Cette fiche de formation a pour sujet la relation entre le mari et l'épouse, semblable à la relation entre le Christ et son Église (Éphésiens 5). C'est un mystère qui se vit dans la communion, le don de soi, le sacrifice et la soumission.

Source: Pastorale de la famille. 5 pages.

Pastorale de la famille (4) - Christ et l'Église, l'époux et l'épouse

  1. Ce mystère est grand
    a. Jean 17
    b. La tête et le corps
    c. L’union du cep et des sarments
    d. L’image du berger
  2. Un don de soi de l’ordre du sacrifice
  3. Un don de soi de l’ordre de la soumission

1. Ce mystère est grand🔗

« Ce mystère est grand » (Ép 5.32). C’est Paul qui s’exprime ainsi pour clore l’enseignement qu’il a donné sur la relation entre maris et épouses, relation comparée — et donc comparable — à celle de Christ avec son Église. Nous ne pourrons ici sonder tout ce que cela implique. Tentons cependant de retenir quelques points instructifs en retenant que ces deux relations peuvent s’éclairer l’une l’autre.

Commençons par celle qui est primordiale, la relation entre le Seigneur Jésus-Christ et son Église.

a. Jean 17🔗

Un des enseignements les plus profonds se trouve sans doute dans ce chapitre où nous voyons Jésus prier pour que l’unité spirituelle qui existe entre lui et son Père puisse exister également entre les membres de son Église, et encore entre son Église et lui. « Je prie… afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu’eux aussi soient un en nous » (Jn 17.21). Cela va certainement bien au-delà de ce que nous pouvons nous représenter!

En méditant cela, nous pouvons entendre ce que Jésus dit au sujet du lien conjugal : « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni » (Mt 19.6). Cette parole, reconnaissons-le, est en partie énigmatique. Ce que Dieu a uni? Nous comprenons que, sans élever le lien conjugal au-dessus de ce qu’il doit être — il ne semble pas qu’il ait une dimension d’éternité —, nous devons lui reconnaître une portée plus grande qu’un simple lien social, qu’une simple institution culturelle. Dire cela aujourd’hui me paraît particulièrement important.

Paul confirme explicitement ce lien qui existe entre l’union conjugale et l’union du Christ et de son Église et emploie le mot « mystère » (Ép 5.31). Nous l’avons déjà dit : un mystère n’est pas quelque chose que l’on ne comprend pas du tout, mais c’est quelque chose qu’on ne comprend pas entièrement. Est-ce une raison pour le regarder légèrement? Loin de là! Il conviendra, au contraire, d’agir avec diligence. De même, nous devrions veiller attentivement à ne pas transformer l’Église en une sorte d’association où on passe de bons moments… Dit comme cela, c’est un peu choquant, mais reconnaissons que le risque n’est pas absent.

b. La tête et le corps🔗

Une autre image forte est celle de la tête et du corps (Rm 12.5; 1 Co 12.27). En réalité, cela est plus qu’une image et cela nous parle aussi d’unité… organique et vitale, et pas seulement d’une juxtaposition ou d’une grande proximité. En somme, ces deux premières comparaisons semblent dire qu’on ne peut réellement envisager l’existence de l’un sans l’autre. Le Père n’est pas sans le Fils, ni le Fils sans le Père, ni la tête sans le corps, ni le corps sans la tête. Jamais!

c. L’union du cep et des sarments🔗

L’union du cep et des sarments confirme ce lien vital, cette communauté de vie, cette participation de l’un à l’autre : nous en lui et lui en nous, traduite aussi avec le verbe « demeurer ». « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15.5). De manière surprenante, il est vrai, Paul associe le mari à la tête et la femme au corps avec cette remarque logique : « C’est ainsi que les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps » (Ép 5.28). Cela mérite qu’on y réfléchisse (les hommes, en tout cas!).

d. L’image du berger🔗

Nous pouvons évoquer encore l’image du berger qui certes conduit, dirige, mais qui aussi connaît parfaitement, prend soin et donne sa vie « pour que ses brebis aient la vie et qu’elles l’aient en abondance » (Jn 10.10). Nous nous souvenons de sa joie pour une seule brebis perdue et retrouvée, car le berger et son troupeau forment un tout indissociable (Lc 15.6)1. Nous nous souvenons avec émotion de ce que Dieu dit par le prophète Jérémie : « Il n’en manquera aucune! » (Jr 23.4). Le prophète Ésaïe résume ce qui se trouve écrit en bien d’autres passages : « Comme la fiancée fait la joie de son fiancé, ainsi tu feras la joie de ton Dieu » (És 62.5).

Comment résumer cela? Je le ferai en soulignant la parfaite cohérence qui existe, dans toutes ces relations, entre l’autorité et l’amour. Comme en Dieu, l’autorité véritable est bienveillante, serviable, secourable2; et l’amour est à la fois fort et doux. On peut souligner aussi la commune condition de chaque partie. Si on touche un membre du corps, la tête est elle-même affectée (Ac 9.5). Si un membre souffre, tous souffrent (1 Co 12); Paul le dit aussi pour le couple : Chacun prend soin de son propre corps et si un homme aime sa femme, il s’aime lui-même! (Ép 5.28). Il y a bien une commune condition et donc une réelle interdépendance, bien que la tête ne soit pas le corps, bien que le cep ne soit pas les sarments, bien que le berger ne soit pas le troupeau… Union sans confusion.

2. Un don de soi de l’ordre du sacrifice🔗

Quand on parle d’amour, on devrait préciser de quel amour on parle, car l’amour filial, l’amour conjugal, l’amour fraternel ne sont pas en tous points équivalents. Au chapitre 5 de la lettre aux Éphésiens, Paul parle de l’amour conjugal d’une manière que seuls les chrétiens peuvent comprendre! La comprennent-ils?

Dans ce passage, il ne dit pas que le mari est égal à Christ, mais que le mari doit aimer son épouse de la même manière que Christ a aimé son Église. Comment? « Il s’est livré lui-même pour elle… » (Ép 5.25)3.

Les divers passages relatifs à ce don de soi, dans le Nouveau Testament, parlent d’obéissance volontaire, de renoncement, de dépouillement, d’humiliation, d’esprit de service et enfin de sacrifice consenti. On n’a pas pris sa vie à Jésus, il l’a donnée lui-même (Jn 10.17-18; Hé 10.5-10).

Le Nouveau Testament nous apprend que cet amour de Christ pour son Église ne se manifeste pas seulement par l’événement de la crucifixion, mais aussi par son intercession constante : « Il intercède pour nous » (Rm 8.34; Hé 7.25). Cette constance est une caractéristique forte de l’amour du Seigneur pour nous. C’est là la dimension de l’alliance qui est toute autre chose qu’un contrat révocable. Paul y fait allusion quand il rappelle aux maris de ne pas s’aigrir contre leur épouse (Col 3.19). On pourrait le dire ainsi : un mari n’aime pas son épouse parce qu’elle est aimable et belle, mais son amour pour elle la rend aimable et belle. En tout cas, c’est ainsi pour ce qui est de la relation entre Christ et l’Église!

Cela nous apprend encore que l’autorité et l’esprit de service sont parfaitement compatibles. Jésus était serviteur, sans pour autant être asservi ou servile. On est loin de l’égoïsme qui, si on en croit ce qui se dit, caractériserait trop souvent l’attitude des maris.

Si les maris s’appliquent à aimer leur épouse de cette manière, celles-ci (qu’elles soient chrétiennes ou pas, gentilles ou pas…, le commandement est inconditionnel) seront bénies, renouvelées par la grâce et sans doute porteuses de beaux fruits.

Ce faisant, ces maris démontreront à tous, adultes et enfants, hommes et femmes, croyants et incroyants, combien est bon et bénéfique l’amour que Jésus-Christ a pour son Église et combien celle-ci peut s’en remettre à lui en toute confiance. L’amour de chaque mari chrétien pour son épouse devrait être un témoignage de l’amour de Christ pour son Église, dans l’Église et dans le monde.

L’amour des maris pour leur épouse constitue une sorte de prédication de l’Évangile, dans l’Église et dans le monde.

3. Un don de soi de l’ordre de la soumission🔗

Dans ce même passage, l’apôtre Paul enseigne que les épouses chrétiennes ont par rapport à leur mari une position semblable à celle de l’Église par rapport à Christ. Une remarque et deux questions peuvent être posées ici :

a. Si l’Église, comme les épouses, a une position caractérisée par la soumission volontaire et confiante, il convient de rappeler que l’Église est composée d’hommes et de femmes! En tant que disciples de Christ, les hommes ont donc à trouver et à vivre la position féminine du repos de la soumission confiante. Ainsi, les chrétiennes qui démontrent cette même attitude sont des modèles pour les épouses chrétiennes vis-à-vis du Seigneur et de leurs maris et… pour les hommes chrétiens vis-à-vis du Seigneur!

b. Le mot « soumission » n’est-il pas dangereux? Le mot « soumission » qui est utilisé ici n’est pas pris isolément des autres caractéristiques de cette relation, mais il les résume toutes. Qu’est-ce qui caractérise la relation de l’Église par rapport à Jésus-Christ? L’appartenance, la dépendance, la confiance, la reconnaissance, le désir d’être agréable, d’être pure et de servir de tout son cœur avec les forces qui sont accordées, chaque jour. Je crois que le mot « soumission » est employé pour dire tout cela. Ce n’est pas une soumission qui met en danger, c’est une soumission qui est mue par l’amour et la joie de l’appartenance.

Un des fruits de cette soumission est le repos (Rt 1.9; Mt 11.28). Ce n’est pas une soumission contrainte; ce n’est pas une soumission par faiblesse. Ce n’est pas une soumission aveugle ou absolue : c’est une soumission responsable, vécue sous l’éclairage d’une autre soumission, celle qui revient au Seigneur. Ainsi, il peut et (malheureusement) il doit arriver qu’une femme doive dire non à son mari, pour une chose ou une autre. Seulement, elle ne le fait pas dans un esprit d’insoumission, elle le fait dans un esprit de soumission à une autorité plus grande. Ce faisant, l’épouse rappelle à son mari que lui aussi a une soumission à vivre vis-à-vis du Seigneur4.

S’il est souhaitable qu’elles puissent « trouver du repos dans la maison d’un mari » (Ruth 1.9), jamais elles ne sont regardées comme des êtres mineurs (Pr 31). Elles ne sont pas moins que les hommes des membres du corps de Christ. L’édification de l’Église, dans le sens biblique du terme, implique la participation des hommes et des femmes de l’Église. Ainsi, dans le couple comme dans l’Église, l’homme et la femme sont-ils en aide l’un pour l’autre, même si cela est dit, initialement pour la femme. Au fait, qui est le plus fort : celui qui aide ou celui qui est aidé?

c. Cela ne nécessite-t-il pas que les maris soient parfaits comme Christ? La réponse est non. Ce commandement est inconditionnel. Certes, cela ne sera pas vécu de la même manière si le mari est chrétien ou pas, si le mari est fidèle et bon ou pas. Certes, il peut y avoir des circonstances où cela peut devenir coûteux; il peut même y avoir des circonstances où des cas de conscience peuvent se poser et où une épouse se verra contrainte de dire non à son mari parce que Dieu le lui demandera. C’est ce que dit explicitement l’apôtre Pierre au chapitre 3 de sa première lettre. Comparer avec ce que dit Pierre aux serviteurs qui ont un maître au caractère difficile (1 Pi 2.18).

En vivant de cette manière, l’épouse chrétienne démontre à tous ceux qui la voient, chrétiens et non-chrétiens, quelle est l’attitude de l’Église tout entière (hommes et femmes) vis-à-vis du Seigneur, dans les moments faciles et dans les moments difficiles (1 Pi 3.1-6). Elle démontre aussi le soutien qu’elle reçoit du Seigneur pour affronter la difficulté en étant nourrie de la grâce. Ce soutien peut être trouvé dans l’intimité de la relation avec Dieu et dans l’amour porté et transmis par la communion fraternelle.

Enfin, à ceux qui pensent que la soumission est quelque chose de difficile, on peut demander si le sacrifice est quelque chose de plus facile. La réponse est évidemment non. Ce qui est difficile, c’est quand il n’y a pas la réciprocité…; ce qui est impossible, c’est de la vivre en dehors de la foi en celui qui, par soumission et par amour, s’est sacrifié pour nous et nous a donné sa vie.

Admettons que cet enseignement soit à peu près irrecevable en dehors de la foi.

Admettons aussi que s’il était reçu et pratiqué par les chrétiens, dans la foi, la réalité et la puissance du Royaume de Dieu seraient manifestées dans une plus grande mesure au milieu de nous et dans ce monde.

L’amour des épouses pour leur mari constitue une sorte de prédication de l’Évangile, dans l’Église et dans le monde.

Notes

1. Certains maris seraient-ils comparables à des mercenaires (Jn 10.12-13)?

2. Il est frappant de constater qu’en France, le mot « autorité » est presque inévitablement suspect, associé au pouvoir et au désir de dominer. Certes, le risque existe, mais toutes les cultures n’ont pas développé cette notion réductrice.

3. Notons que le « comme » d’Éphésiens 5.25 signifie sans doute plus d’une simple imitation. Imiter Christ? Comment serait-ce possible? Comme en d’autres passages (Jn 13.34), il s’agit plutôt d’un effet de conséquence : le mari chrétien qui a compris et accepté que Christ s’est livré pour lui (noter que le mari est alors dans la position de l’Église et donc de l’épouse!) peut, en conséquence de la grâce reçue et de l’œuvre qu’elle a accomplie en lui, livrer lui-même sa vie : pour ses frères et sœurs chrétiens (c’est l’amour fraternel qui lui aussi est un prolongement de l’amour de Christ pour les siens; Jn 15.12-17) et pour son épouse (c’est l’amour conjugal). Ainsi, l’amour de Christ n’est pas seulement le modèle, il est aussi la source d’un tel amour qui relève de la foi!

4. Sans parler de la soumission mutuelle, dans le cadre fraternel.