Cet article a pour sujet Pierre Valdo (1130-1217) qui a découvert le message de la Bible et qui s'est mis à prêcher l'Évangile. Lui et les vaudois qui l'ont suivi ont subi la persécution de l'Église romaine à cause de leur foi.

Source: Trial and Triumph, 1999. 4 pages. Traduit par Claire Bédard

Pierre Valdo et les vaudois vers 1130 – 1217

Autour de l’an 1170, lors d’un rassemblement des gens riches et puissants de la ville de Lyon en France, Pierre Valdo, lui-même un riche marchand, se réjouissait de toute cette compagnie prestigieuse et du festin auquel il participait. Toute personne ayant une quelconque importance s’y trouvait : les chefs du gouvernement, les dirigeants de l’Église, les chevaliers, les nobles et les hommes d’affaires. Alors que Valdo était en train de parler avec un des principaux dirigeants de la ville, l’homme s’effondra sur le plancher, mort. Perplexe et abasourdi, Valdo se tenait là, tremblant, le regard fixé sur le visage d’un blanc fantomatique de l’homme à ses pieds. Cette mort soudaine frappa Valdo comme un éclair. Il n’arrêtait pas de se répéter : « Ça aurait pu être moi. Suis-je prêt à mourir? »

Il ne pouvait penser à autre chose qu’à la brièveté de la vie et qu’à l’état de son âme. Peu de temps après, alors qu’il marchait sur la place au centre de la ville, il entendit un ménestrel qui chantait une ballade au sujet de saint Alexis, un homme qui avait donné toutes ses richesses pour rechercher Dieu et servir les autres. Pierre Valdo se demanda si Dieu ne l’appelait pas à faire de même. Il arriva un temps où l’écoute de la lecture en latin de quelques versets de la Bible le dimanche ne lui suffisait plus. Il engagea donc deux hommes cultivés pour traduire en français les Évangiles et quelques autres parties de la Bible. En lisant la Bible par lui-même pour la première fois, la beauté et la puissance des mots le remplirent d’une admiration respectueuse. Le message que le Christ avait adressé au jeune homme riche semblait avoir été écrit juste pour lui : « Va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres. […] Puis viens et suis-moi » (Mt 19.21).

C’est ce que fit Pierre Valdo. Il vendit tout ce qu’il possédait, donna l’argent à des gens dans le besoin et commença à enseigner aux autres la bonne nouvelle de Jésus-Christ. Ceux qui s’étaient joints à lui pour suivre les enseignements de la Bible étaient appelés par certaines personnes « les pauvres hommes de Lyon », alors que d’autres les appelaient « les vaudois ». Ils voyageaient deux par deux. Pieds nus, revêtus d’un vêtement tout simple, sans argent, ils prêchaient aux pauvres et leur faisaient la lecture de copies du Nouveau Testament traduites en français.

Valdo et ses amis n’avaient pas l’intention de se séparer de l’Église. Ils considéraient que leur travail était d’aider l’Église à revenir à ce que les apôtres et les premiers chrétiens croyaient. Cependant, lorsque l’archevêque de Lyon ordonna à Valdo et à ses compagnons d’arrêter d’enseigner la Bible et de prêcher au peuple, ils refusèrent en disant : « Nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » Dans l’espoir d’obtenir du pape Alexandre III la permission d’enseigner et de prêcher, quelques vaudois voyagèrent jusqu’à Rome pour expliquer leur travail et remettre au pape une copie du Nouveau Testament en français. Le pape forma une commission pour étudier le sujet. Walter Map, un homme d’Église anglais qui présidait la commission, dit à propos des vaudois : « Ils n’ont pas de domicile fixe; comme les apôtres, ils suivent le Seigneur qui n’avait nulle part où poser sa tête. » Leur foi simple et leur vie humble ne gagnèrent toutefois pas le respect de la commission. Map dit : « Ce sont des hommes ignorants et stupides. »

Les hommes d’Église éclataient de rire devant leurs réponses toutes simples à des questions compliquées. Bien qu’ils se moquaient des vaudois, ils estimaient que quelque chose était à craindre de leur foi et de leur zèle enfantins. Map dit : « Pour l’instant, ils ne font que commencer et leur base n’est pas encore consolidée, mais si nous leur donnons l’approbation de l’Église, il viendra un temps où nous serons nous-mêmes chassés. » Le pape leur interdit d’enseigner la Bible et quand il vit qu’ils continuaient à parler aux autres de la bonne nouvelle de Jésus-Christ, il les déclara hérétiques et ennemis de l’Église de Rome. Peu après, les dirigeants d’Église passèrent une loi stipulant que seuls les prêtres étaient autorisés à lire la Bible et ils ajoutèrent les Bibles traduites dans la langue du peuple à la liste des livres interdits par l’Église.

Les hommes qui occupaient des positions officielles dans l’Église commencèrent à persécuter les vaudois avec acharnement, brûlant des milliers d’entre eux sur le bûcher, de même que leurs exemplaires de la Bible, et chassant les autres de Lyon. Les vaudois fuirent le sud de la France pour se rendre en Allemagne, en Suisse, en Italie et même plus loin. Ils se rassemblaient en secret pour le culte d’adoration, dans des endroits perdus ou en petits groupes dans des maisons. Les Français ne participèrent cependant pas tous à la persécution. Un jour, un évêque français demanda à un chevalier : « Pourquoi ne chassez-vous pas les vaudois de la province comme l’a ordonné l’Église? »

« Nous ne pouvons le faire, répondit-il, car nous avons grandi avec eux et des membres de nos familles sont parmi eux; en plus, nous voyons bien qu’ils mènent une bonne vie et qu’ils sont honnêtes. » Quel que soit l’endroit où ils s’installaient, les vaudois vivaient simplement, pourvoyant à leurs besoins en travaillant de leurs mains ou comme fermiers. Certains d’entre eux devinrent des marchands ambulants, ce qui leur permettait de faire connaître l’Évangile.

Après avoir acheté des vêtements ou des bijoux, les clients leur demandaient : « N’avez-vous rien de plus à vendre? » Les vaudois répondaient :

« Oui, nous avons des bijoux encore plus précieux que tout ce que vous n’avez jamais vu; c’est avec plaisir que je pourrai vous les montrer également. Nous avons une pierre précieuse, la Parole de Dieu. Elle est si brillante qu’un homme peut voir Dieu à travers sa lumière. »

C’est ainsi qu’ils parlaient de l’amour du Christ à ceux qui voulaient bien l’entendre, leur laissant souvent une copie écrite à la main d’une portion de la Bible. Les vaudois aimaient tellement la Bible qu’ils en mémorisaient de grandes parties. Certains d’entre eux pouvaient réciter tout le Nouveau Testament par cœur.

Au cours des siècles qui suivirent, alors que l’Église de Rome s’éloignait de plus en plus du message essentiel de la Bible, les vaudois s’accrochaient fermement à la Bible en tant que guide suprême de Dieu pour son peuple. Ils rejetaient les enseignements de l’Église de Rome au sujet des indulgences, des prières aux saints, du purgatoire et d’autres idées non bibliques. Ils furent persécutés à cause de cela. Ce n’est qu’à partir de la Réforme protestante, qui commença avec Martin Luther dans les années 1500, qu’un grand nombre de chrétiens crurent comme les vaudois.

Cependant, l’avènement de la Réforme protestante ne mit pas fin aux persécutions de l’Église de Rome envers les vaudois; au contraire, les persécutions s’intensifièrent. En 1655, les attaques les plus cruelles s’abattirent comme une avalanche sur les vaudois qui demeuraient dans les vallées et les plaines fertiles de la Savoie au nord de l’Italie. Ayant reçu la promesse de la bénédiction du pape, le duc de Savoie proclama un décret terrible :

« D’ici trois jours, toutes les familles vaudoises qui vivent dans les plaines et les vallées inférieures devront avoir quitté leurs demeures et déménagé plus haut dans les vallées alpines. D’ici vingt jours, toutes les propriétés vaudoises devront avoir été vendues. »

Toute personne prête à se soumettre à l’Église de Rome avait la permission de rester sur place. Cet ordre fut donné au milieu de l’hiver. Les jeunes enfants, les personnes âgées, les malades et les infirmes durent traverser les montagnes et les vallées couvertes de glace, dans la neige et le vent glacial et cinglant. Blottis les uns contre les autres pour se réchauffer, ils s’encourageaient mutuellement à continuer. Leur sentier glacé était taché de sang. N’importe lequel d’entre eux aurait pu échapper à ce désastre en renonçant simplement à ce qu’il croyait pour suivre l’Église de Rome.

Plus tard, un homme a écrit :

« J’étais pasteur d’une assemblée de près de deux mille personnes et aucune d’entre elles n’a renié sa foi. J’ai pleuré de joie, tout autant que de peine, lorsque j’ai vu que toute la furie de ces loups n’avait pas réussi à ébranler ces agneaux pour les éloigner de la foi. J’ai béni Dieu en les voyant porter cette croix si lourde avec tant de noblesse. »

Plusieurs moururent de froid et de faim, mais ceux qui survécurent furent chaleureusement accueillis par leurs frères vaudois des vallées situées dans les hauteurs. Ceux-ci les invitèrent dans leurs maisons et partagèrent tout ce qu’ils avaient avec eux. Cependant, les persécuteurs ne se contentèrent pas de les avoir chassés des plaines et des vallées inférieures; ils voulurent les anéantir tous.

Lorsque le printemps arriva, une armée de 15 000 hommes fut équipée pour la guerre et envoyée dans les vallées alpines. Les soldats attaquèrent sans pitié. Ils ne se contentèrent pas de simplement tuer. Ils torturèrent leurs victimes avec une cruauté inimaginable. Les parents furent forcés de les regarder tuer leurs enfants. Les petits furent arrachés des bras de leurs mères et découpés en morceaux. D’autres furent jetés vivants dans les flammes. Un père fut forcé de marcher jusqu’à l’endroit où il fut tué, les têtes de ses fils massacrés attachées autour de son cou. Partout gisaient des corps sans vie. Ceux qui survécurent s’enfuirent. Plusieurs centaines se cachèrent dans une caverne située en haut d’une pente abrupte à flanc de montagne, sur le bord d’une falaise. Cependant, les soldats réussirent à les retrouver. Certains furent attachés comme des balles et on les fit rouler jusqu’en bas de la montagne. Les femmes et les enfants furent jetés en bas de la falaise. Les attaquants mirent le feu à tout : les églises, les maisons, les fermes et les vergers.

Un homme dit : « Notre vallée était comme un paradis, mais elle a été changée en un volcan déchaîné crachant du feu et des cendres. La fumée a transformé la lumière du jour en ténèbres. » Les survivants se rassemblèrent dans les montagnes, terrassés par la peine, mais leur confiance en Dieu inébranlée. Armés de courage et de la connaissance du pays, ils décidèrent de se défendre. Ils repoussèrent les soldats à de nombreux endroits, même s’ils combattaient parfois à cent contre un.

Les vaudois envoyèrent des lettres aux dirigeants protestants d’Europe. Des appels à l’aide furent envoyés en Angleterre, en Allemagne, en Suisse et plus loin encore. Ils écrivirent : « Nous ne pleurons plus des larmes d’eau, mais bien des larmes de sang qui étouffent nos cœurs. » Les protestants furent horrifiés d’apprendre qu’un tel massacre avait eu lieu. Les Anglais et les Suisses menacèrent de se battre pour les vaudois si la Savoie ne mettait pas fin aux persécutions. La paix fut rétablie, mais les vaudois ne purent jamais récupérer leurs propriétés perdues. Ils continuèrent à subir de nombreuses persécutions tout au long des ans, mais ils demeurèrent fidèles au Seigneur.