La méditation et l’art du piratage de la conscience
La méditation et l’art du piratage de la conscience
Je suis récemment tombé sur le terme « piratage de la conscience » sur un site web du même nom (Consciousness Hacking). Ce terme décrit bien le changement de la conscience occidentale provoqué par l’influence omniprésente de la méditation orientale, aujourd’hui considérée comme une technologie scientifique de la conscience. Le site web Consciousness Hacking est une plaque tournante pour ceux qui espèrent, grâce à une interface entre la science et la conscience, aider l’humanité à évoluer vers une ère « d’épanouissement individuel et collectif ». Utilisant une variété de technologies scientifiques et de techniques méditatives comme outils de piratage, cette communauté grandissante a l’intention de mettre à jour le « système d’exploitation conscient1 » de l’humanité. Comment espèrent-ils accomplir un tel exploit? En entraînant le cerveau à la non-dualité, qui est une grille méditative sans jugement permettant d’interpréter la réalité. Convaincus que la méditation améliorée par la technologie débouchera sur « la paix, la vérité, l’amour et l’illumination2 » dans le monde entier, ils coordonnent avec enthousiasme un piratage neurologique de l’esprit mondial. La réalité ne sera plus interprétée en fonction des distinctions sujet/objet (comme celle entre le Créateur et la création — qu’on peut appeler la dualité ou la binarité), mais en fonction de la conscience non duelle (« pas deux ») du divin en chacun (le monisme). Ils promettent l’utopie en « démocratisant le divin » afin qu’une humanité éclairée et unie puisse enfin percer le mystère de la divinité collective (l’objectif de la tour de Babel). Ainsi, la technospiritualité propose une rédemption par la méditation plutôt que par le sang de Jésus. Si la terminologie est nouvelle, l’idée qui la sous-tend ne l’est pas.
Le premier pirate de la conscience était Satan lui-même, qui exhortait l’homme à devenir Dieu en joignant les opposés du bien et du mal. C’est exactement ce que fait la méditation en suspendant la pensée jusqu’à ce qu’une personne entre dans un état de conscience non duelle et ne perçoive plus la distinction entre le Créateur et la création, entre l’homme et la femme, ou entre le bien et le mal. Tout s’estompe pour ne faire qu’Un. L’esprit qui sous-tend la méditation est depuis longtemps à l’œuvre en Occident afin de faire passer la conscience culturelle de la binarité au monisme.
Les sociétés fonctionnent généralement selon un consensus culturel dominant — un système de fonctionnement social basé sur une conscience de la réalité largement acceptée. La conscience culturelle de l’Occident chrétien acceptait autrefois un large consensus défini par le théisme biblique et la moralité des dix commandements. Même les non-croyants vivaient dans le cadre moral général de la vision judéo-chrétienne du monde. Reconnaître les distinctions entre Dieu et la nature, entre les hommes et les femmes, entre le bien et le mal, entre le paradis et l’enfer était monnaie courante, même dans une culture de plus en plus influencée par le naturalisme darwinien. Pourtant, dans les années 1960, le pragmatisme et le matérialisme de la modernité (faussement associés au christianisme) ont suscité un profond mécontentement qui a atteint son point d’ébullition lorsque des milliers de personnes (un demi-million à Woodstock) se sont débarrassées de leur héritage chrétien et se sont tournées vers le mysticisme oriental. Les tablettes de pierre ont été jetées à terre, fragmentant le consensus culturel. Des foules de yogis hindous et de moines bouddhistes se sont précipités dans les bras de l’Occident accueillant, apportant des promesses exotiques et séduisantes de réalisation de soi et de paix dans le monde. Des états supérieurs de conscience méditative allaient dissoudre les distinctions sujet/objet dans le pouvoir unificateur de l’Un. On est passé de l’adoration du Créateur-Rédempteur, qui est à l’extérieur de nous (dualité), à l’adoration de la conscience divine orientale, qui vient de l’intérieur (monisme). Le piratage de notre conscience consensuelle avait commencé pour de bon!
Près de soixante ans plus tard, nous découvrons un mouvement surnommé « ingénierie de l’éveil », qui utilise la technologie pour accélérer et améliorer le développement de la conscience méditative. L’un des principaux innovateurs dans ce domaine est Mikey Siegel, le fondateur du piratage de la conscience. La passion de Siegel pour l’établissement de la conscience méditative comme une sorte de « système d’exploitation conscient » actualisé pour l’humanité est née d’une expérience de méditation extraordinaire après que sa vie ait pris un tournant inattendu. Après avoir quitté le MIT avec un diplôme d’études supérieures en robotique, Siegel « vivait le rêve de l’ingénieur », ayant décroché un poste convoité dans la Silicon Valley. Cependant, la carrière qu’il pensait lui permettre de s’épanouir lui a donné un sentiment de vide, d’absence de but et d’anxiété. Désillusionné, il s’est lancé dans une « quête de vision » dans les ashrams de l’Inde, où des gourous hindous l’ont initié à un nouveau type de conscience, atteint par la méditation. Lors d’une conférence TEDx, Siegel a raconté l’expérience qui a changé sa vie, survenue au septième jour d’une retraite de méditation intensive de dix jours, à raison de quatorze heures par jour. L’exercice de ce jour-là consistait à s’asseoir sur le sol, les jambes croisées, pour « se concentrer sans jugement sur les sensations du corps ». Au bout de quelques heures, Siegel a ressenti d’intenses douleurs au dos, aux genoux et aux jambes, comme on pouvait s’y attendre. Cependant, les hommes divins que sont les gourous hindous exigent une soumission totale de la part de ceux qui entrent dans leurs ashrams, et Siegel s’était soumis à l’ordre de ne pas porter de jugement sur toutes ses sensations corporelles.
« En un instant, raconte-t-il, tout a changé. Les sensations n’ont pas disparu, mais d’une certaine manière, elles étaient normales. Il n’y avait rien de mal. Il n’y avait ni mal ni bien, car il n’y avait pas de jugement. D’une certaine manière, cette partie du cerveau s’était éteinte. »
L’expérience méditative lui avait fait l’effet d’une épiphanie libératrice ouvrant son esprit à la non-dualité du mysticisme oriental, le foyer de sa nouvelle conscience. La conscience de Siegel venait d’être piratée.
En suspendant le jugement de son esprit qui fonctionne normalement et en s’abandonnant à la passivité mentale, Siegel a connu « l’illumination » d’un état supérieur de conscience transcendante dans lequel ni le « bien » ni le « mal » n’existent. Selon l’hindouisme, le monde matériel et le royaume des distinctions ne sont qu’une illusion (maya). Le but de la méditation est de transcender ces illusions jusqu’à ce que l’âme (atman) soit réalisée en tant que dieu (brahman).
Siegel est rentré d’Inde avec l’enthousiasme d’une quête visionnaire pour explorer la méditation en tant que technologie scientifique capable « d’atteindre la racine profonde de la souffrance humaine et de s’attaquer au cœur de la peur, de l’avidité, de l’égoïsme qui commence [dans le cœur] et qui est à l’origine de tant de tragédies sur notre planète ». Grâce à son expérience de la non-dualité, Siegel en est venu à considérer la méditation comme le sauveur ultime.
« Si l’on réfléchit à la manière dont fonctionne la méditation, explique-t-il, il ne s’agit pas d’obtenir plus d’informations. Il s’agit en fait de sortir de l’esprit et de se plonger dans une expérience non conceptuelle du moment présent. »
Siegel place une foi absolue dans la méditation, la clé pour « finalement changer notre esprit afin que nous puissions vivre une expérience très différente de la réalité ». Le salut par la méditation de Siegel échange l’expiation achetée pour les pécheurs par le sang du Christ (qui nous réconcilie avec le Dieu et le Père à l’extérieur de nous) contre un état intérieur de conscience éclairée.
Siegel anticipe une « Renaissance technologique » ayant le pouvoir de guérir l’âme, tout comme la science médicale guérit le corps. Selon lui :
« De la même manière que notre compréhension de la science biologique a permis d’éradiquer la variole de la terre, notre compréhension de la science contemplative [méditative] peut peut-être contribuer à éradiquer les causes intérieures de la souffrance humaine. »
Il est encouragé par le développement de nombreux dispositifs portables qui améliorent et accélèrent la conscience méditative. L’un de ces dispositifs est le Muse3, un « bandeau de détection cérébrale » qui émet des sons apaisants (comme une pluie douce ou une brise légère) lorsque l’esprit se trouve dans un état méditatif acceptable. Cependant, si l’esprit s’égare dans la réflexion, son « gestionnaire » météorologique devient menaçant, le rappelant à l’état passif de la méditation. Le dispositif similaire de Siegel, Heartsync, permet à un maximum de six participants de synchroniser leur rythme cardiaque grâce aux techniques de respiration guidée de la méditation orientale. Des capteurs fixés sur chaque participant produisent des stimuli sonores et visuels pour guider le groupe vers un « état synchronisé de calme et d’équilibre ». Siegel propage ainsi son évangile moniste de la méditation en invitant les autres à faire connaître la conscience non duelle (ni le bien ni le mal n’existent) qui a déclenché l’interrupteur dans son propre cerveau dans un ashram en Inde.
La vision de Siegel pour l’humanité n’a rien de nouveau. C’est la même vision que celle que le serpent a transmise à Ève et à Adam dans le jardin d’Eden. L’union des opposés du bien et du mal ne les a pas conduits à l’illumination et à la réalisation de soi, comme Satan l’avait promis de manière trompeuse. Au contraire, cela a conduit et continue de conduire la race humaine dans la tromperie de la spiritualité démoniaque, qui donne un faux sentiment de conscience de Dieu et aveugle les gens quant à leur besoin de repentance et de confiance dans la grâce rédemptrice de Jésus-Christ. L’utilisation d’appareils technologiques pour réguler les ondes cérébrales et le rythme cardiaque d’une personne ne fait que renforcer la tromperie. Mikey Siegel appelle les adeptes à regarder à l’intérieur d’eux-mêmes — « Il est clair que l’attention se déplace de l’extérieur vers l’intérieur4 » —, mais l’Écriture nous appelle à regarder à l’extérieur de nous-mêmes, vers notre Dieu et Créateur. Seul l’Évangile de Jésus-Christ peut transformer notre « système d’exploitation conscient » de son penchant autodestructeur et tourné vers l’intérieur en une adoration tournée vers le haut qui créera en nous un cœur pur. Dans le Christ Jésus, Dieu dans la chair, nous qui croyons,nous sommes de nouvelles créatures, habilitées par son Esprit Saint et par l’Écriture à grandir dans la sanctification, à découvrir notre véritable identité et à jouir d’une vie mise à part pour l’Évangile. Tous ceux qui le connaissent seront, dans l’unité et la diversité, à l’écoute de la gloire de sa grâce, sans Muse sur la tête ni Heartsync pour nous apprendre à nous aimer les uns les autres.
Soli Deo Gloria!
Notes
1. « What is Consciousness Hacking? » [Qu’est-ce que le piratage de la conscience?], Consciousness Hacking, 8 octobre 2016.
2. « Enlightenment engineering—tech as catalyst for inner & outer peace: Mikey Siegel at TEDxSantaCruz » [L'ingénierie de l’illumination — la technologie comme catalyseur de la paix intérieure et extérieure : Mikey Siegel à TEDxSantaCruz], TEDx Talks, 1er mai 2014. Les autres citations sont tirées de cette même vidéo.
3. Muse. Train your brain & find your focus [Muse. Entraînez votre cerveau et trouvez votre concentration].
4. « Enlightenment engineering—tech as catalyst for inner & outer peace: Mikey Siegel at TEDxSantaCruz » [L'ingénierie de l’illumination — la technologie comme catalyseur de la paix intérieure et extérieure : Mikey Siegel à TEDxSantaCruz], TEDx Talks, 1er mai 2014. Les autres citations sont tirées de cette même vidéo.