une résurrection meilleure, et d’autres dont on s’est moqué et qui ont été battus. Ils ont été liés et mis en prison. Ils ont été lapidés. Ils ont été sciés en deux. Ils ont été tentés. Ils ont été mis à mort par l’épée. Ils erraient, vêtus de peaux de moutons et de chèvres. Ils étaient démunis, angoissés, oppressés et affligés, et le monde n’en était pas digne. Ils erraient dans les déserts, dans les montagnes, dans les antres et les cavernes de la terre (Hé 11.35-38). Tous ces saints personnages ont vaincu le monde par leur foi en mourant, semblant vaincus et exterminés des hommes.

Que pourrais-je donc dire alors que Dieu place devant mes yeux une si grande nuée de témoins et de vaillants champions? Je rejette loin de moi autant que je le peux le fardeau du péché qui m’environne afin d’être plus alerte à la lutte et de livrer avec patience le combat qui m’est proposé, regardant à Jésus, l’auteur de la foi et celui qui la mène à la perfection. Quand il avait le choix entre la gloire et la croix, il a choisi la croix, méprisant sa honte, et il est maintenant assis à la droite du trône de Dieu. Je pense et je repense à celui qui a souffert une telle opposition contre lui de la part des pécheurs, afin que je ne me lasse pas et que je ne perde pas courage. Je considère que je n’ai pas encore résisté jusqu’au sang contre le péché.

Il suffit, dit Jésus-Christ, que le serviteur soit traité comme son maître, car le serviteur n’est pas plus grand que son maître. Je suis comblé d’une grande joie quand je vois que mon Maître Jésus-Christ me fait l’honneur de me faire asseoir avec lui à sa table, en me laissant manger de son pain et boire de sa propre coupe. Est-ce là peu de chose que de suivre un tel Seigneur? C’est lui qui a fait les cieux et la terre à partir de rien par sa parole puissante. C’est devant lui que les anges et les archanges se couvrent le visage et tremblent. Et moi, qui ne suis qu’un pauvre ver de terre plein de faiblesse, il lui plaît de m’appeler son ami et non pas son serviteur. Ô quel honneur! Il ne fait même pas cet honneur de souffrir pour son nom à ces anges. Et qui suis-je, moi, pour recevoir un tel honneur de mon Dieu? Certes, je suis ravi au ciel quand je considère ces choses.

D’ailleurs, il me réconforte sans cesse dans mes combats; il est prisonnier ici avec moi. J’entends Jésus-Christ, mon Maître. Je le vois, pour ainsi dire, enchaîné dans mes fers et dans mes chaînes. Avec les yeux de mon esprit, je le vois enfermé dans ma sombre et lugubre prison. Il m’a promis dans sa parole digne de confiance d’être avec moi tous les jours jusqu’à la fin. Il dit que lorsque l’un des plus petits de ses disciples est fait prisonnier, c’est lui-même qui est prisonnier : « J’étais en prison, et vous êtes venus vers moi » (Mt 25.36). Il a dit à Saul : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? » (Ac 9.4), alors que Saul persécutait les pauvres croyants. Mais le Christ a dit que c’est à lui qu’il s’attaquait. Il a dit par son prophète Zacharie : « Celui qui vous touche touche la prunelle de son œil » (Za 2.12). Qu’y a-t-il de plus précieux et de plus soigneusement gardé que l’œil? Et cependant, voilà mon Seigneur qui dit que le mal et les afflictions qu’on me fait sont faits à la prunelle de son œil. Ô quel Maître, ô quel Seigneur mon Dieu m’a permis de trouver! Trouvera-t-on beaucoup de maîtres qui parleront ainsi de leurs serviteurs? Je ne le crois pas.

Il est ici avec moi, avec une multitude d’anges, pour me réconforter et me fortifier, faisant résonner à mes oreilles les paroles de sa bouche comme une douce mélodie. Il me dit :

« Au vainqueur je donnerai à manger de l’arbre de vie qui est dans le paradis de Dieu. […] Je connais ta tribulation et ta pauvreté — et pourtant tu es riche — et les calomnies de ceux qui se disent juifs et ne le sont pas, mais qui sont une synagogue de Satan. Ne crains pas ce que tu vas souffrir. Voici que le diable va jeter quelques-uns d’entre vous en prison » (Ap 2.7-10).

Puis il me dit : « Sois fidèle jusqu’à la mort, et je te donnerai la couronne de vie » (Ap 2.10). Ô quelle consolation! Mon cœur bondit en moi quand ces paroles résonnent à mes oreilles. Ce n’est pas un menteur ou un trompeur qui parle ainsi, mais c’est le Fils de Dieu, dont la bouche est sans mensonge et prononce la vérité infaillible.

Étant donc ainsi consolé, fortifié et disposé par la consolation divine, je combats dans mes chaînes, m’estimant mille fois bienheureux d’avoir part et communion aux souffrances et aux afflictions du Christ, sachant que je ne souffre pas pour avoir fait du mal ou pour avoir extorqué quelqu’un. J’ai annoncé la paix à tous. Je ne souffre pour rien d’autre que pour avoir prêché Jésus-Christ crucifié pour le salut des hommes. Et en témoignage de cela, j’en appelle à la conscience de ceux qui me tiennent enchaîné ici comme un malfaiteur. C’est avec raison que je me réjouis de souffrir pour le Christ, pour la vérité, pour la justice, sachant, comme dit saint Pierre, que l’Esprit de la gloire du Christ repose sur moi. Je suis content. Je suis comblé de bienfaits. Je n’ai besoin de rien, puisque le Seigneur me comble de ses biens.

Que dirais-je alors? Puisque Dieu m’a permis de voir le royaume de son Fils s’épanouir dans le pays où je suis né et que maintenant il m’appelle au repos, je peux en effet dire de tout cœur avec le vieillard Siméon, embrassant Jésus-Christ comme un nouveau-né dans mes bras : « Maintenant, Maître, tu laisses ton serviteur s’en aller en paix selon ta parole » (Lc 2.29). Je suis content de quitter cette vie mortelle pour entrer dans le repos de mon Dieu.

Ainsi donc, ma chère mère, quand vous me verrez ainsi bien disposé et préparé, soyez contente et réjouissez-vous avec moi de l’honneur que Dieu vous fait. Dieu vous a donné un fils qui a prêché sa parole, alors que vous aviez demandé un fils qui prêche des doctrines humaines. Et comme les croix et les persécutions accompagnent facilement la Parole de Dieu, j’en suis fait participant. Ne trouvez pas cela étrange, car celui qui veut vivre fidèlement en Jésus-Christ, que ce soit moi ou un autre, souffrira la persécution, comme saint Paul témoigne à tous (1 Tm 3). Soyez donc contente.

Dieu vous a permis de voir tous vos enfants se marier et vous avez vu leur progéniture. Vous avez vécu jusqu’à un âge avancé et, selon le cours de la nature, vous n’aurez pas longtemps à vivre après moi. Je m’en vais devant et vous me suivrez après avoir vécu vos jours. Il ne faut pas s’attarder aux souffrances de la vie présente ni passer trop de temps à les contempler. Tout cela ne fait que tirer des larmes aux yeux et ébranler les gens. Mais il faut se rappeler que tout cela passe vite, et que la joie qui suivra sera éternelle et permanente. Et les persécuteurs ne feront qu’amasser sur eux la colère de Dieu qui les ruinera et les accablera à la fin. Ne voyez-vous pas qu’une génération passe et une autre vient? Ainsi, tout passe légèrement comme le vent et la fumée, sans que rien ne soit de longue durée. L’un meurt aujourd’hui et l’autre demain. L’un meurt d’une façon, et l’autre d’une autre. Il n’y a pas de bonheur dans ce siècle instable et inconstant, sauf pour ceux qui s’appuient sur le solide fondement qu’est Jésus-Christ.

Mettez sous vos yeux l’exemple de cette mère vertueuse mentionnée au chapitre 7 du deuxième livre des Maccabées. Elle a vu sept de ses fils martyrisés en un seul jour. Elle les a vus mourir d’une mort très cruelle, la langue coupée, la tête écorchée, les bras et les jambes coupés, puis être rôtis dans une marmite sur le feu. Elle a vu le spectacle pitoyable qui s’offrait à ses yeux et elle a fait preuve d’un cœur vraiment courageux, consolant et fortifiant ses enfants afin qu’ils puissent endurer la mort pour la loi de Dieu. Et quand le plus jeune a montré des signes d’agitation par les promesses du tyran, elle l’encouragea encore à souffrir et à suivre la voie de ses frères, lui disant qu’il donnait volontiers sa vie et son corps pour la loi de Dieu, et qu’il lui serait rendu à la résurrection.

Cela me rappelle ce que j’ai lu dans l’histoire de l’Église du temps des grandes persécutions. Les pauvres chrétiens s’étaient assemblés en dehors d’une ville pour entendre la parole de Dieu. Là, un certain gouverneur avait été envoyé pour mettre à mort ces pauvres fidèles. Alors que ce gouverneur était en route pour exécuter son méchant mandat, le bruit en parvint aux oreilles d’une femme fidèle et vraiment chrétienne. Elle courut rapidement avec son bébé dans les bras pour rejoindre le rassemblement. Lorsqu’elle approcha de la troupe des tyrans, elle se fraya un chemin au travers d’eux. Le gouverneur la vit courir et se hâter, il la fit appeler et lui demanda où elle allait avec une telle hâte. Elle répondit promptement qu’elle allait rejoindre le rassemblement des chrétiens. Il lui dit alors : « N’as-tu pas entendu la charge et le mandat qui m’ont été confiés de mettre à mort tous ces gens? » Elle répondit : « Si, j’ai compris, et c’est pourquoi je cours aussi vite, afin d’avoir le bonheur de souffrir avec les autres. » Puis il lui demanda : « Et que veux-tu faire de ce petit enfant? » « Je le porte avec moi, dit-elle, pour qu’il ait part à la couronne des martyrs avec les autres. » Le tyran eut le cœur brisé par les paroles de cette femme et retourna auprès de son maître sans avoir exécuté sa tâche. Voilà bien un cœur merveilleusement enflammé de zèle pour l’amour de Dieu, un cœur digne d’être cité en exemple à toutes les femmes.

Cela me rappelle encore une autre mère et son fils au moment où Romain a été martyrisé. Lorsqu’on lui demanda d’adorer des images, il déclara haut et fort, en public, qu’il n’adorait qu’un seul Dieu par Jésus-Christ son Fils et que cette doctrine était si certaine et si vraie que si l’on demandait à un jeune enfant de sept ans qui n’était préoccupé par aucune affection particulière, il répondrait la même chose. Ils prirent donc un petit enfant d’environ sept ans et Romain lui demanda en disant : « Viens ici, mon fils. Devons-nous adorer plusieurs dieux, ou devons-nous adorer un seul Dieu par Jésus-Christ? » L’enfant lui répondit : « Entre nous, petits enfants, nous ne connaissons qu’un seul Dieu. » Alors, le tyran fit venir la mère et frappa de coups de bâton le petit enfant en présence de sa mère. L’enfant demanda à boire à sa mère. Elle lui répondit : « Hélas, mon enfant, je n’ai rien à te donner à boire. Mais va mon fils, bois à la coupe des martyrs avec les petits enfants qu’Hérode a fait mourir. » Puis l’enfant fut décapité.

De tels exemples sont dignes d’être mis devant vos yeux et devant les yeux de toutes les mères fidèles. Il ne faut pas qu’elles ressemblent à la mère des fils de Zébédée qui a bien présenté ses deux fils au Christ, mais pour qu’ils soient grands selon le monde. « Ordonne, lui dit-elle, que mes deux fils que voici soient assis, dans ton royaume, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche » (Mt 20.21). Or, elle voulait dire un royaume terrestre. Mais Jésus-Christ a dit, en se référant à la croix : « Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire? » (Mt 20.22). En parlant ainsi, il montrait que, pour entrer dans son royaume, la croix et les souffrances servent d’étapes. Tout comme le Christ a souffert et qu’il est ensuite entré dans la gloire, de même c’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume des cieux.

Et maintenant, ma bonne mère, je vous prie de vous montrer comme une femme vertueuse dans votre affliction, et de supporter patiemment et joyeusement cette épreuve que Dieu vous envoie, sachant que c’est le bon plaisir de Dieu auquel il ne faut nullement résister, même si on pouvait le faire. Vivez le reste de vos jours dans la crainte de Dieu, en vous souvenant de moi et de la manière dont j’ai servi mon Dieu jusqu’à la mort.

Je vous recommande toujours ma pauvre femme et mes petits enfants tant que vous vivrez dans ce monde. Ils perdent leur père dans leur tendre jeunesse. Je prie le Seigneur mon Dieu de tout mon cœur pour qu’il soit leur père compatissant et miséricordieux, qu’il leur donne son Saint-Esprit dès leur enfance, et qu’il les fasse marcher dans sa crainte tous les jours de leur vie. Je lui demande sans cesse qu’il me fasse ce bien, et qu’il se déclare mari de ma pauvre veuve, qu’il la bénisse et lui montre sa faveur pour toujours. Je suis heureux qu’elle soit allée à Sedan avec les enfants, c’est pour moi un peu de soulagement et de repos. Et quand elle sera loin de vous et de mes frères, je vous prie tous de ne pas l’oublier, mais de prendre soin d’elle et de mes petits.

Je prie le Seigneur mon Dieu qu’il vous comble de toutes ses grâces et bénédictions célestes, qu’il rende de plus en plus votre vieillesse honorable, qu’il vous affermisse dans tous les biens, jusqu’à ce qu’il vous reçoive dans son royaume bienheureux avec tous ses vrais enfants. Je vous recommande à Dieu et à la parole de sa grâce, qui est puissante pour vous édifier et vous donner un héritage parmi tous les saints. Adieu, ma mère, adieu, ma bonne mère. Que le Seigneur vous console dans votre tribulation.

Ce 19 mai 1567.
Par votre fils, qui vous aime tendrement.
Guy de Brès, prisonnier et enchaîné pour Jésus-Christ, le Fils de Dieu.

(Il a été pendu le 31 mai 1567)

Textes cités : Mt 10.37; Mt 19.29; Ph 3.8; Lc 13.24; Jn 6.67-68; Jr 2.13; Hé 11.35-38; Mt 25.36; Ac 9.4; Za 2.12; Ap 2.7-10; Lc 2.29; 1 Tm 3.12; Mt 20.21-22.
Autres textes en lien avec le contenu : Mt 7.13-14; Hé 10.39; Hé 11.24-25; 1 Jn 5.4; Hé 12.1-4; Ps 33.6; Jn 15.15; Ph 3.10; 1 Pi 4.14; Ac 14.22.

Ce texte est une adaptation en français actuel établie par Claire et Paulin Bédard. Le texte en français original se trouve dans Procédures tenues à l’endroit de ceux de la religion du Pais-Bas…, Genève, J. Crespin, 1568, p. 367-388. L’adaptation a été préparée à partir du texte original republié avec une orthographe modernisée, paru dans Bibliotheca Reformatoria Neerlandica, Volume 8, M. Nijhoff, 1911, p. 628-636. Une traduction anglaise a également été consultée : Wes Bredenhof, « A Heart Aflame with Zeal », Clarion, vol. 58, n21, p. 511-513, et vol. 58, n22, p. 538-540.


C. Commentaires sur la lettre
de Guy de Brès à sa mère

  1. Le zèle pour servir Dieu et sa Parole
  2. La connaissance de la Parole de Dieu
  3. L’amour pour sa mère
  4. La dure réalité des persécutions
  5. La joie dans l’épreuve
  6. L’utilité de connaître l’histoire
  7. L’utilité de connaître les livres apocryphes
  8. L’esprit rhétorique
  9. La perspective de l’éternité
  10. La gloire de Dieu

Quelle superbe lettre! Elle est vraiment spéciale et nous encourage beaucoup.

Voyez l’exemple d’un homme de Dieu qui est passé par de très dures épreuves et qui a reçu tellement de consolation de la part de Dieu qu’il est devenu capable à son tour d’encourager les autres qui étaient dans l’affliction : ses frères et sœurs dans la foi, ses collègues, sa mère, sa femme (un mois plus tôt, il a écrit une lettre à sa femme Catherine Ramon qui est tout aussi belle1).

Voici quelques éléments que je retiens de cette lettre à sa mère :

1. Le zèle pour servir Dieu et sa Parole🔗

Si Guy de Brès a été emprisonné et condamné à mort, c’est parce qu’il a commis le « crime » d’avoir prêché avec courage le pur Évangile de la grâce. Il n’a pourtant exprimé aucun regret d’avoir prêché la Parole de Dieu. Au contraire! Il tenait en très haute estime le ministère de la Parole que le Seigneur lui avait confié, en démontrant à la fois un sens profond de sa vocation et un zèle exemplaire au service de Dieu et de sa Parole. Il a su ainsi encourager sa mère à considérer comme un grand honneur le privilège d’avoir un fils qui subissait le martyre pour le beau nom de Jésus-Christ.

Quelle estime témoignons-nous aux fidèles ministres de l’Évangile? De quel zèle sommes-nous nous-mêmes animés au service de Dieu et de sa Parole? Demandons au Seigneur de nous animer d’un même zèle et d’une même passion pour la cause de Jésus-Christ et de son Évangile!

2. La connaissance de la Parole de Dieu🔗

Guy de Brès s’est solidement appuyé sur la Parole de Dieu pour encourager sa mère. On trouve des citations et des allusions scripturaires tout au long de sa lettre. Non seulement possédait-il une connaissance approfondie des Écritures saintes, mais il faisait preuve de sagesse et de tact pastoral dans la manière dont il se servait de la Bible. Il a ainsi été capable d’encourager les siens avec les précieuses vérités des Écritures et de leur communiquer les inestimables consolations divines.

Si nous voulons devenir une source d’encouragement pour les autres, nous devons connaître la Parole de Dieu, la vivre, la mettre en pratique et savoir nous en servir. Elle nous réconfortera d’abord nous-mêmes, ce qui nous permettra ensuite de l’utiliser pour consoler les autres.

3. L’amour pour sa mère🔗

À n’en pas douter, de Brès a fait preuve d’une grande sensibilité à l’égard de sa mère. Au milieu de ses propres souffrances dans cette prison lugubre de Valenciennes, sans espoir de s’en sortir vivant, il a été rendu capable par la force divine d’avoir compassion de sa mère affligée des douleurs poignantes de savoir son fils condamné à mort. Sa volonté d’honorer et de consoler cette pauvre maman avec les paroles les plus encourageantes possible est remarquable.

Quel honneur rendons-nous à nos parents? Sommes-nous sensibles à leurs peines et leurs épreuves? Prenons-nous le temps, même dans nos propres chagrins, de leur communiquer une grâce? Demandons au Seigneur de nous donner la grâce d’avoir pour eux des paroles d’encouragement.

4. La dure réalité des persécutions🔗

De nos jours, dans certains milieux chrétiens, il y a des gens qui enseignent l’évangile de la prospérité. Jésus serait venu pour nous donner la richesse, la santé et beaucoup de bénédictions matérielles. Cette erreur est une distorsion profonde de l’Évangile et fait malheureusement beaucoup de ravages dans plusieurs Églises.

En Actes 14.22, Paul et Barnabas ont encouragé leurs frères en disant : « C’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu. » Jésus a dit que, pour être ses disciples, il nous faut porter notre croix et le suivre, c’est-à-dire être prêts à souffrir à cause de lui. Le martyre de Guy de Brès et les dures persécutions qui ont sévi à son époque en rendent un éloquent témoignage.

Nous avons besoin aujourd’hui de revenir à la « théologie de la croix ». Nous vivons dans le confort, l’abondance et la facilité. Nous souffrons assez peu à cause de notre foi. Rappelons-nous tous ces chrétiens persécutés ailleurs dans le monde. Nous ne sommes pas à l’abri, nous non plus. La situation dans notre pays pourrait changer. Sommes-nous prêts à souffrir pour le beau nom de Jésus-Christ?

5. La joie dans l’épreuve🔗

Autant Guy de Brès envisageait avec lucidité le sort inéluctable qui l’attendait, autant dégageait-il une joie profonde et contagieuse à travers ses paroles d’encouragement.

« Je suis moi-même dans la joie et je vous prie de vous réjouir avec moi, sachant que cela tournera à mon grand bien et à mon salut. »
« Je suis comblé d’une grande joie quand je vois que mon Maître Jésus-Christ me fait l’honneur de me faire asseoir avec lui à sa table, en me laissant manger de son pain et boire de sa propre coupe. »

Cela nous rappelle cette parole que nous avons besoin de méditer : « Réjouissez-vous de participer aux souffrances du Christ, afin de vous réjouir aussi avec allégresse, lors de la révélation de sa gloire » (1 Pi 4.13). Nous avons tellement de choses à apprendre à l’école de Dieu! La joie dans l’épreuve en est une importante, surtout la joie dans les souffrances qui découlent du fait d’être associés au beau nom du Christ.

6. L’utilité de connaître l’histoire🔗

Pour réconforter sa mère, Guy de Brès ne s’est pas limité à faire appel aux Écritures, il a également rappelé ce que Dieu avait fait dans le passé pour soutenir d’autres martyrs. À l’instar des autres réformateurs, il connaissait les pères de l’Église et l’histoire de l’Église ancienne. Les persécutions que subissaient les réformés de son temps évoquaient en lui des souvenirs de ses lectures. « Cela me rappelle ce que j’ai lu dans l’histoire de l’Église du temps des grandes persécutions. » Il se servait de ces connaissances, non pour en faire étalage, mais pour encourager les siens au milieu des persécutions. « De tels exemples sont dignes d’être mis devant vos yeux et devant les yeux de toutes les mères fidèles. »

Sans devenir de grands connaisseurs de la longue et complexe histoire de l’Église, il est très utile d’apprendre à connaître des moments clés et des personnages marquants. Ces exemples pourront nous servir à la fois d’encouragement personnel et de source d’encouragement pour d’autres.

7. L’utilité de connaître les livres apocryphes🔗

Le fait que de Brès cite 2 Maccabées dans sa lettre peut soulever des questions, de même que son usage d’autres livres apocryphes dans d’autres de ses écrits. Il savait très bien que ces livres n’étaient pas inspirés. Dans l’article 4 de la Confession des Pays-Bas, il a volontairement omis de mentionner ces livres parmi les livres canoniques, et dans l’article 5, il a ajouté à propos des livres canoniques : « Nous recevons tous ces livres — et ceux‑là seulement — comme saints et canoniques, pour régler, fonder et confirmer notre foi. » Alors, pourquoi citer 2 Maccabées? Pour la même raison que celle qui l’a motivé à utiliser l’histoire, parce qu’il savait que l’histoire de l’Église nous enseigne des leçons importantes. Dans l’article 6 de sa Confession, de Brès affirme à propos des livres apocryphes que : « l’Église peut bien lire ces écrits et s’en instruire dans la mesure où ils sont en accord avec les livres canoniques ». Il peut donc être utile de citer les livres apocryphes, même s’ils « n’ont ni la force ni l’autorité » des livres canoniques.

8. L’esprit rhétorique🔗

Guy de Brès a rappelé à sa mère qu’elle avait entendu un prédicateur jésuite alors qu’elle était enceinte de lui. À première vue, cette remarque semble problématique, puisque de Brès est né en 1522, alors que l’ordre des Jésuites n’a été fondé qu’en 1540. Comment sa mère a-t-elle pu entendre un jésuite italien en 1522 alors que la compagnie de Jésus n’existait pas encore? Wes Bredenhof note avec intérêt que l’un des biographes de Guy de Brès (E.M. Braekman) a pensé que ce dernier ne faisait que jouer sur les mots, en utilisant un procédé rhétorique.

« De Brès savait très bien que les jésuites ont commencé en 1540, mais il voulait animer son écriture et a donc décrit le prêtre italien en 1522 comme étant un jésuite. Cela correspond bien à ce que nous savons du style d’écriture de de Brès. Il pouvait être incisif par moments, spirituel à d’autres occasions. […] La référence au jésuite italien n’est qu’une preuve supplémentaire de l’esprit rhétorique de de Brès. Même lorsque les égouts infects remplissaient sa cellule de prison, ce martyr réformé gardait son sens de l’humour.2 »

9. La perspective de l’éternité🔗

La force de consolation de cette lettre réside dans le fait que son auteur a su mettre la dure réalité qu’il subissait dans la perspective de l’éternité. Rempli de l’amour de Dieu et de l’espérance que nous procure sa Parole, il pouvait relativiser les souffrances du temps présent à la lumière de l’espérance de la vie éternelle et de la gloire incomparable promise à tous ceux qui trouvent refuge en Jésus-Christ.

« Il ne faut pas s’attarder aux souffrances de la vie présente ni passer trop de temps à les contempler. Tout cela ne fait que tirer des larmes aux yeux et ébranler les gens. Mais il faut se rappeler que tout cela passe vite, et que la joie qui suivra sera éternelle et permanente. »

Nous avons tellement besoin de suivre cet exemple! Si souvent nous tenons si peu compte de la perspective de l’éternité. Nos problèmes actuels nous paraissent alors une montagne insurmontable. Apprenons à sans cesse regarder notre vie dans la perspective de l’éternité. « J’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire à venir qui sera révélée pour nous » (Rm 8.18).

10. La gloire de Dieu🔗

Guy de Brès pouvait sans fausse modestie parler librement de ses labeurs et des fruits abondants, présents ou futurs, de ses nombreux travaux, sans pourtant y chercher un sujet de gloriole personnelle. Il attribuait à Dieu seul la capacité qu’il avait reçue de travailler à son service et le fruit que ses travaux pouvaient porter. Il a ainsi rendu à Dieu seul toute la gloire qui lui est due. Il pouvait donc espérer avec certitude recevoir la récompense promise dans la joie éternelle de son Maître, non comme un salaire qui lui était dû, mais comme une grâce couronnant les dons de la grâce.

Avons-nous ce même désir d’attribuer à Dieu seul toute la gloire dans tout ce que nous entreprenons?

Soli Dieu Gloria!

Notes

2. Wes Bredenhof, « A Heart Aflame with Zeal », Clarion, vol. 58, no 21, octobre 2009, p. 513.