Cet article a pour sujet l'origine de Jésus qui n'est pas terrestre et ne vient pas de la mythologie ou de l'imagination de l'homme. Sa vie, son ministère et son influence dans l'histoire ne s'explique que par sa divinité et son origine céleste.

Source: Christologie - La personne et l'oeuvre du Christ (AK). 4 pages.

Christologie (4) - L'origine de Jésus

La question posée par Jésus aux pharisiens : « Que pensez-vous du Christ; de qui est-il le fils? » (Mt 22.42) soulève le problème de sa filiation, pour parler plus clairement, de son origine. Le Christ est-il simplement l’enfant de Joseph et de Marie, d’origine purement humaine, ou bien Fils de Dieu, d’origine céleste exceptionnelle et unique? Peut-on l’expliquer comme le produit d’influences naturelles ou bien sommes-nous en présence de l’irruption du divin dans le domaine des hommes? Même avec une lecture superficielle du Nouveau Testament, il saute aux yeux que Jésus est accepté ainsi par ses auteurs. On ne saurait l’enfermer dans des formes purement humaines ni l’expliquer à l’aide des lois de l’hérédité.

Rappelons-nous la manière dramatique dont il apparaît dans les pages de l’Écriture : Il y est décrit comme le Fils de David, il en est aussi le Seigneur; il est présenté comme l’enfant de Marie, mais également proclamé Fils du Dieu très-haut; « os de mes os et chair de ma chair », mais aussi l’égal de Dieu. Serviteur, il le fut par son dévouement et par son sacrifice, mais il était de la nature même de Dieu. Né sous la loi et s’y soumettant, il a promulgué pourtant en son nom personnel une nouvelle loi, parfaite et radicale. Mort crucifié sur ordre d’un gouverneur romain, le voilà trois jours plus tard réapparaissant vivant comme le vainqueur de « la reine des épouvantements ». Sous les yeux éblouis des siens, il sera reçu au ciel, mais il les assure qu’il reste avec eux jusqu’à la fin du monde.

La réponse à la question « de qui est-il le fils? » nous sera donnée par saint Paul : descendant de David selon la chair, déclaré Fils de Dieu par la résurrection d’entre les morts (Rm 1.3-4).

Certains ont trouvé que l’image du Christ a été exagérément idéalisée par les premiers disciples; d’autres, comble de l’absurde, affirment qu’il n’a jamais existé. Le Christ est alors assimilé aux figures de la mythologie ancienne. Mais aucune des « conjectures historico-critiques » ne résiste à un examen sérieux. Des obstacles très importants apparaissent :

Il est impossible de rendre compte du Jésus du Nouveau Testament à moins qu’il n’ait vraiment existé. N’importe quel individu ordinaire pourrait faire un rapport sur ce qu’il a constaté et entendu, mais il faudrait des hommes extraordinaires pour créer à partir du néant un personnage fictif de l’envergure du Jésus des Évangiles. Il est hors de doute que Jésus dépasse, et de loin, tous les personnages de la littérature mondiale. Cette figure, exempte de défauts et réunissant tant de vertus, n’aurait pas pu être créée à partir de l’imagination de la communauté chrétienne primitive. Nul n’aurait pu inventer un tel personnage sans tomber dans l’absurde et le grotesque. Si Jésus n’est qu’une figure mythique, il faut cesser de considérer Shakespeare ou Dostoïevski comme des écrivains de génie, pour accorder la primauté du talent littéraire aux auteurs des Évangiles et du reste du Nouveau Testament. Mais il faut se rendre à l’évidence, aucune explication autre que celle présentée dans les pages du Nouveau Testament ne convient à la figure réelle et historique de Jésus. Les premiers témoins ne sont pas des créateurs, mais des répétiteurs fidèles de ce qu’ils ont entendu, vu et constaté.

L’autre obstacle est la manière dont Jésus a influencé le cours de l’histoire. Si vraiment les premiers disciples avaient exagérément idéalisé le personnage, à tel point que leur Jésus ne puisse être classé comme figure historique, il est encore indispensable d’expliquer d’une manière convaincante l’influence que celui-ci a exercée sur les hommes depuis vingt siècles. S’il n’est qu’une figure fictive, comment peut-on lui attribuer un tel rôle au cours des deux derniers millénaires?

Certains estiment que le problème soulevé par l’historicité de Jésus n’est pas différent de celui d’autres personnages. Sa vie demeure semblable à celle des saints du Moyen Âge, entourés d’innombrables légendes. Il y a cependant une différence essentielle entre Jésus et les autres figures de l’histoire, qu’elles soient réelles ou mythiques : il ne cesse d’exercer son influence sur les peuples et les nations depuis les origines; il a transformé et continue de transformer aussi bien des existences individuelles que des cultures et des sociétés; il a formé la destinée du monde occidental. Peut-on croire qu’une destinée comme celle-là soit le fruit d’une fiction ou d’un accident aveugle? Le mensonge aurait-il donc plus de pouvoir que la vérité? À moins de croire en lui comme figure historique, nous ne pouvons expliquer les hommes et leurs institutions; autrement, il faudrait cesser carrément de croire en la réalité et conclure que « ceux qui cherchent la vérité se mettent en vain en peine ». Si tel était le cas, quelle importance pourrait avoir notre propre existence? Avec Macbeth, ne faudrait-il pas se résigner : « La vie n’est qu’une ombre qui marche, une histoire racontée par un fou encombrée de bruits et de fureurs, dépourvue de sens »?

S’il est impossible de parler de Jésus sans admettre son existence réelle, il est également impossible de parler de l’histoire du monde, telle qu’elle s’est déroulée durant les vingt derniers siècles, sans admettre qu’il fut et qu’il reste une réalité incontestée. Il est clair que l’origine de Jésus n’est pas terrestre. Le problème soulevé ne sera plus celui de la naissance et du développement d’un grand personnage. L’Écriture le décrit à la fois comme Dieu et homme, donc le problème sera celui de la venue parmi les humains, et dans des conditions terrestres, du Fils de Dieu en personne. On pourrait citer de nombreux textes bibliques à l’appui (Jn 1.12,14; Ph 2.5-7; etc.). Nous pouvons l’examiner à la lumière du témoignage du Nouveau Testament et notamment des récits des Évangiles selon Matthieu et Luc. Sobres déclarations de la vérité, ou bien récits mythiques? Parce que sa vie et sa carrière ne peuvent s’expliquer autrement que par sa nature divine, force nous est d’admettre et de déclarer que nous avons en lui l’incarnation du Fils de Dieu.

Aucune raison ne saurait nous empêcher de croire qu’un être surnaturel soit venu dans le monde d’une manière surnaturelle. Par conséquent, la naissance virginale de Jésus est liée à sa divinité. Si Jésus est le Fils de Dieu, sa naissance miraculeuse ne doit soulever aucune objection : elle fait partie de la question plus large de la divinité du Christ. Nous ne commémorons pas à Noël l’anniversaire de la naissance d’un personnage purement historique, car si cela était, les récits des Évangiles de Matthieu et de Luc seraient invraisemblables. Mais à Noël, nous fêtons la venue, parmi les hommes, du Fils unique de Dieu. Tout est en parfaite harmonie dans ces récits. Jésus est à la fois le Fils de Dieu et l’enfant de Marie. En sa personne, nous rencontrons une réalité objective. Lorsque les critiques nous imposent des systèmes de pensée ou des théories de la vie et de l’action de Jésus dans lesquels celui-ci ne trouve pas cette place logique et normale, tout ce qui reste à faire c’est de démontrer que ces systèmes sont faux et mauvais. Ils laissent le fait le plus important de l’histoire mondiale hors de considération et d’examen.

Nous sommes convaincus que le témoignage que le Nouveau Testament tout entier rend à Jésus est véridique. L’Église fidèle lui a accordé son adhésion. En Jésus-Christ, nous avons l’irruption extraordinaire de Dieu dans la sphère humaine. Aucune théorie basée hors de ce témoignage ne pourra rendre compte de ce Jésus du Nouveau Testament ainsi que de son rôle historique.

Dans Approches du Christ, Jean Daniélou, théologien romain, écrit au sujet du « Dieu fait homme » :

« La confession de la divinité du Christ est l’objet même de la foi. Celle-ci, nous dit saint Paul, consiste à reconnaître l’identité de Jésus de Nazareth et du Verbe créateur. C’est là une affirmation inouïe. Aussi avons-nous le droit d’en vérifier les fondements et de nous demander si elle est vraiment imposée par l’Évangile. Certains critiques, en effet, ont affirmé que la divinisation du Christ était l’œuvre de la communauté primitive et ne correspondait pas à ce que nous pouvons saisir de Jésus lui-même. Il est exact que, si cette divinité était seulement l’objet de quelques déclarations, on pourrait toujours suspecter ces passages d’avoir été rajoutés, ou remaniés à des fins apologétiques. Aussi bien n’est-ce pas ces déclarations explicites, rares d’ailleurs dans les Évangiles synoptiques, que nous retiendrons d’abord. C’est le comportement du Christ lui-même, dans ses manières d’agir, dans les réactions qu’il suscite, que nous examinerons. Ceci constitue la trame même de sa vie publique et suscite un drame qui s’achèvera par son procès et par sa mort. Or, ce que nous voulons montrer est que cette trame même de la vie du Christ, et en particulier son procès et sa mort, ne peuvent s’expliquer autrement que par le fait qu’il a revendiqué une autorité divine. On peut contester qu’il avait le droit de le faire. C’est précisément ce qu’ont fait les Princes des Prêtres. Et c’est donc, de leur point de vue, de façon légitime qu’ils l’ont condamné comme blasphémateur. Mais ce qui ne peut être contesté, sans mettre en question non seulement des paroles isolées, mais la totalité des événements de sa vie et de sa mort, c’est qu’il ait revendiqué cette autorité. C’est donc d’abord ce comportement même du Christ durant sa vie terrestre que nous interrogerons. C’est seulement alors que nous nous référerons à deux autres catégories de données qui viendront corroborer nos conclusions! La première est celle des paroles mêmes du Christ et du témoignage qu’il s’est rendu lui-même. Elle constitue comme le commentaire par le Christ de son comportement. La seconde est l’idée que se sont faite de lui ses premiers disciples et la première communauté chrétienne. Leur témoignage est d’autant plus valable qu’ayant connu le Christ durant sa vie terrestre, l’affirmation de sa divinité représentait pour eux quelque chose de plus extraordinaire. Et il faut surtout ajouter qu’étant juif, le fait de diviniser un homme devait leur faire une profonde horreur et que, s’ils ont adoré Jésus comme le Seigneur lui-même, c’est bien qu’ils étaient contraints par une certitude à laquelle ils ne pouvaient se soustraire et non qu’ils étaient portés par la pente de leur religiosité.1 »

Note

1. Jean Daniélou, Approches du Christ, p. 43-44, Grasset, Paris, 1962.