Cet article sur 1 Corinthiens 10.16-17 a pour sujet la célébration de la sainte Cène qui a remplacé la Pâque juive et qui est un repas nous offrant la participation aux bienfaits du sacrifice unique de Jésus-Christ sur la croix.

Source: Croire pour comprendre. 3 pages.

1 Corinthiens 10 - Pourquoi la sainte cène?

« La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas la communion au sang du Christ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas la communion au corps du Christ? Puisqu’il y a un seul pain, nous qui sommes plusieurs, nous sommes un seul corps; car nous participons tous à un même pain. »

1 Corinthiens 10.16-17

Quatre récits différents, mais qui concordent essentiellement, relatent dans le Nouveau Testament l’institution de la sainte Cène. Celui que nous venons de citer est le plus ancien des quatre et il fut écrit sans doute quelque vingt ans après l’événement, c’est-à-dire après le soir mémorable où le Seigneur fut livré pour être crucifié.

Depuis près de deux mille ans, le rite appelé sainte Cène a subi des transformations pour se développer en une doctrine bien complexe. La célébration cultuelle qui aurait dû unir les chrétiens entre eux est devenue, hélas!, l’occasion de les séparer et de produire les plus cruelles divisions. Je n’entrerai pas dans le détail des différentes interprétations, mais à mon avis, il en est une qui doit être rejetée sans hésitation; celle qui fait de la Cène, célébration du dernier repas de Jésus (Cène voulant dire souper), un rite quasi magique. Pour un certain nombre de chrétiens, la Cène représente une transmutation, c’est-à-dire que le pain et le vin, simples éléments naturels, deviennent soudain, grâce à la prière de l’officiant, le corps même et le sang du Seigneur Jésus. On connaît sans doute le terme de transsubstantiation, aussi point n’est besoin de l’expliquer.

Cette interprétation n’est pas nouvelle, puisqu’un chrétien du 2siècle, Tertullien, parlait déjà à ce propos de « médecine d’immortalité », attribuant ainsi à ces deux éléments un pouvoir automatique, de nature quasi magique. On comprendra alors à quel point on peut assujettir la conscience des fidèles par l’exercice d’un cléricalisme parvenu à un tel excès. En réalité, l’Église-institution prétend dispenser et distribuer, à l’aide du rite, le salut et la grâce de Dieu. Bien plus, l’institution humaine peut créer à volonté le corps du Christ, celui du Fils de Dieu. Ce faisant, ne se pose-t-elle pas au-dessus de la divinité?

Pour bien comprendre le sens de la sainte Cène, il existe une méthode sûre, la méthode historique qui examine l’événement qui lui a donné naissance. Que s’est-il passé exactement la veille de la crucifixion du Seigneur? Pourquoi l’apôtre a-t-il recours à la phrase : « participer au corps et au sang du Christ »?

Rappelons-nous tout d’abord que sa lettre fut adressée aux chrétiens de la ville de Corinthe. L’allusion à la Cène dans ce chapitre est tout incidentelle. Paul y discourt et y discute en premier lieu de la manière dont les chrétiens devraient se conduire en milieu païen. Dans chaque acte social, dans chaque pas dans la société environnante, ceux-ci étaient dangereusement exposés au culte idolâtre.

L’un des lieux où ils couraient le plus de danger était le marché public, où ils devaient s’approvisionner chaque jour. Les animaux offerts en sacrifice aux divinités des temples païens fournissaient la viande de consommation. Et puis, si un chrétien se rendait à l’invitation d’un repas amical, il s’exposait à la communion de l’idole par sa participation au repas en question.

Comment éviter, dans de telles circonstances, la contamination de l’idolâtrie et comment échapper à une apostasie? L’apôtre donne des conseils pastoraux très sages, tout à fait remarquables même. Selon lui, une idole n’est que néant. Par conséquent, les viandes offertes aux idoles ne possèdent, en soi, aucune « valeur morale » et ne représentent pas de danger spirituel. C’est de la viande comme n’importe quelle autre viande. L’apôtre ne se contente pas de souligner cet aspect. Il développe aussi un second point selon lequel les fidèles devraient éviter tout contact avec un culte idolâtre. Ils sont les serviteurs du Dieu vivant et les disciples de son Fils Jésus-Christ. Si l’un d’eux est obligé de partager un repas païen dans ses obligations familiales ou sociales, qu’il se souvienne de son appartenance au Sauveur et qu’il pratique la charité envers ses frères dans la foi. Qu’il n’use donc pas immodérément de sa liberté. Il est exhorté à ne pas se mêler à des actes idolâtres.

L’argument apostolique sera compris si nous nous souvenons de la nature et de l’importance accordée aux idoles. Il existait un système de sacrifice cultuel chez les peuples païens de l’époque, semblable en quelque sorte à celui de la législation d’Israël. L’un et l’autre avaient le même sens. Aussi l’apôtre s’adresse à l’intelligence naturelle de ses lecteurs, ses anciens paroissiens, en leur demandant s’il est admissible qu’ils participent à un repas offert en l’honneur d’une idole. C’est une contradiction que de confesser son appartenance au Christ et de persister à prendre part au culte voué à l’idole, mensonge et néant par excellence. Même leur participation à une fête cérémonielle juive aurait conduit à cette contradiction.

Pourquoi toutes ces considérations historiques et un tel examen de l’argument de l’apôtre? La raison en est qu’aussi bien pour l’apôtre Paul que pour la communauté de Corinthe, la Cène était un repas sacrificiel. C’est comme telle qu’elle fut mise en parallèle avec les fêtes païennes et juives. Tel est, en fin de compte pour chacun de nous aujourd’hui, le sens de la Cène. Repas du sacrifice que Dieu nous a offert personnellement en livrant son Fils sur la croix, en vue du pardon des offenses. Ceux qui prennent part aux symboles que sont le pain et le vin participent en réalité aux bienfaits de l’autel divin : ils bénéficient des grâces offertes, qui sont des grâces spirituelles.

La Cène, disions-nous, est devenue, hélas!, le lieu et l’occasion d’interprétations contradictoires, une véritable Babel ecclésiastique. Pour certains, elle possède un pouvoir magique, pour d’autres, elle n’est qu’un symbole sans force spirituelle. Le Nouveau Testament en parle la comparant à l’ancienne Pâque des juifs. Il l’appelle la Pâque chrétienne. Rappelons-nous encore ce qui s’était passé le dernier soir où Jésus, entouré de ses disciples dans une chambre à Jérusalem, l’avait célébrée. Il mangeait avec eux l’agneau pascal, cet agneau qui autrefois le préfigurait, lui, l’Agneau de Dieu choisi dès avant la fondation du monde pour expier les fautes des hommes. Dans cette dernière rencontre, l’agneau rituel s’offrait au collège des disciples. Mais à présent, les disciples prenaient part au sacrifice réel unique et définitif de Jésus, sur le point de s’offrir pour accomplir la promesse de Dieu contenue et transmise par le culte ancien.

Désormais, la Pâque juive n’est plus nécessaire. En présence du dernier agneau type, Jésus indique qu’à partir de maintenant il inaugure une nouvelle économie. Il prend donc du pain, il remercie Dieu, le rompt et dit : « ceci est mon corps », en mettant l’accent sur le « ceci ». Ce n’est plus l’agneau, mais le pain qui représente le sacrifice. De même, il prend la coupe pour l’offrir en tant que signe de la Nouvelle Alliance. Communion à l’autel dressé par Dieu, Christ, notre Pâque, est offert sous le signe des espèces du pain et du vin. À présent, nous sommes bénéficiaires de sa passion, de ses souffrances et de sa mort. Nous nous savons réconciliés et pardonnés par Dieu, introduits dans la vie nouvelle, la vie éternelle.

Le pain et le vin représentent bien le corps et le sang du Christ, non pas d’une manière absolue, c’est-à-dire comme s’ils étaient devenus matériellement ce corps, mais en tant que corps offert, comme sacrifice et comme des éléments donnés. Ne nous soucions pas de savoir comment nous en profitons. La chose est vraie. Reconnaissons qu’ils nous sont offerts comme tels par le Seigneur en personne. C’est en tant que signes de son sacrifice que nous sommes en communion avec lui par la Cène. Alors, nous faisons nécessairement partie de la grande communion des rachetés. Différents des païens et d’Israël, nous avons notre propre sacrifice. Nous formons l’unité nouvelle. En Christ, nous sommes plusieurs, tout en étant un seul. Voilà la sainte Cène : participation aux bienfaits du sacrifice du Christ offert par lui, signe de communion avec lui et avec les frères. Il n’y a donc qu’un seul salut et une seule foi; parce qu’il n’y a qu’un Sauveur, source unique où s’abreuve notre soif et se nourrit notre foi.