Certitude et consolation - Introduction au Catéchisme de Heidelberg
Certitude et consolation - Introduction au Catéchisme de Heidelberg
- L’instruction catéchétique
- Le Catéchisme de Heidelberg
- L’histoire préparant la rédaction du Catéchisme
- Caspar Olevianus
- Zacharie Ursinus
- Le texte du Catéchisme
- La valeur du Catéchisme
- Les buts du Catéchisme
1. L’instruction catéchétique⤒🔗
C’est du terme « catéchumène », provenant du grec katéchoumenos, participe passif de katechéo, « faire retentir aux oreilles », ou « instruire de vive voix », que dérive le mot français catéchisme. Le substantif revient sept fois dans le Nouveau Testament (Lc 1.4; Ac 18.25; 21.21,24; Rm 2.18; 1 Co 14.19; Ga 6.6), et se réfère immanquablement à une instruction religieuse.
Il devint très tôt un terme technique désignant celui ou celle qui recevait une instruction chrétienne en vue de son admission à l’Église, après sa confession de foi et son baptême. Cette pratique chrétienne reprenait à son compte la tradition juive, laquelle soulignait la nécessité de l’instruction dans l’essentiel de la loi pour des convertis ou prosélytes. Bien que le verbe katechein apparaisse pour la première fois chez 2 Clément (17.1) — Père apostolique du 1er siècle — des recherches modernes ont démontré la présence de nombreux textes catéchétiques dans le corps des épîtres du Nouveau Testament.
Dans ce sens technique et chrétien, le catéchisme désigne dès le début ce que l’on doit apprendre et retenir pour le reste de sa vie.
Mais cette pratique se justifie-t-elle, puisque la proclamation d’une part et la liturgie et l’oraison de l’autre pourraient amplement suffire à l’instruction du nouveau converti et à l’édification du membre de l’Église? On se souvient de Calvin se plaignant du piteux état de l’Église de Genève avant son arrivée : « On ne faisait que d’y prêcher. » Pour le réformateur, comme pour les pasteurs de l’Église chrétienne avant lui, la prédication ne suffit pas. Seul un enseignement systématique permet la participation de l’élève et le dialogue entre lui et le catéchiste. Pour parler de Dieu, le proclamer et le louer en Esprit et en vérité, nous devons le connaître. Aussi, dans l’Église, l’instruction du catéchisme est-elle le premier acte dans l’initiation à la foi.
Les passages cités du Nouveau Testament où apparaît le substantif, et notamment les chapitres 2 et 4 du livre des Actes des apôtres, le mettent en évidence. Si la foi est transmise « une fois pour toutes », il ne s’ensuit pas que l’Évangile est un dépôt inerte et statique, et le message qu’il nous adresse et les vérités qu’il expose doivent — toujours et à nouveau — être explorées et clarifiées. La fidélité à l’Évangile, le travail constant dans la quête de la vérité ainsi que l’approfondissement continuel de la connaissance dans le mystère de la révélation et du salut font, eux aussi, partie du culte que l’Église communautairement — et tout fidèle à titre individuel — sont appelés à rendre à Dieu « en Esprit et en vérité ».
2. Le Catéchisme de Heidelberg←⤒🔗
Peu de catéchismes bibliques, et à vrai dire peu de livres chrétiens depuis le 16e siècle, depuis sa parution en langue allemande, ont connu une telle faveur et tant de réimpressions, de traductions et de commentaires — aussi bien dans la langue originale que dans d’autres langues — que le Catéchisme de Heidelberg.
Il vit le jour dans un climat de conflits ecclésiastiques et au milieu d’âpres discussions théologiques. C’est le 19 janvier 1563 que le prince-électeur du Palatinat, Frédéric III, le reconnut officiellement comme le texte symbolique de son Église.
Des langues « majoritaires » européennes, mais aussi « minoritaires » (asiatiques ou africaines) l’ont rendu accessible au peuple de Dieu.
Au cours des quatre derniers siècles, l’importance de ce livre n’a cessé de croître. On peut le tenir pour l’un des manuels — pour ne pas dire le manuel par excellence — de la piété chrétienne, biblique et réformée. Le Saint-Esprit a placé un sceau indélébile sur ces pages, et par leur intermédiaire sur la vie chrétienne, partout où la fidélité à la Parole inscripturée a été reconnue et publiquement confessée en tant que source unique et norme suprême de la foi et de la conduite. La certitude que le Catéchisme enracine dans nos cœurs et la consolation qu’il dispense dans l’esprit des fidèles, tant en Europe que sur d’autres continents, est une preuve plus que suffisante de sa permanente actualité.
Il n’est pas dans notre intention, dans une brève introduction comme celle-ci, de présenter un commentaire, même succinct, du texte. Nous renvoyons nos lecteurs à Certitude et consolation, catéchisme que nous avons rédigé pour l’instruction des adolescents. Nous nous restreindrons ici à un aperçu historique, pour remonter jusqu’à ses origines et saisir, une fois de plus, l’esprit dans lequel ce petit chef-d’œuvre de piété chrétienne a été rédigé.
3. L’histoire préparant la rédaction du Catéchisme←⤒🔗
C’est le 28 février 1559 (année de la rédaction de la Confession de foi des Églises réformées en France) que Frédéric III succédait à Otto Henri en tant que prince-électeur du Palatinat. Il devait, à juste titre, être appelé le « Pieux ». En accédant au pouvoir, il fit la prière suivante :
« Que le Dieu tout-puissant m’accorde, pour entrer dans cette dignité et cette charge suprême, sagesse, intelligence et paix dès maintenant et à jamais. Qu’il me donne son Saint-Esprit, par la miséricorde de son Fils bien-aimé, afin que je m’acquitte de la tâche qui m’est imposée à l’honneur et à la gloire de Dieu, pour la sanctification de son nom, pour l’accomplissement de ses desseins cachés et comme devant, au dernier jour, en rendre compte devant le tribunal de Jésus-Christ. »
Frédéric se trouvait également placé devant un choix d’une grande importance, à savoir quel était le parti — des trois partis qui s’opposaient dans l’université et dans l’Église de Heidelberg — auquel il devait se joindre : aux luthériens, aux adeptes de Mélanchthon, avec Diller le prédicateur, ou aux calvinistes?
Converti du catholicisme romain par les soins de son épouse, on pensait qu’il allait naturellement se joindre au premier groupe. Toutefois, son épouse le mit en garde contre la doctrine spirituelle, ou symbolique, de Zwingli.
« Pieux », il se retira dans la solitude, qu’il consacra à l’étude de l’Écriture et d’ouvrages théologiques, ainsi qu’à la prière, se privant de sommeil et de divertissements afin de trouver la vérité, ne doutant pas que le Saint-Esprit la lui révélerait aussi bien qu’aux plus savants des théologiens.
Il fut ainsi progressivement gagné à la foi réformée calviniste. La lumière se faisait graduellement dans son esprit; il découvrait que, si les luthériens considéraient comme vérité tout ce que la Bible n’interdit pas, les calvinistes ne reçoivent comme vérité que ce qui est directement révélé par la Bible. En dépit de l’opposition de ses proches, le prince-électeur poursuivit son étude de la Parole, étude qui le convainquit des points faibles de la théologie de Luther et du fait que le réformateur allemand n’avait pas réussi à se défaire totalement de certaines idées romaines.
Aussitôt, il exprima le désir que tous ses sujets fussent rattachés à une même foi, sachant qu’un pays n’est véritablement uni et fort que grâce à la foi qu’il confesse d’un même accord. Autrement, il reste fragile et vulnérable, tant sur le plan religieux que politique et, bien entendu, sur celui de la culture en général.
C’est ainsi que, de son propre aveu, l’élaboration d’une confession de foi pour son Église et son pays devait constituer l’achèvement le plus considérable de son gouvernement.
Le célèbre texte deutéronomique lui revenait à l’esprit : « Tu prendras à cœur mes paroles et tu les inculqueras à tes enfants » (Dt 6.6-7). La jeunesse du pays ne recevait pas encore un enseignement systématique valable. Les pasteurs chargés de l’instruire devaient disposer d’un instrument, voire d’une norme permanente, pour un enseignement chrétien fidèle et consistant.
L’initiative fut donc prise. Deux personnes furent chargées de s’acquitter de cette tâche, un prédicateur à la cour et un théologien de l’université. Le premier était Caspar Olevianus, le second Zacharie Ursinus.
4. Caspar Olevianus←⤒🔗
Caspar Olevianus était né le 10 août 1536 à Trèves. Comme Calvin, il avait commencé par étudier le droit à Paris. Sorti indemne d’un incident dramatique qui marqua son existence, il fit le vœu de consacrer sa vie à Dieu, qui l’avait délivré d’un tel danger, et il ne tarda pas à l’accomplir.
Il commença à étudier la théologie à l’université de Bourges. Après avoir visité Genève et Zurich, il fut l’élève de Calvin et l’ami de Farel et de Théodore de Bèze. Il rentra à Trèves pour annoncer l’Évangile de la grâce. Peu de temps après, une violente opposition de la part de la population — l’accusant de toutes sortes de méfaits —. l’empêcha de prêcher et l’obligea à quitter sa ville natale. Sans l’intervention du prince, il aurait sans doute été mis à mort. C’est ainsi qu’il s’installa à Heidelberg, où il fut désigné professeur. Quelque temps après, il acceptait le poste de pasteur dans la cour du prince.
Ses biographes soulignent le fait qu’il dépeignait avec beaucoup de force la passion de Jésus-Christ, comme ayant été subie en faveur de chacun de ses auditeurs. Ce qui explique la part que le Catéchisme accorde aux souffrances et à la mort du Sauveur.
5. Zacharie Ursinus←⤒🔗
Zacharie Ursinus était né le 18 juillet 1534 à Breslau. Il avait étudié la théologie à Wittenberg, sous la direction de Mélanchthon, puis était passé au calvinisme sous l’influence conjointe de Calvin, de Bullinger et de Pierre-Martyr Vermigli.
Grand voyageur, il avait visité nombre d’écoles, à Bâle, à Tubingen, à Genève, à Zurich, à Paris et à Lyon. Il avait eu l’occasion de prendre connaissance de nombre de catéchismes utilisés par les Églises des régions qu’il visitait. Homme de grande humilité, il se défiait de lui-même au point de ne pas se considérer comme théologien. Mais cette défiance était contrebalancée par une grande confiance envers Dieu et la consolation que nous donne la réconciliation par Christ.
6. Le texte du Catéchisme←⤒🔗
Âgés de moins de trente ans, ces deux hommes furent les auteurs, providentiellement désignés, du Catéchisme de Heidelberg. Nous avons vu que Frédéric avait donné l’ordre de sa rédaction. Il faut toutefois préciser que le texte ne fut pas présenté de manière artificielle, mais qu’il vit le jour tel un fruit après un long et patient mûrissement. Ursinus était déjà connu pour la Somme théologique dont il était l’auteur.
Malgré les dizaines (on affirme que leur nombre était de 150) de catéchismes circulant en Allemagne, l’œuvre ainsi entreprise ne fut pas le produit d’une savante compilation. Toutefois, on retiendra des points communs existant entre les autres catéchismes et celui de Heidelberg. C’est Ursinus qui fut chargé de présenter le projet, et Olevianus sa révision et sa rédaction. On a fait remarquer que, si le Catéchisme avait été exclusivement l’œuvre du premier, on aurait, certes, possédé un ouvrage de théologie atteignant la perfection. Nous aurions eu là une théologie « notionnelle » pure et des définitions claires, au langage précis. Mais il aurait peut-être alors revêtu une forme trop abstraite et sévère. La vivacité de l’Évangile n’aurait peut-être pas coloré suffisamment une certaine raideur intellectuelle. En revanche, si Olevianus en avait été le seul auteur, il aurait été trop imprégné de chaleur mystique, car, prédicateur inspiré, Olevianus serait revenu sans cesse à la passion de Jésus, cherchant plus l’effet pratique ou la valeur utilitaire de l’enseignement que la rigueur des formules.
Grâce à la collaboration de ces deux caractères si différents, mais complémentaires, nous avons une parfaite alliance entre l’analyse et la synthèse, la théorie et la pratique, la gravité et la sérénité. L’intelligence renouvelée du fidèle et son cœur régénéré trouvent, l’un et l’autre, les éléments nécessaires pour la nourrir et pour l’éclairer.
Frédéric III, ainsi que la faculté de théologie, devaient examiner le texte. Une assemblée ecclésiastique fut convoquée pour le 11 janvier 1563. Elle accepta de signer le Catéchisme. Le 19, le prince signait l’ordre de son introduction dans toutes les Églises de son territoire.
L’original avait été écrit en allemand et il fut par la suite traduit en latin. L’accueil que lui réserva le protestantisme réformé fut enthousiaste. Aux Pays-Bas, le Synode de La Haye le rendit obligatoire comme base de prédication lors des cultes, et en 1618 le Synode de Dordrecht l’éleva au rang de Confession de foi des Églises réformées aux Pays-Bas. Depuis, nombre d’autres Églises réformées confessantes l’incluent dans ce qu’il est convenu d’appeler « la formule d’unité », à savoir : le Catéchisme de Heidelberg, la Confession des Pays-Bas et les Canons de Dordrecht.
7. La valeur du Catéchisme←⤒🔗
Divisé en 129 questions et réponses réparties sur 52 dimanches de l’année civile (d’où l’expression « jour du Seigneur »), le Catéchisme est à la fois une somme théologique de tout premier ordre et un chef-d’œuvre de piété personnelle, d’inspiration biblique et d’expression authentiquement réformée.
Son contenu a été incorporé dans nombre de formulations et d’interprétations théologiques et de confessions de foi ultérieures. Le fait s’explique par le style clair et précis du Catéchisme et par son langage chaleureux et personnel.
Celui qui n’est pas familier de la pensée calviniste pourrait s’imaginer facilement qu’un certain nombre d’articles de foi, entre autres celui traitant de la prédestination, y tient une place prépondérante. Mais quiconque l’a bien étudié se rend vite compte que la doctrine de l’élection n’est mentionnée que dans peu d’endroits et, dans ces cas, uniquement dans le contexte de l’Église élue et visible. Car le Catéchisme insiste surtout sur les rapports existentiels entre le fidèle et le Christ.
L’union avec le Christ est une notion comprise et elle fonctionne dans le cadre de la doctrine biblique de l’Alliance.
On a pu dire que l’article sur la justification par la foi seule résume parfaitement le meilleur héritage théologique de la Réforme du 16e siècle (question et réponse 60); une justification totale opposée à la corruption totale du pécheur.
On a également relevé la particularité du Catéchisme et son importance à ce propos par rapport à d’autres textes de l’époque qui exposent des « chapitres de la foi chrétienne ». Le Petit Catéchisme de Luther en est un bon exemple.
Les auteurs du Catéchisme de Heidelberg ont donc préféré, à cette méthode scolastique classique, le dialogue vivant sous forme de questions et de réponses entre le catéchiste et son catéchumène. Un témoignage vivant est ainsi rendu à la foi chrétienne.
Nous n’aborderons pas, même sommairement, son contenu. Notons cependant que les auteurs ont réussi à éviter nombre de questions théologiques embarrassantes déjà pour l’époque et qui, à ce jour, n’ont pas encore trouvé de solution (la doctrine de la Cène, formulée par des luthériens ou par des réformés, en est l’un des exemples les plus épineux…).
Le texte procède à travers une note personnelle tout à fait remarquable. Les questions sont posées à la deuxième personne du singulier, et c’est à la première personne du singulier que nous sommes invités à y répondre.
École de foi et de vie, le Catéchisme nous enseigne une seule et unique vérité : où trouver les assises d’une certitude inébranlable et comment vivre d’une consolation qui ne trompe jamais?
8. Les buts du Catéchisme←⤒🔗
« Le Catéchisme a été composé en premier lieu pour l’enseignement, pour l’instruction de la jeunesse, et à part de rares questions proprement théologiques (par exemple les questions 47 et 48), il n’est pas compliqué.
[…] Mais s’il ne paraît pas toujours utilisable avec certaines classes de catéchumènes, il est, en revanche, d’une aide immense pour servir de base à des classes de catéchumènes pour adultes qui, par bonheur, se répandent dans les paroisses.
Le deuxième but du Catéchisme est liturgique; il peut donc être utilisé pour le culte.
Enfin, il peut servir comme confession de foi. Le Catéchisme de Heidelberg, qui a formé de nombreuses générations de chrétiens réformés, […] est aussi une aide très précieuse pour l’édification et la spiritualité : il fournit à la lecture de la Bible un guide sûr, il apprend mieux que tout autre catéchisme sans doute à prier (puisque l’explication de l’oraison dominicale est faite sous forme de prière); il nous rappelle surtout admirablement que nous serions, dans la vie et dans la mort, sans vraie consolation, et donc sans consolation du tout, si Dieu n’avait pas eu pitié de notre misère, s’il n’était pas venu nous délivrer de cette misère comme on arrache un infirme à un incendie.
Il enflamme le cœur de reconnaissance et de joie chrétienne. Pour le témoignage du chrétien et l’engagement missionnaire dans tous les secteurs de la vie du monde, ce Catéchisme offre également de précieux auxiliaires, des arguments solides et des bases assurées. Pour bien parler, il faut connaître sa grammaire, de même pour témoigner avec fidélité de l’amour et du pardon de Dieu en Christ, il est de toute importance de bien connaître son Catéchisme. Il est une sorte de grammaire de la foi! C’est pourquoi, à côté de l’Écriture sainte et du Psautier de l’Église, le Catéchisme de Heidelberg devrait faire partie de la ration de fer qui accompagne chaque chrétien dans le monde, pour le nourrir, le désaltérer et le vivifier. » (A. Péry).