Cet article sur Matthieu 2.1-2 a pour sujet la visite des mages d'Orient venus adorer le grand Roi et Sauveur nouveau-né, ce qui a provoqué un conflit avec le roi Hérode qui contestait la royauté de Jésus.

Source: Celui qui devait venir. 4 pages.

Matthieu 2 - Les mages d'Orient

« Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode. Des mages d’Orient arrivèrent à Jérusalem et dirent : Où est le roi des Juifs qui vient de naître? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus l’adorer. À cette nouvelle le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. Il assembla tous les principaux sacrificateurs et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ. Ils lui dirent : À Bethléem en Judée, car voici ce qui a été écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas la moindre parmi les principales villes de Juda; car de toi sortira un prince, qui fera paître Israël, mon peuple. Alors Hérode fit appeler en secret les mages, et se fit préciser par eux l’époque de l’apparition de l’étoile. Puis il les envoya à Bethléem, en disant : Allez, et prenez des informations précises sur le petit enfant; quand vous l’aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j’aille moi aussi l’adorer. Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici : l’étoile qu’ils avaient vue en Orient les précédait; arrivée au-dessus du lieu où était le petit enfant, elle s’arrêta. À la vue de l’étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, virent le petit enfant avec Marie, sa mère, se prosternèrent et l’adorèrent; ils ouvrirent ensuite leurs trésors, et lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner vers Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin. »

Matthieu 2.1-12

L’imagination populaire s’est emparée de ce récit et l’a trop souvent enrichi de détails légendaires dont il importe de le dépouiller pour en saisir la signification. Les mages de l’Évangile selon Matthieu ne s’appellent ni Gaspar, ni Melchior ni Balthasar!, le premier venu de Grèce, le second des Indes lointaines, le troisième depuis l’Égypte, la voisine. Il ne nous est pas dit qu’ils furent trois. Un auteur ancien a, dans son commentaire incomplet sur l’Évangile de Matthieu, fixé leur nombre à quatorze. Les mages ne furent pas davantage baptisés par l’apôtre Thomas, ainsi que le dit la légende; selon une tradition tenace, sainte Hélène, la mère de l’empereur Constantin, aurait, au quatrième siècle, découvert leurs ossements sur l’emplacement desquels elle fit plus tard construire l’Église Sainte-Sophie à Constantinople, les transférant plus tard à Milan et finalement transférés, par l’empereur Frédéric Barberousse, à Cologne, en Allemagne! Nous ne connaissons rien de très précis à leur sujet.

Ce chapitre décrit la destinée terrestre de Jésus-Christ : Il est le Roi, le Christ dont la royauté n’est reconnue que dans la foi et par la foi; cette royauté est une royauté contestée, une occasion de trouble et de scandale, partout où l’homme s’oppose au Christ Roi.

La venue des mages, qui apparaissent et disparaissent ainsi au seuil de l’Évangile après avoir rendu hommage au « roi des Juifs », doit être comprise dans sa signification prophétique. Ces représentants de la puissance et de la sagesse humaine et païenne accomplissent sans le savoir la prophétie du Psaume 138.

« Les mages étaient en Perse et en Médie, non pas les rois, mais les maîtres des rois; ils guidaient ceux qui commandaient au peuple, sacrificateurs, interprètes des songes, devins, ministres, seuls ils pouvaient communiquer avec Ahura-Mazda, le Dieu bon; seuls ils connaissaient l’avenir, ils tuaient de leurs propres mains les animaux ennemis de l’homme : les serpents, les insectes nuisibles, les oiseaux néfastes. Ils purifiaient les âmes et les champs; Dieu n’agréait que leurs sacrifices, aucun roi n’eut décidé la guerre sans les entendre. Possesseurs des secrets de la terre et du ciel, ils dominaient leur race au nom de la religion et du savoir. Au milieu d’un peuple qui vivait pour la matière, ils représentaient la part de l’esprit » (Giovanni Papini).

Le récit de l’évangéliste ne donne aucun crédit à l’astrologie, si en vogue aujourd’hui, et que condamne l’Écriture (Dt 18.10). Les mages ont cru discerner dans une conjonction d’astres ou dans un astre particulier le signe de l’avènement du Messie. Calvin va plus loin que cette explication. Selon le grand réformateur et interprète de l’Écriture, ce dut assurément être un astre extraordinaire, et non une simple conjonction d’étoiles, ce qui explique qu’aussitôt après sa mission accomplie elle disparaît. Comment expliquer autrement qu’elle se fut arrêtée au-dessus du toit de la maison où se trouve l’Enfant Roi? Nous ne devons pas nous étonner que Matthieu emploie le terme d’étoile pour désigner ce corps lumineux. Cela prouve que Dieu les a avertis, en réponse à leur attente, se servant pour cela de leurs croyances païennes.

Ils viennent conduits, non par leur sagesse, mais par la révélation et un « signe » d’en haut, l’étoile. Ils viennent « pour adorer ». Le savoir s’agenouille devant la crèche. La vieille caste sacerdotale d’Orient fait acte de soumission au Maître nouveau dont l’Occident recevra le message. Ses prêtres s’inclinent devant celui qui soumettra la science des mots et des nombres à la science nouvelle de l’amour de Dieu.

Leur présence devant la crèche est, en elle-même, le signe annonciateur de l’entrée des païens dans l’Église : « Plusieurs viendront de l’Orient et de l’Occident et se mettront à table avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des cieux », dira plus tard Jésus lui-même (Mt 8.11). Pour eux s’est levée l’étoile du matin (2 Pi 1.19), c’est-à-dire que, par les voies mystérieuses de Dieu, leur est révélée la sagesse cachée « que Dieu avait prédestinée avant les siècles pour notre gloire » (1 Co 2.7). Leur « très grande joie » est le premier tressaillement du monde appelé à reconnaître son Roi. Leurs présents sont offerts, à travers ce petit enfant, à celui par qui et pour qui sont toutes choses. Ils n’offrent pas l’encens pour vaincre la forte odeur de l’étable, mais parce que leurs rites vont mourir et que fumées et parfums seront inutiles à leurs autels. Ils offrent la myrrhe qui sert à embaumer les morts, parce qu’ils savent que le Fils mourra et que les siens, aujourd’hui souriants, devront embaumer son cadavre. Jésus a obtenu désormais toutes les investitures auxquelles il a droit.

Cette visitation des mages fait penser à celle dont Salomon fut l’objet de la part de la reine de Séba (1 R 10). Elle aussi vint vers le roi d’Israël avec des présents. Mais les mages, eux, ne vont pas vers le roi Hérode, successeur officiel de Salomon; ils vont vers le véritable et authentique successeur, « le roi des Juifs qui vient de naître ».

C’est ici qu’éclate le conflit entre le Christ et Roi d’Israël, selon les Écritures, et Hérode, l’homme roi, qui se voit directement atteint dans sa royauté. « À cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé et tout Jérusalem avec lui. » Les événements suivaient tranquillement leurs cours; on était arrivé « au temps du roi Hérode ». En ce temps-là, le peuple avec son roi cherchait à jouer son petit rôle sur la scène de l’histoire, partagé entre ses aspirations politiques et ses intrigues, ses rivalités religieuses et les enseignements rassurants et bornés de ses scribes. Comme un coup de tonnerre éclate la nouvelle de la naissance du « roi des Juifs ». Celui que l’on n’attendait pas ou que l’on attendait à la manière d’un prince de légende surgit soudain.

L’événement incroyable, et pourtant dûment annoncé s’est produit sans que personne s’en doutât; la nouvelle en parvient par la bouche de ces étrangers et jette le trouble dans la ville entière. « Le roi Hérode fut troublé… » Il est troublé, aussi convoquera-t-il les prêtres et les docteurs de la loi pour s’enquérir au sujet du Roi promis. Pourtant, rappelle Calvin, Hérode devait être familier avec les Écritures, ayant vécu tant d’années parmi les Juifs. Il avait certainement entendu parler d’un Messie promis. Sans doute, l’annonce des mages rappelle-t-elle à sa mémoire les prédictions, aussi fut-il grandement troublé. Les prophéties oubliées furent ravivées dans les esprits. Hérode se rend compte qu’il s’agit du Messie. Il est littéralement alarmé. Plus que tout autre, il manifeste son angoisse. Son règne était donc le rival de celui de Dieu. Son enquête prouve combien il avait méprisé ce règne divin.

Calvin note avec une grande pénétration d’esprit que les scribes et les prêtres ont bien connu que le Christ devait naître, mais lorsqu’il s’est agi de le confesser plus tard, ils s’esquivèrent, voire ils s’opposèrent violemment à lui. Le réformateur français trouve un parallèle de leur exemple chez ceux qui actuellement reconnaissent volontiers en Christ le Fils de Dieu et le Seigneur, mais lorsqu’il s’agit de son règne réel sur eux, leurs personnes, leurs conduites, ils lui substituent leurs propres offices, affirment leur seigneurie et lui opposent leur refus. La cause principale de l’aveuglement des ennemis du Christ, ajoute-t-il, réside dans leur désir inique qui change la lumière en ténèbres.

Les docteurs de la loi sont familiers avec l’antique prophétie. Ils pointent vers la direction de Bethléem. L’homme roi ne peut pas ne pas être troublé par l’avènement du Christ. Il ne peut pas tolérer l’existence et l’intervention du Christ dans son royaume, car il sait que la royauté du Christ signifie son dépouillement, la fin de son propre règne. L’homme roi qui entend rester maître ne peut voir en Christ qu’un rival à supprimer. C’est pourquoi il prend des informations exactes sur le petit enfant et, sous prétexte d’aller à son tour l’adorer, il se dispose à faire en sorte qu’il reste à jamais inoffensif; il l’étouffera au berceau.

L’impressionnante précision de la prophétie désignant Bethléem, ville de David, comme lieu de naissance du Messie (Mi 5.1-3) ne l’arrête pas. Il ne recule devant rien pour aboutir, c’est-à-dire pour garantir sa propre royauté. La lutte secrète d’Hérode contre le Christ est celle, séculaire, que l’humanité en révolte livre « contre l’Éternel et contre son Oint » (Ps 2.2). « Nous ne voulons pas que celui-là règne sur nous! » (Lc 19.14).

Tel est à travers les siècles le cri unanime de révolte qui accueille l’élu de Dieu et qui atteste que c’est bien selon les Écritures que le Christ a été rejeté. Dès sa première manifestation, sa royauté apparaît comme une royauté contestée. Pourtant, à travers toutes les machinations et les ruses d’Hérode, « c’est le dessein de l’Éternel qui s’accomplit » (Pr 19.21).