Christologie (24) - L'humiliation du Christ humilié
Christologie (24) - L'humiliation du Christ humilié
- L’autorité du Christ humilié
- La souffrance du Christ
- La crucifixion et la mort du Christ
- L’ensevelissement du Christ
- La descente du Christ aux enfers
1. L’autorité du Christ humilié⤒🔗
L’état d’humiliation de Christ commence immédiatement quand il devient homme (Jn 1.14; 2 Co 8.9; Ga 4.4; Ph 2.7-8). L’expression « la Parole est devenue chair » illustre bien cette humiliation. La notion de chair désigne l’humanité telle qu’elle est devenue après la chute. Christ a assumé une nature humaine qui a perdu sa gloire, bien que Christ ne fût pas personnellement pécheur.
L’incarnation a eu lieu à cause du péché (Mt 20.28; Mc 10.45; 1 Tm 1.15; Hé 10.12; 1 Jn 4.9-10). On peut parler d’une réaction de Dieu contre le péché, pourvu que l’on ne néglige pas la souveraineté de Dieu en toutes choses (Ép 1.11). La Bible ne nous dit rien d’une incarnation qui aurait aussi eu lieu s’il n’y avait pas eu le péché. L’œuvre médiatrice de Christ commence immédiatement quand il devient homme. Il reçoit une chair semblable à celle du péché parce qu’il occupe dès le début notre place. La souffrance que le Médiateur devait subir selon le plan de Dieu commença tout de suite dans une maison. Hérode commença immédiatement la persécution. Christ dut se réfugier en Égypte. Il échappa, car l’heure de sa mort n’était pas encore venue. Dieu exécute souverainement son plan, malgré Hérode. Dieu pose des limites à la puissance d’Hérode : celui-ci peut chasser le Christ, mais il ne peut pas le tuer parce que c’est Dieu qui dispose de l’heure de la mort de notre Seigneur. Cette même relation entre la souveraineté de Dieu et la soumission à Bethléem montre son humilité vis-à-vis de l’empereur Auguste qui avait ordonné le séjour de la mère de Jésus à Bethléem. Ce fait montre cependant aussi la puissance de Dieu qui se sert du recensement d’Auguste pour faire naître son Fils dans la ville de David selon la prophétie.
Le moment de la naissance de Christ est appelé celui de l’accomplissement du temps (Ga 4.4). Ce fait, aussi bien que la désignation précise du temps en Luc 2.6, veut nous montrer que Christ est né à un certain moment, qu’il a vraiment appartenu à notre histoire. Ainsi le docétisme est-il réfuté. L’œuvre de la réconciliation est une œuvre pleinement historique. Elle débute à un certain moment et s’achève à un certain moment. C’est pourquoi l’épître aux Hébreux insiste tellement sur ce point. Parlant de l’accomplissement du temps, Paul fait remarquer la souveraineté de Dieu faisant naître le Christ au moment qu’il a décidé. La Bible ne dit pas pourquoi Dieu a décidé que Christ devait naître exactement à ce moment ni pourquoi les temps se sont accomplis justement au moment que nous considérons comme le début de notre ère.
L’œuvre médiatrice de Christ commence immédiatement avec son incarnation. Dès ce moment, il commence à exécuter le plan de Dieu concernant le Messie. Le châtiment que Christ a subi depuis sa conception nous rappelle que nous avons mérité la condamnation de Dieu depuis notre conception. Ce fait proclame aussi que Christ a obtenu le pardon dont même les petits enfants ont besoin. La naissance de Christ en humilité est la base des promesses que les enfants de l’Église nés dans la corruption, dignes de la colère de Dieu dès leur conception, reçoivent au moment de leur baptême.
Contrairement à ce que nous venons de dire, certains pensent que l’incarnation aurait aussi eu lieu sans la chute. Cette opinion ne peut concevoir un événement si important comme une simple réaction. Le théologien Osiander a défendu cette opinion contre Calvin. Certes, on reconnaît d’habitude que Christ est venu à cause du péché. Mais l’incarnation aurait encore un but plus primaire que la réconciliation. On insiste sur l’importance que l’incarnation a pour la création comme telle, pour le cosmos. L’homme aurait dû être mis sur un plan plus élevé même s’il n’y avait pas eu de péché. De telles pensées se trouvent également dans la théologie de l’Église orientale et chez les anglicans. Dans ces conceptions, la croix risque de perdre l’intérêt dont elle est digne.
2. La souffrance du Christ←⤒🔗
La confession apostolique fait immédiatement suivre l’article de la naissance de Christ par celui de sa souffrance sous Ponce Pilate. Cela ne signifie pas que le reste de la vie de Jésus n’ait pas d’importance. Christ ne devait pas seulement révéler le mystère de sa personne et de son œuvre pendant cette période. Cette période a eu elle-même une valeur réconciliante. Il n’a pas été seulement Prophète et Roi entre sa naissance et le moment où la souffrance de la dernière semaine commença. Il a exercé sa fonction sacerdotale et sa fonction royale pendant cette période. Nous pouvons penser au fait qu’il fut circoncis (Lc 2.21), qu’il fut donc compté parmi la postérité pécheresse d’Abraham. Sa circoncision est en rapport avec sa mort sur la croix qui manifeste encore davantage sa solidarité avec les pécheurs et qui est aussi le fondement du salut que Dieu a donné pendant l’Ancienne Alliance (en Israël, les parents pouvaient donner à leurs enfants le signe qui est un sceau de la justice par la foi, Rm 4.11).
Nous pensons aussi au baptême de Jésus qui rappelle toute la justice qui doit être accomplie par le Christ (Mt 3.13-17). Ce baptême nous montre la communauté entre Christ et les pécheurs. Christ s’est fait baptiser parce qu’il était le Médiateur venu sauver les pécheurs selon la volonté du Père. Le rapport entre le baptême au début de son activité publique et l’œuvre que Christ doit accomplir apparaît dans le fait que le Père l’assure de son affection au moment de son baptême : à ce moment précis, il lui donne son Esprit qui, selon la prophétie, rendra le Messie capable d’accomplir son œuvre messianique. Tout ce que les Évangiles nous disent du baptême de Christ, y compris les paroles du Père, nous rappelle des passages messianiques de l’Ancien Testament (Ps 2; És 11.1-5; 42.1; 61.1). Le baptême appartient à l’accomplissement de l’œuvre messianique. Par le baptême, Christ s’est uni publiquement avec ceux qui avaient reçu de Jean-Baptiste le signe de la réalité que Christ leur donnerait.
Nous avons déjà parlé des tentations du Christ. Ces tentations ont également contribué à sa souffrance, ainsi que le fait que les Juifs ne l’aient pas reconnu et le malentendu des disciples. Le caractère messianique de la souffrance de Christ apparaît dans le fait que sa souffrance intervient selon le conseil de Dieu (Mt 16.21; 26.54; Mc 8.31; Lc 9.22; 22.37; 24.7,26; Jn 3.14; 19.36; Ac 2.23; 4.27-28; 17.3). C’est pourquoi Christ se soumet volontairement (És 53.7,10-12; Mc 10.45; Jn 10.11,15,17-18; 13.1). Cela n’exclut cependant pas la responsabilité des hommes (Ac 2.23; 4.10,25-28). Cela ne montre pas seulement notre peccabilité, mais rend la souffrance de Christ très grave. Les hommes qu’il veut sauver le font souffrir! Le Fils de Dieu doit se livrer aux mains des hommes. Il le fait afin de nous sauver.
Le sens messianique de la souffrance de Christ apparaît encore dans le fait que la Bible parle à plusieurs reprises de la non-culpabilité personnelle de Christ (Mt 27.4,19; Lc 23.41,47). Il souffre pour nous, à cause de nous. Aussi ne faut-il pas pleurer sur lui, mais sur nous-mêmes. L’histoire de la passion de Christ nous révèle la gravité de notre péché (Lc 23.28). Ce passage nous donne une indication importante pour notre attitude dans le temps de la passion et en général vis-à-vis de la souffrance de Christ. Une nouvelle période commence dans l’histoire de la souffrance de Christ au début de la dernière semaine (Lc 22.14). La gravité de la souffrance s’approche du sommet. La période que nous appelons l’histoire de la passion commence. Cela ne veut pas dire que Christ n’ait pas souffert avant, mais désigne la gravité de sa souffrance durant cette dernière semaine.
Nous voulons encore parler ici de la question suivante : Pourquoi le Symbole des apôtres nomme-t-il Ponce Pilate? Pilate et Marie sont les seules personnes nommées dans le Credo. Pilate doit-il occuper une place si importante? Reconnaissons que l’on ne peut trouver la raison historique qui a fait que le nom de Pilate se trouve dans le Symbole. On peut cependant se demander quel sens ce fait peut avoir pour nous. Certains insistent sur l’importance de ce que la souffrance de Christ eut lieu sous Ponce Pilate : il y aurait une tendance anti-docétique dans le fait de nommer Pilate (le docétisme étant l’hérésie selon laquelle Christ n’a que l’apparence du corps humain). Ce passage nous dirait en premier lieu que la souffrance de Christ a eu lieu dans le temps, le temps durant lequel se déroule l’histoire de ce monde, l’histoire des royaumes de cette terre, l’histoire de l’Empire romain, d’Auguste, d’Hérode et de Ponce Pilate, et donc aussi l’histoire d’Hitler, de Napoléon et de notre vie quotidienne. Il y a du vrai dans cette idée. Christ a souffert dans le temps, lequel est aussi, avec tous les événements qui peuvent nous effrayer, le temps de la réconciliation, le temps durant lequel nous pouvons vivre en communion avec Dieu.
On peut cependant se demander si cette idée est l’explication de l’insertion du nom de Pilate dans le Credo. Il nous semble que l’explication que l’on trouve par exemple dans le Catéchisme de Heidelberg est davantage plausible, historiquement parlant. Le Catéchisme dit que l’on doit penser au rôle important que Pilate a eu dans la condamnation de Christ. Pilate n’a pas agi comme personne privée, mais comme le juge officiel qui reçoit son pouvoir de Dieu, comme Christ le reconnaît d’ailleurs (Jn 19.11). Certes, Pilate agit ici comme un profond pécheur. Bien qu’il admette que Christ soit innocent (Mt 27.18-24), il le condamne quand même. Toutefois, il est l’instrument de Dieu en sa qualité de juge (voir Ac 2.23; 4.27-28). Au nom de Dieu, Pilate peut dire avec raison, bien qu’il en soit inconscient, que Jésus a mérité la peine de mort pour avoir déclaré qu’il est le Messie, le Roi d’Israël (Mt 26.63; 27.11; 1 Tm 6.13).
Le fait que le Credo mentionne le juge Ponce Pilate doit nous rappeler la condamnation de Dieu que nous avons méritée, mais qui a été subie par Christ souffrant volontairement pour nous. Il a maintenu son message (à savoir qu’il est notre Messie) jusqu’à sa condamnation à mort par Pilate, lequel prononça son arrêt en vertu du pouvoir reçu de Dieu. La souffrance de Christ pendant toute sa vie terrestre assure le croyant que Dieu ne le punira plus comme un Dieu non réconcilié, bien qu’il puisse encore le châtier comme un Père aimant.
3. La crucifixion et la mort du Christ←⤒🔗
Christ subit la mort sur la croix. Cela aussi s’est produit sous la direction de Dieu. La mort sur la croix est la mort de quelqu’un qui porte la malédiction de Dieu (Ga 3.13; Ph 2.8). Les Juifs savaient quel sens Dieu avait donné à la mort sur la croix. C’est justement pourquoi ils ont exigé cette manière de tuer Jésus (Mt 27.22-23), bien que la punition normale pour un blasphème fût la mort par lapidation. Dieu l’a voulu ainsi, car Christ devait être notre malédiction.
Christ ne devait pas seulement mourir corporellement à cause de notre péché. Même la mort sur la croix comme telle ne suffisait pas. Nous avons aussi mérité la mort comme abandon total par Dieu, la mort au plein sens du mot. C’est pourquoi Christ a été abandonné par Dieu sur la croix. Cela nous assure que Dieu ne nous abandonnera plus. Nous pouvons encore mourir, mais Dieu est avec nous aussi en notre mort. Notre mort n’est plus un jugement, elle n’est plus le chemin vers l’abandon éternel. Au contraire, elle nous mène vers la vie éternelle (1 Co 15.54-57).
On ne sait pas pourquoi les mots « qui est mort » ont été insérés dans le Credo, mots qui n’ont pas toujours suivi la confession de la crucifixion de Christ.
4. L’ensevelissement du Christ←⤒🔗
Il s’agit encore de l’état d’humiliation, bien que la lumière de l’exaltation commence déjà à luire; le tombeau de Christ a été avec le riche (És 53.9). Christ a été un des décédés pendant la période entre sa mort et sa résurrection. Cela appartient encore à la punition qu’il subit pour nous (Ac 2.27-31). N’oublions pas que l’ensevelissement de Christ a aussi une place dans le Credo. Il s’agit dans ce cas non pas seulement d’un fait historique dans l’histoire de Jésus, il s’agit de l’exercice de son office messianique. Christ a été enseveli pour nous. Cela change tout à fait le caractère de l’ensevelissement des enfants de Dieu. C’est pourquoi il y a un Évangile qui console au jour de l’enterrement des enfants de Dieu.
5. La descente du Christ aux enfers←⤒🔗
Ce passage a été inséré tardivement dans le Credo, on ne sait pas exactement à quelle époque. On ne sait pas non plus ce que l’on a voulu confesser dans ce passage. Le sens historique étant inconnu, plusieurs explications de sa signification ont été données. Une première question qui se pose est celle de savoir s’il s’agit ici du séjour des morts en général ou bien du séjour des condamnés. Calvin pensait à l’enfer au sens que nous y donnons d’habitude. Il s’agissait selon lui des tourments infernaux que Christ a subis sur la croix, surtout pendant la période de l’abandon par le Père.
Il est vrai que Christ a subi ces punitions infernales pour nous. Mais il est moins probable que l’explication de Calvin donne le sens historique de notre passage. Si l’on veut cependant lier le fait que Christ nous a sauvés de l’abandon par Dieu avec le passage du Credo traitant de la descente de Christ aux enfers, on doit aussi lier avec ce passage la certitude que Christ nous a délivrés de l’angoisse et des tourments de l’enfer par les souffrances et les terreurs infernales subies pour nous sur la croix. Cela peut nous consoler, si nous sentons les tentations du diable. Nous avons la certitude de ne jamais être abandonnés par notre Père céleste. Cette certitude ne disparaît naturellement pas si on a des objections historiques contre la liaison de cette certitude avec l’article sur la descente à l’enfer.
D’autres préfèrent penser que Jésus s’est trouvé dans le séjour des morts après sa mort, quand son corps était dans le sépulcre. On voit alors un lien entre ce que dit ce passage et des passages bibliques comme Actes 2.27,31; Romains 10.7 et quelquefois aussi Éphésiens 4.9. Dans ce cas, on pense que l’article en question signifierait que Christ a subi pour nous tout ce qui appartient à la mort parce qu’il s’est aussi trouvé dans l’état de la mort, parce qu’il a été dans le séjour des morts comme un des décédés puisqu’il n’y avait plus de place pour lui sur la terre parmi les vivants. Cela serait-il le sens historique?
L’Écriture n’emploie pas l’expression de descente de Christ aux enfers (en tout cas si Éphésiens 4.9 veut parler de la venue de Christ sur la terre). Elle ne nous donne aucune indication pour savoir laquelle des explications possibles il faut choisir. On se réfère quelquefois à 1 Pierre 3.18-22 pour cet article. Ce passage est d’une interprétation incertaine. Il ne semble cependant pas que ce passage parle de quelque chose qui soit arrivé avant la résurrection de Christ : il ne nous aide donc pas à comprendre l’article du Credo sur la descente aux enfers.
Signalons d’autres opinions :
1. Les luthériens ont pris une décision officielle concernant l’interprétation du passage du Credo dont nous nous occupons. La Formule de Concorde (art. 9) affirme que Christ est allé d’après son corps et d’après son âme en enfer pour enlever à Satan sa puissance. On fait appel pour cette interprétation à un sermon de Luther, que l’on a d’ailleurs mal compris. La descente appartiendrait à l’état d’exaltation. La théologie luthérienne distingue entre une résurrection interne (ou vivification) avant la descente et une résurrection externe (la manifestation de la vivification devant les hommes). Christ aurait de nouveau reçu la possession (ou l’emploi public) des qualités divines communiquées à sa nature humaine.
2. L’Église orientale pense à une descente de Christ dans le « hadès » d’après sa nature divine et d’après son âme pour délivrer les âmes des saints de l’Ancienne Alliance et pour les transférer au paradis ensemble avec l’âme de l’assassin qui fut crucifié avec lui.
3. Le Concile de Latran de 1215 affirme que Christ est descendu dans le « hadès » après sa mort avec son âme et sans son corps. Le catéchisme romain élabore cette doctrine ainsi : Christ est descendu pour délivrer les Pères de l’Ancien Testament qui se trouvaient dans le « limbus patrum » où la contemplation béatifiante de Dieu leur manquait encore, bien qu’ils ne fussent pas affligés d’autres douleurs. Christ les a amenés au ciel à l’occasion de son ascension.
La Bible ne confirme rien de tout cela.