Cet article a pour sujet la prédestination d'après l'islam; les décrets d'Allah sont un fatalisme arbitraire et inévitable, ce qui enlève toute notion éthique en Dieu et toute responsabilité humaine, faisant de Dieu l'auteur du mal.

Source: Connaissance de l'islam. 4 pages.

Connaissance de l'islam - La prédestination

La prédestination est l’un des grands points doctrinaux qui façonnent toute la théologie de l’islam. Elle exprime la relation de Dieu avec sa créature et avec l’homme, en particulier comme agent moral. Bien que le terme de prédestination puisse, à première vue, présenter des traits communs à la foi chrétienne, une sérieuse considération en révélera néanmoins le caractère irréductiblement opposé.

Avec une incroyable légèreté, on a prétendu que la doctrine islamique des décrets éternels de Dieu et sa prescience seraient une version orientale du calvinisme!

Le terme coranique, ainsi que le hadith qui désigne la prédestination, est « qadar »; dans les œuvres théologiques, le terme technique employé est « taqdir ». Les deux mots proviennent de la même racine signifiant mesurer, ordonner d’avance (voir sourates 54.59; 3.139; 8.17; 9.51; 14.4; 37.94). Finalement, voici le grand texte dans nombre de controverses animées : « C’est un avertissement véritable; celui qui l’écoute suit la voie du Seigneur, même si vous ne le vouliez pas, à moins que Dieu le veuille, car Dieu est le connaissant, le sage » (sourate 76.29-30). L’interprétation orthodoxe donnée à ce passage est la suivante :

« Reconnaître obligatoirement que le bien et le mal sont effectifs par la seule prédestination et la prédétermination de Dieu; ce qui a été et tout ce qui sera a été décrété dans l’éternité, écrit et préservé sur la table que la foi du croyant, la piété du croyant et ses bonnes actions sont prévues, voulues et prédestinées, de même que l’incroyance de l’infidèle, l’impiété de l’impie et les méchants actes qui se produisent avec la prescience, la volonté, la prédestination et le décret de Dieu, sans son approbation. Si l’on demande pourquoi Dieu veut et produit le mal, la réponse : c’est à des fins sages que l’homme est incapable de comprendre. D’après la doctrine orthodoxe sunnite notamment, c’est par la force du décret éternel divin que l’homme est contraint d’agir de telle ou telle manière. »

Cette conception s’accorde avec l’enseignement traditionnel de Mahomet. S. Zwemer donne la traduction de la section de « qadar » du Mishkat-ul-Misabih :

« Dieu créa Adam et toucha son dos avec sa main droite et il en fit sortir une famille. Puis Dieu dit à Adam : J’ai créé cette famille pour le paradis et leurs actions seront conformes à celles du paradis. De nouveau, Dieu toucha le dos d’Adam et fit sortir une autre famille, disant : J’ai créé celle-ci pour l’enfer, leurs actions seront conformes à celles des gens qui le peuplent. Ensuite, quelqu’un dit au prophète : À quoi bon alors les actes? Il répondit : Lorsque Dieu crée son esclave pour le paradis, ses actions seront méritoires jusqu’au moment de sa mort, ensuite il entrera au paradis; lorsque Dieu crée quelqu’un pour le feu du châtiment, ses actions seront comme celles des gens de l’enfer jusqu’à ce qu’il meure, ensuite il ira en enfer.
Adam et Moïse se sont disputés devant le Seigneur et Moïse dit : Tu es Adam que Dieu créa avec sa main et sur lequel il souffla son Esprit, les anges t’adorèrent et ils te firent demeurer dans le paradis où, par ton péché, tu causas la chute des hommes; Adam répondit : Tu es Moïse que Dieu distingua en t’adressant son message et son Livre; il te donna les tables sur lesquelles tout a été enregistré. Maintenant, dis-moi combien d’années avant ma création Dieu écrivit la Torat (le Pentateuque?). Moïse répondit quarante; Adam dit : Alors pourquoi me reproches-tu d’avoir fait quelque chose que Dieu avait décrété quarante ans avant de m’avoir créé? »

Selon de telles traditions, et leurs interprétations au cours de dix siècles, ce type de prédestination devrait s’appeler fatalisme. Le fatalisme est la doctrine d’une nécessité inévitable; il implique un pouvoir souverain omnipotent et arbitraire. Le terme dérive du latin « fatum », ce qui est prononcé ou décrété, et s’approche de la phrase musulmane si souvent sur les lèvres : « Allah katab », Dieu l’a écrit.

Parmi des Grecs tels que Homère, la fatalité, la « moira », a possédé une double force; par moment, elle est supérieure et par moment inférieure à la puissance de Zeus. L’idée grecque n’exclut pas la faute de l’homme. Dans les deux cas, cette idée de la destinée est moins fataliste dans ses résultats que l’enseignement de Mahomet. Le Dieu de l’islam est plus terrible que le Zeus d’Eschyle, d’autant plus qu’on ne peut dire de lui qu’il a peur de la fatalité ou bien qu’il s’effraie de l’avènement de quelqu’un qui le dépossédera de son pouvoir.

Avec les attributs que le prophète reconnaît à Allah, l’idée de prédestination, ou pour être plus précis, de fatalisme, est en parfait accord. L’islam exalte le divin dans ses doctrines et ses décrets éternels pour ne pas le confondre avec l’humain, ou bien pour opposer l’humain au divin. Ce qui aboutit non seulement à négliger l’idée élémentaire d’une éthique en Dieu, mais à remplacer toute notion de responsabilité par la croyance aveugle au fatalisme en faisant de Dieu l’auteur du mal et flétrissant la conscience humaine avec un fer brûlant. Non seulement Dieu aurait décrété la chute d’Adam, mais encore il l’aurait créé faible et avec des appétits sensuels, de sorte qu’il lui fut impossible de ne pas succomber. Ainsi, le « Allah katab » est devenu le prétexte qui justifie d’innombrables crimes. Les criminels musulmans le citent devant les juges, mais les juges à leur tour le prononcent pour justifier leur verdict!

Le sens de la prédestination pour le musulman se voit également dans nombre d’expressions religieuses courantes; « inshallah » en est la plus familière, signifiant « si Dieu veut », qui réconforte le musulman, de Calcutta au Caire. Grammaticalement, sinon logiquement, la phrase est l’équivalente de l’idée biblique « si Dieu veut » (Jc 4.15; Ac 18.21). Au musulman, la volonté divine est certaine, arbitraire, irrésistible, inévitable, précédant l’avènement de tout événement. En revanche, au chrétien la volonté divine est secrète, à moins qu’il ne la lui révèle. Lorsqu’il le fait, on est tenu à son devoir; alors on priera : « Que ta volonté soit faite ». Une telle prière est presque un blasphème à l’oreille musulmane. Dieu ne se révèle que lorsqu’il accomplit sa volonté, alors l’homme s’y soumet sans contestation possible ni la moindre interrogation. Un musulman qui prierait « que ta volonté se fasse sur la terre comme au ciel » serait coupable tout au moins de démence! Un archange comme un assassin, le diable comme le moucheron exécutent également à chaque instant de leur existence sa volonté et ses intentions. Tel qu’il veut et parce qu’il le veut, ils sont ce qu’ils sont et demeureront tels.

La même différence saute aux yeux quand on examine la phrase « el-hamdu-lillah », c’est-à-dire « louange à Dieu ». L’expression biblique « louez le Seigneur » implique une responsabilité personnelle, par exemple la gratitude, l’activité; l’expression musulmane exprime soumission, inévitabilité, passivité, fatalisme. Elle se répète dans des circonstances tellement diverses qu’au regard du chrétien elle est simplement incongrue. Elle exprime l’islam, la soumission; celle du chrétien affirme l’essence même de sa foi constituée et exprimée par la gratitude et la joie. La première n’apparaît jamais dans l’Écriture sainte, la dernière est absente du Coran.

La prière musulmane est conforme à la doctrine des décrets divins, mais elle est réduite à un exercice de gymnastique et à une récitation mécanique. Selon le Coran et la tradition, la prière est un devoir imposé par Allah, jamais un privilège. Allah aurait, pour commencer, imposé cinquante prières quotidiennes, mais le prophète, sur le conseil de Moïse, l’aurait ramené à dix, et plus tard à cinq. La prière quotidienne du musulman consiste en louange plutôt qu’en requête; peu de musulmans admettent que la prière possède un pouvoir objectif autant que subjectif.

Le fatalisme musulman se distingue, encore plus radicalement qu’un prétendu hypercalvinisme de prédestination, lorsqu’on le considère dans sa source des décrets divers et leur ultime objet. Dans l’islam, il n’existe pas de signe de paternité divine ni aucun dessein de rédemption pour adoucir la doctrine des décrets.

On aura constaté que l’attribut de l’amour en est totalement absent. L’amour de Dieu au sens chrétien signifie soit son amour envers nous, soit celui que nous ressentons pour lui. Or, les deux idées sont étrangères à l’islam. Une intercommunion sous le regard de la tendresse et de l’affection mutuelle entre Dieu et sa créature est rarement ou jamais évoquée dans le Coran. De la même manière, l’amour de Dieu envers l’homme, lorsqu’il est quand même mentionné, ressemble plutôt à un amour pour ses bonnes qualités plutôt que pour l’homme lui-même. Le Dieu du Coran, a-t-on dit avec réalisme, est présent dans le vent impétueux, dans le tremblement de terre dévastateur et le feu qui dévore tout, mais non dans la petite et faible voix de l’amour. L’amour mystique des soufis ne caractérise nullement l’islam orthodoxe; s’il est apparu, la raison en est que le soufisme fut une rébellion contre l’islam orthodoxe rigide et inhumain.

La paternité de Dieu, ainsi que les constants rappels de l’Écriture que Dieu est amour et qu’il aime le monde, le pécheur, l’humanité, furent des convictions qui exercèrent une influence décisive sur la notion chrétienne des décrets divins. De la même façon, le caractère d’Allah est la clé des décrets selon la théologie musulmane. L’islam réduit Dieu à une catégorie de simple volonté. Tel un monarque absolu, il se place dans des hauteurs inaccessibles; il n’est qu’un monarque despote oriental! Il ne se soucie guère du caractère moral, mais exclusivement de la soumission de la créature. Le devoir de l’humain est de se soumettre à lui.

Il n’est pas difficile de conjecturer à quelle source le prophète a puisé cette idée d’une prédestination détaillée sur le modèle du fatalisme. Comme la plupart de ses autres enseignements, il semble que la doctrine de « qadar » fut empruntée au Talmud. Le Rabbi Geiger a montré comment Mahomet avait emprunté au judaïsme non seulement des mots, des conceptions, des règles légales, des histoires et des récits, mais aussi des vues doctrinales. Au temps de Jésus, les scribes et les pharisiens divergeaient dans leurs convictions relatives à la prédestination. Ces derniers étaient davantage inclinés vers une idée fataliste des décrets divins, presque semblables à celle de l’islam moderne. Des histoires contenues dans le Talmud trouvent leur double dans l’islam.

Des vues plus hétérodoxes ont également circulé dans l’islam. Mais celui qui est tant soit peu familier de l’histoire des sectes musulmanes ne peut douter que la synthèse offerte dans le présent paragraphe est fidèle à celle de l’orthodoxie. Les trois vues auxquelles les multitudes des sectes ramènent ce problème épineux sont le « jabariyun », ou fatalisme extrême, le « kadariyun », qui affirme que l’homme est doté du libre arbitre, ce sont les libres penseurs musulmans, et les « ashariens » qui sont un peu plus modérés que les premiers.

Lorsqu’on examine l’influence écrasante de cette doctrine du fatalisme, on se rappellera, en parlant de façon générale, qu’il y eut deux écoles de philosophie musulmane : l’une orthodoxe, l’autre hérétique. C’est la dernière qui ajouta à la connaissance de la philosophie un iota. Les réalisations des Arabes en philosophie ont été exagérément rapportées. En tout état de cause, ils n’ont fait rien d’autre que de traduire et de transmettre la pensée grecque; ce qui a été ajouté à Platon et à Aristote ne vient pas du côté orthodoxe, mais a été l’œuvre d’hérétiques tels qu’Averroës, Alfarabi et Avicenne. Le penseur orthodoxe représentatif de l’islam, Al-Ghazali, ainsi que le fruit de son œuvre furent un triomphe complet de l’orthodoxie non philosophique.

On a fait remarquer avec ironie que l’étudiant musulman n’a admiré ni l’acuité ni l’audace de son maître, il s’émerveille plutôt de la sagesse de Dieu qui pouvait tirer des interprétations aussi mystérieuses!