Le sommeil agité
Le sommeil agité
Rares sont les séminaires qui mentionnent cette vérité dans leurs campagnes de recrutement : Le ministère pastoral s’accompagne de souffrance. C’est douloureux et inconfortable, mais c’est vrai : il n’est pas possible d’éviter les difficultés dans le ministère pastoral.
Par exemple, si vous êtes pasteur, vous avez probablement fait l’expérience de rentrer chez vous après une réunion des anciens ou après une visite pastorale et de savoir qu’une fois de plus, vous n’allez pas très bien dormir. Vous avez trop de choses en tête lorsque vous pensez aux personnes que vous essayez d’aider, que vous vous tourmentez à leur sujet et que vous priez pour elles.
Le manque de sommeil peut se traduire par un mal de tête et des poches sous les yeux le matin, mais ce n’est pas une mauvaise chose. Dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, Paul dit qu’il faut s’attendre à ce que cela se produise chez ceux qui se soucient sincèrement des autres et qui adoptent un modèle de ministère qui ressemble à Jésus-Christ.
À la fin de sa longue liste de souffrances, dans 2 Corinthiens 11.28, Paul déclare : « Et, sans parler d’autres choses, je suis assiégé chaque jour par les soucis que me donnent toutes les Églises. »
Il décrit cela comme un lourd fardeau pour lui, quelque chose qui pèse constamment sur son cœur. Il est compréhensible qu’il ait été « assiégé chaque jour par les soucis » que lui donnaient toutes les Églises, car il était un ministre itinérant, désireux d’aller partout où l’Évangile n’avait pas été prêché.
Dieu l’a utilisé efficacement dans ce travail, mais cela s’est accompagné d’anxiété chaque fois qu’il laissait derrière lui un groupe de nouveaux croyants, comme cela s’est produit dans de nombreux endroits. Ces groupes étaient souvent peu organisés, parfois en détresse, et n’avaient souvent qu’une connaissance élémentaire de la foi, sans parler de toutes les tensions et de tous les défis liés au fait d’être un peuple saint essayant de vivre au milieu d’un monde païen. Paul se débattait donc avec des appréhensions et des inquiétudes qu’il avait à l’égard de ces convertis. Il donne un aperçu de cette lutte dans 2 Corinthiens 7.5 : « Nous étions affligés de toute manière : luttes au-dehors, craintes au-dedans. »
Paul se préoccupait beaucoup de l’Église du Christ, et lorsqu’il était confronté à un défi, il en était personnellement affecté. Il décrit son « souci » dans 2 Corinthiens 11.29 : « Qui est faible, que je ne sois faible? »
Certains croyants étaient faibles dans leur foi, sujets à des périodes de doute et incertains de la volonté de Dieu dans certaines situations. Lorsque Paul entendait parler des croyants des Églises qui luttaient dans leur foi et leur service, il s’inquiétait pour eux. Bien qu’absent et loin d’eux, il souhaitait leur apporter son aide et ses conseils.
Il poursuit : « Qui vient à tomber, que je ne brûle? » (v. 29). On peut imaginer la réaction de Paul lorsqu’on lui rapportait des péchés graves qui étaient commis dans les Églises, et Corinthe en était un excellent exemple. Les personnes dont il avait été le pasteur volaient maintenant de l’argent, retournaient en cachette vers les prostituées et s’enivraient.
Lorsqu’il entendait cela, Paul ne pouvait hausser les épaules d’un air indifférent; au contraire, il le ressentait vivement, comme s’il s’agissait de ses propres chutes. Cela le bouleversait et il voulait aider ces chrétiens dans leur lutte contre le péché, prier avec eux, les exhorter et les encourager. Chaque jour, c’était une autre souffrance qui l’affligeait : il était « assiégé chaque jour par les soucis ».
Paul exprime ici quelque chose que de nombreux pasteurs peuvent comprendre lorsqu’ils s’acquittent d’une tâche qui peut être dévorante. Pour un pasteur, le fait d’être en contact étroit avec les gens peut être épuisant. Il est probable que le conseil des anciens — et peut-être même l’épouse du pasteur — ne savent pas à quel point un pasteur dévoué pense à son Église, porte ses fardeaux et garde dans son cœur les croyants dont ils ont la charge.
Or, lorsque les pasteurs agissent de la sorte, cela est parfois considéré comme un signe de faiblesse. Une incapacité à se détacher des luttes et des peines des gens est considérée comme regrettable, et un pasteur peut souhaiter devenir un peu plus détaché émotionnellement. Il est vrai que l’on peut éviter ce genre de douleur relationnelle, mais seulement en s’abandonnant à l’égocentrisme. Le fait est que, si un pasteur est toujours centré sur lui-même et sur ses propres intérêts, il ne se préoccupera probablement pas beaucoup des personnes faibles et chancelantes de son Église.
Mais la leçon de Paul dans 2 Corinthiens est-elle de dire que les pasteurs doivent éviter de s’investir pleinement dans les autres et s’efforcer d’être détachés et distants? Absolument pas! Au contraire, une telle indifférence était la marque des pasteurs rivaux de Corinthe, des hommes qui étaient trop sophistiqués pour s’engager dans la vie des personnes réelles aux prises avec leurs problèmes. Si ce genre de faiblesse le distinguait de ces faux apôtres, Paul en était heureux. Comme il l’a souvent souligné, il acceptait volontiers de souffrir afin d’aider les autres pour l’amour du Christ.
Ainsi, lorsque les pasteurs d’aujourd’hui se font l’écho des paroles de Paul qui était chargé de soucis pour les croyants, cela indique qu’ils sont engagés dans un véritable ministère qui plaît à Dieu et qui se sacrifie pour le bien des autres. C’est également tout à fait cohérent avec ce que Paul ordonne à tous les croyants dans Romains 12.15 : « Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent; pleurez avec ceux qui pleurent. »
Au service du Christ, un pasteur doit être prêt à partager de bon gré les luttes et les joies des personnes auprès desquelles il exerce son ministère. Ce partage des luttes surviendra peut-être lorsqu’il rendra visite à une famille brisée, lorsqu’il conseillera quelqu’un qui porte un lourd fardeau de peine ou de culpabilité, ou encore lorsqu’il conseillera un mari et une femme qui se débattent dans les défis du mariage. Les paroles de Paul nous avertissent qu’il n’est pas facile de se rapprocher des gens, qu’il peut même être troublant d’entendre des histoires déchirantes et de voir des larmes amères.
Un fardeau pèse inévitablement sur ceux qui aident. Pourtant, il est normal que les pasteurs partagent profondément et personnellement la vie des membres de leur Église.
Cela peut être perçu par certains comme une faiblesse, mais c’est une faiblesse à l’image du Christ.
Et lorsqu’un pasteur a le sommeil agité au petit matin, lorsqu’il constate une fois de plus son incapacité à changer quelqu’un ou son inaptitude à l’aider, il apprend, espérons-le, à dépendre toujours plus du Christ, qui est fort.
Comme nous l’enseigne la deuxième épître aux Corinthiens, c’est à travers la faiblesse humaine que Dieu se plaît à montrer sa puissance. C’est ainsi que Paul peut dire en 2 Corinthiens 1.6 : « Si nous sommes affligés, c’est pour votre consolation et pour votre salut. »