Cet article sur Ésaïe 55 a pour sujet cette prophétie d'Ésaïe qui illustre le motif de la Réforme: le salut par la grâce seulement (à ceux qui ont soif), par Jésus seulement (alliance avec David), par la foi seulement (invitation), par l'Écriture seulement (Parole), à Dieu seul la gloire.

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Ésaïe 55 - Vous tous qui avez soif

Ésaïe 55

Je vous propose de méditer sur un passage du livre du prophète Ésaïe, dans l’Ancien Testament de la Bible, plus précisément sur le chapitre 55 de ce livre prophétique, qui parle d’avance au peuple juif en captivité à Babylone, la grande puissance régionale de l’époque. Ce chapitre illustre parfaitement les motifs que la Réforme protestante du 16siècle a mis en avant : par la grâce seulement, par Jésus-Christ seulement, par la foi seulement, par l’Écriture seulement et à Dieu seul la gloire.

1. Par la grâce seulement🔗

Bien avant la prise de Jérusalem par l’empereur babylonien Neboukadnetsar, qui eut lieu en l’an 586 avant Jésus-Christ, Ésaïe avait prophétisé cet exil au roi de Juda Ézéchias qui régna jusqu’à environ 686 avant Jésus-Christ, soit un siècle avant la chute du petit royaume de Juda. Ézéchias venait de recevoir en grande pompe une ambassade de Babylone, et Ésaïe lui avait demandé ce qu’il avait montré à ces envoyés, avant de lui annoncer de la part de l’Éternel : « Un jour viendra où tout ce qui est dans ton palais et tout ce que tes ancêtres ont amassé jusqu’à ce jour, sera emporté à Babylone; il n’en restera rien ici, déclare l’Éternel. Plusieurs de tes propres descendants issus de toi deviendront serviteurs dans le palais du roi de Babylone » (2 R 20.17-18).

Lorsque cette prophétie se réalisera, les Juifs en captivité essaieront de survivre tant bien que mal, et placeront leur espoir dans leur travail laborieux et leurs plans pour un avenir matériel meilleur. Cependant, en dépit de tous leurs efforts, leur situation ne s’améliorera guère, et les circonstances de leur existence demeureront les mêmes. Or, voici le message qu’ils reçoivent de la part de Dieu, par l’intermédiaire de son prophète :

« Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau! Et même vous qui n’avez pas d’argent, venez, achetez et mangez! Venez acheter sans argent, oui, sans paiement, du vin et du lait! Pourquoi dépensez-vous votre argent pour payer ce qui ne nourrit pas? Pourquoi travaillez-vous pour une nourriture qui ne rassasie pas? Écoutez, oui, écoutez-moi, alors vous mangerez ce qui est bon, vous vous délecterez d’aliments savoureux. Tendez l’oreille, venez à moi, écoutez-moi et vous vivrez » (És 55.1-3).

Certainement, le début du chapitre 55 du livre du prophète Ésaïe offre une illustration parfaite du motif avancé par la Réforme protestante au 16siècle : « Par la grâce seulement ». En hébreu, la langue originale dans laquelle l’Ancien Testament de la Bible a été écrit, ce passage commence par une interjection : « Ho! » Comme si le prophète voulait réveiller ses auditeurs endormis : « Hé! Réveillez-vous! pourquoi gaspillez-vous votre temps, votre argent et votre énergie! Il y a quelque chose de bien meilleur en vue! » Ce quelque chose, c’est la grâce du Seigneur Dieu, qu’il promet dans sa Parole, un trésor qu’aucun être humain ne peut obtenir ou acheter par ses propres moyens.

Jésus-Christ l’a ainsi présenté un jour à une femme rencontrée près d’un puits où elle était venue puiser de l’eau : « Celui qui boit de cette eau aura de nouveau soif. Mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif. Bien plus : l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source intarissable qui jaillira jusque dans la vie éternelle » (Jn 4:13). Mais, pour recevoir ce don gratuit de Dieu, sa grâce, il ne faut pas penser qu’on est soi-même riche, bien habillé et capable de subvenir à ses propres besoins sans aucune aide.

Le même Jésus a dit une autre fois, lorsqu’il enseignait les foules : « Heureux ceux qui se reconnaissent spirituellement pauvres, car le Royaume des cieux leur appartient » (Mt 5.3). C’est d’ailleurs le sens de la prise du repas institué par Jésus-Christ le soir de son arrestation, ce que l’on appelle la communion ou la sainte Cène, et qu’il a ordonné à ses disciples de célébrer régulièrement en mémoire de son sacrifice. L’invitation à participer à ce repas sacré est pour ceux qui se reconnaissent spirituellement pauvres, nus et misérables. Pas pour ceux qui se reposent sur leurs succès, leurs possessions, leur statut social ou la couleur de leur peau.

Un autre jour Jésus a raconté à ses disciples la parabole du festin (voir Luc 24). Ceux qui avaient d’abord été invités à ce festin étaient riches et bien pourvus. Mais ils se sont excusés l’un après l’autre en prétextant toutes sortes d’obligations et ne sont pas venus au festin. Alors le maître de la maison a invité à son festin les pauvres, les estropiés, les mendiants, les aveugles. Justement ceux qui, d’un point de vue humain, n’auraient jamais pu espérer être invités à un tel festin.

Or le repas du Seigneur, celui que les chrétiens célèbrent ensemble dans leurs assemblées, n’est pas offert par un homme, mais par Dieu lui-même, en l’honneur de son Fils bien-aimé Jésus-Christ. On n’y est pas invité comme lorsqu’on se rend chez des amis, en apportant des fleurs ou un cadeau quelconque. Au repas du Seigneur Jésus-Christ, nous n’apportons avec nous-mêmes que nos propres péchés, notre repentance et notre reconnaissance d’avoir été invité à un tel repas en dépit de nos fautes. Venir participer à un tel repas avec une autre attitude n’est rien d’autre qu’y prendre part de manière indigne, et ainsi se condamner soi-même. Par la grâce seulement!

2. Par Jésus-Christ seulement🔗

Mais continuons la lecture du chapitre 55 du prophète Ésaïe.

« Tendez l’oreille, venez à moi, écoutez-moi et vous vivrez. Car je conclurai avec vous une alliance éternelle, celle que dans ma bienveillance et ma fidélité j’ai promise à David. Voici, j’ai fait de lui un témoin pour les peuples, un chef pour commander aux peuples. Oui, tu appelleras une nation que tu ne connais pas; une nation qui ne te connaît pas va accourir vers toi; c’est à cause de moi, moi, l’Éternel ton Dieu, moi le Saint d’Israël, qui te couvre de gloire » (És 55.3-5).

Le Seigneur associe son repas gratuit à l’établissement d’une alliance éternelle, une alliance de grâce qu’il promet à son serviteur David. Le royaume de David est ici étendu de manière prophétique à toutes les nations. Peut-il s’agir du royaume historique du roi David aux alentours de l’an mille avant Jésus-Christ? Car ce royaume avait des limites géographiques précises, même si le Seigneur l’avait aidé à étendre ces limites. Il est ici signifié bien plus que ce royaume historique du roi David. Il est question d’une invitation qui s’étend aux peuples les plus lointains, invitation qu’ils reçoivent et entendent. C’est autre chose que de soumettre militairement quelques peuples voisins. En fait, le roi David sert ici de figure ou de type pour un autre roi qui doit encore venir, et dont le royaume durera éternellement.

C’est aussi de lui que témoigne le prophète Jérémie, toujours dans l’Ancien Testament, lorsqu’il prophétise au sujet de la délivrance physique du peuple juif en captivité à Babylone, qui sera aussi une délivrance spirituelle :

« Voici ce que déclare l’Éternel, le Seigneur des armées célestes : en ce temps-là, je briserai le joug pesant sur leurs épaules, j’arracherai leurs liens et ils ne seront plus esclaves d’étrangers. Ils seront serviteurs de l’Éternel leur Dieu, et de David, leur roi, que je leur donnerai » (Jr 30.9).

L’Éternel promet que dans le futur il fera de David leur roi et qu’ils le serviront au même titre que lui-même.

Un autre prophète de l’Ancien Testament, Osée, a annoncé la même chose peu avant le premier exil du peuple de Dieu, intervenu en l’an 722 avant Jésus-Christ :

« En effet, les Israélites resteront pendant longtemps sans roi et sans chef, sans sacrificateur et sans stèle, sans statue et sans divinités domestiques. Après cela, ils reviendront à l’Éternel leur dieu et se tourneront vers lui, ainsi que vers David leur roi. Dans la suite des temps, ils viendront tout tremblants à l’Éternel pour bénéficier de sa bonté » (Os 3.4-5).

La conclusion d’une alliance éternelle trouve son accomplissement en Jésus-Christ et seulement en lui. Autre motif de la Réforme protestante : « par Jésus-Christ seulement! » C’est lui qui a scellé cette alliance éternelle par sa crucifixion et sa résurrection. Il a donné à ses disciples les signes de cette alliance le soir de son arrestation, durant la célébration du repas de la Pâque, en partageant avec eux le pain et le vin, signes de son corps et de son sang offerts pour sceller cette alliance éternelle. Son royaume éternel s’étend aux nations les plus éloignées les unes des autres, dans la mesure où tous les habitants de la terre sont appelés à entrer dans cette alliance par la foi. Écoutez donc à nouveau les promesses de Dieu concernant cette alliance éternelle, tout comme le peuple d’Israël dans l’Antiquité a été appelé à y croire, car une alliance de caractère éternel n’est pas limitée à une génération seulement, mais aux générations successives jusqu’à la fin des temps :

« Tendez l’oreille, venez à moi, écoutez-moi et vous vivrez. Car je conclurai avec vous une alliance éternelle, celle que dans ma bienveillance et ma fidélité j’ai promise à David. Voici, j’ai fait de lui un témoin pour les peuples, un chef pour commander aux peuples. Oui, tu appelleras une nation que tu ne connais pas; une nation qui ne te connaît pas va accourir vers toi; c’est à cause de moi, moi, l’Éternel ton Dieu, moi le Saint d’Israël, qui te couvre de gloire » (És 55.3-5).

3. Par la foi seulement🔗

Le troisième motif « par la foi seulement » se trouve illustré par la section suivante de ce chapitre, qui est une invitation à croire et à se détourner du mal. Certes, le chapitre dans son intégralité demande à tout lecteur de croire en ce qui est annoncé et promis. Nous venons de le voir avec les paroles suivantes : « Tendez l’oreille, venez à moi, écoutez-moi et vous vivrez. » Mais la section en question est plus explicite encore, dans la mesure où elle est un appel pressant à se convertir à Dieu.

« Tournez-vous donc vers l’Éternel tant qu’on peut le trouver. Adressez-vous à lui tant qu’il est proche! Que le coupable abandonne sa voie, et l’homme malfaisant ses mauvaises pensées! Et qu’il revienne à l’Éternel qui aura compassion de lui, à notre Dieu qui lui accordera un pardon généreux. Car vos pensées ne sont pas mes pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, déclare l’Éternel; autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au-dessus des vôtres » (És 55.6-9).

Il est clair qu’au cœur de l’alliance éternelle promise se trouve le pardon des fautes par un Dieu de grâce, un Dieu compatissant qui pardonne. Voilà quelque chose d’incompréhensible sur un plan purement humain. Mais Dieu déclare : « Car vos pensées ne sont pas mes pensées, et vos voies ne sont pas mes voies. » Sa grâce s’étend bien au-dessus de toute attente humaine, voilà pourquoi elle ne peut être saisie que par cette dimension qu’on appelle la foi. La promesse de la grâce divine n’est pas comme une transaction humaine, comme un marché qu’on considère avec prudence avant de l’accepter. Cette promesse demande la réponse de la foi, cet abandon de soi-même dans les mains du Père tout puissant et plein de miséricorde. « Par la foi seulement! »

Cette foi est accompagnée par le renoncement à soi-même, par la mise à mort des désirs contraires à la volonté de ce Père tout puissant : « Que le coupable abandonne sa voie, et l’homme malfaisant ses mauvaises pensées! Et qu’il revienne à l’Éternel qui aura compassion de lui, à notre Dieu qui lui accordera un pardon généreux » (És 55.7). Voici comment le Catéchisme de Heidelberg (Q&R 88 à 90) décrit les deux éléments de la véritable repentance ou conversion de l’homme :

« Ces deux éléments sont la mortification du vieil homme et la résurrection de l’homme nouveau. Qu’est-ce que la mortification du vieil homme? C’est être affligé du fond du cœur à cause de ses péchés, les haïr et les fuir de plus en plus. Qu’est-ce que la résurrection de l’homme nouveau? C’est se réjouir de tout cœur en Dieu par Jésus-Christ et mettre sa joie et son amour à vivre, selon la volonté de Dieu, dans l’accomplissement de toutes œuvres bonnes. »

4. Par l’Écriture seulement🔗

Venons-en au motif suivant : « par l’Écriture seulement ». La suite de notre chapitre nous invite à découvrir ce motif.

« Or, la pluie et la neige qui descendent du ciel n’y retournent jamais sans avoir arrosé et fécondé la terre, sans avoir fait germer les graines qui s’y trouvent, sans fournir au semeur le grain qu’il doit semer, et sans donner du pain à tous ceux qui le mangent. Il en sera de même de la parole que j’ai prononcée : elle ne reviendra jamais vers moi à vide, sans avoir accompli ce que je désirais et sans avoir atteint le but que je lui ai fixé » (És 55.10-11).

Dieu exprime sa volonté et ses pensées dans sa Parole vivante. Les promesses qu’il prononce dans sa Parole sont vivantes aussi, car celle-ci les accomplit, ce ne sont jamais de simples désirs ou des intentions vaines. La Parole de Dieu suscite la vie là où il y avait la mort, éveille l’espérance là où régnait le désespoir, crée la richesse là où abondaient la pauvreté ou les fausses richesses. Il s’agit d’une Parole créatrice et recréatrice, pénétrée par son Saint-Esprit. Elle est complètement autre que des paroles purement humaines, raison pour laquelle elle peut être crue inconditionnellement. C’est une révélation salutaire que Dieu adresse aux hommes, et qui est contenue dans l’Écriture sainte, la Bible, dont fait partie l’extraordinaire livre du prophète Ésaïe. Rien d’autre que cette révélation spéciale de Dieu aux hommes n’est nécessaire pour nous élever spirituellement, pour autant bien sûr que nous y croyions.

C’est armés de cette parole vivante, de cette révélation, que les disciples de Jésus-Christ sont allés vers toutes les nations pour annoncer l’Évangile de la vie. « Par l’Écriture seulement! » La proclamation, l’annonce de cet Évangile a arrosé et fécondé le cœur des hommes qui y ont cru. Des nations qui n’avaient rien à voir avec l’Israël des temps anciens ont été appelées par la Parole vivante de Dieu à croire au Messie qu’il a envoyé sur terre pour l’incarner. Elles ont entendu ce message et sont accourues vers lui. L’Esprit de Dieu qui accomplit ses intentions ne peut être séparé de la Parole qu’il porte et inspire. En l’an 325 de notre ère, les participants au Concile de Nicée le reconnaissaient lorsqu’il affirmaient : « Nous croyons au Saint-Esprit qui règne et donne la vie, qui procède du Père et du Fils, qui a parlé par les prophètes, qui avec le Père et avec le Fils est glorifié. »

« Par l’Écriture seulement » : cela n’est vrai que lorsque la Parole de Dieu et son Esprit sont révérés et entendus ensemble. Lorsque cette Parole nous semble difficile d’accès à cause de notre lenteur à croire ce qu’ont annoncé les prophètes et les apôtres, invoquons Dieu afin qu’il nous éclaire par son Saint-Esprit qui seul illumine les entendements. Lorsque nous nous demandons ce que l’Esprit de Dieu attend de nous, cherchons-le dans l’Écriture sainte qu’il a inspirée.

5. À Dieu seul la gloire🔗

À la fin du chapitre 55 du livre du prophète Ésaïe, l’Esprit vivifiant annonce dans sa parole vivante le chemin qui attend ceux qui auront cru en ses promesses, tel que Dieu l’a balisé et tracé pour son peuple :

« Car vous sortirez pleins de joie, vous serez conduits dans la paix. Montagnes et collines éclateront en cris de joie devant vos pas. Tous les arbres des champs applaudiront. Où croissent les broussailles poussera le cyprès, et au lieu des orties croîtra le myrte. Ce sera un titre de gloire pour l’Éternel et ce sera un signe qui ne disparaîtra jamais » (És 55.12-13).

Ici, c’est la création tout entière qui se réjouit au sujet du puissant acte libérateur de Dieu. Une image de la nouvelle création nous est en fait présentée, comme elle apparaît souvent dans les écrits des prophètes de l’Ancien Testament. La vie a remplacé la mort, et la souffrance a disparu à tout jamais, car l’alliance éternelle est entrée en vigueur, à la gloire de l’Éternel : « Ce sera un titre de gloire pour l’Éternel et ce sera un signe qui ne disparaîtra jamais. » À Dieu seul la gloire donc!