Cet article a pour sujet la résurrection du Christ qui est décisive pour l'eschatologie biblique, car elle est le début du siècle à venir déjà commencé dans le présent par la puissance du Saint-Esprit, en attendant la consommation finale au retour du Christ.

6 pages. Traduit par Paulin Bédard

La résurrection du Christ et le siècle à venir

  1. Le siècle à venir dans le Nouveau Testament
  2. Le siècle à venir et la résurrection du Christ
  3. Le siècle à venir, la résurrection du Christ et l’avenir
  4. Le siècle à venir, la résurrection du Christ et le présent
  5. Le siècle à venir, la résurrection du Christ et le Saint-Esprit

Définition

La résurrection du Christ en relation avec le « siècle à venir » et la résurrection eschatologique dans les Écritures.

Résumé

Cet essai examine la perspective des « deux siècles » présentée par les auteurs bibliques et l’arrivée du siècle à venir dans la résurrection du Christ. Dans la résurrection du Christ, le siècle à venir (futur) est arrivé (présent) et est partagé dans l’expérience de ceux qui sont unis au Christ par l’Esprit.

1. Le siècle à venir dans le Nouveau Testament🔗

Dans le Nouveau Testament, l’expression « le siècle à venir » (« ce siècle-là ») s’oppose à « ce siècle présent » (« ce temps présent ») ou simplement au « siècle » (« les siècles »), soit explicitement (Mt 12.32; Mc 10.30; Lc 20.34-35; Ép 1.21), soit plus souvent implicitement (par exemple Mt 13.39-40; 28.20; 1 Co 1.20; Ga 1.4; Hé 6.5; 9.26).

Cette distinction entre deux siècles ou deux ères apparaît pour la première fois dans le judaïsme du Second Temple au cours de la période intertestamentaire et est reprise par Jésus et par plusieurs auteurs du Nouveau Testament. Cela ne constitue pas un problème pour la doctrine de l’inspiration de l’Écriture. La question est de savoir si ce développement de la théologie juive ultérieure, bien que non inspiré, reflète fidèlement l’enseignement de l’Ancien Testament en tant que Parole de Dieu. En fait, c’est le cas, de sorte que cette observation sur l’usage de Paul s’applique également à sa présence ailleurs dans le Nouveau Testament : « On ne peut échapper à la conclusion qu’un élément de la théologie juive a été, par révélation, incorporé à l’enseignement de l’apôtre.1 »

Les mots traduits par « siècle », lorsqu’ils sont utilisés pour faire cette distinction — en hébreu, en araméen et en grec, puis en latin après la rédaction du Nouveau Testament — ont également le sens de « monde » ou « univers » (par exemple, dans le Nouveau Testament, Hé 1.2; 11.3). En d’autres termes, un mot temporel global a également pris une connotation spatiale globale. La distinction se fait donc entre l’ère du monde actuel et l’ère du monde à venir.

La construction en deux siècles, telle qu’elle a été formulée à l’origine, a pour fonction d’exprimer la perspective historique et eschatologique globale qui est à la base de l’enseignement de l’Ancien Testament, en particulier des prophètes. Elle couvre l’ensemble du déroulement temporel, l’ensemble de l’histoire, depuis son commencement à la création jusqu’à sa consommation qui s’y trouve incluse. D’une part, ce siècle présent est provisoire, préeschatologique. C’est le monde actuel, originellement bon (Gn 1.31), mais qui, après la chute, est devenu fondamentalement marqué par le péché, la corruption, l’imperfection et la mort. Le siècle à venir, en revanche, est l’ordre définitif du monde, l’ère eschatologique de la justice, de l’incorruptibilité, de la perfection et de la vie. Il coïncide avec la venue du royaume de Dieu, des nouveaux cieux et de la nouvelle terre. En somme, les deux siècles du monde, dans leur relation, sont complets, consécutifs et antithétiques.

Le point de séparation entre les deux — « la fin du siècle », lorsque ce siècle prend fin et fait place au siècle à venir — est lié à la venue du Messie (dans le Nouveau Testament, voir en particulier Matthieu 24.3). Il est donc clair que Jésus et les auteurs du Nouveau Testament ne pouvaient pas simplement reprendre telle quelle la construction des deux siècles en cours dans le judaïsme qui leur était contemporain. Pourquoi? Parce que, pour ce judaïsme (comme c’est encore le cas pour le judaïsme orthodoxe aujourd’hui), la venue du Messie — l’étape charnière des deux siècles, le grand événement eschatologique inaugural — n’avait pas encore eu lieu; elle était encore future. Pour le Nouveau Testament, en revanche, cet événement décisif, ce tournant des siècles, a déjà eu lieu; le Messie est déjà venu en la personne et l’œuvre de Jésus-Christ.

Selon le Nouveau Testament, la venue du Messie prophétisée dans l’Ancien Testament a un double accomplissement. Le Messie promis est déjà venu quand « les temps sont accomplis » (Ga 4.4; Ép 1.10). Cette expression, souvent interprétée à tort comme désignant un moment particulièrement propice au milieu du cours de l’histoire, réfère plutôt au point culminant de l’histoire, à l’accomplissement du temps du monde actuel. Il a une affinité avec la distinction des deux siècles; il indique la fin de ce siècle actuel et l’aube du siècle à venir. Avec la venue du Christ, « la fin des siècles est arrivée » (1 Co 10.11).

Cependant, la venue du Messie se fera également dans le futur. Après être monté au ciel, il apparaîtra une seconde fois (Ac 1.11; Hé 9.28). Alors, quand se situe la « fin du monde »? Comme elle se rattache à la double venue du Christ, elle est à la fois passée (Hé 9.26) et encore future (Mt 28.20). Le siècle à venir a déjà commencé et arrivera aussi dans le futur.

Il est donc évident que, pour que les auteurs du Nouveau Testament continuent à utiliser la construction en deux siècles, une modification importante était nécessaire. En ce qui concerne les trois facteurs de définition mentionnés ci-dessus, la portée globale des deux siècles pris ensemble et l’antithèse entre eux restent inchangées, mais les deux siècles ne peuvent plus être considérés comme simplement consécutifs, un siècle suivant l’autre. Au contraire, avec la venue du Christ qui s’est déjà produite, les deux siècles sont désormais concomitants.

La première et la seconde venue du Christ, bien que très éloignées dans le temps comme c’est le cas actuellement, ne sont pas des événements sans rapport entre eux; il vaut mieux les considérer comme deux étapes d’une même venue. Pendant l’intervalle qui les sépare, « le présent siècle mauvais » (Ga 1.4) poursuit son cours, mais le siècle à venir a commencé et est également présent; les deux siècles, bien que consécutifs, se chevauchent également.

2. Le siècle à venir et la résurrection du Christ🔗

Dans cette utilisation nécessairement modifiée par le Nouveau Testament du schéma à deux siècles, où commence le siècle à venir? On peut répondre de façon générale que c’est lors de l’arrivée du Christ dans l’histoire, avec son incarnation et son ministère terrestre. Le Nouveau Testament, cependant, nous permet d’être plus précis. En raison de la nature tout à fait unique et des exigences particulières du ministère messianique de Jésus, qui est d’être le Sauveur des pécheurs venu pour inaugurer définitivement le royaume de Dieu, il était nécessaire qu’« à la fin des siècles, il ait paru une seule fois pour abolir le péché par son sacrifice » (Hé 9.26). Par conséquent, le ministère terrestre du Christ se divise en deux étapes fondamentales, fortement contrastées. La première est essentiellement marquée par son humiliation et ses souffrances expiatoires pour les péchés, suivie par la seconde étape de son exaltation permanente et de son existence glorifiée.

Le point de transition entre ces deux étapes se produit à la fin de son ministère terrestre, à sa mort et à sa résurrection, lorsqu’il est passé de son état d’humiliation à son état d’exaltation, lorsque Dieu « l’a souverainement élevé et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom », après qu’il a été et parce qu’il a été « obéissant jusqu’à la mort, la mort sur la croix » (Ph 2.8-9). Cette transition culminante pour le Christ est en fait l’étape charnière spécifique des deux siècles.

Le siècle à venir commence donc avec la résurrection du Christ ou, plus généralement, avec son ascension et son exaltation2. Ceci est particulièrement manifeste dans l’enseignement de Paul sur la résurrection.

3. Le siècle à venir, la résurrection du Christ et l’avenir🔗

« Mais maintenant, Christ est ressuscité d’entre les morts, il est les prémices de ceux qui sont décédés » (1 Co 15.20). Derrière cette notion des « prémices » se trouve la pensée qui sous-tend et oriente l’ensemble de l’argument de ce chapitre en faveur de la résurrection du corps, et d’ailleurs une grande partie de l’ensemble de l’enseignement de Paul sur la résurrection.

Cette métaphore agricole s’inspire des prémices des sacrifices offerts dans l’Ancien Testament (Ex 23.16, 19; Lv 23.10, 17, 20), en particulier du lien organique ou de l’unité entre les prémices et le reste de la récolte. L’offrande de la première partie de la récolte offerte à Dieu était un don d’action de grâce reconnaissant que Dieu avait fait don à Israël de la totalité de la récolte.

Appliquée à la résurrection, cette métaphore signifie que la résurrection corporelle du Christ et la future résurrection corporelle des croyants sont donc indissociables. La résurrection du Christ constitue les « prémices » de la « moisson » de la résurrection, car Paul entend sûrement étendre ainsi la métaphore : « Il est le premier d’une grande moisson de tous ceux qui sont morts » (voir v. 23 : « mais chacun en son rang : Christ comme prémices, puis ceux qui appartiennent au Christ lors de son avènement »)3.

On dit souvent, à juste titre, que la résurrection du Christ est la garantie de la résurrection des croyants. Il faut toutefois comprendre qu’il en est ainsi parce que sa résurrection n’est rien d’autre que le début de « l’événement général constituant une nouvelle époque4 ». La résurrection générale de la fin de l’histoire a commencé avec la résurrection du Christ. Dans sa résurrection, la résurrection eschatologique de la moisson à venir est devenue une réalité présente.

Deux éléments clés connexes ressortent donc de 1 Corinthiens 15.20. Le premier est l’unité ou le lien organique qui existe entre la résurrection du Christ et la résurrection (corporelle future) des croyants. Cette unité est déjà présente dans la section qui précède immédiatement (v. 12-19). Voici le présupposé non exprimé mais manifeste qui régit l’argument « si… alors… » présenté dans ce texte : Si la proclamation de la résurrection du Christ est vraie, alors la résurrection des croyants ne fait aucun doute (v. 12). Inversement, s’il n’y a pas de résurrection future des croyants, alors le Christ n’est pas non plus ressuscité (v. 13, 15, 16).

Cet argument confirme ce qui est ensuite explicité par l’emploi du mot « prémices » au verset 20. Les deux résurrections, celle du Christ et celle des croyants, ne sont pas deux événements sans lien entre eux. Au contraire, à l’instar de ce qui a été noté plus haut à propos de la première et de la seconde venue du Christ, il s’agit de deux épisodes organiquement liés, séparés dans le temps, d’un même événement; les deux épisodes sont le début et la fin d’une seule et même « moisson » de résurrection.

Deuxièmement, parallèlement à cette unité organique de la même récolte, le verset 20 met en évidence la signification eschatologique de la résurrection du Christ. Sa résurrection n’est pas un événement isolé dans le passé. Au contraire, s’étant déjà produite dans le passé, elle appartient à la consommation future et elle est entrée dans l’histoire à partir de ce futur. Elle est la phase initiale de la récolte de la résurrection à la fin de l’histoire.

Avec la résurrection du Christ, le siècle à venir a en fait commencé, réellement et véritablement; la nouvelle création (2 Co 5.17) est apparue.

4. Le siècle à venir, la résurrection du Christ et le présent🔗

L’unité organique dont il est question en 1 Corinthiens 15.20 est celle de la résurrection du Christ et de la résurrection corporelle future des chrétiens. Cette unité, cependant, s’enracine dans l’union qui existe actuellement entre les croyants et le Christ, et la reflète. En effet, unis au Christ par la foi, ils ont été crucifiés et ressuscités avec lui et sont montés au ciel avec lui (voir par exemple Ga 2.20; Ép 2.5-6; Col 2.12). En conséquence, ils partagent déjà les bienfaits qui découlent de lui, alors qu’il est maintenant exalté.

Parmi les avantages indispensables de cette union, c’est rien de moins que leur « vie [qui] est cachée avec le Christ en Dieu » (Col 3.3); le Christ est leur « vie » même (v. 4). Le contexte immédiat de Colossiens 3 rend la qualité spécifique de cette vie indubitable. Il s’agit d’une participation à la vie ressuscitée du Christ monté au ciel. Ceux qui « sont ressuscités avec le Christ » doivent « chercher les choses d’en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu » (v. 1-2); ils doivent se préoccuper de ce qui a trait à la vie de résurrection qu’ils ont déjà. En d’autres termes, leur vie en Christ, la vie que le Christ est pour eux et en eux, n’est rien d’autre et rien de moins que la vie du siècle à venir. Cette vie du siècle à venir, déjà possédée actuellement, sera manifestée ouvertement dans le futur lorsque le Christ reviendra (v. 4).

Colossiens 3 indique clairement que le fait de « penser à ce qui est en haut, et non à ce qui est sur la terre » (v. 2) n’a rien à voir avec une ascèse séparée du monde ou un renoncement complet à l’existence terrestre actuelle. Au contraire, il s’agit d’une réalité tout à fait terre à terre. Porter son attention sur ce qui est en haut consiste à utiliser le corps non pas pour pécher, mais pour aimer, adorer et servir Dieu, et pour aimer et servir les autres, comme cela se réalise dans les relations essentielles de cette existence présente (voir Rm 12.1 : « offrez vos corps comme un sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu… »). Les sections qui suivent immédiatement (Col 3.5 à 4.1) définissent ce service de manière spécifique et concrète.

La distinction anthropologique entre « l’homme extérieur » et « l’homme intérieur », telle qu’elle est utilisée dans 2 Corinthiens 4.16, fournit une perspective globale utile sur le chevauchement simultané des deux siècles dans la vie des croyants entre la résurrection du Christ et le retour du Christ. Dans leur corps inévitablement voué à la corruption et qui n’est pas encore ressuscité (« l’homme extérieur »), ils continuent d’exister dans le siècle présent. Mais en même temps, maintenant ressuscités et montés au ciel avec le Christ au cœur de leur être (« l’homme intérieur »), ils vivent déjà dans le siècle à venir; ils sont déjà « dans les lieux célestes » (Ép 1.3; 2.6). C’est la dimension verticale du schéma modifié du monde à deux siècles résultant de l’ascension du Christ. Cette vie céleste du siècle à venir est donc la source d’un renouvellement continu (« de jour en jour », 2 Co 4.16) de l’homme intérieur — un renouvellement qui doit trouver son expression, même imparfaite, de la seule manière dont il peut actuellement s’exprimer, à travers l’homme extérieur.

5. Le siècle à venir, la résurrection du Christ et le Saint-Esprit🔗

En tant que « prémices » de la résurrection, le Christ est « devenu l’Esprit vivifiant » (1 Co 15.45; voir 2 Co 3.17). En tant que ressuscité, lui, « le dernier Adam », il a été complètement transformé et glorifié par l’Esprit (Rm 6.4; 8.11). En tant que monté au ciel — « le céleste » (v. 48) ou « le deuxième homme qui vient du ciel » (v. 47) —, il est maintenant en possession pleine et définitive de l’Esprit Saint (Ac 2.33). Par conséquent, dans son existence céleste actuelle, le Christ et l’Esprit ne font qu’un dans leur activité conjointe qui consiste à donner la vie5.

Cette unité fonctionnelle de l’Esprit et du Christ (Rm 8.9-10; Ép 3.16-17), datant de sa résurrection, révèle aussi l’aspect eschatologique de l’activité de l’Esprit, selon la conception de l’apôtre Paul. L’Esprit à l’œuvre dans les chrétiens et actif dans la vie de l’Église est en effet la puissance du siècle à venir (Hé 6.5). L’Esprit constitue les « prémices » et « les arrhes » (Rm 8.23; 2 Co 1.22; 5.5; Ép 1.14) en vue de la pleine possession de leur héritage au retour du Christ. Alors, le chevauchement actuel des deux siècles prendra fin et le siècle à venir existera pour toujours dans la plénitude de sa consommation finale.

Au fond, donc, la vie actuelle du chrétien, la vie dans l’Esprit, est une participation à la vie de résurrection du Christ, la vie du siècle à venir.

Notes

1. G. Vos, The Pauline Eschatology, p. 28, n36; c’est nous qui soulignons; pour une discussion approfondie de la construction des deux siècles, voir chap. 1, p. 36-41, y compris le diagramme au n45.

2. Dans l’intervalle de quarante jours (Ac 1.3) entre sa résurrection et son ascension, le Christ, entré dans son état d’exaltation, n’était pas encore monté vers son lieu d’exaltation.

3. Notez que la résurrection des incroyants, bien qu’affirmée par Paul ailleurs (Ac 24.15), n’est pas prise en compte dans ce chapitre (ni d’ailleurs dans 1 Th 4.13-18).

4. G. Vos, son expression est « the general epochal event ».

5. La plupart des traductions françaises ont « un esprit vivifiant » (avec un e minuscule). Cela masque le fait que le verset 45 réfère à personne du Saint-Esprit. Les craintes que cette équation fonctionnelle entre le Christ et l’Esprit nie ou compromette la distinction personnelle entre la deuxième et la troisième personne de la Trinité sont non pertinentes. Les distinctions essentielles et éternelles à l’intérieur de la Trinité, affirmées par Paul ailleurs (par exemple en 2 Co 13.13), ne sont pas prises en compte ici; il se concentre dans ce passage sur ce que le Christ incarné — le « dernier Adam » et le « deuxième homme »« est devenu » dans l’histoire.