Cet article a pour sujet notre statut devant Dieu à notre mort et notre destinée éternelle, qui dépendent entièrement de ce que le Christ a accompli à notre place, et non du degré de notre repentance juste avant de mourir.

2 pages. Traduit par Paulin Bédard

Et si vous mouriez avant de vous repentir?

Imaginez un homme qui professe sa foi en Christ avec une foi sincère. Il n’est pas parfait; comme tous les chrétiens, il lutte contre le péché. Un jour, il se dispute avec sa femme avant de partir au travail. En sortant, il lui dit des choses horribles et pécheresses. L’homme s’en va dans sa voiture, toujours en colère. Alors qu’il traverse un carrefour, il est percuté par quelqu’un qui a grillé un feu rouge. L’homme meurt sur le coup. Sa femme et sa famille peuvent-elles avoir une quelconque assurance quant à son destin éternel?

Jacob Arminius ne le pensait pas. Arminius a acquis une renommée pour avoir remis en question les doctrines de la grâce à la fin du 16e siècle et au début du 17e siècle. Son enseignement, ainsi que celui de ses disciples, a conduit à la rédaction des Canons de Dordrecht en 1618-16191. À un endroit, Arminius a écrit ceci à propos de la question qui nous occupe :

« Si David était mort au moment même où il avait péché contre Urie par adultère et meurtre, il serait condamné à la mort éternelle.2 »

Par analogie, Arminius n’aurait pas simplement mis un point d’interrogation derrière notre situation hypothétique ci-dessus, il aurait carrément répondu par la négative. On ne possède aucune assurance lorsque quelqu’un meurt sans se repentir de ses péchés.

Cela a d’énormes implications pour l’accompagnement pastoral des personnes qui ont perdu un être cher chrétien à cause du suicide. Cela a d’énormes implications pour l’encouragement mutuel dans ces situations. Je parle en tant que personne qui a vécu cette expérience, ayant perdu ma mère à cause du suicide en 2002. Ma mère se disait chrétienne, et pourtant, elle s’est donné la mort. Cela a été dévastateur.

Le pasteur de mes parents s’est montré doux et compatissant, à l’image du Christ. Ses paroles étaient peu nombreuses mais sages. Je n’oublierai jamais la présence de cette personne durant notre deuil. D’autres n’ont toutefois pas montré la même bienveillance. Je n’oublierai jamais cette personne qui a exprimé sa sympathie, car notre famille avait besoin de réconfort, puisque ma mère se retrouvait en enfer. Cette personne était membre d’une Église réformée confessionnelle très engagée.

La question s’exprime en réalité ainsi : notre salut dépend-il du fait que nous nous soyons consciencieusement repentis de tous les péchés que nous avons commis, ou même seulement des péchés graves? Théologiquement, répondre affirmativement à cette question signifie que nous ajoutons quelque chose à l’œuvre du Christ accomplie par sa vie et sa mort parfaites. Mon statut devant Dieu dépend en partie de mon degré de repentance. Cependant, la Bible enseigne que mon statut devant Dieu dépend entièrement de l’œuvre du Christ accomplie à ma place. Si je suis uni au Christ par la foi, « il n’y a donc maintenant aucune condamnation… » (Rm 8.1).

En pratique, répondre affirmativement à cette question signifie que personne ne peut être sauvé. Comme le dit le Psaume 19.13 : « Qui connaît ses fautes involontaires? » Dans le Psaume 40.13, David confesse que ses iniquités sont plus nombreuses que les cheveux de sa tête. Nous ne pouvons tout simplement pas nous souvenir de tous les péchés que nous commettons, et, si nous ne pouvons pas nous en souvenir, nous ne pouvons ni les nommer ni nous en repentir véritablement.

Louons Dieu, car notre salut ne dépend pas du repentir de tous nos péchés! La grâce dont nous bénéficions lors de notre justification couvre tous les péchés. Le pardon que Dieu nous a accordé par la croix efface tous nos péchés, passés, présents et futurs. Les chrétiens peuvent avoir une confiance absolue dans l’amour de leur Père, jour après jour. Lorsqu’un être cher qui est croyant meurt tragiquement après avoir commis un péché, ceux qui restent peuvent se réjouir. La grâce de Dieu surabonde, au point où le péché a déjà été lavé par le sang du Christ au Golgotha.

Pour clarifier, je ne dis pas que les chrétiens ne doivent pas se repentir quotidiennement de leurs péchés. Un véritable chrétien ressent le poids du péché et, guidé par les Écritures, se doit de le confesser à son Père céleste. Nous nous repentons comme des enfants auprès de notre Père, dans le cadre d’une relation familiale saine et rassurante. Cependant, nous ne devons jamais penser que notre salut dépend de notre repentance, de sorte que si nous oubliions de confesser un péché et de demander pardon à notre Père, vous serions condamnés pour l’éternité.

Dire que nous serions perdus dans une telle situation est conforme au système théologique de Jacob Arminius, un système qui remet en cause la grâce de Dieu. Cela s’inscrit également dans la lignée de la théologie catholique romaine. Dans le catholicisme romain, le suicide peut constituer un péché mortel, ce qui signifie que si vous le commettez, vous pourriez aller directement en enfer. Le cas de l’homme qui se dispute avec sa femme constituerait un péché véniel : mourir sans repentance signifierait passer plus de temps au purgatoire. Dans les deux cas, votre destin est lié à des facteurs aléatoires. Cependant, la Bible enseigne, et la théologie réformée affirme que notre salut repose toujours sur la grâce infinie de Dieu. N’est-ce pas réconfortant?

Notes

1. N.D.T. : Voir Les Canons de Dordrecht. Pour le contexte historique, voir aussi Introduction aux Canons de Dordrecht.

2. James Nichols, « Certain Articles to be Deligently Examined and Weighed » [Certains articles doivent être examinés et évalués avec diligence], The Works of James Arminius, Volume 2, Auburn : Derby, and Miller; Buffalo : Derby, Orton and Mulligan, 1853, XX.8, p. 502.