Cet article sur 1 Jean 3.11-24 a pour sujet l'amour qui est liée à la foi, car la source de l'amour est en Dieu et en Jésus. Il a donné sa vie pour nous et nous appelle à pratiquer le don de soi par amour pour notre prochain.

Source: La certitude de la vie éternelle - Méditations sur les épîtres de Jean. 5 pages.

1 Jean 3 - De l'amour et de la foi

« Voici le message que vous avez entendu dès le commencement : Aimons-nous les uns les autres; ne faisons pas comme Caïn, qui était du Malin et qui égorgea son frère. Et pourquoi l’égorgea-t-il? Parce que ses œuvres étaient mauvaises, et que celles de son frère étaient justes. Ne vous étonnez pas, frères, si le monde a de la haine pour vous. Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons les frères. Celui qui n’aime pas demeure dans la mort. Quiconque a de la haine pour son frère est un meurtrier, et vous savez qu’aucun meurtrier n’a la vie éternelle demeurant en lui. À ceci, nous avons connu l’amour : c’est qu’il a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour les frères. Si quelqu’un possède les biens du monde, qu’il voit son frère dans le besoin et qu’il lui ferme son cœur, comment l’amour de Dieu demeurera-t-il en lui? Petits enfants, n’aimons pas en parole ni avec la langue, mais en action et en vérité. Par là, nous connaîtrons que nous sommes de la vérité, et nous apaiserons notre cœur devant lui, de quelque manière que notre cœur nous condamne : Dieu est plus grand que notre cœur et connaît tout. Bien-aimés, si notre cœur ne nous condamne pas, nous avons de l’assurance devant Dieu. Quoi que ce soit que nous demandions, nous le recevons de lui, parce que nous gardons ses commandements et que nous faisons ce qui lui est agréable. Et voici son commandement : Que nous croyions au nom de son Fils Jésus-Christ, et que nous nous aimions les uns les autres, selon le commandement qu’il nous a donné. Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui; et nous connaissons à ceci qu’il demeure en nous, par l’Esprit qu’il nous a donné. »

1 Jean 3.11-24

En choisissant le titre du présent exposé, je me suis demandé si nombre de mes auditeurs et auditrices n’auraient pas préféré d’entendre parler d’amour… sans y ajouter la foi. « Si on ne parlait que d’amour! », risquent de s’exclamer plusieurs d’entre eux. De l’Amour avec un grand A, un très grand A! On est nombreux, c’est peu dire, à y aspirer dans une société où, quotidiennement, c’est le contraire de l’amour qui se pratique. Du fond de leur cœur, des hommes et des femmes lancent un appel, souvent un cri de détresse, comme une bouteille lancée sur la mer dans l’espoir de trouver un écho à leur voix et de recevoir du secours. Pourquoi donc associer la foi à l’amour? L’amour est un besoin universel, dramatiquement ressenti aussi bien par le croyant que par le non-croyant, par l’enfant que par l’adulte, par les faibles, mais aussi par les forts. La foi, quant à elle, se fait sentir de manière élective; on croit qu’on peut aisément s’en dispenser, qu’elle n’est qu’une opinion parmi tant d’autres, une idée religieuse qui ne peut réclamer l’universalité, n’étant pas inscrite dans les gènes humains. Elle n’accueillera jamais un suffrage universel. Telles sont, je crains, certaines réflexions sur le sujet.

Je ne conteste nullement l’impérieux besoin d’amour. Le Suisse Théo Bovet, médecin psychologue chrétien, qui, avec son compatriote le Dr Paul Tournier, fut le fondateur de la médecine de la personne, avait écrit un livre qui nous avait beaucoup aidé durant nos années de formation : Vivre, c’est aimer! Cependant, le médecin chrétien, à l’instar d’autres chrétiens, n’aurait jamais songé à isoler l’amour de la foi. L’un et l’autre sont de facture purement chrétienne.

Saint Jean ne les dissocie pas non plus. Tandis que, dans un langage à la fois simple et prenant, il développe l’idée de l’amour, il prend soin de ne pas amputer la doctrine chrétienne de l’un de ses membres vitaux : comme si un unijambiste pouvait entrer en compétition dans une course athlétique! Donc pas d’amour sans la foi. Inversement, une foi qui ne serait que langue de bois, insensible et sans entrailles, sans lien avec l’amour, serait une foi morte.

« Aimer, a écrit Antoine de Saint-Exupéry, ce n’est pas se regarder dans les yeux, mais regarder dans la même direction. » Je ne sais pas si le célèbre auteur du Petit Prince voyait juste. Il me semble que, bien au contraire, on ne peut regarder ensemble dans aucune direction si auparavant on ne s’est pas arrêté pour regarder droit dans les yeux de l’autre. Car la direction vers laquelle on regarderait ensemble pourrait ne déboucher que sur le néant ou encore sur l’inconnu insaisissable.

Aimer ce n’est pas tout d’abord chercher un but et vouloir atteindre un objectif. Aimer, c’est tout d’abord aimer! Dire à celle, à celui qu’on aime : Je t’accepte comme je m’accepte; je renonce à mes droits sur toi, je refuse de t’utiliser pour mes ambitions, de t’asservir à mes intérêts. Tu ne seras pas un objet à ma disposition, une unité à exploiter. Je te regarde dans les yeux, même si par la force des choses, les directions empruntées peuvent bifurquer et se distancer. Car nous nous rappelons de quelle manière monstrueuse, au nom de « directions communes », qui ne toléraient ni dissension ni dissidence, on a asservi des êtres humains. Au nom des projets à réaliser et des grandeurs à bâtir, du collectif à constituer, on a éliminé, liquidé, écrasé le prochain. Nous nous souvenons sans doute de 1984 de George Orwell : quelque part dans ce roman, miroir de nos régimes de terreur modernes, l’auteur converti du collectivisme déshumanisant décrivait ces chambres de torture que l’on appelait « salles d’amour »! Un cas extrême, me direz-vous, mais il illustre parfaitement la réalité d’un amour qui ne s’enracine pas dans la foi et qui n’en est pas protégé. C’est un amour qui ne pourra jamais dire : Oui je t’aime, toi, l’Aryen ou le Sémite, le Tsigane ou le Polonais, l’Arménien ou l’Arabe, l’Africain ou l’Amérindien…

Je me souviens d’une causerie que je faisais, il y a quelques années, devant des pasteurs. J’avais osé signaler que l’amour coupé de la foi était hérésie, fausse monnaie, billet dévalué… Que n’ai-je pas entendu de la part d’un auditeur outré, scandalisé, décrivant avec éloquence les nobles sentiments qui animent tant d’êtres humains, indépendamment de leur confession religieuse. Leur philanthropie aurait dû faire rougir tout conférencier comme votre serviteur! Mais est-il tellement certain, je vous le demande, que les non-chrétiens, s’ils aiment, aiment correctement? Le cœur humain ne recèlerait-il rien de douteux et d’étranger à l’amour, ne contiendrait-il que du pur altruisme?

En ce qui me concerne, je crois en l’Écriture qui déclare la corruption totale de l’homme; cela n’est ni capitulation pessimiste ni dégradation des êtres humains, mais le premier pas pour les ramener vers l’amour authentique, à travers le canal transformateur de la foi.

Expliquons la pensée de saint Jean. L’homme de Dieu permet d’y voir clair dans la nature de l’amour. Pour commencer, il nous situe par rapport à la source de l’amour. Il associe l’amour sublime à la foi magnifique. Dès lors, nous n’aimons pas simplement l’amour en tant qu’idée, mais le prochain. Car aimer l’amour « en soi » comme le font tous les romantismes humanistes, c’est une forme subtile d’hérésie, qui détourne l’amour de sa source originelle et l’aliène de sa vocation première.

Dieu est lumière. Il s’est révélé en Jésus-Christ, et c’est par là que nous connaissons son amour. Le mouvement que Dieu fait en se portant vers nous nous entraîne dans son élan. Aimés, nous aimons. Nous recevons la foi du Dieu qui nous aime; mais l’amour prolonge les lignes de cette affection divine en les tirant jusqu’au frère. L’amour de Dieu ne nous arrache pas à notre entourage pour nous enfermer dans un aparté de l’âme, isolés de l’extérieur, dialoguant avec Dieu dans une mystique nébuleuse et dans un climat de spiritualité dépersonnalisée. Parce que le bien-aimé de Dieu se sait l’objet de sa sollicitude, il se préoccupe aussitôt du prochain. « Il aime son frère », écrit saint Jean.

Et ceux qui n’aiment pas? Ils sont tout simplement traités de « morts ». Point de foi, point de vie éternelle; point d’amour du prochain, point de certitude que l’on vit, que l’on vit la vie normale de la foi. Séparé de Dieu, on est mort. La profusion de paroles et la générosité du langage n’y changeront rien. Lorsqu’on prétend aimer sans aimer véritablement, on reste recroquevillé sur soi, on occupe le centre de son univers; autrui ne compte pas, on ne s’y intéresse pas; on poursuit ses propres desseins, on cherche à réaliser ses ambitions égoïstes, jouir de ses instincts, oubliant la joie de partager; bref, on pratique le contraire de ce qu’on professe. Or, lorsqu’on n’aime pas le frère, on lui dénie le droit d’exister, on lui conteste sa place sous le soleil.

Tel a été le cas de celui qui, d’après l’Ancien Testament, est le prototype de tout meurtrier, Caïn. Saint Jean expose les mobiles du fratricide : « Ses œuvres étaient mauvaises », écrit-il (1 Jn 3.12). Et parce qu’il n’a pas supporté les œuvres bonnes de son frère Abel, il l’a égorgé. Et que font les ogres modernes, les démons exterminateurs de leurs semblables? Sur la route d’enfer menant en 1915 des centaines de milliers d’Arméniens à Der-el Zor, dans les chambres à gaz liquidant ceux qui en Europe occidentale ne pouvaient se réclamer de la super-race aryenne, ou dans les Goulags du collectivisme, les Caïn modernes ne se soucient guère d’amour, mais de leur propre intérêt et de leurs œuvres perverses et dévoyées.

Mais à côté des monstres qui nous inspirent une si grande horreur, d’autres, moins visibles, pratiquent la haine… Et nous-mêmes ne la pratiquerions pas aussi, à notre manière? Avec saint Jean, je crois qu’il existe seulement deux camps. Ceux qui aiment par la foi et ceux qui n’aiment pas parce qu’ils ne connaissent pas l’origine de l’amour, sa source, sa nature authentique, sa véritable vocation.

Saint Jean nous propose un exemple, sublime et suprême, Jésus-Christ. « Il a donné sa vie pour nous » (1 Jn 3.16). C’est pourquoi, à notre tour, nous devons aussi nous sacrifier pour le frère. Il s’est donné. Ceci n’est pas un simple modèle à imiter, car avant d’être un exemple, l’amour divin est le terrain ferme sur lequel nous nous tiendrons, afin qu’à notre tour nous puissions refléter l’amour rayonnant qui jaillit de la croix du Calvaire, du cœur même de Dieu.

Vous avez sans doute une question à me poser. Est-il si sûr que les croyants donnent nécessairement des signes et des preuves d’un tel amour? Qu’ils imitent vraiment leur Sauveur, ainsi qu’est leur devoir? Je reconnais que les pages de l’histoire de l’Église sont trop souvent souillées par le sang, par des crimes et par des fraudes; parfois la chronique lamentable de haines solides. Et je reconnais par ailleurs que des non-chrétiens sont capables de faire preuve d’un amour qui devrait faire envie aux croyants…

Mais les chrétiens ayant manqué à leur obligation d’aimer reconnaissent malgré tout que la seule source et la seule racine de l’amour et son corollaire, l’amour envers le prochain, se trouvent en la foi en Dieu. La grande différence réside en ce point-là. De toute façon, les chrétiens doivent se rappeler que l’amour n’est pas simple débordement de piété ou manifestation de sympathie; il est encore moins une exaltation vibrante de sentiments éphémères, mais le privilège de ne pas fermer « ses entrailles » au pauvre, au faible, à celui qui est injustement traité, à la victime sans défense. L’amour chrétien prend son départ à la croix, suprême manifestation de sacrifice et du don de soi pour le prochain. Si notre amour n’était qu’un sentiment, il connaîtrait des hauts et des bas, des flux et des reflux, des élans de générosité et des moments de repli. Ce serait un amour incohérent, inconstant, une sensiblerie à fleur de peau, et non un amour fidèle et persistant. Il ne prodiguerait ses sympathies que selon les affinités bien limitées du cœur.

Saint Jean a abordé aussi un autre aspect de la vie chrétienne. Avec réalisme, il rappelle nos défaillances. Il sait que notre cœur et notre conscience peuvent nous condamner. Le remords peut nous talonner sans pitié et le sentiment de culpabilité nous faire souffrir cruellement. N’oublions pas non plus que l’adversaire par excellence, excellent psychologue, expert en spiritualité, sait comment nous accabler. Voyons, susurre-t-il à nos oreilles, chrétiens bien-aimés de Dieu, qui sans cesse discourez d’amour, aimez-vous vraiment? Ne seriez-vous pas des hypocrites? Satan est affligé, si j’ose dire, d’une effrayante lucidité. Il cherche à nous accabler par des exigences morales écrasantes pour nos faibles et souvent maladives consciences. Il nous prêche le perfectionnisme, Satan; il ne se contente jamais de demi-mesures, il tâche de nous décourager et de nous faire sombrer dans le désespoir.

Mais saint Jean nous fait entendre de nouveau la Bonne Nouvelle : Dieu est plus grand que notre conscience; si Satan diffuse ses messages diaboliques, que notre conscience reproduit comme un récepteur d’ondes électromagnétiques, Dieu reste au-dessus de Satan et de notre faillible et fragile conscience morale. S’il nous commande d’aimer, il nous a aimés dans notre misère, malgré notre misère, toujours avec nos misères.

Frères et sœurs dans la foi, accrochons-nous par la foi au Dieu de notre salut, au Père de toute compassion. Dans l’assurance de son pardon, dans la joie de sa grâce, dans l’espérance que, de nos plus petits gestes d’amour, il fera engranger une moisson abondante pour notre bonheur et la gloire de son saint nom.