Cet article a pour sujet les preuves de l'existence de Dieu que sont la résurrection du Christ, ses miracles et les différents lieux de sa révélation dans nos vies (création, providence, image de Dieu, salut, parole et sacrements, souffrance, etc.).

Source: La connaissance de Dieu. 8 pages.

L'existence de Dieu

  1. Dieu est
  2. La preuve de la foi
  3. Les lieux de sa révélation
  4. Le Symbole des apôtres

1. Dieu est🔗

Dieu est; telle est l’affirmation de la foi théiste. « Au commencement Dieu… », écrit l’écrivain inspiré, sans s’embarrasser des preuves de son existence.

Le chrétien, le premier à être assailli par le doute, est aussi assailli par une tentation : celle de vouloir à tout prix produire des preuves de l’existence de Dieu.

Ces preuves ont existé et même proliféré au cours des âges; nous les avons examinées1. Or, si nous comprenons la noblesse de l’intention de ceux qui veulent prouver l’existence de Dieu, tandis qu’ailleurs on clame sa mort, la tentative, elle, est inadéquate, puisque de véritables preuves de son « existence » n’existent pas. Il n’existe que la foi au Dieu révélé, le vivant.

Lorsque les pharisiens, contemporains de Jésus, réclamèrent un signe, une preuve de sa mission, Jésus les renvoya au miracle de Jonas (Mt 12.33-39). L’un des meilleurs esprits, et parmi les plus originaux du monde chrétien, Thomas d’Aquin, a consacré sa Somme théologique à prouver rationnellement l’existence de Dieu. Thomas d’Aquin ne faisait rien d’autre que de reprendre, comme s’ils fussent chrétiens, les arguments et la méthode d’Aristote, le penseur grec. Ainsi, il introduisit dans la pensée de l’Église des preuves plus encombrantes encore pour la foi que n’aurait été l’absence de preuves rationnelles. Il n’est pourtant pas difficile de concevoir pourquoi une preuve de cet ordre ne s’applique pas à la réalité du Dieu de la Bible. Car, ou bien le Dieu de notre foi est celui que nous avons appelé le vivant, et qui échappe à tout scrutin et contrôle humains, ou bien c’est nous-mêmes, créatures mortelles et pécheurs, qui décidons de son sort. Mais dans ce cas, lui, serait-il encore le Dieu vivant? Ne serait-il pas plutôt une idée, certes prouvée, mais assujettie à notre idée?

Lorsque l’homme prétend, même avec les meilleures intentions, qu’il veut prouver Dieu, à son insu il soutient l’idée selon laquelle Dieu n’existerait pas. En dernière analyse, il conclura : Ayant fait de mon mieux, je me rends compte que Dieu n’existe pas. Or, le Dieu vivant dont nous parlons et sur qui se fonde notre foi n’autorise aucune créature à le soumettre à un tel examen. Il n’y a que l’athée arrogant ou l’agnostique qui le soumettra à un tel scrutin. Que nous reste-t-il à faire?

Pour commencer, ne nous laissons pas intimider par ceux qui affirment qu’il n’y a pas de preuve de l’existence de Dieu, par conséquent qu’il n’existe pas! Avec la même force et la même ferveur, nous devrions également riposter à d’autres en soutenant qu’il n’existe pas davantage de preuves de sa non-existence!

D’une manière plus positive, sommes-nous entièrement convaincus que nous cherchons un fondement solide pour notre foi au Dieu vivant? Il se pourrait que certains d’entre nous continuent à croire en Dieu à cause de quelques preuves populaires, aussi évidentes que fragiles, qu’ils s’écrient en regardant la terre, la lune, les étoiles : « Mais, bien sûr que tout ceci prouve l’existence de Dieu! » Voltaire en faisait autant, mais ces preuves-là n’ont pas fait de lui un fidèle membre de l’Église, confessant la foi au Dieu vivant. Nous devrions commencer par confesser notre foi au Père, Fils et Saint-Esprit. Celui-ci est le Dieu de la révélation, celui dont la voix s’entend sur les pages de la Bible. Certes, le Psaume 19 déclare : « Les cieux racontent la gloire de Dieu. » Mais le psaume ne produit point de preuve classique de l’existence de Dieu. Il ne nous reste donc que le principe de la foi (Hé 11.6).

En regardant les cieux, nous voyons la splendeur de Dieu. Cependant, nous avions auparavant entendu sa voix dans sa Parole. Aussi, confessons-nous tout d’abord notre foi au Dieu vivant. Les preuves classiques de cette existence, tirées de la création, n’étaient pas légitimes. En définitive, la preuve par excellence de Dieu est la foi, ainsi que le déclare le passage de la lettre aux Hébreux : « C’est par la foi que nous comprenons que le monde a été formé par la parole de Dieu » (Hé 11.3).

Le chrétien, lecteur de la Bible, fera remarquer que l’apôtre Paul s’est bien référé à une preuve tirée de la création pour témoigner de Dieu et confondre ainsi ses adversaires. On connaît le passage de la lettre aux Romains (Rm 1.18-23). L’apôtre affirme que Dieu parle aux hommes par les choses qu’il a créées. La création, par conséquent, nous transmet un message concernant la divinité de Dieu et son pouvoir éternel. Nous croyons fermement que les choses créées font clairement apercevoir les attributs divins du Créateur. Notre objection se porte sur un autre point; ce qui est clairement perçu à l’œil nu ne saurait être analysé scientifiquement pour ensuite devenir une preuve ou un étai pour la foi. Ce qui est clairement aperçu des données créées nous parvient comme une révélation directe, que nous aurons à accepter et à croire afin d’honorer Dieu et de lui témoigner de notre reconnaissance. Parce que nous connaissons ces données-là, nous n’avons plus aucun droit d’être vains et futiles dans nos pensées, plus aucune excuse pour changer la gloire immortelle de Dieu en images corruptibles, produits de notre imagination idolâtre.

Je ne prétends pas que les arguments classiques de l’existence de Dieu soient totalement dépourvus de valeur; nous les avons examinés sous cet angle-là. Plus simplement, je tiens à souligner qu’ils ne possèdent pas de force absolue ni pour prouver ni pour convaincre. Ils ne constituent pas le fondement de la foi au Dieu vivant. Leur valeur, toute relative, consiste à montrer le caractère raisonné et raisonnable de la foi chrétienne. Ils démontrent que la foi chrétienne et biblique n’a rien d’absurde. Je ne crois pas en Dieu parce que la chose est absurde. En cela, je reconnais que de telles preuves pourront jouer un certain rôle secondaire, notamment à notre époque où tout s’acharne à faire de la foi quelque chose d’irrationnel. En la confondant avec des états d’âme suspects, on la réduit à une expression psychologique, et finalement on fait de l’homme le critère de ce qu’il éprouve; néanmoins dépourvu de fondement objectif. Se rend-on compte quelle foi misérable serait la nôtre si ces preuves consistaient uniquement en des impressions, en nos goûts, en des tendances et des fantaisies? Le Dieu vivant ne serait plus en sa source, mais l’homme générateur de dieux à son image et sa ressemblance.

2. La preuve de la foi🔗

Qu’est-ce qui à nos yeux constitue légitimement la preuve de la foi au Dieu vivant? La foi n’est pas un acte gratuit, geste aveugle, pari à la Blaise Pascal. Je crois en revanche que les preuves que je possède de l’existence du Dieu vivant sont bien rationnelles. L’intelligence y joue le premier rôle puisque la toute première tâche de l’intelligence et de la raison, tout autant que de la volonté et des sentiments, consiste à connaître et à reconnaître Dieu. Il existe des preuves qui confirment notre foi et la rendent tout à fait raisonnable en face du monde entier. Il est utile de les connaître et de les préciser afin que le chrétien ne se disperse pas dans tous les sens et ne cherche les preuves de l’existence de Dieu là où elles n’existent pas.

En voici la première : Jésus-Christ, dans sa vie et au cours de son ministère, dans sa passion et sa résurrection, dans chacun de ses discours et dans chaque acte, reste la preuve du Dieu vivant. Il affirmait être un avec lui; il s’est présenté comme le Fils de Dieu; il s’est déclaré la voie, la vérité, la vie. Il s’est offert comme le pain de vie céleste et l’eau de vie. Il est la lumière du monde, source et garant de vie éternelle. Si le Christ est bien ce qu’il affirme, nous avons en lui la preuve par excellence et toute suffisante de l’existence du Dieu vivant. L’apôtre Jean concluait son Évangile de manière à prouver que Jésus-Christ a été la révélation de ce Dieu vivant (Jn 20.31).

L’intention des signes et des preuves donnés par Jésus était d’amener tout homme à la foi. Parmi ces signes, la plus grande est sa résurrection d’entre les morts (1 Co 15.17; voir aussi Mt 12.38-40). Bien entendu, on posera la question : « Mais Jésus est-il réellement ressuscité? Est-ce que la tombe refermée sur un cadavre a pu s’ouvrir? Sa résurrection peut-elle être prouvée? » Je ne ferai que reprendre ici une affirmation d’un esprit parmi les plus brillants du siècle passé, de Matthew Arnold : « La résurrection du Christ est le fait historique le mieux attesté de toute l’histoire. » Son jugement demeure valable pour notre époque. La résurrection corporelle de Jésus-Christ peut résister à l’examen le plus minutieux et le plus sévère de ses détracteurs. Tout homme honnête devrait l’admettre comme un fait historique incontestable.

Une deuxième catégorie de preuves consiste dans les miracles bibliques. Chaque geste de Jésus produit le salut et porte la guérison. Le miracle biblique fait partie de la révélation de Dieu et de la rédemption qu’il opère. À travers les miracles, Jésus se présence comme le Fils de Dieu et le Sauveur. Jésus-Christ n’appartient pas à la classe de vulgaires faiseurs de prodiges. Chacune de ses œuvres porte témoignage à sa filiation divine et à la gloire du Père. Voyez la résurrection de Lazare (Jn 11). La maladie et la mort de l’homme contribuent à ce que le Fils de Dieu soit glorifié. Ce qui est vrai dans le cas de la résurrection de Lazare l’est aussi dans les autres miracles.

Ouvrons à cet endroit une parenthèse pour rappeler l’observation de l’auteur britannique, C.S. Lewis. Il est absurde d’objecter que les contemporains de Jésus ignoraient les lois de la nature et que la raison de leur foi aux miracles s’expliquerait par là. Selon Lewis, ces hommes connaissaient parfaitement, pas moins que nos contemporains, la manière dont fonctionnent les lois de la nature. Et, prenant pour exemple Joseph, le fiancé de Marie, l’auteur illustrera sa pensée. Parce que Joseph savait que d’après les lois de la nature aucune vierge ne peut enfanter, il avait décidé de rompre avec elle. Comme chacun d’entre nos contemporains, il connaissait les lois normales présidant la procréation. Cependant, il décida d’admettre le miracle comme une révélation et comme signe de l’intervention de Dieu, en vue du salut de son peuple.

Ethelbert Stauffer, théologien contemporain, dans son Histoire de Jésus, étudie les miracles et les soumet à un examen poussé. En tant qu’historien critique, il y scrute toutes les sources historiques, à la fois juives et chrétiennes, pour parvenir à la conclusion que Jésus a bel et bien accompli les miracles que les Évangiles lui attribuent. Même les ennemis de Jésus étaient contraints de reconnaître les faits (voir Jn 11.47).

D’autres passages pourront être rappelés encore à l’appui (Mt 9.34; Mc 1.44; Jn 7.1-8; Ac 2.22; Ac 10.36-39). Le théologien allemand offre une excellente défense et une illustration satisfaisante de ce que Jésus a affirmé sur sa personne et de la vérité de ces affirmations. Certes, je ne prétends pas que les miracles forcent nécessairement la foi et qu’ils l’engendrent. Nombre de contemporains de Jésus y restèrent insensibles, voire incrédules. Il n’en est pas moins vrai que les miracles de Jésus font partie des preuves à notre disposition nous autorisant à témoigner de notre foi au Dieu vivant.

Reste enfin la dernière preuve. Il s’agit de l’affirmation biblique, audacieuse et déroutante, qui prend les mots même de Dieu pour parler du Dieu vivant. Lisez Ésaïe 44-46; ce passage décrit Dieu en procès avec son peuple. Il lui montre la folie qu’il y a à pourchasser des idoles. Il insiste pour le ramener vers lui, parce qu’il n’existe point d’autre Dieu. Les autres « dieux » sont bouche cousue, incapables de parler ni d’agir. Le Dieu d’Israël, révélé comme le Dieu de l’alliance, est celui qui dit et les choses arrivent. Dieu donne des « flashes » de ce qui se produira, parce que c’est lui qui a établi toutes choses et qu’il les régit, les conserve et les conduit. C’est ainsi qu’il agira jusqu’à la fin, en vue du salut de son peuple. En d’autres termes, l’accomplissement des prophéties et la promesse de l’avènement du Royaume sont des arguments entre les mains de Dieu pour prouver qu’il est l’unique Dieu vivant. L’une des meilleures preuves se trouve en la promesse du salut et la fondation de l’Église chrétienne; en la puissance de l’Esprit aussi, qui œuvre dans l’existence du croyant. Il convient donc de nous joindre à l’exclamation d’adoration reconnaissante de l’auteur biblique : Alléluia! car notre Dieu tout-puissant est le Dieu vivant! Amen.

3. Les lieux de sa révélation🔗

Examinons à présent les lieux de la révélation de Dieu.

a. La création🔗

Parce que Dieu se révèle chaque jour dans ses ouvrages, l’homme ne peut pas fermer ses yeux et l’ignorer. Dieu a posé les marques de sa gloire sur ses œuvres particulières. D’où cette doctrine très particulière à la théologie réformée, c’est-à-dire la révélation générale, qu’il ne faut pas confondre avec la théologie naturelle2.

La création! Voilà sans doute l’un des obstacles que soulève la raison autonome de l’homme. La foi en la création est plus fondamentale de nos jours, au même titre que l’incarnation du Fils de Dieu. Mais elle, comme cette dernière, semble difficile à accepter. Si on croit au Dieu Créateur, la foi en d’autres miracles suivra. L’incarnation, la résurrection, la consommation finale de toutes choses dépendent de la foi en la création. Lorsque ce premier article de la foi est admis, invariablement les autres le suivront normalement. La foi au Dieu Créateur est « l’articulum standis et cadentis ecclesiae » (la place où l’Église se tient ou tombe). Sans méconnaître le moins au monde la question de la transcendance divine, il nous faut admettre les questions et problèmes relatifs qui ont été soulevés au sujet de la création de l’univers par un Dieu Créateur. Seulement, qu’il me soit permis de noter que ne pas y croire ne résoudra aucun des problèmes qui torturent l’esprit des humains. Car l’agnosticisme farouche ou le scepticisme maladif finissent par glisser sur la pente qui aboutit à l’abîme du nihilisme. Seul Dieu satisfait au cœur de l’homme qu’il a créé pour lui-même.

b. La providence🔗

Dieu maintient et gouverne toutes choses, y compris les hommes. Le commerce de l’homme est avant tout un commerce avec celui qui l’a façonné (Calvin, Institution, I.17.2). Dieu soutient l’univers. Il y déploie sa providence. Il n’abandonne pas un seul instant l’œuvre de sa Parole et de son Esprit (Catéchisme de Heidelberg, Q. 27). Ce dont l’homme a besoin et ce qu’il désire au fond de lui-même, c’est un Dieu qui soit digne de son adoration et de son service. Les religions qui n’ont pas compris ce point essentiel ne peuvent pas comprendre la nature de Dieu et de la Bible. Ces religions ne croient pas que Dieu s’associe avec ses créatures qu’il a faites à son image et à sa ressemblance.

Mais Dieu a une révélation particulière avec ses enfants qu’il s’est réconciliés en Christ. Par le Christ, nous pouvons nous approcher de Dieu dans la plus grande liberté. Cette liberté est plus grande que celle des lévites de l’Ancien Testament. Nous sommes invités et constamment exhortés à marcher devant la face de Dieu. Tous les hommes vivent devant Dieu, mais Dieu se tient plus particulièrement auprès de ceux qu’il connaît en Christ.

c. L’image de Dieu en l’homme🔗

La ressemblance de l’homme à Dieu le rend différent de toutes les autres créatures. Bien que le péché ait effacé les traits originaux et ait gravement endommagé cette image, il ne l’a pas pour autant rendue inexistante. Ce qu’il a encore de bon et de valable en l’homme est dû à l’imago Dei. La rédemption en Christ restaure cette image, et l’homme en tant que couronne de la création et enfant racheté et adopté peut de nouveau refléter la gloire de son Créateur et l’amour de son Rédempteur.

d. La vocation🔗

Tout homme est destiné à une mission particulière. Les différentes manières de vivre et de travailler sont appelées vocation. Tout travail a par conséquent son importance, s’il est exécuté sous le regard de Dieu.

e. Le combat spirituel🔗

Calvin insiste beaucoup sur la présence de Dieu dans la tentation qui assaille le fidèle. Le Seigneur éprouve journellement ses élus. Il les soumet à une discipline sévère. Mais contrairement à Satan qui poursuit une œuvre de destruction de l’homme, Dieu désire fortifier et affermir la foi de ses enfants. On ne peut pas vaincre Satan sans le secours de Dieu. Aussi faut-il le prier chaque jour.

f. La prière🔗

La prière est l’exercice quotidien par lequel le chrétien ouvre son cœur en la présence de Dieu son Père. Il lui exprime ses désirs, le remercie, lui confesse ses fautes. La prière suppose la relation intime de l’enfant avec son Père qui le voit, le connaît, l’aime.

g. La souffrance🔗

Dans l’exposé qu’il a consacré à la vie chrétienne, Calvin souligne l’importance du renoncement à soi. Chaque jour, il faut porter sa croix. Puisque le Christ a porté la sienne, pourquoi serions-nous exemptés de la nôtre? Par la souffrance, Dieu permet notre croissance spirituelle et nous conduit vers la perfection. La souffrance rappelle que nous sommes vraiment des enfants de Dieu. Sa bonté et sa générosité doivent et peuvent être reconnues même dans la souffrance. Le chrétien ne doit pas se révolter contre la discipline divine, mais aller vers le Père et trouver auprès de lui la consolation. Ainsi, la souffrance devient-elle un moyen qui nous rapproche de lui.

h. La méditation🔗

Sur ce point également nous avons un exercice spirituel de la plus grande valeur. La méditation chasse le brouillard qui nous entoure et nous étouffe, nous rendant capables de voir plus clair avec les yeux de la foi Dieu qui se présente toujours à nous. Mais à cause du péché et de la perversité de nos cœurs et de notre volonté, nous ne sommes pas toujours sensibles à cette présence. Nous le serons lorsqu’il intervient par sa grâce. Et lorsque nos yeux sont ouverts, nous serons remplis d’étonnement devant ce que Dieu a fait et continue de faire en faveur des siens. Nous pourrons méditer ses œuvres. La méditation nous incite à tourner nos regards vers le ciel (Institution, III.9.1).

i. Le salut🔗

À l’origine, avant la chute, l’homme connaissait Dieu et il vivait en parfaite entente avec lui. C’est ainsi qu’il aurait vécu s’il n’y avait pas eu la chute. Calvin dit que notre être n’est rien de moins que subsistance en et par le vrai et unique Dieu. Notre union avec Dieu par le Christ et dans la communion avec le Saint-Esprit se trouve au centre de la foi. Ainsi, un motif biblique dominant apparaît constamment dans la théologie biblique de Calvin, à savoir le motif de la création, de la chute et de la rédemption.

j. La Parole et les sacrements🔗

Ici, nous sommes dans le haut lieu de la théologie biblique de Calvin. C’est là où la présence de Dieu est la plus sensible et la plus concrète pour le cœur du croyant. Dieu nous parle et nous montre sa grâce. Les sacrements ont la même fonction que la Parole. Ils nous présentent et nous offrent le Christ, aux yeux de la foi seulement et non pas automatiquement (le ex opere operato des romains). Le Christ est présent dans sa Parole et les sacrements. Les sacrements ne sont pas de simples signes dépourvus de pouvoir, mais des moyens, moyens de grâce, par lesquels Dieu se présente à nous et au travers desquels il renouvelle journellement les miracles du salut et de sa grâce.

4. Le Symbole des apôtres🔗

Le Symbole des apôtres commence par déclarer la foi en Dieu, le Père tout-puissant, Créateur des cieux et de la terre. Nous n’avons pas dans les articles du Symbole une confession de foi abstraite; nous en remarquons la forme trinitaire. En partant de la première personne de la Trinité, le Symbole ne souligne pas seulement cette personne, pour l’isoler des deux autres. Il ne dit pas : « Je crois en la première personne de la Trinité », mais entend la foi au Dieu trinitaire, en commençant par le Père. Il existe une relation étroite entre lui et les deux autres. L’unité dans la Trinité est tout à fait manifeste. C’est pourquoi ce n’est pas une confession aride de foi, et c’est aussi pourquoi c’est une confession sotériologique. Il s’agit du Père tout-puissant de Jésus-Christ, notre Seigneur, celui qui devint notre Sauveur, non d’une divinité quelconque. Il est le Dieu Père de la révélation faite à la foi.

Je crois en Dieu. Le fidèle croit en Dieu dans la communion des saints, de l’Église universelle. Et ce n’est que lui qui peut dire « Je crois ». Il sait ce qu’il dit comme il sait en qui il croit. Il le connaît comme le Dieu vivant tel qu’il s’est révélé en Christ, tel que l’Écriture en offre une révélation « plus claire », comme le précise bien la Confession de La Rochelle. Le fidèle ne croit pas en un quelconque Dieu. Il déclare que ce Dieu qu’il confesse lui est connu, parce qu’il s’est révélé.

Pour le croyant et l’Église universelle, Dieu est Dieu; le transcendant, qui demeure dans la lumière inaccessible; le Saint d’Israël; « le Dieu non des philosophes, mais d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Jésus-Christ », selon Blaise Pascal. Il est l’incomparable. Il ne peut être comparé à une créature. La logique humaine ne peut ni le classifier ni le définir. Dans ce sens, les preuves de son existence sont inadéquates. Aucun syllogisme ne pourrait atteindre au-delà des prémisses, et aucune prémisse ne peut postuler Dieu qui est Dieu. Tout ce que l’homme peut dire de lui-même à son sujet est une erreur, voire bien souvent un mensonge. Il fabriquera un dieu selon son image et à sa ressemblance. Ce qu’il appelle dieu n’est pourtant que misérable idole. Dieu, lui, est infini; il transcende le fini. Il est éternel, il transcende le temps. Il est invisible, il transcende le monde total de notre expérience. Il est immuable, il transcende le flux de l’existence. Il n’est pas la cause première, mais pur être, il transcende toutes les causes. Il est Dieu.

Le Symbole déclare aussi qu’il est le Dieu immanent. Il n’est pas éloigné de nous. Car c’est en lui que nous avons le mouvement, la vie et l’être. S’il n’était que simplement ou absolument transcendant, nous ne pourrions déclarer « Je crois en Dieu ». Tout au plus, nous dirions, Dieu, nous ne savons qui il est, comment il est, celui que nous chercherions certes sans pourtant le trouver. Nous ne pourrions le confesser selon les mots de la Confession de La Rochelle :

« Nous croyons et confessons qu’il y a un seul Dieu, qui est une seule et simple essence, spirituelle, éternelle, invisible, immuable, infini, incompréhensible, ineffable, qui peut toutes choses, qui est toute sage, toute bonne, toute juste, et toute miséricordieuse. »

Sans cela, tout ce que nous dirions de Dieu et de sa transcendance serait pure négation. Par son credo en Dieu, l’Église chrétienne confesse que son Dieu n’est pas la conception ambitieuse de la philosophie panthéiste, mais qu’il est infiniment transcendant et au-dessus de toute chose et qu’il existe un abîme infranchissable entre le Créateur et la créature. Il n’est pas non plus le dieu déiste, dont il n’est pas possible de s’approcher et qui demeure étranger à l’univers sensible. Il n’est pas davantage ce Dieu « absconditus » qui s’adresse occasionnellement à nous en l’instant, quand la ligne verticale de sa parole traverse la ligne horizontale de notre existence. Au contraire, le « Je crois en Dieu » présuppose que le Dieu transcendant est également immanent en toutes choses, et qu’au moyen de ses œuvres il parle concernant sa personne et parle de lui-même comme le Dieu de notre salut; l’Esprit du Christ demeure en nous et dans l’Église pour établir et conserver son alliance éternelle.

C’est ainsi seulement que le croyant peut dire « Je crois en Dieu ». Certes, pour l’homme et pour sa théologie naturelle, il existe des traces de sa révélation même hors l’Évangile du Christ, ces traces dont nous parlions dans la partie sur la révélation générale (Ps 19 et Rm 1.20). Par une lumière naturelle, l’homme naturel retient une bribe de la connaissance de Dieu qu’il retient alors captive. Mais l’agnosticisme et l’athéisme ne sont nullement l’attitude d’une faiblesse ou d’un manquement en l’homme « naturel ». Au contraire, ce sont l’attitude et les résultats du péché. Le problème ne relève pas de l’ordre de la nature, mais de celui spirituel et religieux, comme un antithéisme apostat. L’homme retient captive la vérité de Dieu. Il contredit la Parole de Dieu; il la maintient dans son injustice. Il préfère fabriquer son propre dieu, et dans sa folie et vaine imagination et dans son cœur enténébré, il le rend tout à fait semblable à lui-même ou bien semblable à des animaux. Ce n’est donc que dans l’Église, le domaine où l’Esprit habite, que l’homme régénéré confessera sa foi : « Je crois en Dieu. »

Notes

1. Voir notre article intitulé L’idée de Dieu.

2. Voir notre série d’articles intitulée La révélation générale.