Cet article a pour sujet l'histoire intertestamentaire et contemporaine de Jésus, la période des Mèdes et des Perses, la période des Grecs, la période des Maccabées, la période des Romains, des empereurs et d'Hérode.

Source: Introduction au Nouveau Testament. 16 pages.

L'histoire intertestamentaire et contemporaine de Jésus

  1. La période des Mèdes et des Perses (538-333)
  2. La période grecque (333-167)
  3. La période maccabéenne (167-63)
  4. La période romaine (-37 à +70)
    a. La montée de l’Empire romain
    b. Les empereurs
    c. Le gouvernement provincial
    d. Le règne d’Hérode et de ses successeurs

Avec Malachie, le dernier des prophètes de Dieu, prend fin l’histoire de l’Ancienne Alliance. Pendant près de quatre siècles, Dieu n’adressera plus directement sa parole par l’intermédiaire des prophètes. Les quatre siècles qui vont se succéder jusqu’à la naissance de Jésus sont appelés période intertestamentaire; c’est la période du « silence de Dieu ».

N’en concluons pas que ce furent des temps dépourvus de toute importance. Durant ces 400 ans « sombres », Dieu préparait l’avènement du Messie. Or, jamais la lueur de l’espérance messianique ne fut éteinte au cœur du reste fidèle du peuple d’Israël. Non seulement le reste fidèle attendra le Promis, mais de leurs côtés, des royaumes et des grands empires, à leur manière et indirectement, serviront à l’avènement du Christ. Des puissances politiques apparurent et disparurent sur la scène de l’histoire mondiale. Le livre de Daniel nous offre un schéma qui éclaire de manière frappante la succession d’empires mondiaux contemporains. Il prédit prophétiquement des événements à venir qui se dérouleront entre la fin de l’Ancien Testament, c’est-à-dire à partir de Malachie, et le commencement du Nouveau, débutant avec la naissance et le ministère de Jésus. À cet égard, les chapitres 2 et 7 de Daniel jettent une ample lumière sur cette période-là. Cette période pourra se diviser en gros en quatre.

1. La période des Mèdes et des Perses (538-333)🔗

Les Juifs emmenés en exil par le Babylonien Neboukadnetsar rentrèrent au pays sous le règne de Cyrus le Mède ainsi que d’Artaxerxès. Sous Zorobabel, de descendance princière, ils rebâtiront le second Temple de Jérusalem, exhortés et encouragés par les discours d’Aggée et de Zacharie. Les murailles de l’ancienne capitale seront relevées sous l’action énergique de Néhémie. Des sources non bibliques nous informent que durant cette période le souverain sacrificateur acquit une importance plus grande qu’avant l’exil et tint un rôle politique de chef national de tout premier ordre. La langue parlée, elle, n’est plus l’hébreu classique qui est remplacé par l’araméen (ou chaldéen), langue d’origine sémitique proche de l’hébreu. Toutefois, l’ancien hébreu demeurera la langue du culte. Pour permettre de bien comprendre l’Ancien Testament, les chefs religieux se mirent à en faire des paraphrases dans une langue populaire. Celles-ci sont appelées des Targums. C’est durant cette même période que les Samaritains construiront leur temple sur le mont Garizim rivalisant avec celui de Jérusalem.

2. La période grecque (333-167)🔗

Alexandre le Grand, génie militaire macédonien, renverse l’Empire médo-perse et conquiert le bassin méditerranéen se rendant au-delà de la Méditerranée, jusqu’aux confins des Indes. Alexandre avait été le disciple du penseur athénien Aristote et était grand admirateur de la brillante culture grecque. Son intention principale est dès lors d’imposer aux peuples soumis la civilisation grecque, désormais appelée hellénistique, pour pouvoir souder l’unité de son vaste quoique bien éphémère empire. Partout où le général macédonien pénètre et se soumet peuples et cultures, il impose aussi bien la langue que des coutumes et des mœurs grecques. Il parvient à ôter presque toutes les barrières jadis infranchissables entre divers peuples qui tombent sous son empire. Il tente également d’helléniser les Juifs sans toutefois les forcer; il leur laissera l’entière liberté du culte.

En l’an 323, à l’âge à peine de 32 ans, Alexandre meurt, victime d’une maladie orientale. Son empire est aussitôt divisé en quatre, les deux plus importantes fractions étant les Ptolémées, qui occuperont l’Égypte, et les Séleucides à qui échoira la Syrie et la Palestine. Cependant, les premiers occuperont la Palestine jusqu’à l’an 198 avant J.-C. Durant cette occupation, les Juifs renforcent l’étude et la pratique de leur loi et finissent par bâtir un système légaliste des plus rigides qui, nous l’apprendrons par les Évangiles, sera sévèrement critiqué par notre Seigneur, ainsi que par l’ensemble du Nouveau Testament. C’est également durant cette période hellénistique que l’Ancien Testament est traduit en grec (version dite des Septante, ou LXX). Nombre de Juifs émigreront ailleurs, formant la Diaspora, et fondant des colonies juives dans de nombreux pays en dehors de la Palestine. Ils ne cesseront d’espérer le Messie et de faire part autour d’eux de leur attente eschatologique. Sous le règne des Ptolémées, un corps d’anciens constitue le Sanhédrin, dont la mission consiste à assister le souverain sacrificateur dans ses fonctions religieuses.

C’est en 198 que les Séleucides entrent en Palestine pour l’occuper jusqu’à l’arrivée des Romains, au cours du premier siècle. Parmi les souverains séleucides les plus connus, le célèbre Antiochus Épiphane, helléniste farouche, aura recours à la force pour helléniser les Juifs réfractaires à la culture païenne. On fait noter qu’il cherchait surtout à renflouer les caisses vides de son empire en extorquant d’énormes sommes aux Juifs. Ses tentatives d’exterminer les Juifs ou de faire disparaître leur religion n’aboutiront pas. Il est l’un des pires tyrans connus de l’antiquité juive. Les cérémonies religieuses juives sont interdites, le temple est profané par l’offrande d’une truie et finalement démoli par les soins des Juifs eux-mêmes. Durant cette terrible oppression, on comptera des renégats, mais la majorité préférera le martyr et ceux qui survivront rejoindront les rangs des résistants sous la direction des frères Maccabées. Les Maccabées prendront ainsi la tête du soulèvement armé.

Voici la liste des souverains Ptolémées et des Séleucides :

Ptolémée I Sôter - 323-285
Ptolémée II Philadelphe - 285-246
Ptolémée III Évergète - 246-221
Ptolémée IV Philopator - 221-203
Ptolémée V Épiphane - 203-181
Ptolémée VI Philometor - 181-145
Ptolémée VII Évergète II - 145-116
Ptolémée VIII Néos Eupator - 145
Ptolémée IX Sôter II - 116-107
Ptolémée X Alexandre I - 107-89
Ptolémée IX Sôter II - 88-80
Ptolémée XI Alexandre II - 80
Ptolémée XII Aulète - 80-51
Cléopâtre VII - 51-30
Séleucus I Nicator - 312-280
Antiochus I Sôter - 280-261
Antiochus II Théos - 261-247
Séleucus II Callinicus - 247-226
Antiochus III le Grand - 223-187
Séleucus IV Philopator - 187-175
Antiochus IV Épiphane - 175-163 (profanation du second temple)
Antiochus V Eupator - 163-162
Démétrius I Sôter - 162-150
Alexandre I Balas - 150-145
Antiochus VI Dionysos - 145-142
Démétrius II Nicator - 145-139
Antiochus VII Sidêtês - 139-129
Démétrius II Nicator - 129-125
Antiochus VIII Philometor - 125-96
Antiochus IX Philopator - 115-95

3. La période maccabéenne (167-63)🔗

La révolte décisive fut déclenchée lorsque Mattathias, un prêtre âgé, reçoit l’ordre d’offrir des sacrifices publics à des dieux païens. Il refuse et réunit autour de lui ses fils et lance un appel général à la résistance : « Quiconque est zélé pour la loi et cherche à observer l’alliance, qu’il me suive » (1 Macc 2.27). Une guérilla est organisée qui devient le noyau d’une importante armée de résistance.

Après la mort de Mattathias, l’un de ses fils, Judas, surnommé le Marteau, homme d’une foi exceptionnelle et d’une grande capacité militaire, prend la relève à la tête de l’armée. En dépit des graves obstacles, il remporte d’éclatantes victoires sur les Syriens et sur d’autres voisins. Il en résulte une liberté religieuse pour les Juifs vivant dans la province de Judée. Le temple est purifié, le culte restauré et une cérémonie de dédicace célébrée, que l’on connaît sous le nom de fête de la Dédicace (1 Macc 4.45-49). Jonathan le rusé, frère adroit et malin de Mattathias, parvient à remplacer son neveu. Il obtient la liberté politique et une totale indépendance religieuse, il entreprend aussi la fortification de Jérusalem. Malheureusement, il veut aussi se prévaloir des prérogatives du souverain sacrificateur bien que n’étant pas de descendance aaronique. Il envoie des ambassadeurs amicaux aux Romains, deux actes qui, par la suite, prouveront être d’une conséquence désastreuse pour les Juifs. Assassiné par trahison, il est succédé par son frère Simon, surnommé le Joyau.

Sous la direction de ce dernier, tous les Juifs de la Palestine gagnent leur indépendance nationale (143). Simon est en mesure de terminer la fortification de Jérusalem qui sera réputée imprenable. Il rend héréditaire la souveraine sacrificature pour la famille maccabéenne; le peuple acquiesce, car il jouit d’une relative liberté politique et d’une aisance matérielle non négligeable. Simon enverra des ambassadeurs à Rome pour maintenir de bons rapports amicaux. Rome fera clairement comprendre à la Syrie et à l’Égypte que désormais la Palestine sera placée sous sa protection.

Avec Jean Hyrcan, fils de Simon, le déclin maccabéen est entamé. Les chefs juifs n’ont pas la même envergure que les pères et ne sont pas aussi patriotes que leurs prédécesseurs, ni trop zélés pour la religion ancestrale. Sécularisés et grands admirateurs de la culture hellénistique, ils adoptent celle-ci sans scrupule.

Hyrcan est cependant un grand chef militaire. Il étend les frontières au-delà des anciennes bornes. Il soumet les Édomites, ou Iduméens, et leur impose la religion juive. Il envahit également la Samarie et détruit le temple samaritain. En dépit de tels succès, l’agitation à l’intérieur ne s’apaise point. Les Juifs pieux refusent Hyrcan comme leur souverain sacrificateur. Pendant ce temps, des sectes religieuses rivales font leur apparition. Nous y reviendrons plus loin.

Après la mort d’Hyrcan, son fils Aristobule préside aux destinées de la nation, pour une brève période seulement, à peine une année. Alexandre Jannée, son frère, lui succède et se comporte en tyran détesté, dépourvu de scrupules, cruel, ouvertement partisan des hellénistes. Il fait massacrer une grande partie de ses concitoyens qui s’opposent à son régime. L’agitation s’intensifie et les Juifs ne peuvent éviter de tomber vassaux de la Syrie. C’est à ce moment qu’apparaît Antipas, grand-père d’Hérode (le Grand); il est désigné gouverneur de l’Idumée. Après la mort de Jannée, sa veuve Alexandra monte sur le trône. Malgré ses idées nobles et généreuses, elle n’a pas les moyens de les imposer aux Juifs. La corruption a gagné toutes les couches de la population, la cour elle-même étant un nid de complots et un foyer d’incessantes trahisons. Durant le règne d’Antipas, son fils Antipater, le père d’Hérode le Grand, montera sur le trône d’Idumée. Par ailleurs, des scribes avec des membres du parti des pharisiens seront associés au sanhédrin, des synagogues s’ouvriront partout.

À la mort d’Alexandra, survenue en l’an 69 avant J.-C., ce sont ses fils Hyrcan II et Aristobule qui rivaliseront pour la succession. Tous les deux s’adresseront à Rome pour obtenir son assistance. Alors, Pompée, le général romain vainqueur des batailles en Asie Mineure et en Syrie, décide de marcher sur Jérusalem et il y entre effectivement en libérateur. Pompée nommera Hyrcan II souverain sacrificateur. Ce dernier, simple pantin entre les mains du nouveau maître, servira ses projets avec l’aide de son premier ministre Antipater, lequel depuis l’Idumée s’était déjà transféré en Judée. En l’an 37, le fils de celui-ci, Hérode le Grand, épouse Mariamne, une Maccabéenne, et, sous les auspices des Romains, succède au trône de son père et devient le nouveau maître de la Judée et de la Samarie.

Voici la dynastie des Maccabées :

Mattathias - 168-166
Judas Maccabée - 166-160
Jonathan Maccabée - 160-142
Simon Maccabée - 142-135
Jean Hyrcan - 135-104
Aristobule - 104-103
Alexandre Jannée - 103-76
Alexandra Salom - 76-67
Hyrcan II contre Aristobule II - 67-63
Hyrcan II - 63-40
Antigone - 40-37

4. La période romaine (-37 à +70)🔗

a. La montée de l’Empire romain🔗

La période qui a vu la rédaction du Nouveau Testament, c’est-à-dire le premier siècle de notre ère, est marquée par la domination romaine sur le monde civilisé connu de l’époque, hormis les petits royaumes de l’Extrême-Orient. Elle s’étend de l’Atlantique, à l’ouest, jusqu’à la mer Rouge et l’Euphrate, à l’est; du Rhône, en Gaule, jusqu’au Danube et la mer Noire, atteignant les pays montagneux du Caucase, au nord, jusqu’au Sahara, au sud. Toutes ces régions sont placées sous le gouvernement impérial romain. Dans Luc 2.1, l’empereur est appelé Auguste et dans 1 Pierre 2.17, roi.

L’Empire romain dérive son nom de sa capitale, Rome, en Italie, à partir de laquelle a eu lieu son expansion vers l’extérieur. Fondée en l’an 753 avant J.-C., Rome n’était à l’origine qu’une petite communauté formée de villages et gouvernée par un roi-seigneur. Au début du 5siècle, elle forme un gouvernement organisé comme république. Grâce à des alliances conclues avec d’autres communautés, et à la suite d’une longue succession de guerres contre les Étrusques au nord et autres tribus au sud, Rome parvient, déjà en 265, à maîtriser la totalité de la péninsule italienne. Les peuples soumis s’allient à elle par un pacte pour pouvoir maintenir la paix, mais progressivement ils seront absorbés par elle.

Durant les deux siècles suivants, Rome s’engage dans une grande lutte contre Carthage, en Afrique du Nord, un redoutable rival à l’ouest de la Méditerranée. À l’origine, Carthage n’était qu’une petite colonie phénicienne, mais par suite du renversement de la mère patrie sous Alexandre le Grand, la colonie devint indépendante. En suivant le modèle des Phéniciens, elle acquit de la prospérité et forma une puissante nation. Ses navires se chargent de tout le commerce de la Méditerranée. Sa civilisation est foncièrement orientale, sa société est gouvernée par une oligarchie maintenue par une armée de mercenaires; à la tête de son gouvernement se trouve un prince autocrate. Tandis que Rome s’étend, le conflit entre elle et celle-ci devient inévitable, notamment dans les postes avancés de l’Empire carthaginois. Outre le fait que les deux civilisations sont étrangères, du point de vue racial et dans leurs conceptions politiques, il n’existe en ce moment pas de place pour une coexistence pacifique. L’un devait par conséquent disparaître au profit de l’autre. Les longs et sanglants conflits entre les deux puissances sont connus sous le nom de guerres puniques. Elles cessèrent en 146 avant notre ère lorsque Scipion Émilien pénétra dans la ville de Carthage et la fit raser au sol.

Ainsi, Rome parvient à étendre désormais son pouvoir sur l’Espagne et sur une grande partie de l’Afrique du Nord. Simultanément, la Macédoine est déclarée province romaine; Corinthe subira un sac terrible, qui la fera oublier durant près d’un siècle. L’Achaïe, la partie méridionale de la Grèce, se trouve également sous férule romaine.

En l’an 133, Attale III de Pergame mourait en léguant ses territoires à l’Empire romain. Ces régions formeront la province romaine connue sous le nom d’Asie constituée par une large partie de l’actuelle Asie Mineure.

D’autres conflits dans la partie orientale de l’Asie Mineure persisteront jusqu’à ce que Pompée pût compléter la conquête du Pont et du Caucase. En 63, il organise la Syrie en province en l’annexant à la Judée. En 58 et 57, Jules César conduit la célèbre campagne de la Gaule et bientôt il en fait une autre province romaine.

Ainsi, durant près de cinq siècles de guerres ininterrompues, Rome, d’obscur village des bords du Tibre qu’elle était, deviendra l’un des empires les plus puissants et les plus prestigieux de l’antiquité. Cependant, cette expansion territoriale amène aussi de profonds bouleversements dans ses mœurs. Tandis que les chefs militaires prennent un goût immodéré du pouvoir et se servent de l’armée non pour des conquêtes à l’extérieur, mais pour garder entre leurs mains les rênes de l’empire. Les siècles, depuis la conquête de Carthage et de la Grèce jusqu’à la mort de Jules César, sont marqués par une incessante suite de guerres civiles. Marius, Silla, César, Antoine, Octave, l’un après l’autre s’acharneront à s’éliminer mutuellement dans d’âpres luttes, jusqu’au moment où Octave, surnommé Auguste César par le Sénat, réussit à l’emporter sur ses rivaux; en l’an 30 avant notre ère, il concentre entre ses mains le pouvoir absolu (27 avant J.-C. à 14 après J.-C.)

b. Les empereurs🔗

Ce fut sous le règne d’Auguste que l’imperium romain, la puissance de l’état impérial, fut établi totalement. Le peuple, las de guerre, cherchait avidement la paix. Auguste devint le « princeps », c’est-à-dire le premier citoyen du pays. Il régna avec modération et pour le bien de ses sujets. Au point de vue politique, la nouvelle principauté est un dosage entre l’ancien républicanisme et la dictature que César souhaitait. Le Sénat est retenu théoriquement au moins comme le véritable exécutif. En 27 avant le Christ, il accorde à Auguste l’office de commandant suprême des forces armées. En 23, Auguste obtient le pouvoir du tribun à vie, c’est-à-dire celui de contrôler les assemblées populaires; il devient le représentant permanent du peuple. Il lui est accordé la prérogative d’introduire la première discussion dans le Sénat et le droit de convoquer des réunions. Tous ses droits sont fondés sur une base constitutionnelle plutôt que sur l’arbitraire du gouvernement central.

Plusieurs réformes ont lieu sous son règne. Le Sénat est expurgé de ses membres ineptes. Une grande partie de l’armée est démobilisée et les vétérans déchargés sont fixés dans des colonies, ou bien sur des terres qu’on acquiert à leur intention. Une armée professionnelle régulière est créée qui devient une école pour l’ensemble des citoyens. À la retraite, les vétérans reçoivent une prime et sont établis dans des provinces où ils peuvent mener une existence assurée et devenir les conducteurs de la communauté romaine.

Auguste a également pourvu à l’amélioration de la morale populaire. Il ranima la religion des ancêtres et rétablit plusieurs temples. Le culte impérial, au début fixé à Rome, est à présent introduit dans les provinces conquises. Dans plusieurs endroits, la personne de l’empereur fait l’objet d’un culte, en tant que « Dominus et Deus », « Seigneur et Dieu », bien qu’il ne l’ait pas exigé. Les lois juliennes de 19 et 18 avant J.-C. tentèrent de restaurer la vie familiale en encourageant le mariage et l’établissement des foyers familiaux. Pour consolider l’empire, il fait faire un recensement de la population et de toutes les propriétés comme base de recrutement de l’armée et pour les taxes. L’Espagne, la Gaule et les régions alpines sont soumises à ce régime. Il renforce la défense des frontières, ce qui n’a toutefois pas empêché une défaite de l’armée aux mains des Germains dans la forêt de Teutoberg. Auguste organisa la police et les départements de Rome en désignant un surveillant pour l’approvisionnement du grain. Pendant les 41 années de son administration, il mit de l’ordre dans le chaos. Il restaura la confiance dans le gouvernement impérial, stabilisa la trésorerie, assura la paix et promut la prospérité matérielle. Ce fut sous son règne, lors du grand recensement ordonné par lui, que naquit le Sauveur du monde.

Son successeur Tibère (14 à 37 après J.-C.) est son fils adoptif. L’imperium (l’autorité), pour laquelle Auguste avait conçu des règles constitutionnelles pour une période limitée seulement, revient à Tibère et désormais il l’est à vie. Tibère a 56 ans au moment de son accession au pouvoir; durant la plus grande partie de sa vie antérieure, il fut au service de l’État; le nouvel empereur n’est donc pas un novice en matière de politique impériale. Auguste avait eu la malheureuse idée de forcer Tibère à divorcer de sa femme pour épouser Julia, sa fille, une femme, rapporte-t-on, de mœurs légères. Le dépit ressenti rendit Tibère d’un tempérament amer. Distant, voire hautain, susceptible et irascible, néanmoins il présida aux destinées de l’empire avec un grand savoir-faire. Malgré cela, il n’a pas joui de la même popularité que son prédécesseur et père adoptif. Il fut certes craint, mais non aimé.

Ses armées subirent plusieurs revers en Allemagne, ce qui l’obligea à se retirer en deçà du Rhin. D’autres troubles intérieurs assombrirent davantage encore les dernières années de sa vie. En l’an 26, il se retira à Capri abandonnant le gouvernement effectif entre les mains du préfet de la ville de Rome. Mais son absence occasionna un complot fomenté par Aelius Séjanus, un capitaine des gardes, pour se saisir du pouvoir. Celui-ci avait presque réalisé son projet en l’an 31, quand Tibère découvrit le complot. Le rebelle fut exécuté et le complot échoua, mais l’effet que l’événement produisit fut désastreux pour l’empereur. De plus en plus susceptible, voire cruel, le moindre chuchotement le mettait aux aguets. Quand il mourut en l’an 37, le Sénat pouvait enfin respirer avec soulagement.

Les ministères de Jean-Baptiste et de notre Seigneur, ainsi que sa crucifixion eurent lieu durant le gouvernement de Tibère.

Caligula (37-41), succède à Tibère; au début de sa carrière, il est très populaire, mais progressivement cette popularité s’estompe. Des signes de maladie mentale apparurent; il exigea qu’on l’adore, ce qui lui aliéna la sympathie des Juifs. Lorsque Hérode Agrippa rendit visite à Alexandrie, les habitants l’insultèrent publiquement et le forcèrent à adorer les images de Gaïus. Les Juifs firent appel à l’empereur, lequel au lieu de les entendre donna l’ordre au légat de la Syrie d’ériger une statue dans le temple de Jérusalem. Par prudence, ce dernier fit retarder l’exécution de l’ordre impérial. Selon les spécialistes du Nouveau Testament, « l’abomination de la désolation » dont il est question dans Marc 13.14 ferait allusion à la menace de la présence de cette statue de l’empereur. Avec ses dépenses inconsidérées, Caligula vida la trésorerie et, pour la renflouer, il eut recours à des moyens violents, y compris à des confiscations de biens; sa tyrannie devenant de plus en plus insupportable, il fut finalement assassiné par un tribun des gardes impériales.

Claude (41-54). À la mort de Caligula, le Sénat envisage de revenir vers le régime républicain. Cependant, la garde prétorienne salue en Tiberius Claudius Germanicus son nouveau chef et empereur. D’âge moyen, d’une capacité mentale inférieure à la moyenne, davantage porté vers la littérature qu’aux affaires du gouvernement, il sera mené par le bout du nez par ses secrétaires et ses épouses. Il étend le privilège de la citoyenneté à des provinciaux. Ses généraux réussissent à prendre pied en Bretagne, allant aussi loin que la Tamise. La Thrace, dont le prince venait de décéder, devient à son tour une nouvelle province romaine. C’est sous Claude que les Juifs de Rome sont chassés (parmi lesquels Aquila et Priscille), accusés d’êtres des agitateurs, prétendument sous l’instigation d’un certain Chrestus, selon l’historien romain Suétone; il est probable que celui-ci confonde ce Chrestus avec le Christ. Claude épousera sa propre nièce Agrippine en quatrièmes noces. Cette dernière lui fait adopter Domitius, son fils qu’elle avait eu d’un précédent mari, pour qu’il obtienne l’héritage. Domitius prend alors le nom de Néron Laudius César et, en 53, il épouse Octavie, fille de Claude. Claude meurt l’année suivante, laissant à Néron la succession du trône.

Néron (54-68). Les cinq premières années du nouvel empereur seront pacifiques. Avec Afranius Burrus, préfet de la garde prétorienne, et Anneus Seneca, le philosophe et auteur, il réussit à administrer correctement l’empire. Mais Agrippine, cherchant à exercer sur lui une ascendance, aussi bien l’empereur que ses conseillers ressentent cette ingérence avec violence. Néron la fera assassiner en 59 pour exercer enfin sans entrave son autorité. Par tempérament, il est plus artiste que politique. Mais ses extravagances et l’insouciance avec laquelle il dépense les deniers publics vident la trésorerie; comme son prédécesseur, Néron a recours à des mesures d’extorsion, ce qui soulèvera la haine de la population autant que la désapprobation du Sénat. Les membres de cette assemblée craignent que l’empereur ne donne l’ordre de les faire assassiner. En 64, un incendie ravage Rome et en détruit une grande partie. L’empereur est soupçonné, avec raison d’ailleurs, d’en être l’instigateur, dans le dessein démentiel de rebâtir la capitale d’après un plan d’urbanisme entièrement nouveau. Craignant pour sa vie, il accuse alors les chrétiens d’être les responsables de la catastrophe, ce qui porte la fureur de la populace sur ces derniers. Ainsi commence la première grande persécution contre les chrétiens dont un grand nombre subira le martyre. Selon la tradition, ce serait durant cette première persécution officielle, l’une des plus violentes, qu’auraient péri les apôtres Paul et Pierre.

Cependant, l’empereur est toujours plus suspect et odieux aux yeux de ses sujets, même païens. Plusieurs complots sont, pour commencer, matés et des opposants assassinés. Mais finalement, une révolte des troupes et de provinciaux en Gaule et en Espagne l’emporte; Néron s’enfuit de Rome, mais, arrêté, il est exécuté sur son propre ordre, par l’un de ses affranchis, afin d’échapper à une capture déshonorante.

Galba (68). Cette révolte avait était l’œuvre de l’armée, laquelle sans se référer au Sénat place Galba sur le trône qui très peu après sera assassiné par son successeur.

Othon (69). Quoique le Sénat ait approuvé l’élection d’Othon, c’est Vitellius, le légat de Germanie qui marche sur Rome à la tête de ses troupes et parvient à assassiner le nouvel empereur pour en prendre la succession.

Vitellius (69). Il est reconnu par le Sénat, mais il est incapable de contrôler son empire et de maintenir un gouvernement stable. L’armée de l’Orient intervient dans les affaires de l’État et déclare Vespasien nouvel empereur. À l’époque, ce dernier occupe le poste de gouvernement à Jérusalem. Il confie ses responsabilités à son fils adoptif Tite pour se rendre en Égypte d’où il exerce le contrôle du pays, coupant les routes d’approvisionnements. Son lieutenant Mucianus marche alors sur l’Italie. En dépit de la résistance courageuse des troupes de Vitellius, les partisans de Vespasien entrent à Rome et mettent la capitale à sac. L’empereur est assassiné et Vespasien proclamé nouveau maître.

Vespasien (69-79). C’est un vieux soldat que les troupes portent sur le trône. Frugal dans ses habitudes et vigoureux dans son administration, Vespasien supprime la révolte des Battaves et des Gaulois, pendant que Tite achève la réduction de Jérusalem. Celle-ci sera entièrement détruite durant le célèbre siège et la province de la Palestine sera désormais placée sous le commandement d’un légat. Les frontières nouvelles de l’empire seront renforcées en réduisant les principautés au statut de province. La trésorerie est solvable par des économies effectuées et l’imposition de nouveaux impôts. Vespasien fait bâtir de nouveaux édifices dans la capitale qui seront célèbres, entre autres le Colisée. Il mourra en laissant à Tite la charge impériale, celui-ci étant devenu déjà coempereur. Vespasien est le premier de la dynastie des Flaviens, dont sont aussi Tite et Domitien.

Tite (79-81). La brièveté du règne de Tite ne lui permis pas d’accomplir des actes remarquables. Cependant, sa popularité fut grande aussi bien par certaines des manifestations publiques qu’il organisait que par sa générosité personnelle; on lui attribue la célèbre phrase « Diem perditi », j’ai perdu ma journée, qu’il affectionnait de répéter s’il se passait un jour sans le voir accomplir un geste de bonté. Son règne fut le témoin de la destruction de la ville de Pompéi, à la suite de l’éruption du volcan du Vésuve, de Herculanum ainsi que d’autres villages de la région de la baie de Naples. Tite désignera une commission pour s’occuper des sinistrés et les secourir. Quelques mois plus tard, la capitale elle-même est ravagée par un incendie monstrueux qui vit détruire le Capitole et les Bains d’Agrippa. Tite, dit-on, vendit de ses propres biens meubles pour secourir les victimes. À son tour, il fit construire de nouveaux édifices publics, dont nombre d’amphithéâtres.

Domitien (81-96). Tite n’a pas laissé de fils pour prendre sa succession; aussi le Sénat désigna-t-il comme successeur son jeune frère. Domitien est connu comme un autocrate et un rude despote. Il cherchera à élever le niveau de la morale de la société romaine en restreignant toutes les formes de la corruption courante sur les scènes et en réglementant sévèrement la prostitution publique. Des temples des vieux dieux sont rebâtis, les religions étrangères supprimées ou interdites, particulièrement celles qui pratiquent le prosélytisme. Une persécution contre les chrétiens lui est attribuée, bien que les preuves d’un décret officiel relatif à celle-ci fassent défaut. Cependant, il exigera le culte de sa personne se faisant appeler « Dominus et Deus », Seigneur et Dieu. Comme économiste, il fut un excellent administrateur. Pourtant, il ne fera pas preuve du même esprit de générosité que son frère Tite. En réprimant des complots, il sera sans pitié pour ses adversaires. Les dernières années de son règne seront un véritable cauchemar jusque pour le Sénat. Même sa propre famille ne se sentira plus en sécurité et, enfin, afin de sauvegarder la paix et la sécurité générale, il est liquidé physiquement.

Nerva (96-98). Il est choisi par le Sénat. D’un certain âge et de tempérament plutôt modéré, en général il est bon administrateur; l’empire connaît alors une période exempte de tensions internes. Il choisit Trajan comme successeur, l’estimant capable de tenir l’armée.

Trajan (98-117). À la mort de Nerva, Trajan prend la relève. Le nouvel empereur est d’origine espagnole, par profession soldat, énergique et entreprenant de tempérament. Il annexe la Dacie au nord du Danube (l’actuelle Roumanie), élargit les frontières vers l’est par la conquête de l’Arménie, de l’Assyrie, de la Mésopotamie. Une révolte juive dans le Proche-Orient est réprimée (115), mais d’autres soulèvements et insurrections en Afrique, en Bretagne et dans les confins du Danube occasionneront son rappel à Rome. Il mourra en route, tandis qu’il se rend vers la Cilicie.

c. Le gouvernement provincial🔗

L’Empire romain est un amalgame de villes indépendantes, d’états semi-indépendants, autonomes, de territoires à moitié régis par Rome et dont tous sont cependant sujets au gouvernement central. Certains en font délibérément partie, d’autres sont purement annexés par la force du glaive. Tandis que Rome étend sa souveraineté sur ses sujets alliés, sa machine gouvernementale se développe pour devenir ce que l’on sait comme le système romain.

À l’origine, le terme de province signifie la charge de conduire la guerre ou poste de commandement. Appliqué au gouvernement en général, il s’étend à la sphère de l’autorité et au territoire conquis, qui sera également appelé « provincia ». Lorsque de nouveaux territoires sont annexés, ceux-ci seront organisés en provinces, devenant parties du système impérial général.

L’acquisition par Rome des provinces débute avec la Sicile et la prise de Carthage (264-241). Ensuite, c’est le tour de la Sardaigne, de deux provinces en Espagne, de la Macédoine, de l’Afrique, de l’Asie. La Gaule transalpine et cisalpine est ajoutée en 118. La Cyrénaïque est laissée à Rome en 75. En 67, Pompée annexe la Cilicie et la Crète; en 63, il occupe la Palestine. Excepté pour l’Italie, la grande partie du monde romain consistera en des territoires placés sous gouvernement provincial. Ce gouvernement sera de deux types : provinces relativement pacifiques et loyales à Rome, régies par des proconsuls (Ac 13.7), directement responsables au Sénat; provinces plus turbulentes se trouvant placées sous l’autorité directe de l’empereur, qui y fait très souvent stationner des armées; ces territoires sont administrés par des préfets, des procuratores ou des propraeteurs, prêteurs, désignés par l’empereur et directement responsables devant lui. L’Achaïe appartient à la première catégorie, dont Gallion est le proconsul pendant le séjour de Paul à Corinthe (Ac 18.12).

Au temps de Jésus, la Palestine se trouve sous supervision de l’empereur, dont le représentant Ponce Pilate est le gouverneur-procurateur. Les proconsuls tiennent leurs charges pour une désignation annuelle et généralement ils changent de poste une fois par an. Le procurateur et le prêteur les conservent aussi longtemps que l’empereur les leur confie. Sous l’administration de ces officiers, les provinces jouiront d’une liberté appréciable. La Cité-État individuelle avait le droit de retenir sa souveraineté locale et même de frapper sa propre monnaie. Les Romains n’entraveront pas la liberté religieuse des peuples conquis, de sorte que le culte indigène est habituellement maintenu. Les gouverneurs romains prennent d’ordinaire l’avis des conseillers provinciaux dans leur administration.

Les fonctionnaires qui abusent des sujets doivent rendre compte et sont convoqués devant un tribunal et révoqués. Bien que certains des plus hauts fonctionnaires se soient permis de vieilles habitudes de corruption, la majorité administrera la province avec justice et correctement. Des routes sont construites, des édifices publics érigés, le commerce se développe rapidement.

Afin d’unir les provinces plus étroitement à la cité mère, des petites colonies romaines sont installées dans des régions stratégiques. Progressivement, la civilisation romaine s’étendra faisant des provinces administrées plus romaines encore que Rome. Au cours du 2siècle de notre ère, tandis que Rome parle le grec, la Gaule, l’Espagne, l’Afrique utilisent largement le latin.

Le culte impérial est plus répandu en province que dans la patrie. Auguste avait ordonné que des temples fussent érigés en l’honneur de Jules César; ils le furent à Éphèse, à Nicée par des citoyens romains qui y résidaient, ou par des nationaux. Le culte de l’État est adopté par des conseillers régionaux ou locaux qui en assurent le fonctionnement. Une bonne illustration du conseil provincial est offerte dans Actes 19.31 où les Asiarques sont mentionnés. Ces derniers sont des magistrats considérés comme responsables des provinces, pouvant servir même de prêtre du culte impérial. Dans les Actes, ils sont amicaux envers Paul, ils l’avertissent de ne pas s’exposer à la violence de la multitude dans le théâtre.

Les provinces romaines mentionnées dans le Nouveau Testament sont les suivantes : l’Illyrie, la Macédoine, l’Achaïe, l’Asie, le Pont, la Bithynie, la Galatie, la Cappadoce, la Cilicie, la Syrie, la Judée, Chypre, la Pamphylie, la Lycie. Certaines sont mentionnées plus d’une fois. L’Illyrie porte un autre nom, celui de Dalmatie. D’ordinaire, l’apôtre Paul emploie des noms provinciaux pour signaler des divisions de l’empire, tandis que Luc se sert plutôt des noms des divisions nationales. Souvent, les provinces incluent plus d’un groupe ethnique, par exemple les Lycaoniens de Lystre et de Derbe, en Galatie.

Le gouvernorat des provinces était recherché par des fonctionnaires publics parce qu’il procurait une source de revenues très appréciable. Certains gouverneurs étaient tellement rapaces que des provinces s’appauvrissaient rapidement par de lourds impôts qu’on y levait. D’autres feront un usage pondéré des impôts, faisant construire des routes et des ports maritimes, pour développer le commerce et élever le niveau économique. Jusqu’à l’époque de Constantin le Grand (4siècle), les provinces sont sous la tutelle du gouvernement central et jamais traitées comme états égaux au sein d’une confédération.

Voici la liste des procurateurs de la Judée au premier siècle :

Coponius - 6-10
Ambivius - 10-13
Annius Rufus - 13-15
Valerius Gratus - 15-26
Pontius Pilatus - 26-36
Marcellus - 36-38
Marullus - 38-41

Durant le règne du suzerain Hérode Agrippa I en Judée, il n’y aura pas de procurateur (41-44)

Cuspius Fadus - 44-46
Tiberius Julius Alexander - 46-48
Ventidius Cumanus - 48-52
M. Antonius Félix - 52-59
Porcius Festus 59-61

Paul comparaîtra devant ces deux derniers

Albinus - 61-65
Gessius Florusa - 65-67
Vettulenous Cerialis - 67-72
Destruction de Jérusalem - 70
Lucilius Bassus - 72-75
M. Salvienus - 75-86
Pompeius Longinus - 86

d. Le règne d’Hérode et de ses successeurs🔗

Hérode le Grand occupera le trône de la Judée de l’an 37 à 4 avant J.-C. Il n’est pas juif, mais Iduméen (Édomite). Au fond de lui-même, il est foncièrement païen quoiqu’ayant épousé une juive, il n’a que la façade de la conversion au judaïsme. Au grand déplaisir des pharisiens, il introduit en Palestine le théâtre grec, des combats de gladiateurs, ainsi que d’autres fêtes et combats d’animaux. Politicien rusé, il fit tout pour conserver la faveur de Rome. Mais la suspicion et la crainte d’une rivalité le hanteront tout au long de son tristement célèbre règne. Il alla jusqu’à mettre à mort des membres de sa propre famille, dont Mariamne, sous prétexte de prévenir des complots ourdis contre sa personne. Mais il fera également preuve de grandes capacités d’administrateur averti et donnera des signes d’un goût artistique éprouvé. L’architecture de son époque en est le témoin éloquent.

Le Christ est né sous son règne (entre l’an 6 et 5 avant notre ère). Un autre événement marquant de cette même période est la reconstruction du temple de Jérusalem, le troisième. L’on croit qu’Hérode fit reconstruire le temple pour montrer son regret d’avoir assassiné Mariamne, la fille d’un prêtre.

Durant cette période, la secte des pharisiens se divisera en deux écoles rivales : l’une libérale, l’école de Hillel, l’autre conservatrice, celle de Shammaï. Deux autres partis politiques juifs verront également le jour : les hérodiens, partisans de la maison royale, les zélotes, farouches nationalistes cherchant à chasser l’occupant étranger.

À ce désir pour l’indépendance est sous-jacente l’attente du Messie, personnage apocalyptique, davantage libérateur politique que restaurateur de la vraie religion, le Serviteur souffrant du livre du prophète Ésaïe. Ce trait explique pourquoi certains contemporains de Jésus s’attendirent à ce qu’il s’engageât dans une action politico-militaire violente. Jésus s’y refusera, car sa mission consiste en la rédemption qui est selon le dessein éternel de Dieu, révélé et prédit déjà par les livres prophétiques de l’Ancien Testament.

Hérode Antipas mérite un traitement plus ample du fait que le Seigneur ait comparu devant lui lors de son procès.

L’Évangile de Luc est le seul à mentionner la comparution de Jésus devant Hérode. Le quatrième juge devant lequel il comparaît est le fils d’Hérode le Grand et de l’une de ses cinq femmes, Malthaké, une Samaritaine. Il ne dégénérait pas de son père, écrit Giovanni Papini, étant cruel comme lui et cruel contre les siens. Quand son frère, son propre frère utérin, Archélaüs, fut accusé par ses sujets, il s’employa à son exil. À 17 ans, il commença à régner comme tétrarque sur la Galilée et sur la Pérée et, pour gagner la faveur de Tibère, il s’offrit comme rapporteur secret des faits et dits de ses frères et des dignitaires romains de Palestine. Au cours d’un voyage à Rome, il s’éprit d’Hérodiade qui était à la fois sa nièce (fille de son frère Aristobule) et sa belle-sœur (épouse de son frère Hérode); et sans hésiter, devant un double inceste, il la persuada de le suivre, avec sa fille Salomé. Sa première femme, fille d’Arétas, roi des Nabatéens, se réfugia chez son père qui attaqua Hérode et le défit.

C’est à cette époque que Jean-Baptiste se faisait un nom parmi le peuple. Il avait laissé échapper des paroles de réprobation contre les deux incestueux adultères et cela suffit pour qu’Hérodiade amenât son nouveau mari à le faire prendre et enfermer dans la forteresse de Machéronte. Tous savent comment le tétrarque, les sens allumés par les danses lascives de la fille d’Hérodiade, encore jeunette, et méditant peut-être un inceste nouveau, dut lui offrir la tête chevelue de Jean sur un plat d’or.

Mais l’ombre du prophète, même après la décollation, allait le troubler et, quand on commença à parler de Jésus et de ses miracles, il dit à ses courtisans : « C’est Jean-Baptiste! Il est ressuscité des morts, et c’est pour cela qu’il a le pouvoir de faire des miracles » (Mt 14.20). Il semble qu’il ait fait surveiller Jésus et qu’il ait pensé à lui faire subir le sort du précurseur. Mais après réflexion, il résolut par superstition ou par politique de ne plus avoir affaire aux prophètes et il comprit que le mieux était de contraindre Jésus de sortir de la tétrarchie. Un jour, quelques pharisiens, probablement à l’instigation d’Hérode, vinrent à Jésus et lui dirent :

« Va-t’en, part d’ici, car Hérode veut te tuer. Il leur dit : Allez dire à ce renard : Voici : je chasse les démons et j’accomplis des guérisons aujourd’hui et demain; et le troisième jour, ce sera pour moi l’achèvement. Mais il faut que je marche aujourd’hui, demain et le jour suivant; car il ne convient pas qu’un prophète périsse hors de Jérusalem » (Lc 13.31-33).

Et, voici qu’à Jérusalem, près de la mort, il comparaît devant le « renard ». Traître, espion, adultère et incestueux, meurtrier de Jean et ennemi des prophètes, Hérode est tout désigné pour condamner l’innocence. Mais Jésus l’a bien nommé : c’est un renard plutôt qu’un tigre et il n’a pas l’impudence de se substituer à Pilate. Et même, raconte Luc, il eut une grande joie de voir Jésus, car depuis longtemps il en avait le désir parce qu’il avait entendu parler de lui et il espérait lui voir opérer quelque miracle.

Ce que Luc rapporte de cette entrevue est conforme à ce que nous savons déjà du caractère d’Hérode Antipas, prince inquiet, superstitieux, cruel. Hérode salue comme une aubaine cette occasion de voir enfin Jésus. Il espère satisfaire sa curiosité et il a le désir de lui voir faire quelque miracle, à la manière d’un jongleur qui amuse la cour de ses tours. « Le fils de l’Iduméen et de la Samaritaine s’est échaudé au feu de Jean et il accueille Jésus comme un vieux dompteur marqué au bras de dents du lion et regarde une nouvelle bête fauve qu’on lui présente. » Il est très désireux, comme tous les barbares d’Orient, d’assister à quelque prodige et il pense que Jésus est un thaumaturge errant capable de reproduire à volonté ses tours de sorcellerie. Il le hait comme il haïssait Jean, et il le hait parce qu’il en a eu peur; les prophètes ont un pouvoir qu’il ne comprend pas, mais qui l’effraie. Peut-être la décollation de Jean lui a-t-elle porté malheur. Il désire lui aussi que le Christ soit tué, mais il n’a nulle envie de se faire complice de sa mort.

Le silence de Jésus devant lui est total et exprime le mépris que Jésus ressentait pour ce chef indigne qu’il avait traité de chacal. Or, devant le meurtrier de Jean-Baptiste, devant le prince dépravé et cruel, Jésus se retranche dans le silence. Malgré les questions dont le roi le presse, malgré les accusations réitérées dont les chefs l’accablent, Jésus se taira. Voyant qu’il ne sera témoin d’aucun miracle, il interroge longuement Jésus, mais Jésus ne répond pas. Il a rompu le silence devant les autres juges, mais il ne rompra pas pour ce charlatan couronné.

Humilié par ce silence méprisant, Hérode se vengera en ridiculisant son prisonnier. Par dérision, il le fait revêtir d’un vêtement magnifique, tel qu’en portaient les princes, et le renvoie à Pilate. L’astucieux Hérode veut bafouer la prétention de Jésus par l’ironie du présent, mais en même temps, le couvrant de cette blancheur, signe de souveraineté et d’innocence, le renard adresse à Pilate une ambassade symbolique qui, involontairement, confirme le message de l’épouse du procurateur, l’accusation de Caïphe et la confession du Christ.

Hérode Archélaüs est un autre fils d’Hérode le Grand et de Malthaké et plus jeune qu’Antipas.

Hérode Philippe I est aussi appelé Philippe dans Matthieu 14.3 et Marc 6.17. Il faut le distinguer de Philippe le Tétrarque d’Iturée et de Trachonite (Lc 3.1). Il est fils d’Hérode et de la seconde Mariamne, fille de Simon le souverain sacrificateur. Il est le premier époux d’Hérodiade (Lc 3.19) et le père de Salomé.

Hérode Philippe II est connu comme Philippe le Tétrarque, fils d’Hérode et de Cléopâtre de Jérusalem. Il régnera avant Jésus-Christ et il est connu pour sa modération et pour son gouvernement juste. Il bâtit Césarée, surnommé de Philippe, et Bethsaïda Julias, ville d’où notre Seigneur se retirera plus tard pour échapper aux mains d’Hérode Antipas (Lc 9.10). Sa femme est nommée Salomé, fille d’Hérode Philippe I et d’Hérodiade (Mt 14.3, Mc 6.14 et Lc 3.19).

Hérodiade est fille d’Hérode, le fils d’Hérode Aristobule, et nièce de Bernice. Elle a épousé en premières noces son oncle Hérode Philippe I dont elle a une fille nommée Salomé, celle qui ayant dansé le jour anniversaire du roi devant toute la cour, obtint de celui-ci l’exécution sommaire de Jean-Baptiste. Plus tard, Hérodiade divorcera pour épouser son frère Antipas qui la répudiera ce qui provoquera un conflit désastreux déclenché par le père d’Hérodiade.

Hérode Agrippa I est appelé aussi Agrippa le Grand; il est fils d’Aristobule et de Bérénice et petit fils d’Hérode le Grand. Lorsque Caligula monte au trône, il lui cède la tétrarchie de Philippe, décédé en l’an 34; en 38, il ajoutera la tétrarchie de l’exilé Antipas, c’est-à-dire la Galilée et la Pérée. En récompense à des services rendus à l’empereur Claude, Hérode Agrippa I recevra plus tard la Judée et la Samarie de même que le titre de roi. À présent, il gouverne sur tous les territoires qui jadis se trouvèrent sous le contrôle d’Hérode le Grand. Il a vécu à Jérusalem, observa la loi mosaïque et ne passa pas un seul jour sans offrir des sacrifices. Son zèle pour la loi le poussa à persécuter l’Église (Ac 12). Il meurt en l’an 44. Le récit de sa fin tragique est également rapporté par l’historien juif Flavius Josèphe qui confirme ce que rapporte Luc dans le livre des Actes des apôtres. Sa femme se nomme Cypros et parmi ses enfants se trouve Hérode Agrippa II, Bernice et Drusille.

Hérode Agrippa II est fils du précédent et de Cypros. Il n’a que 17 ans lorsque meurt son père. Claude estimant qu’il était beaucoup trop jeune pour assumer le pouvoir déclare le pays province romaine. En 48, Claude lui assignera le petit royaume de Chalcis et, en 53, en échange, il lui donne la tétrarchie de Philippe avec le titre de roi.

Plus tard, Néron lui ajoutera certaines villes de la Galilée et de la Pérée. En outre, il a la surveillance générale du temple et il faut lui créditer l’achèvement de celui-ci. Sa capitale se trouve en Césarée de Philippe qu’il élargira et renommera Néronias en l’honneur de son bienfaiteur. Il conseille à ses concitoyens de ne pas se rebeller contre Rome et, lorsque la guerre éclate, il prend le parti de Rome. Après la chute de Jérusalem en l’an 70, il reçoit de nouveaux territoires. Ses dernières années se passent à Rome où il mourra autour de l’an 100, dernier de la dynastie complexe des hérodiens. Quoiqu’expert en toute question courante chez les Juifs et formé dans l’orthodoxie, Paul le considère comme un adonné à une vie déréglée (Ac 25 et 26).

Bérénice (Ac 25.13) et Drusille (Ac 24.24) sont d’autres descendantes de la dynastie hérodienne.