Cet article sur Luc 23.32-53 a pour sujet trois des sept paroles de Jésus sur la croix par lesquelles il accomplit son ministère de Messie en accordant son pardon, en exerçant sa royauté et en remettant son esprit.

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Luc 23 - Le Messie sur la croix

« Avec Jésus on emmena aussi deux autres hommes, des bandits qui devaient être exécutés en même temps que lui. Lorsqu’ils furent arrivés au lieu appelé Le Crâne, on cloua Jésus sur la croix, ainsi que les deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Jésus pria : Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. Les soldats se partagèrent ses vêtements en les tirant au sort. La foule se tenait tout autour et regardait. Quant aux chefs du peuple, ils ricanaient en disant : Lui qui a sauvé les autres, qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie, l’Élu de Dieu! Les soldats aussi se moquaient de lui. Ils s’approchaient et lui présentaient du vinaigre en lui disant : Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même! Au-dessus de sa tête, il y avait un écriteau portant ces mots : Celui-ci est le roi des Juifs. L’un des deux criminels attachés à une croix l’insultait en disant : N’es-tu pas le Messie? Alors, sauve-toi toi-même, et nous avec! Mais l’autre lui fit des reproches en disant : Tu n’as donc aucune crainte de Dieu, toi, et pourtant, tu subis la même peine? Pour nous, ce n’est que justice : nous payons pour ce que nous avons fait; mais celui-là n’a rien fait de mal. Puis il ajouta : Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras régner. Et Jésus lui répondit : En vérité je te l’assure : aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le paradis. Il était environ midi, quand le pays tout entier fut plongé dans l’obscurité, et cela dura jusqu’à trois heures de l’après-midi. Le soleil resta entièrement caché. Le grand rideau du Temple se déchira par le milieu. Alors Jésus poussa un grand cri : Père, je remets mon esprit entre tes mains. Après avoir dit ces mots, il mourut. En voyant ce qui s’était passé, l’officier romain rendit gloire à Dieu en disant : Aucun doute, cet homme était juste. Après avoir vu ce qui était arrivé, tout le peuple, venu en foule pour assister à ces exécutions, s’en retourna en se frappant la poitrine. Tous les amis de Jésus, ainsi que les femmes qui l’avaient suivi depuis la Galilée, se tenaient à distance pour voir ce qui se passait. Il y avait un homme, appelé Joseph, un membre du grand conseil des Juifs. C’était un homme bon et droit, qui n’avait pas approuvé la décision ni les actes des autres membres du Grand Conseil. Il venait d’Arimathée, en Judée, et attendait le royaume de Dieu. Il alla demander à Pilate le corps de Jésus. Après l’avoir descendu de la croix, il l’enroula dans un drap de lin et le déposa dans un tombeau taillé en plein rocher, où personne n’avait encore été enseveli. »

Luc 23.32-53

Lors de sa crucifixion, Jésus a prononcé sept paroles, qui nous sont rapportées dans les quatre Évangiles du Nouveau Testament. On ne peut pas savoir s’il en a prononcé d’autres, en tout cas ces sept paroles nous ont été transmises par les témoins oculaires de sa crucifixion ou ceux qui ont reçu leur témoignage. C’est le cas de l’évangéliste Luc qui s’est soigneusement informé au sujet de tout ce qui avait trait à la personne et au ministère de Jésus-Christ, comme il l’explique au début de son Évangile à la personne à qui il le dédicace, un certain Théophile. Luc rapporte trois des sept paroles qui nous sont parvenues. Je voudrais vous parler de la signification de ces paroles et les placer dans le contexte qui leur donne tout leur sens : celui non seulement de l’Évangile de Luc dans son ensemble, mais le contexte de l’ensemble de la Bible, Ancien et Nouveau Testament. Ces paroles, et tout ce qui se passe durant cette crucifixion, démontrent que, contrairement aux apparences, sur la croix Jésus continue et parachève son œuvre de Messie, justement ce qu’il est venu accomplir sur terre. Le texte cité plus haut nous rapporte le récit de la crucifixion de Jésus au chapitre 23 de l’Évangile selon Luc.

Jésus poursuit son ministère messianique sur la croix, en dépit des apparences. Cela deviendra tout à fait clair lorsque nous aborderons les trois paroles qu’il prononce durant sa crucifixion, d’après l’Évangile selon Luc. Mais revenons au début de son ministère messianique, qui débute lors de son baptême par Jean-Baptiste dans les eaux du Jourdain, au chapitre 3 du même Évangile.

Immédiatement après, au chapitre 4, ce ministère est testé lors de la tentation de Jésus par Satan, qui tâche de le faire dérailler de la mission qui est la sienne : par deux fois, Satan lui dit : Si tu es le Fils de Dieu, fais ceci ou cela… Satan échoue dans sa tentative de sabotage du ministère de Jésus et il se retire, mais seulement provisoirement. « Lorsque le diable eut achevé de le soumettre à toutes sortes de tentations, il s’éloigna de lui jusqu’au temps fixé » (Luc 4.13). On pourrait aussi traduire cette dernière expression par « jusqu’à un moment opportun ».

Or, voici que lors de sa crucifixion Jésus se voit de nouveau tenté trois fois par le diable pour prouver sa messianité; c’est-à-dire la prouver exactement comme Satan le voudrait, depuis le jour de la tentation au désert : non pas en complétant sa mission sur la croix, mais en empruntant un raccourci, qui apportera peut-être une rémission provisoire aux hommes, mais certainement pas le salut éternel dont l’humanité plongée dans le péché a avant tout besoin. De cette manière, Satan pourrait demeurer le prince de ce monde…

Qui sont donc les instruments de cette nouvelle triple tentation? Premièrement les chefs du peuple, deuxièmement les soldats au service des autorités romaines, troisièmement un des deux malfaiteurs. Chacun des trois se moque de la messianité de Jésus et le défie de la prouver. Or, si nous regardons de près les paroles qu’ils prononcent, nous découvrirons en filigrane les trois tentations du diable dans le désert.

Commençons donc par les chefs du peuple : ils défient Jésus de sauter de la croix, de se délivrer, s’il est vraiment le Messie, le Sauveur : Lui qui a sauvé les autres, qu’il se sauve donc lui-même, s’il est le Messie, l’Élu de Dieu. Comment ne pas penser à la manière dont Satan citait les Psaumes de l’Ancien Testament lors de la troisième tentation, après avoir conduit Jésus à Jérusalem et l’avoir placé tout en haut du Temple :

« Si tu es le Fils de Dieu, saute d’ici, lance-toi dans le vide, car il est écrit : Il donnera ordre à ses anges de veiller sur toi, et encore : Ils te porteront de leurs mains pour que ton pied ne heurte aucune pierre » (Lc 4.9-11).

Lorsque les chefs du peuple nomment Jésus « l’Élu de Dieu », ils se réfèrent en fait à un autre texte de l’Ancien Testament, le début du chapitre 42 du prophète Ésaïe, qui dit ceci : « Voici mon serviteur, que je soutiens, mon Élu, qui fait toute ma joie » (És 42.1). En quoi Dieu montre-t-il que son âme se complaît en son Élu au moment de la crucifixion de Jésus? Ce crucifié peut-il apporter la moindre réponse à cette question? C’est bien ce qu’ils veulent dire, en se moquant de lui. Les chefs du peuple n’utilisent-ils pas ici exactement la même méthode que Satan?

À leur tour les soldats se moquent de Jésus, cette fois pas tant comme Messie (parce que bien sûr la notion de Messie leur est inconnue, c’est quelque chose qui vient de la religion juive que ces païens ne connaissent pas). Eux, ils se moquent de l’idée similaire comme quoi cet homme serait le roi des Juifs, comme du reste l’écriteau placé sur la croix l’indique, de manière tout aussi sarcastique : « Celui-ci est le roi des Juifs » (Lc 23.38). Ils font comme si Jésus a prétendu être un dangereux opposant au gouvernement de l’empereur romain, qui aurait eu la folie de défier le pouvoir de celui-ci. Mais en même temps, ils imitent servilement les paroles des chefs du peuple : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même! » (Lc 23.37). Or, la deuxième tentation de Satan dans Luc 4 consistait à offrir à Jésus une royauté purement séculaire, purement terrestre, puisqu’elle lui était offerte par celui qui s’appelle aussi le prince de ce monde :

« Je te donnerai la domination universelle ainsi que les richesses et la gloire de ces royaumes. Car tout cela a été remis entre mes mains et je le donne à qui je veux. Si donc tu te prosternes devant moi, tout cela sera à toi » (Lc 4.6-7).

Mais justement, le Royaume de Jésus-Christ n’est pas de ce monde, comme il l’a dit au procurateur romain Ponce Pilate durant son procès. Il ne reçoit pas la royauté des mains du diable, il la reçoit des mains de son Père céleste, après qu’il eut accompli sa mission sur la croix. Après sa résurrection, il dira à ses disciples : « Tout pouvoir m’a été donné dans les cieux et sur la terre » (Mt 28.18).

Le troisième instrument de Satan dans cette triple tentation sur la croix est l’un des deux brigands crucifiés à côté de lui. Cet homme se moque de lui et l’insulte au milieu de ses souffrances et de son propre désespoir : « N’es-tu pas le Messie? Alors sauve-toi toi-même, et nous avec! » (Lc 23.39). En fait, il dit : Tu n’es rien d’autre qu’un criminel toi aussi, de qui te moques-tu en prétendant être innocent, et en plus le Messie des Juifs? Cet homme ne recherche qu’un allègement de ses souffrances immédiates. Il n’est pas question de repentance avec lui, mais bien davantage de paroles blasphématoires contre le Messie de Dieu. Or, la première tentation par Satan dans le désert, après que Jésus se soit abstenu de manger pendant très longtemps, consistait à lui faire accomplir un miracle pour alléger sa faim et pourvoir à ses besoins matériels, comme à ceux du reste des hommes, qui l’accueilleraient alors comme leur roi : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne donc à cette pierre de se changer en pain » (Lc 4.3).

Comment Jésus va-t-il répondre à ceux qui le défient et se moquent de lui durant sa crucifixion? Comment va-t-il s’affirmer comme le véritable Messie en dépit des apparences?

Trois des sept paroles prononcées par Jésus lors de sa crucifixion nous sont rapportées dans l’Évangile selon Luc, au chapitre 23. Toutes trois témoignent de ce que sur la croix, Jésus-Christ poursuit et accomplit son ministère de Messie, en dépit des apparences, qui paraissent totalement défavorables. Soumis de nouveau à une triple tentation de la part de Satan, par la bouche des chefs du peuple, des soldats et de l’un des malfaiteurs crucifiés à côté de lui, Jésus ne tombe pas dans le piège qui consisterait à échapper miraculeusement à son supplice pour prouver quoi que ce soit ou éviter la souffrance et stopper celle des deux autres condamnés. Car son ministère messianique consiste justement à offrir son corps en sacrifice innocent et parfait pour le salut éternel de tous ceux qui croiront en lui.

Reprenons la première parole de Jésus sur la croix : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23.34). Par cette parole, Jésus prouve être le véritable Messie de Dieu, celui qui était promis dans l’Ancien Testament, dans les écrits sacrés du peuple juif, particulièrement au chapitre 53 du livre du prophète Ésaïe, rédigé plusieurs siècles auparavant. Le dernier verset de ce chapitre décrit en effet ainsi le Messie de Dieu :

« Il partagera le butin avec les puissants, parce qu’il s’est livré lui-même à la mort et qu’il a été compté parmi les coupables, parce qu’il a porté le péché de beaucoup et qu’il a intercédé pour les coupables » (És 53.12).

Mais ici se pose une question très importante : la prière de Jésus en faveur des coupables, ceux qui l’ont crucifié et se moquent de lui, peut-elle être exaucée par celui qu’il appelle toujours son « Père », au sein même de son intense souffrance? Car il faut tout de même deux parties pour que le pardon puisse avoir lieu : la partie qui demande pardon, et celle qui pardonne.

C’est d’ailleurs ce que Jésus lui-même a enseigné à ses disciples dans la parabole des deux serviteurs qui chacun avait une dette, parabole qu’on trouve au chapitre 18 de l’Évangile selon Matthieu : l’un avait une dette énorme envers un roi, l’autre une dette minimale envers le premier serviteur. Que dit le premier serviteur au roi? « Le serviteur se jeta aux pieds du roi et, se prosternant devant lui, supplia : Sois patient envers moi, accorde-moi un délai et je te rembourserai tout » (Mt 18.26). Ce serviteur a donc reconnu la dette qu’il avait envers le roi. Pris de pitié pour lui, son maître le renvoya libre, après lui avoir remis toute sa dette.

Est-ce que les chefs du peuple, les soldats — sans parler du malfaiteur — vont maintenant ou plus tard reconnaître ce qu’ils ont fait, se repentir et être pardonnés sur cette base? Ou bien est-ce suffisant que Jésus demande à son Père de les pardonner pour qu’ils le soient effectivement, qu’ils se soient repentis ou non? Pour obtenir une réponse à cette question importante, il nous faut revenir au début du ministère de Jésus tel que nous le lisons au chapitre 4 de l’Évangile selon Matthieu : « Dès lors, Jésus commença à prêcher et à dire : Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche » (Mt 4.17). Il faut une conversion qui implique une repentance sincère, un changement total d’attitude. C’est aussi ce sur quoi Jean-Baptiste insistait dans sa prédication : une vraie conversion n’est pas un vague changement d’attitude, ou encore un nouvel enthousiasme pour la vie. C’est un virage complet qui vous fait prendre conscience de la grandeur de Dieu, sa sainteté, sa puissance, et en même temps de votre propre misère, de votre profonde condition de pécheur. Une vraie conversion est cependant un tel miracle dans la vie de quelqu’un que seul le Saint-Esprit de Dieu peut accomplir quelque chose de semblable dans le cœur des hommes.

Alors comment Dieu, le Père de Jésus-Christ, va-t-il répondre à la prière de son Fils en faveur de ses ennemis, au moment où lui-même se trouve au plus profond d’un état d’abandon et de souffrance? Eh bien, tout comme nous avons vu que les chefs du peuple en premier lieu, puis les soldats, enfin un des deux malfaiteurs se moquait de Jésus en tant que Messie ou roi incapable de se sauver lui-même, nous voyons à partir du verset 40 de Luc chapitre 23 que l’un des malfaiteurs, puis l’officier romain qui surveillait l’exécution, et plus tard un des chefs du peuple qui ne s’est pas joint à la meute des autres pour condamner Jésus, chacun à sa manière va reconnaître le caractère divin de la mission de Jésus.

Cette reconnaissance commence donc avec l’autre malfaiteur. Il est remarquable de constater qu’il est le seul à appeler Jésus pas son nom : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras régner » (Lc 23.42). Il emploie le nom donné par l’ange Gabriel à Marie lorsqu’il est venu lui annoncer la naissance d’un fils, comme on le lit au premier chapitre de l’Évangile selon Luc :

« Voici, bientôt tu seras enceinte et tu mettras au monde un fils; tu le nommeras Jésus. Il sera grand. Il sera appelé Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son ancêtre. Il régnera éternellement sur le peuple issu de Jacob, et son règne n’aura pas de fin » (Lc 1.31-33).

Donc Jésus sera le Messie, le successeur de David pour l’éternité. Au premier chapitre de l’Évangile selon Matthieu, l’ange dit à Joseph : « Elle donnera naissance à un fils et tu l’appelleras Jésus. C’est lui, en effet, qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1.21). Le nom de Jésus signifie en fait : « L’Éternel donne le salut ». Et c’est bien de cette manière que ce malfaiteur comprend et emploie ce nom.

Mais il confesse aussi la réalité du Royaume de Jésus, qui n’est pas une affaire de sauvetage rapide pour les trois crucifiés, afin que tous les trois puissent échapper au dernier moment au sort misérable qui est le leur. Il confesse que le Royaume de Jésus est lié à une dispensation, une ère totalement nouvelle qui va venir, mais qui est déjà visible dans le fait que ce Jésus est bien innocent. Au contraire de son compagnon d’infortune, il confesse que Jésus — le Sauveur — doit d’abord mourir avant que son Royaume ne soit établi complètement sur terre, lorsqu’il reviendra. Il confesse aussi ses péchés et montre qu’il se repent de ce qu’il a fait, en reconnaissant que le jugement de Dieu sur lui et sur l’autre est juste : « Tu n’as donc aucune crainte de Dieu, toi, et pourtant, tu subis la même peine? Pour nous, ce n’est que justice : nous payons pour ce que nous avons fait; mais celui-là n’a rien fait de mal » (Lc 23.40-41). En reprenant l’autre criminel comme il le fait maintenant, il reconnaît qu’il existe un châtiment encore bien pire que d’être crucifié par des hommes! La punition éternelle de Dieu est en vue! C’est en fait un écho des paroles mêmes de Jésus à ses disciples dans Luc chapitre 12 :

« Mes chers amis, je vous le dis : ne craignez pas ceux qui peuvent tuer le corps, mais qui n’ont pas le pouvoir de faire davantage. Savez-vous qui vous devez craindre? Je vais vous le dire : c’est celui qui, après la mort, a le pouvoir de vous jeter en enfer. Oui, je vous l’assure, c’est lui que vous devez craindre » (Lc 12.4-5).

Nous voyons donc ici que la dynamique du ministère messianique de Jésus est pleinement au travail sur la croix : « Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. » Par le ministère de Jésus sur la croix, le Saint-Esprit accomplit un miracle dans la vie de cet homme. D’ailleurs, le Royaume des cieux aurait-il pu s’approcher davantage de cet homme alors que Jésus, le Sauveur, est attaché sur la croix à côté de lui et lui parle ainsi?

Voyons maintenant quelle portée attribuer à la seconde parole de Jésus sur la croix, adressée justement à cet homme qui se repent et croit en son Sauveur. Jésus lui répondit : « En vérité je te l’assure : aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le paradis » (Lc 23.43). Ce mot « aujourd’hui » indique l’avènement d’une nouvelle ère, d’un nouvel état dans lequel règne la présence immédiate et bénéfique du Messie qui apporte une rédemption totale aux pécheurs. Jésus parle d’un accomplissement que lui seul, en tant que véritable Messie, peut apporter. Ainsi, au début de son ministère, il a annoncé dans la synagogue de Nazareth (après avoir lu Ésaïe 61) : « Aujourd’hui cette Parole de l’Écriture que vous venez d’entendre, est accomplie » (Lc 4.21). De même, dans Luc 19 il dit, à la suite de sa visite chez le collecteur d’impôts Zachée, honni du peuple :

« Aujourd’hui, le salut est entré dans cette maison, parce que cet homme est, lui aussi, un fils d’Abraham. Car le Fils de l’homme est venu chercher et amener au salut ce qui était perdu » (Lc 19.9-10).

Or maintenant, le Messie promet à un pécheur qui se repent et le confesse comme Roi et Sauveur qu’immédiatement après sa mort il aura accès à la présence divine et glorieuse de Jésus, son Sauveur. Il est probable que faire partie du Royaume de Jésus était pour cet homme une perspective liée à un futur plus ou moins lointain. Mais Jésus l’assure qu’il n’aura pas à attendre bien longtemps avant d’y avoir accès.

Le contraste entre la lumière et la présence divines qui lui sont promises immédiatement après sa mort et ce qui se passe maintenant est d’autant plus frappant. Ce contraste confirme néanmoins la nature du ministère messianique de Jésus, marquée par la mort ignominieuse, mais nécessaire de l’Agneau parfait et sans tâche de Dieu :

« Il était environ midi, quand le pays tout entier fut plongé dans l’obscurité, et cela dura jusqu’à trois heures de l’après-midi. Le soleil resta entièrement caché. Le grand rideau du Temple se déchira par le milieu. Alors Jésus poussa un grand cri : Père, je remets mon esprit entre tes mains. Après avoir dit ces mots, il mourut. En voyant ce qui s’était passé, l’officier romain rendit gloire à Dieu en disant : Aucun doute, cet homme était juste » (Lc 23.44-47).

La dernière parole de Jésus sur la croix, dans l’Évangile selon Luc, confirme qu’il place jusqu’à la fin sa confiance dans son Père, comme il l’a fait en priant pour ses persécuteurs. Jésus cite le Psaume 31, écrit par David : « Je remets mon esprit entre tes mains; tu m’as libéré, Éternel, Dieu de vérité » (Ps 31.6). Le Psaume 31 est un appel au secours lancé vers Dieu afin qu’il délivre son Messie, celui à qui il a donné l’onction, du piège tendu par ses ennemis. « Tu me feras sortir du filet qu’ils m’ont tendu, car tu es ma protection » (Ps 31.5). C’est en toute connaissance de cause que Jésus cite justement ce Psaume 31.

Mais notez bien comment Jésus va sortir du filet que ses ennemis lui ont tendu : le rideau du Temple qui se déchire en deux par le milieu ouvre le chemin pour que Jésus puisse aller vers son Père, alors même qu’il rend le dernier soupir et remet son esprit entre les mains de Dieu. Après qu’il eut accompli sa mission, tous ceux qui auront mis leur confiance en lui auront aussi accès au Père. La voie est désormais balisée. Le corps brisé de Jésus sur la croix est en effet ce qui brise ou déchire le rideau du Temple en deux et ouvre ce qui est était jusqu’ici fermé.

Il faut nous rappeler en effet qu’avant la venue de Jésus, il y avait au fond du Temple de Jérusalem une partie très sacrée, qu’on appelait le lieu très saint, où personne n’avait le droit de pénétrer, si ce n’est le grand-prêtre, et encore une seule fois par an, pour y accomplir une expiation annuelle des péchés du peuple et de ses propres péchés. La partie sainte à l’intérieur du Temple, où étaient effectués d’autres sacrifices, était donc séparée du lieu très saint par ce rideau en laine de couleur violette, écarlate et rouge. Dans l’Ancien Testament, le service du grand-prêtre, les rites d’expiation accomplis par lui au nom du peuple, étaient encore une ombre du sacrifice parfait de Jésus-Christ, l’Agneau de Dieu.

La dernière parole de Jésus sur la croix et le fait que le rideau en question se déchire par le milieu au moment de sa mort est donc un signe éclatant de l’accomplissement de sa vocation de Messie. Il faut qu’il accède d’abord au Père en remettant son esprit entre ses mains, avant que cet accès soit ouvert aux croyants.

Le premier à franchir avec lui cette entrée à travers le rideau du Temple sera donc le malfaiteur qui a cru en lui et en la réalité de son Royaume. La confiance de Jésus en son Père, son accès vers lui, sont leur confiance en Dieu et leur accès vers lui. Il n’est plus besoin d’un autre grand-prêtre qui opère le sacrifice d’expiation annuel, car Jésus-Christ est devenu le grand-prêtre pour toujours : c’est lui qui prie et intercède pour les croyants devant son Père céleste, à la droite de Dieu. Plus loin dans le Nouveau Testament, l’auteur de la lettre aux Hébreux explique ceci à ses lecteurs en des mots très clairs :

« Ainsi donc, mes frères, nous avons une pleine liberté pour entrer dans le lieu très saint, grâce au sang du sacrifice de Jésus. Il nous en a ouvert le chemin nouveau et vivant à travers le rideau du sanctuaire, c’est-à-dire à travers son propre corps. Ainsi nous avons un grand-prêtre éminent placé à la tête de la maison de Dieu. Approchons-nous donc de Dieu avec un cœur droit, avec la pleine assurance que donne la foi, le cœur purifié de toute mauvaise conscience, et le corps lavé d’une eau pure » (Hé 10:19-22).

Penchons-nous maintenant sur la réaction de l’officier romain devant le spectacle de la mort de Jésus et sur l’attitude d’un des membres du conseil religieux juif, Joseph d’Arimathée.

Dans les textes parallèles des Évangiles selon Matthieu et Marc, l’officier romain s’exprime de façon encore plus affirmée sur la personne de Jésus : « Cet homme était vraiment le Fils de Dieu! »

De la bouche de l’officier qui supervise l’exécution de Jésus provient une confession qui reconnaît son statut et son comportement plus que simplement humain, et surtout son innocence, son caractère juste. Encore un miracle et une réponse à la prière de Jésus prononcée au moment où on le clouait sur la croix : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23.34). Un officier romain, un soldat païen, fait montre de beaucoup plus de discernement que les chefs religieux du peuple. Mais, en parlant justement d’eux, est-ce à dire qu’aucune reconnaissance ne viendra au sujet du véritable statut de Jésus? Aucun regret ou témoignage de respect ne sortira-t-il de ce milieu de dirigeants? Eh bien non, on ne peut pas dire cela puisque nous lisons justement qu’un des leurs, Joseph d’Arimathée, n’a pas participé au procès injuste et inique de Jésus. Au contraire, il témoigne de respect pour le corps du supplicié, comme on le lit à la fin du chapitre 23 de Luc. D’ailleurs, dans l’Évangile selon Jean, on lit aussi qu’un autre membre du grand conseil juif, Nicodème, qui était venu trouver Jésus de nuit pour lui poser des questions et se mettre à son écoute, est aussi présent ce soir-là pour aider à ensevelir dignement le corps de Jésus.

Dieu opère un miracle dans le cœur de tous ceux qu’il a destinés à croire en son Fils Jésus-Christ, le Messie, qu’ils soient des malfaiteurs repentis, des soldats païens ou des chefs religieux. Plus tard, il y a sans doute eu d’autres chefs religieux qui ont cru en la mission de Jésus, après la prédication des disciples à Jérusalem, comme on le lit par exemple au troisième chapitre du livre des Actes des apôtres. Le disciple Pierre, s’adressant à la foule, leur dit, après leur avoir annoncé la signification de la mort et de la résurrection du Christ :

« Maintenant, frères, je sais que vous avez agi par ignorance, ainsi que vos chefs. Mais Dieu a de la sorte accompli ce qu’il avait annoncé d’avance par la bouche de tous les prophètes, c’est-à-dire les souffrances de son Fils. Repentez-vous donc et convertissez-vous, pour que vos péchés soient effacés, afin que des temps de rafraîchissement viennent de la part du Seigneur, et qu’il envoie celui qui vous a été destiné, le Christ Jésus » (Ac 3.17-20).

Mais n’y a-t-il que des chefs religieux, des soldats et des malfaiteurs autour de Jésus dans cette scène que nous rapporte l’évangéliste Luc? N’y a-t-il pas d’autres acteurs? Oui, certes, mais ils restent silencieux : « La foule se tenait tout autour et regardait », lisons-nous au verset 35. Plus tard, lorsque tout semble terminé, elle rentre chez elle : « Après avoir vu ce qui était arrivé, tout le peuple, venu en foule pour assister à ces exécutions, s’en retourna en se frappant la poitrine » (Lc 23.48). Cela nous amène à nous poser la question suivante : Quelle a été leur réaction, leur réponse à ce à quoi ils venaient d’assister? On pense par exemple aux pèlerins d’Emmaüs, qui eux aussi sont rentrés chez eux complètement abattus. Ce qui nous amène alors à nous demander : Quelle est ma propre responsabilité vis-à-vis de cette scène, comment est-ce que je réagis par rapport à elle? En en prenant simplement connaissance? En étant complètement abattu? Car personne ne peut rester indifférent à cette scène.

Le peintre hollandais bien connu Rembrandt van Rijn a exécuté un tableau de la crucifixion dans lequel il s’est représenté, debout, aux pieds de la croix, contemplant le crucifié; il indiquait de cette manière que cette scène le concernait personnellement. Il était confronté à un choix décisif : Repentez-vous, car le Royaume des cieux s’est approché de vous! Vous aussi, contemplez l’Agneau de Dieu qui a accompli sur la croix sa mission messianique; placez votre foi en lui seul, comme l’a fait le second malfaiteur; recevez à travers son corps brisé qui déchire le voile du Temple l’accès libre à Dieu le Père.

L’apôtre Paul, lui-même si opposé à ce Jésus-Christ avant sa conversion radicale sur le chemin de Damas, implore ses lecteurs au chapitre 5 de sa seconde lettre aux chrétiens de Corinthe :

« Nous sommes donc ambassadeurs pour Christ, comme si Dieu exhortait par nous; nous vous en supplions au nom de Christ : Soyez réconciliés avec Dieu! Celui qui n’a pas connu le péché, il l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu » (2 Co 5.20-21).

Paul vient de leur écrire :

« Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées; voici toutes choses sont devenues nouvelles. Et tout cela vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par Christ, et qui nous a donné le service de la réconciliation. Car Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, sans tenir compte aux hommes de leurs fautes, et il a mis en nous la parole de la réconciliation » (2 Co 5.17-19).

Donc, transmettez fidèlement cette Bonne Nouvelle à vos enfants. Portez jour après jour votre propre croix, comme l’a fait Jésus. Il s’est attendu au temps parfait de Dieu, il tendait toute son énergie vers la libération totale offerte par son Père céleste, une libération qui est autre chose qu’un allègement temporaire des souffrances d’ici-bas, même si nous avons bien sûr tout à fait le droit de rechercher des allègements temporaires, en priant et agissant pour les obtenir. Tout cela est lié à la véritable espérance.

Concluons cette méditation en reprenant le passage de la lettre aux Hébreux déjà cité par rapport au lien entre le corps brisé du Christ sur la croix et la déchirure du voile du Temple intervenant au moment de la mort de Jésus. L’auteur poursuit ce qu’il a dit avec cette belle exhortation :

« Confessons notre espérance sans fléchir, car celui qui a fait la promesse est fidèle. Veillons les uns sur les autres pour nous inciter à l’amour et aux œuvres bonnes. N’abandonnons pas notre assemblée, comme c’est la coutume de quelques-uns, mais exhortons-nous mutuellement, et cela d’autant plus que vous voyez le jour du jugement s’approcher » (Hé 10.23-25).