Cet article sur Matthieu 28.1-10 a pour sujet la résurrection de Jésus qui est d'abord apparu à Marie-Madeleine et à Marie qui l'ont annoncé aux apôtres, ses témoins oculaires officiels.

Source: Espérer contre toute espérance. 9 pages.

Matthieu 28 - La résurrection de Jésus

« Après le sabbat, à l’aube du premier jour de la semaine, Marie-Madeleine et l’autre Marie allèrent voir le sépulcre. Et voici qu’il y eut un grand tremblement de terre; car un ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s’assit dessus. Son aspect était comme l’éclair et son vêtement blanc comme la neige. Les gardes tremblèrent de peur, et devinrent comme morts. Mais l’ange prit la parole et dit aux femmes : Pour vous, n’ayez pas peur, car je sais que vous cherchez Jésus, le crucifié. Il n’est pas ici; en effet il est ressuscité, comme il l’avait dit. Venez, voyez l’endroit où il était couché, et allez promptement dire à ses disciples qu’il est ressuscité des morts. Il vous précède en Galilée; c’est là que vous le verrez. Voici : je vous l’ai dit. Elles s’éloignèrent promptement du tombeau, avec crainte et avec une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle aux disciples. Et voici que Jésus vint à leur rencontre et dit : Je vous salue. Elles s’approchèrent pour saisir ses pieds et elles l’adorèrent. Alors Jésus leur dit : Soyez sans crainte; allez dire à mes frères de se rendre en Galilée : C’est là qu’ils me verront. »

Matthieu 28.1-10

On pourrait trouver étrange de prime face pourquoi notre Seigneur Jésus, voulant certifier sa résurrection, est plutôt apparu à des femmes qu’à ses disciples. Mais en cela, nous avons à considérer qu’il a voulu éprouver l’humilité de notre foi. Car il ne faut point que nous soyons fondés en sagesse humaine, mais que nous recevions en toute obéissance ce que nous savons procéder de lui. Et d’autre part, il n’y a doute qu’il n’ait voulu punir les disciples, quand il leur a envoyé des femmes pour les enseigner : à cause que l’instruction qu’ils avaient reçue de sa bouche leur avait été comme de nul profit quand c’était venu au besoin. Car les voilà tous dissipés : ils délaissent leur Maître, ils sont confus de crainte. Et de quoi leur a-t-il servi d’être par l’espace de trois ans et plus en l’école du Fils de Dieu? Une telle lâcheté donc méritait grande punition, et qu’ils fussent du tout privés de la connaissance qu’ils avaient reçue auparavant, d’autant qu’ils l’avaient comme mise sous le pied et ensevelie.

Or notre Seigneur Jésus ne les a pas voulu punir à la rigueur, mais si est-ce qu’il leur a montré leur faute par une correction douce : c’est qu’il leur a ordonné des femmes pour maîtresses. Ils avaient été choisis auparavant pour publier l’Évangile par tout le monde (ce sont à la vérité les premiers docteurs de l’Église) : mais d’autant qu’ils ont été si lâches de se trouver ainsi éperdus, tellement que leur foi a été comme amortie, c’est bien raison qu’ils connaissent qu’ils ne sont pas dignes d’ouïr nulle doctrine de la bouche de notre Seigneur Jésus-Christ. Voilà donc pourquoi ils sont renvoyés à des femmes, jusques à ce qu’ils aient mieux reconnu leurs fautes, et que Jésus-Christ les ait remis en leur état et degré, voire par grâce.

Et au reste (comme j’ai dit), nous sommes tous avertis en général de recevoir le témoignage qui nous a été envoyé de Dieu, encore que les personnes qui parlent soient de petite qualité, ou qu’elles n’aient point crédit et réputation selon le monde. Comme de fait, quand un homme sera élu et ordonné pour être notaire et personne publique, ce qu’il fait sera reçu comme authentique. On ne dira pas ni ceci ni cela pour lui contredire : car l’office lui donne révérence entre les hommes. Et Dieu aura-t-il moins de prééminence que les princes terriens, qu’il n’ordonne ceux que bon lui semble pour être ses témoins, desquels on reçoive tout ce qu’il dira sans contredit ni réplique? Certes, il le faut bien, sinon que nous veuillions être rebelles à Dieu même. Voilà donc ce que nous avons à retenir en premier lieu.

Et au reste, notons aussi, combien que notre Seigneur Jésus soit apparu à des femmes et qu’elles aient tenu le premier rang d’honneur, si est-ce que puis après il a rendu lui-même suffisant témoignage de sa résurrection : tellement que si nous ne fermons les yeux, bouchons les oreilles, et par certaine malice veuillions être endurcis et stupides nous avons pleine certitude de cet article de foi : comme aussi il est de grande importance. Car quand Paul rédargue l’incrédulité de ceux qui encore doutaient si Jésus-Christ était ressuscité, il n’amène pas seulement les femmes, mais il amène Pierre et Jacques, et puis les douze apôtres, et puis plus de cinq cents disciples, auxquels notre Seigneur Jésus est apparu.

Comment donc pourrons-nous excuser notre malice et rébellion, si nous n’ajoutons foi à plus de cinq cents témoins qui ont été choisis à cela, non point du côté des hommes, mais de la majesté souveraine de Dieu? Et ce n’a pas été seulement pour un coup que notre Seigneur Jésus leur a déclaré qu’il était vivant, mais par plusieurs fois. Ainsi ce que les apôtres ont douté, et leur incrédulité, nous doit servir de plus grande confirmation. Car si du premier coup ils eussent cru à la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ, on pourrait alléguer qu’il y aurait eu trop grande facilité. Mais ils sont si tardifs qu’il faut que Jésus-Christ leur reproche qu’ils sont gens hébétés et de nulle foi, qu’ils ont l’esprit si pesant et si grossier qu’ils ne comprennent rien.

Quand donc les apôtres ont été si difficiles à recevoir cet article de foi, cela nous doit tant mieux certifier. Car puisqu’ils ont été amenés comme par force, c’est bien raison maintenant que nous suivions : comme il est dit, tu l’as vu Thomas, et tu l’as cru : mais bienheureux sont ceux qui le croient sans le voir. Or donc quand il est ainsi parlé que notre Seigneur Jésus est ainsi apparu à deux femmes, pensons à ce qui est dit en l’autre passage de Paul : c’est à savoir qu’il ne nous faut point arrêter à ceux qui parlent, pour ajouter foi à leur dire, selon la qualité ou condition de leurs personnes, mais plutôt que nous devons élever nos yeux et nos sens en haut, pour nous assujettir à Dieu, lequel mérite bien d’avoir toute supériorité par-dessus nous, et que nous soyons captifs sous sa Parole. Car si nous ne sommes dociles, il est certain que jamais nous ne profiterons en la doctrine de l’Évangile. Et cela ne doit pas être attribué à une sottise, quand nous recevons ce que Dieu nous déclare et testifie. Car quand nous aurons appris par obéissance de profiter en son école et en la foi, nous connaîtrons que c’est la perfection de toute sagesse que de nous être ainsi assujettis à lui.

Or maintenant, venons à cette histoire qui est ici récitée. Il est dit que Marie-Magdeleine avec sa compagne sont venues au sépulcre le premier jour des sabbats, c’est-à-dire le premier jour de la semaine. Car les juifs retenaient le samedi qu’ils appelaient sabbat, pour le jour de repos, comme aussi le mot le signifie : et puis nommaient les jours en suivants de toute la semaine, premier jour du sabbat, second jour, troisième jour, etc. Or pour ce qu’ils commençaient le jour après soleil couchant, il est dit que les Marie achetèrent des onguents aromatiques, après que le sabbat fut fini, et firent leurs préparatifs pour venir le lendemain au sépulcre. Et elles n’étaient pas seulement deux. Vrai est que Jean nomme Marie Magdaleine seulement : Matthieu en nomme deux, et nous voyons par Luc qu’il y en a eu beaucoup en nombre. Mais le tout s’accorde très bien : car Marie Magdaleine a fait la conduite, et l’autre Marie est ici nommée quant et quand pour ce qu’elle suivait Marie Magdaleine de plus près. Cependant, elles sont venues plusieurs pour oindre le corps de notre Seigneur Jésus : mais notamment, il est ici dit qu’elles sont venues pour voir le sépulcre, à savoir s’il y aurait accès et entrée. Voilà donc pourquoi deux sont ici marquées spécialement.

Matthieu ajoute que l’ange leur est apparu, bien qu’il y en eût deux. Mais pour ce qu’un seul portait la parole, voilà pourquoi il est ainsi nommé par espécial. Finalement comme elles s’en allaient, elles rencontrent notre Seigneur Jésus qui les envoie à ses disciples, afin que tous soient assemblés en Galilée, voulant là leur montrer sa résurrection, et ce, pour ce que la ville de Jérusalem s’était privée par sa malice d’un tel témoignage. Vrai est qu’encore n’a-t-elle pas laissé depuis d’être la fontaine de vie : car de là est procédée la loi et la parole de Dieu : mais cependant si est-ce que notre Seigneur Jésus n’a point voulu se déclarer à ses disciples en cette ville-là, quand la malice y était encore si fraîche. Et d’autre côté, il a voulu aussi se conformer à leur rudesse : car ils étaient comme saisis d’étonnement, en sorte que le regard ne leur eût point suffi, sinon qu’il les eût retirés à part et se fût montré d’une telle sorte qu’ils fussent pleinement certifiés.

Or nous voyons encore ici comme les femmes qui sont nommées n’ont pas laissé encore de porter révérence à notre Seigneur Jésus-Christ comme à leur maître, combien qu’elles fussent troublées de sa mort : et par conséquent, nous pouvons bien juger que la parole de Dieu était toujours enracinée en leurs cœurs. Car bien que leur foi fût débile, elles cherchent notre Seigneur au sépulcre. Il y a aussi en elles de l’ignorance qui ne se peut excuser : car elles devaient déjà lever leurs esprits en haut, attendant la résurrection qui leur avait été promise : vu que le troisième jour leur était notamment assigné. Elles sont donc tellement occupées qu’elles ne comprennent pas ce qui était le principal : à savoir que notre Seigneur Jésus devait obtenir victoire par-dessus la mort, pour nous acquérir vie et salut. Je dis que c’est le principal, pour ce que sans cela l’Évangile ne serait rien (comme dit Paul) et notre foi serait du tout anéantie.

Ainsi ces pauvres femmes, quelque affection qu’elles aient au Fils de Dieu, et combien qu’elles sachent que l’Évangile qui leur a été prêché soit la pure vérité, néanmoins elles sont tellement troublées et confuses qu’elles ne comprennent pas qu’il doive ressusciter : et ainsi elles viennent au sépulcre avec leurs onguents aromatiques. Il y a donc du vice qui est à condamner. Mais cependant leur service ne laisse pas d’être agréable à Dieu, car il excuse leur étonnement jusques à ce qu’il les ait ramenées.

Et en cela voyons-nous que quand notre Seigneur approuve ce que nous faisons, tant s’en faut, que nous lui puissions mettre cela en compte, pour dire que nous l’avons mérité, que tout au contraire, c’est de sa bonne gratuité qu’il avoue ce qui n’était pas digne de lui être offert. Car il y aura toujours occasion de condamner nos œuvres quand Dieu les voudra examiner à la rigueur, d’autant qu’elles seront toujours entachées de quelque macule. Mais cependant Dieu nous épargne, et ne laisse pas de recevoir ce que nous venons lui offrir, quelque infirmité ou vice qu’il y ait : moyennant que le tout soit purifié par la foi, et que nous sachions que ce n’est sinon à cause que nous lui sommes agréables en Jésus-Christ. Voilà donc ce que nous avons à observer.

Mais cependant connaissons aussi qu’il a bien fallu qu’il y eût une autre odeur, et beaucoup meilleure, et de plus grande vertu, en la sépulture de notre Seigneur Jésus-Christ, que ces onguents dont il est fait mention. Nous avons déjà déclaré que les juifs avaient accoutumé d’oindre les corps afin d’être confirmés en l’espérance de la résurrection et de la vie céleste : et c’était pour montrer que les corps ne vont pas tellement en pourriture, qu’ils ne soient conservés jusques au dernier jour, voire et que Dieu ne les restaure. Mais il fallait que le corps de notre Seigneur Jésus-Christ fût tout exempt de pourriture. Or les hommes n’ont pu lui apporter cela : mais pour ce qu’il avait été déclaré que Dieu ne souffrirait point que son saint et débonnaire vît corruption, voilà comme par miracle notre Seigneur Jésus a été préservé de toute pourriture. Et au reste, par ce qu’il a été exempt de corruption, nous sommes maintenant certains et assurés de la gloire de la résurrection, laquelle nous est déjà apparue en sa personne.

Nous voyons donc maintenant que l’odeur de la sépulture et de la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ s’étend à nous, tellement que nous en sommes vivifiés. Or que reste-il? Que nous ne l’allions plus chercher au sépulcre comme ces femmes, desquelles l’ignorance et l’infirmité nous ont servi : mais que nous tendions en haut, puisqu’il nous appelle et convie là : puisqu’il nous y a montré le chemin, et nous a déclaré qu’il est entré en possession de son Royaume céleste, afin de nous y apprêter lieu et place, quand par foi nous l’y chercherons.

Mais il nous faut aussi noter ce que Matthieu ajoute : L’ange, dit-il, est apparu, lequel a épouvanté les gendarmes en sorte qu’ils sont devenus comme trépassés. Les femmes ont eu un semblable effroi : mais l’ange puis après ajoute le remède. « Quant à vous, dit-il, ne craignez point, car vous cherchez Jésus qui a été crucifié. » Ici, nous voyons comme Dieu accepte l’affection et le zèle de ces femmes, en telle sorte qu’il corrige cependant ce qu’il n’approuve point. J’entends qu’il le corrige par la bouche de l’ange qui est là en son nom.

Nous avons dit que c’est d’une bonté singulière que Dieu reçoit notre service quand il est imparfait, vu qu’il le pourrait avoir en détestation. Il reçoit de nous donc ce qui est de nulle valeur, comme un père recevra de ses enfants ce qui serait autrement estimé comme fatras et badinage. Voilà, dis-je, comme Dieu nous est libéral : mais d’autre côté si est-ce qu’il ne veut pas que les hommes se plaisent et se flattent en leurs vices. Voilà pourquoi l’ange corrige cette imperfection qui est aux femmes : et encore que la fin où elles tendent soit bonne, si est-ce qu’elles sont condamnées au vice particulier qui y est. Et voilà pourquoi Luc récite qu’elles ont été plus âtrement rédarguées : Qu’est-ce que vous cherchez le vivant avec les morts?

Mais ici nous avons à observer que les gendarmes comme gens incrédules et méchants, qui n’avaient nulle crainte de Dieu ni religion, ont été saisis de frayeur, et qu’ils ont eu même comme un esprit de frénésie : les femmes ont bien craint, mais elles reçoivent consolation incontinent. Voilà donc comment la majesté de Dieu est terrible à tous ceux auxquels elle apparaît : c’est pour ce que nous sentons notre fragilité quand Dieu se déclare à nous : et au lieu qu’auparavant nous étions enflés de présomption, et avions une telle audace que nous ne pensions plus être hommes mortels, quand Dieu nous donne quelque signe de sa présence, il faut nécessairement que nous soyons abattus et que nous connaissions quelle est notre condition, c’est à savoir que nous ne sommes que terre et poudre, et toutes nos vertus ne sont que fumée qui s’écoule et s’évanouit. Cela donc est commun à tous, tant bons que mauvais.

Au reste, quand Dieu a ainsi effrayé les incrédules, il les laisse là comme gens réprouvés, d’autant qu’ils ne sont pas dignes de goûter nullement sa bonté. Et voilà aussi pourquoi ils fuient sa présence, ils se dépitent et grincent les dents, et sont comme enragés, jusques à ce qu’ils perdent tout sens et raison, se rendant comme gens abrutis du tout. Mais les fidèles, après avoir été épouvantés se relèvent et prennent courage, voire d’autant que Dieu les console et les esjouit. Cette crainte donc que conçoivent les fidèles de la présence de la majesté de Dieu n’est sinon un préparatif d’humilité, afin qu’ils fassent l’hommage qu’il mérite, et qu’ils se rangent à lui, connaissant qu’ils ne sont rien, afin de chercher tout leur bien en lui seul.

Voilà donc pourquoi l’ange dit, vous, ne craignez point. Ce mot-là est bien à noter : car c’est autant comme s’il disait, je laisse cette canaille en sa confusion, car elle n’est pas digne d’aucun merci : mais je m’adresse à vous et vous apporte message de joie. Que vous soyez donc délivrées de cette crainte, d’autant que vous cherchez Jésus-Christ. Or voyant cela, apprenons de chercher notre Seigneur Jésus, non pas (comme j’ai dit) en telle rudesse comme ces femmes desquelles est ici parlé (comme aussi il n’y a plus nulle occasion de l’aller chercher au sépulcre), mais que par foi nous venions droit à lui et sans feintise. Et en ce faisant, sachons que ce message nous appartient et s’adresse à nous : qu’il nous faut venir hardiment et sans crainte, non pas avec un mépris (car il faut que nous soyons touchés de frayeur pour adorer la majesté de Dieu) : mais quoi qu’il en soit, que nous ne soyons point effarouchés comme si nous étions accablés du tout de défiance. Connaissons donc que le Fils de Dieu se conformera à notre portée quand nous viendrons à lui par foi : et même que nous trouverons de quoi nous consoler et esjouir, d’autant que c’est pour notre profit et salut qu’il a acquis la seigneurie et principauté de la vie céleste.

Or il y a cependant toutefois que les femmes s’en sont allées avec grand-joie et grand-crainte. Voici encore l’infirmité de leur foi qui se démontre. J’ai dit que la fin où elles aspiraient était bonne, mais elles ne tenaient pas le droit chemin, comme nous l’apercevons en ce qu’elles sont craintives, et qu’elles ne se peuvent recueillir ni résoudre pour être assurées de la résurrection. Et néanmoins, elles en avaient ouï plusieurs fois parler : mais elles ne peuvent toutefois gagner sur leurs affections de faire une conclusion certaine, qu’il n’est plus question de chercher notre Seigneur Jésus-Christ au sépulcre. Voilà donc d’où vient cette crainte. Ainsi nous voyons que c’est une affection vicieuse. Il est vrai (comme j’ai touché) qu’il nous faut craindre Dieu, pour porter révérence à sa majesté, pour lui obéir et pour être tout abattus, afin qu’il soit exalté en sa gloire, pour tenir toute bouche close, afin qu’il soit reconnu seul juste, sage et tout-puissant.

Mais cette crainte dont il est fait ici mention en second lieu est mauvaise et à condamner : car elle se prend pour la confusion que ces pauvres femmes ont : c’est qu’encore qu’elles voient et oyent parler l’ange, il leur semble quasi que c’est un songe. Or par cela, nous sommes avertis que Dieu besogne en nous souvente fois tellement que nous n’apercevons point quasi si nous avons profité ou non. Car il y a tant d’ignorance en nous que c’est comme des nuées qui nous empêchent de venir à la droite clarté, et nous sommes entortillés en beaucoup de fantaisies. Bref, il semble que toute la doctrine de Dieu soit quasi inutile : mais cependant nous trouvons quelque goût mêlé parmi, qui nous fait sentir que Dieu a besogné en nos cœurs. Combien donc que nous n’ayons qu’une petite étincelle de grâce, ne perdons point courage : mais prions Dieu qu’il ajoute à ce petit peu qu’il a commencé, et qu’il nous fasse croître et confirme, jusques à ce que nous soyons amenés à la perfection, de laquelle nous sommes encore bien loin. Combien donc que ceci soit condamné pour vice, que les femmes aient été ainsi occupées de crainte avec joie, si est-ce que nous voyons comme Dieu les a toujours gouvernées par son Saint-Esprit, et que ce message qui leur a été apporté par l’ange n’a été du tout inutile.

Or maintenant, nous avons à passer outre : c’est que notre Seigneur Jésus leur apparaît au chemin, et leur dit : « Ne craignez point, mais allez, dites à mes frères que tous s’assemblent en Galilée et que là ils me verront. » Nous voyons encore mieux en ce passage comme le Fils de Dieu nous attire par degrés à soi, jusques à ce que nous soyons pleinement confirmés, comme il nous est besoin. C’était bien assez que les femmes eussent ouï le message par la bouche de l’ange, car il avait des marques qu’il était envoyé de Dieu : Son regard était comme éclair. Il est vrai que la blancheur d’une robe et chose semblable, n’était pas pour exprimer au vif la majesté de Dieu : mais cependant les femmes avaient un témoignage tout assuré que ce n’était pas un homme mortel qui parlait, mais un ange céleste. Il fallait bien donc que ce témoignage leur fût suffisant : mais tant y a que la certitude a été beaucoup plus grande quand elles ont vu notre Seigneur Jésus, lequel auparavant elles avaient connu être le Fils de Dieu et sa vérité immuable. Il y a donc ici pour bien ratifier plus à plein ce qu’elles avaient ouï auparavant de la bouche de l’ange.

Et voilà aussi comme nous croissons en foi : car du commencement nous ne savons quelle vertu ni efficace il y a en la parole de Dieu : mais si on nous enseigne, et bien, nous comprenons quelque chose, et encore ce n’est rien quasi : mais petit à petit nous touche par son Saint-Esprit, et en la fin il nous montre que c’est lui qui parle. Et alors nous sommes résolus, tellement que non seulement nous avons quelque connaissance, mais nous sommes persuadés en telle sorte que, quand le diable machinera tout ce qui lui est possible, si est-ce qu’il ne pourra point ébranler notre foi, d’autant que nous aurons ce principe que c’est le Fils de Dieu qui est notre docteur et sur lequel nous sommes appuyés : sachant qu’il a toute maîtrise par-dessus nous et qu’il mérite toute autorité souveraine. Nous voyons cela en ces femmes. Il est vrai que Dieu ne besogne pas en tous d’une façon égale. Quelques-uns du premier coup seront tellement attirés qu’on apercevra que Dieu a déployé une vertu extraordinaire en eux : mais souvent nous serons enseignés en telle sorte qu’on verra à l’œil notre rudesse et débilité, afin que par cela nous soyons tant mieux avertis de glorifier Dieu, et de connaître que c’est de lui que nous tenons tout.

Or venons maintenant à ce mot que nous avons récité : « Allez, dites à mes frères qui se trouvent en Galilée. » Nous voyons que le Fils de Dieu n’est pas apparu à Marie et à ses compagnes, seulement afin de se révéler à sept ou huit, mais qu’il a voulu que ce message fût publié aux apôtres, et que maintenant il nous soit communiqué et que nous en soyons fait participants. Et de fait, sans cela de quoi nous profiterait cette histoire de la résurrection? Mais quand il est dit que le Fils de Dieu s’est ainsi manifesté, et qu’il a voulu que le fruit en fût communiqué à tout le monde, voilà comme nous prenons tant meilleur goût. Ainsi donc sachons que notre Seigneur Jésus a voulu que nous fussions certifiés de sa résurrection pour ce qu’en cela aussi gît toute l’espérance de notre salut et toute notre justice, quand vraiment nous savons que notre Seigneur Jésus est ressuscité. Non pas qu’il ne nous ait purgés de toutes nos ordures par sa mort et passion, mais si ne fallait-il point qu’il demeurât en cette infirmité-là. Il fallait qu’il déployât la vertu de son Saint-Esprit et qu’il fût déclaré Fils de Dieu en ressuscitant, comme Paul en parle, tant au premier chapitre des Romains qu’en d’autres passages.

Voilà donc comme maintenant il nous faut être assurés que notre Seigneur Jésus, étant ressuscité, veut que nous venions à lui et que le chemin nous soit ouvert : et n’attend pas que nous le cherchions, mais il a pourvu à ce que nous fussions appelés par la prédication de l’Évangile, et que ce message retentît en la bouche de ses hérauts qu’il avait choisis et élus. Puisqu’ainsi est donc, connaissons qu’aujourd’hui nous jouissons de la justice que nous avons en notre Seigneur Jésus-Christ, pour parvenir à la gloire céleste, d’autant qu’il ne veut point être séparé d’avec nous.

Et voilà pourquoi il appelle les disciples ses frères. Vrai est que ce titre est honorable et aussi il était réservé pour ceux que notre Seigneur Jésus avait retenus pour ses domestiques. Et n’y a nul doute qu’il n’ait usé de ce mot pour montrer la fraternité qu’il voulait avoir envers eux. Mais tant y a qu’il nous est aussi bien commun, comme il est mieux déclaré par Jean. Et de fait il nous fait venir à ce qui est dit au Psaume 22, dont ce passage est pris : « J’annoncerai ton nom à mes frères » : lequel passage l’apôtre exposant de la personne de notre Seigneur Jésus-Christ n’a point compris seulement les douze apôtres, pour les appeler frères de Jésus-Christ, mais nous intitule tous en général qui suivons le Fils de Dieu : et veut que nous jouissions d’un tel honneur. Et voilà pourquoi aussi, quand notre Seigneur Jésus dit : « Je m’en vais à mon Dieu et à votre Dieu à mon Père et à votre Père » (Jn 20.17), cela n’est point dit pour un petit nombre de gens : mais il s’adresse à toute la multitude des fidèles.

Or notre Seigneur Jésus, combien qu’il soit notre Dieu éternel, ne laisse pas toutefois, en la personne de Médiateur, de s’abaisser pour nous être prochain, et d’avoir tout commun avec nous voire au regard de sa nature humaine. Car combien qu’il soit Fils naturel de Dieu, et que nous ne soyons qu’adoptifs, et par grâce, toutefois cette communauté-là demeure, que celui qui est Père de notre Seigneur Jésus-Christ, par son moyen est quant et quant le nôtre, voire en divers regards. Car il ne faut pas que nous soyons élevés si haut que notre Chef : il ne faut point qu’il y ait ici confusion. Si en notre corps humain la tête n’allait par-dessus tous les membres, ce serait comme un monstre, ce serait comme une masse confuse : c’est bien raison aussi que notre Seigneur Jésus retienne son degré souverain, d’autant qu’il est Fils unique de Dieu, voire selon nature : mais cependant cela n’empêche pas que nous ne lui soyons conjoints en fraternité, à ce que nous puissions invoquer Dieu franchement et en pleine fiance pour être exaucés de lui, d’autant que nous y avons accès privé et familier.

Nous voyons donc qu’importe ce mot, quand notre Seigneur Jésus a nommé ses disciples frères, à savoir que ç’a été afin que nous ayons aujourd’hui ce privilège commun avec eux, voire par le moyen de la foi. Et cela ne déroge pas à la vertu et majesté du Fils de Dieu, quand il se conjoint ainsi avec des créatures si misérables comme nous sommes, et qu’il veut être comme de notre rang. Car tant plus devons-nous être ravis, voyant une telle bonté dont il use, voyant qu’en ressuscitant il nous a acquis la gloire céleste, pour laquelle nous acquérir aussi il s’était abaissé voire anéanti.

Or puisqu’ainsi est que notre Seigneur Jésus daigne bien nous avouer pour ses frères afin que nous ayons accès à Dieu, cherchons-le et venons à lui d’un franc courage, étant si humainement conviés. Voire considéré même que non seulement il use de parole pour nous attirer, mais il ajoute aussi le sacrement visible, afin que nous soyons amenés selon notre petitesse. Et de fait quelques faibles et tardifs que nous soyons, tant y a néanmoins que nous ne pouvons pas excuser notre lâcheté, quand nous ne viendrons point à notre Seigneur Jésus-Christ.

Voici la table qu’il nous a apprêtée. Et à quelle fin? Ce n’est pas pour rassasier nos corps et nos ventres : combien qu’en cela déjà Dieu se déclare avoir un soin paternel de nous, et notre Seigneur Jésus-Christ montre que vraiment il est la vie du monde. Quand donc nous prendrons journellement notre repas et réfection, c’est autant comme si notre Seigneur Jésus-Christ nous déclarait sa bonté. Mais il y a une considération spéciale en cette table qui est ici mise : car c’est pour nous montre que sommes frères de notre Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire que d’autant qu’il nous a unis à soi (comme il dit en Jean 17), il nous a aussi unis à Dieu son Père, et nous déclare quant et quant qu’il est notre viande et notre breuvage que nous sommes repus de sa propre substance, pour avoir toute notre vie spirituelle en lui. Et cela est plus que s’il nous appelait cent fois ses frères.

Ainsi donc, connaissons l’utilité que nous avons avec notre Seigneur Jésus-Christ : c’est à savoir qu’il veut avoir une vie commune avec nous, et que ce qu’il a soit nôtre : voire et qu’il veut habiter en nous, non point par imagination, mais par effet : non point par une façon terrestre, mais spirituelle : et quoi qu’il en soit, qu’il besogne tellement par la vertu de son Saint-Esprit que nous sommes unis à lui plus que ne sont les membres d’un corps. Et tout ainsi que la racine d’un arbre jette sa substance et sa vertu par toutes les branches, ainsi nous tirons substance et vie de notre Seigneur Jésus-Christ. Et voilà aussi pourquoi Paul dit que notre Agneau pascal a été crucifié et immolé, et qu’il ne reste maintenant sinon que nous en fassions la fête et que nous communiquions au sacrifice. Et que, comme anciennement en la loi, quand le sacrifice était offert, on mangeait, maintenant aussi il nous faut venir prendre notre viande et réfection spirituelle en ce sacrifice qui a été présenté pour notre rédemption.

Il est vrai que nous ne dévorons pas Jésus-Christ en sa chair, il n’entre pas sous nos dents, comme les papistes ont imaginé : mais nous recevons du pain pour un gage certain et infaillible que notre Seigneur Jésus nous repaît spirituellement de son corps : nous recevons une goutte de vin pour montrer que nous sommes spirituellement sustentés du sang de notre Seigneur Jésus-Christ. Mais notons quant et quand ce que Paul ajoute, que d’autant que sous les figures de la loi il n’était pas licite de manger du pain levé et dont la pâte eût été aigre, maintenant que nous ne sommes plus sous telles ombres, il nous faut rejeter le levain de malice, de perversité et de toutes nos corruptions, et que nous ayons du pain ou du gâteau (dit-il) qui n’ait nulle aigreur en soi. Et comment? En pureté et en droiture.

Quand donc nous venons approcher de cette sainte table, en laquelle le Fils de Dieu nous montre qu’il est notre viande, qu’il se donne à nous pour pleine réfection et entière, et qu’il veut que maintenant nous participions au sacrifice qu’il a une fois offert pour notre salut, il nous faut bien regarder que nous n’apportions point ici nos ordures, ni nos pollutions pour être plongés dedans, mais que nous y renoncions, et ne cherchions sinon d’être pleinement purifiés, afin que notre Seigneur Jésus nous avoue pour membres de son corps, et que par ce moyen nous soyons aussi participants de sa vie. Voilà comme aujourd’hui il nous faut faire notre profit de cette sainte Cène qui nous est apprêtée : c’est qu’elle nous conduise à la mort et passion de notre Seigneur Jésus-Christ, et puis à sa résurrection, et que là nous ayons fiance de vie et de salut, d’autant que par la victoire qu’il a obtenue en ressuscitant, la justice nous est donnée, et la porte de paradis nous a été ouverte, tellement que nous pouvons hardiment approcher de notre Dieu, et nous offrir devant lui, sachant que toujours il nous recevra comme ses enfants.