Pour une morale sexuelle chrétienne
Pour une morale sexuelle chrétienne
Parfois, nous autres chrétiens, nous commettons l’erreur de dénoncer le péché sexuel sans témoigner de la compassion envers le ou les coupables d’un délit de cette nature. J’ai moi-même dénoncé en termes explicites et à plusieurs reprises l’immoralité à laquelle se livre un grand nombre de nos contemporains et je ne tiens pas à laisser l’impression qu’une large et généreuse tolérance, d’ailleurs fort naïve, passant l’éponge sur le péché sexuel, serait l’attitude chrétienne la plus propice.
Toutefois, il nous faut une grande dose d’humilité pour ne pas adopter une attitude de condamnation sans appel vis-à-vis des responsables d’actes que la révélation biblique elle-même qualifie de péché et que même la morale naturelle tient pour répréhensibles.
Au cours de mon ministère pastoral, j’ai eu l’occasion de rencontrer bon nombre de gens pris au piège d’un mal de cet ordre et Dieu m’a accordé la grâce de les aider. Hélas!, il y a eu aussi l’échec, ceux à qui il ne m’a pas été possible d’apporter de secours, tant leur situation et leur égarement étaient graves.
Pourrais-je espérer, à travers ces quelques pages, atteindre celui ou celle qui, à la fois coupable et victime d’un délit sexuel, s’attend à une main tendue et non à un poing fermé sur sa conscience?
En parlant de sexualité, il n’est certainement pas dans mes intentions d’encourager, voire de stimuler une certaine curiosité de mauvais aloi. J’ai simplement à cœur d’atteindre celui ou celle qui vit une douloureuse expérience de solitude résultant d’une pratique sexuelle illégitime. Or, il me faut rappeler d’emblée que la sexualité a été offerte dans le cadre du mariage, dans le but de mettre fin à la solitude de l’homme et de la femme.
Dès sa première page, le livre de la Genèse, celui de nos origines, déclare une fois pour toutes qu’il n’est pas bon que l’homme soit seul (c’est-à-dire la personne humaine). Et le plus grand paradoxe, pour ne pas dire la plus grande tragédie, est que ce qui avait été créé initialement pour mettre fin à toute solitude et à tout isolement en vue de créer une véritable et profonde intimité soit devenu la source principale et la plus poignante de toutes les aliénations humaines.
Cette rupture totale entre l’homme et la femme, survenue aussitôt après la rupture entre Dieu et l’homme, est à coup sûr plus grave que tous les autres symptômes et conséquences d’une sexualité mal gérée, qu’il s’agisse d’une maladie incurable ou des conflits avec un partenaire mal choisi.
Mais je ne veux pas non plus gommer la gravité spirituelle et religieuse de la mauvaise, pour ne pas dire de l’inique pratique de la sexualité dans notre monde contemporain. En dépit de toutes les viscérales oppositions idéologiques que toute mise au point dans ce domaine ne manque pas de susciter, je continuerai à appeler péché sexuel ce que certains démagogues modernes, même « chrétiens », s’auto-collant l’étiquette de « progressistes », vantent comme l’expression libre et l’accomplissement joyeux de la sexualité hors des cadres de l’union conjugale expressément voulue par Dieu.
D’autre part, ce serait bien naïf de ne voir que déviations sexuelles et maladies psychiques dans le débordement effréné de passions et de vices dont notre société est progressivement submergée; il serait criminel d’être indulgent à l’égard de tous ces scélérats marchands de sexe qui jettent en pâture aux amateurs de chair humaine, comme une vulgaire marchandise, des êtres humains des deux sexes, ne reculant devant aucun moyen, y compris la torture et la drogue, pour se les soumettre et les exploiter.
Je serais insensé de considérer comme un phénomène social et culturel à peu près normal, si ce n’est du plus haut intérêt, le fait que des ressortissants des pays opulents se rendent jusqu’aux Philippines pour y acheter des garçonnets et des fillettes âgés parfois de moins de dix ans pour assouvir sur eux les abjects vices… Il paraît que, dans ce pays, l’économie y trouve son compte et que beaucoup de préadolescents menacés par la famine ne pourraient survivre que grâce à cet immonde gagne-pain…
Mais ces tristes sires, qui se moquent sans doute de mon indignation, doivent savoir qu’ils encourent surtout les foudres d’un jugement inexorable, celui du Dieu saint, Créateur des cieux et de la terre et garant de la pureté morale de ceux qu’il créa à son image et selon sa ressemblance. Je tiens à rappeler, s’il en était encore besoin, que la foi chrétienne comporte un élément appelé jugement moral de Dieu, et ceux qui s’acharnent à tout prix à vouloir en éliminer cet aspect ne font qu’émasculer la religion chrétienne.
Ce jugement s’exercera le jour fixé par Dieu. Certes, en parlant de jugement divin, nous ne voulons pas écraser par un dur moralisme ceux qui cherchent compréhension et salut, et à qui nous annonçons tout d’abord la Bonne Nouvelle de la libération. Il existe un abécédaire chrétien extrêmement simple, une grammaire morale élémentaire d’après laquelle l’adultère est un péché, quelle qu’en soit la forme. Mon comportement sexuel ne sera pas dicté par mes seuls désirs ou inhibitions, pour combler mes plaisirs ou pour assouvir des passions effrénées, sans tenir compte de la règle du jeu. Certains s’imaginent que la sexualité hors mariage offre une beauté et un bonheur introuvables au sein de l’union conjugale. Ils se trompent, l’expérience le prouve, mais c’est surtout la morale révélée du Dieu de Jésus-Christ qui l’affirme sans ambages.
Toutefois, la question subsiste : Comment révéler l’Esprit de Dieu et montrer son visage compatissant envers le pécheur? Prenons l’exemple à la fois simple et émouvant de Jésus face à la femme adultère. Vous en trouverez le récit dans l’Évangile selon Jean, au 8e chapitre. En disant à la femme « va et ne pèche plus », Jésus ne prononce pas un jugement implacable à travers le mot « péché ». Lui, aussi bien que la femme accusée, savent qu’il s’agit là d’un délit réel. L’offense a été grave. Pourtant, l’autre moitié de la phrase de Jésus, « moi non plus je ne te condamne pas », en ôte le poison afin de faire naître l’espérance et de répandre la joie du pardon.
L’attitude d’un jugement implacable et sans possibilité de salut fut adoptée par les seuls pharisiens, les accusateurs, qui, à leur tour, se trouvèrent accusés par la pureté de Jésus et confus en présence de sa compassion infinie. Jésus-Christ a énoncé une fois pour toutes le principe d’une morale sexuelle normative. Il appelle au repentir et offre la grâce, tout en soulignant la gravité de la transgression.
Même si nombre de « malades sexuels », pour employer un terme courant et très en vogue, peuvent avoir recours à une thérapeutique médicale et qu’une certaine psychologie peut leur apporter parfois du secours, je constate qu’en dépit de tant de discours dits éclairés et progressistes sur ce sujet, voire l’éducation sexuelle dès les plus jeunes classes, le problème n’est pas résolu pour autant et les conflits demeurent violents. Suis-je trop pessimiste en pensant qu’au lieu de s’améliorer, la situation s’est plutôt détériorée? Je voudrais souligner quelques points de la révélation biblique et inviter à une pratique saine et sainte de l’éthique chrétienne.
Nos aïeuls n’étaient pas aussi ignares que nous avons parfois l’air de vouloir le croire et ils savaient très bien que l’aspect physique de la sexualité n’est pas mauvais en soi. Le besoin sexuel est une pulsion normale, même chez le chrétien! Après tout, Dieu nous a créés avec notre corps et la sexualité en est une partie intégrante. Quiconque s’obstine à la nier ou à la refouler risque de tomber, tôt ou tard, dans une quelconque forme de perversion psychique pas plus enviable et normale que les obsessions sexuelles elles-mêmes. D’après la Bible, l’accomplissement et le plaisir à travers la sexualité sont voulus de Dieu. Elle est même l’invention de Dieu et non du diable.
Malheureusement, notre monde moderne, comme le monde antique, fait du plaisir l’absolu de l’existence. Au lieu de chercher leur joie dans une saine sexualité, nos contemporains sont devenus les esclaves tragiques de leurs convoitises qui, toujours inassouvies, finissent tôt ou tard par les déshumaniser complètement.
Nul ne devrait avoir honte du plaisir sexuel légitime. Puisse le chrétien vivre dans une relation d’amour avec son conjoint dont le plaisir et la joie sont partie intégrante. La chambre nuptiale devrait devenir un lieu de célébration, un autel d’actions de grâces offertes à Dieu.
Mais le plaisir ne sera pas absolutisé. Sigmund Freud nous a appris que les hommes connaissent cette impulsion fondamentale, la libido, qui est la poursuite du plaisir. Mais lorsque celui-ci devient l’objectif unique de toute recherche, alors on découvre, à ses propres dépends, que la joie véritable en est éliminée. Un appétit hypertrophié exige toujours davantage et les stimulations artificielles jettent ceux qui s’y adonnent, même les plus vigoureux, dans la pire déchéance. Le plaisir débridé conduit inexorablement aux plus amères frustrations.
Enfin, l’acte sexuel et le plaisir qui l’accompagne sont destinés à trouver leur accomplissement, comme nous l’avons déjà souligné, dans le seul cadre de l’institution du mariage, dont le côté physique n’est que l’un des aspects. L’union conjugale est d’abord instituée pour mettre fin à toute solitude, pour rompre toute aliénation. Car il crée une confiance mutuelle dans les rapports intimes qu’établissent un homme et une femme. La solitude s’enfuit lorsqu’un homme et une femme concluent une alliance profonde, à vie, en se promettant une fidélité à toute épreuve. L’activité sexuelle n’en sera pas l’essentiel. Il se pourrait même qu’elle soit déficiente, mais « on ne se marie pas pour copuler, écrit un auteur chrétien, autrement le mariage serait ou deviendrait à sa manière une forme de prostitution légalisée ». Tout mariage fondé exclusivement sur l’activité sexuelle restera tellement fragile qu’il s’effondrera au moindre accident de parcours. En revanche, le mariage fondé sur une communion profonde et une foi partagée, afin de rester fidèle « dans les bons et les mauvais jours » et de demeurer ensemble « jusqu’à ce que la mort nous sépare », sera la plus belle réussite de la vie de l’homme et de la femme.
Agressé de toutes parts, comme la plupart de ses contemporains, par un érotisme effréné et par une permissivité croissante, comment le chrétien pourrait-il vivre une sexualité normale et heureuse? Puissent sa foi en Dieu, la communion de son Esprit et l’ordre qu’il a établi pour son bonheur lui permettre de vivre et de témoigner d’une saine et sainte morale sexuelle.