La doctrine de l'expiation
La doctrine de l'expiation
- Les bases de la doctrine de l’expiation
- Les sacrifices d’expiation dans l’Ancien Testament
- L’agneau pascal
- Le chapitre 53 d’Ésaïe
- La pensée de Jésus sur sa mort
- La prédication apostolique sur la mort de Jésus-Christ
- Objections à la doctrine de l’expiation
- La croix sans l’expiation
- La nécessité psychologique de l’expiation
L’œuvre suprême de Jésus-Christ est sa mort sur la croix : il est venu pour souffrir et pour mourir. La Bible unit dans un rapport très étroit de cause à effets les souffrances de Jésus-Christ sur la croix et le pardon des péchés des hommes. C’est l’importante doctrine de l’expiation.
1. Les bases de la doctrine de l’expiation⤒🔗
Expier, c’est endurer une peine que d’autres ont méritée. Le pardon des péchés dépend de deux possibilités. Du côté de Dieu : La possibilité de pardonner sans que ce pardon soit une faiblesse, une dérogation à sa justice et à sa sainteté. Du côté de l’homme : La possibilité de se repentir, d’implorer ce pardon par un besoin sincère du cœur, avec une confiance assurée. Or, la mort de Jésus-Christ sur la croix fournit ces deux possibilités :
Elle est le témoignage d’un amour sublime, elle brise la révolte et l’orgueil de l’homme en même temps qu’elle lui montre les hideuses conséquences de son péché. Elle crée la possibilité du repentir.
Elle est le sacrifice du Saint et du Juste qui meurt à la place des coupables, elle donne à Dieu la possibilité de pardonner, puisque sa justice a été satisfaite.
Étudions à la lumière des Écritures cette doctrine capitale.
2. Les sacrifices d’expiation dans l’Ancien Testament←⤒🔗
Les sacrifices d’expiation (Lv 4 et 5) éclairent la croix. Relevons-en les éléments essentiels :
a. La substitution←↰⤒🔗
En posant sa main sur la tête de la victime, celui qui offre un sacrifice s’identifie avec elle (Lv 4.4) et voit en elle son représentant; elle lui est substituée.
b. Le sang versé←↰⤒🔗
C’est la preuve que le sacrifice a été totalement accompli. Le sang, pour l’Ancien Testament, c’est la vie (Gn 9.4; Lv 17.11,14). Verser son sang, c’est donner sa vie. Les apôtres insisteront sur la valeur du sang de Jésus (Rm 5.9; Ép 1.7; Col 1.20; 1 Pi 1.19; 1 Jn 1.7; Ap 5.9; 7.14).
c. L’alliance←↰⤒🔗
Le sang versé est un signe d’alliance. Celle du Sinaï fut inaugurée par l’effusion de sang (Ex 24.8; Hé 9.18-22); elle était l’image de celle que Dieu devait traiter avec l’humanité tout entière par le sang de la croix (Col 1.20). C’est ce qu’indique la parole instituant la Cène : « Ceci est mon sang, le sang de l’alliance » (Mt 26.28; 1 Co 11.25).
3. L’agneau pascal←⤒🔗
Il préfigure la croix. Cet agneau devait être sans défaut et sans tache (Ex 12.5; 1 Pi 1.19), aucun de ses os ne devait être brisé (Ex 12.46; Jn 19.36), son sang devait être jeté par aspersion sur les montants et les linteaux des portes pour servir de protection (Ex 12.13,23).
L’agneau Pascal joue un grand rôle dans le Nouveau Testament. Jean-Baptiste désigne Jésus comme tel (Jn 1.29) et Paul dit : « Christ, notre Pâque, a été immolé » (1 Co 5.7). L’Apocalypse l’emploie 22 fois.
4. Le chapitre 53 d’Ésaïe←⤒🔗
Ce chapitre important décrit prophétiquement les souffrances et la mort de Jésus-Christ et lui donne un sens expiatoire à sept reprises : Il a été meurtri à cause de nos péchés (v. 5); il a été brisé à cause de nos iniquités (v. 5); le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui (v. 5); il a été frappé pour les péchés de mon peuple (v. 8); il a offert sa vie en sacrifice pour le péché (v. 10); il se chargea de leurs iniquités (v. 11); il a porté les péchés de beaucoup (v. 12).
Cette prophétie joue un rôle tel, dans la Bible, que l’apôtre Paul résume toute la doctrine de l’Église primitive sur la croix en déclarant : « Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures » (1 Co 15.3; voir Hé 9.28; 1 Pi 2.24).
5. La pensée de Jésus sur sa mort←⤒🔗
Jésus-Christ instruit ses disciples de sa mort à partir du « jour de Césarée de Philippes » (Mc 8.31; voir 9.31; 10.32-34; Lc 9.44). Mais dès le début de son ministère, il savait que la croix en serait le dénouement tragique. Dans Marc 2.20, Jésus parle du temps où « l’époux sera ôté »; Marc 3.6 mentionne un premier complot pour le faire périr; Jean 1.29 le désigne dès le début comme « l’Agneau de Dieu ». Jésus attribue à sa mort un caractère de nécessité souligné par ces expressions : « il faut » (Mc 8.31; Jn 3.14), « je dois » (Mt 20.22), « je suis venu pour » (Mc 10.45). Il sait que le seul moyen de sauver les hommes c’est de mourir à leur place. La nécessité de la mort ne s’explique que par l’expiation. Examinons trois images employées par Jésus en parlant de sa mort : un baptême, une rançon, un sacrifice d’alliance.
a. Un baptême (Lc 12.50)←↰⤒🔗
Le baptême est symbole de mort. Chaque fois que Jésus parle de baptême, il le fait en parlant de sa mort (Mc 10.38; Lc 12.50). En descendant dans les eaux du Jourdain, n’accepte-t-il pas par avance sa mort qui sera un baptême de sang?
b. Une rançon (Mc 10.45)←↰⤒🔗
Une rançon est payée pour libérer les esclaves ou les prisonniers. Le Psaume 49.8 déclare qu’un homme ne pourra jamais payer une telle rançon. Ce que les hommes ne sauraient faire, Jésus, Fils de Dieu, peut le faire. L’idée de la rançon domine la prédication apostolique qui emploie à ce propos deux termes : agorazô = acheter au marché d’esclaves sur l’Agora, racheter (1 Co 6.20; 7.23; Ga 3.13; Ap 5.9) et lutromaï = libérer en payant le prix de la rançon (Lc 24.21; Tt 2.14; 1 Pi 1.18).
c. Un sacrifice d’alliance (Mt 26.28-29)←↰⤒🔗
La sainte Cène résume tous les éléments du sacrifice de l’Ancien Testament : « Ceci est mon sang [valeur du sang versé], le sang de l’alliance [l’alliance] répandu pour plusieurs [substitution] pour la rémission des péchés [le pardon] » (Mt 26.28). L’alliance, c’est-à-dire la réconciliation entre le Dieu trois fois saint et l’homme pécheur, ne peut se faire que sur le terrain du pardon des péchés, qui n’est possible que parce que Jésus-Christ a donné son sang pour expier les péchés.
6. La prédication apostolique sur la mort de Jésus-Christ←⤒🔗
Autour de la croix de Jésus-Christ, la prédication apostolique groupe trois grandes œuvres accomplies par le Christ : l’expiation, la purification, la réconciliation.
Voici un tableau qui aide à comprendre l’enseignement des apôtres sur la croix :
Dieu est justice sainteté amour
L’homme est coupable souillé révolté
La croix accomplit l’expiation la purification la réconciliation
Le croyant reçoit le pardon la sainteté la communion filiale
Exemples tirés de l’Évangile le péager le lépreux le fils prodigue
(Lc 18.10-14) (Lc 5.12-14) (Lc 15.11-32)
Examinons de plus près la pensée de chaque apôtre :
a. Saint Paul←↰⤒🔗
L’expiation est affirmée par l’apôtre. Voici quelques exemples :
« Tous ont péché [universalité du péché montrée dans Rm 1 et 2] et sont privés de la gloire de Dieu [la perdition] et ils sont gratuitement justifiés par sa grâce [justification gratuite] au moyen de la rédemption accomplie en Jésus-Christ [rachat par rançon] que Dieu a établi comme victime expiatoire [expiation sur la croix] et [sous-entendu ils sont justifiés] par la foi en son sang [valeur du sang répandu] » (Rm 3.23).
« Car Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, sans tenir compte aux hommes de leurs fautes, et il a mis en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc ambassadeurs pour Christ, comme si Dieu exhortait par nous; nous vous en supplions au nom de Christ : Soyez réconciliés avec Dieu! Celui qui n’a pas connu le péché, il l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu » (2 Co 5.19-21).
« Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous, car il est écrit : Maudit soi quiconque est pendu au bois » (Ga 3.13).
Saint Paul aime employer l’expression « pour nous » à propos de la mort de Jésus-Christ (Rm 5.6; 8.32; 1 Co 15.3; Ga 1.4; 2.20; Ép 5.2; Tt 2.14).
b. L’épître aux Hébreux←↰⤒🔗
L’épître souligne aussi le caractère expiatoire de la mort de Jésus-Christ (Hé 2.17; 9.12,15,28). Elle ne sépare pas l’expiation de la purification et y voit deux grâces simultanées.
c. Saint Pierre←↰⤒🔗
La première épître reprend souvent l’idée d’expiation (1 Pi 1.2; 1.18-20; 2.24; 3.18), allant jusqu’à déclarer que Jésus-Christ est « comme un agneau sans défaut et sans tache, désigné d’avance, avant la création du monde » (1 Pi 1.19-20). Non seulement la croix délivre de la condamnation, du péché, mais aussi de la servitude du péché originel (1 Pi 1.18). Jésus porte la punition de nos péchés dans le châtiment qu’il subit (1 Pi 2.24).
d. Saint Jean←↰⤒🔗
Nous y trouverons le mot propitiation (1 Jn 2.1-2; 4.9-10) qu’on a voulu distinguer de l’expiation. Ce mot vient du grec hiléôs = propice. N’est-ce pas l’expiation qui, en donnant satisfaction à la justice de Dieu, fait tomber sa colère? La propitiation est la conséquence de l’expiation.
e. L’Apocalypse←↰⤒🔗
Ce livre célèbre la gloire de l’Agneau immolé (Ap 5.9,12; 13.8). Ceux qui sont dans la gloire sont bien ceux qui sont au bénéfice de l’expiation (Ap 7.14).
L’étude rapide des livres de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament nous contraint à cette affirmation : La pensée de Jésus sur sa mort, ses dernières paroles dans la chambre haute, la prédication apostolique tout entière affirme que c’est par l’expiation que la rédemption a été accomplie. Jésus-Christ est mort sur la croix pour assurer le pardon et la purification des péchés. Nous croyons à la valeur expiatoire du sacrifice du Calvaire.
7. Objections à la doctrine de l’expiation←⤒🔗
Aucune doctrine biblique n’a été combattue avec plus d’acharnement au nom de la sagesse humaine ou du bon sens. L’apôtre Paul parle déjà dans 1 Corinthiens de ceux pour qui la croix n’est que scandale et folie. Voici les principales objections soulevées contre cette doctrine :
a. L’expiation n’est que la survivance de coutumes barbares←↰⤒🔗
On prétend qu’elle a été empruntée aux rites sanglants des religions païennes et juives pour apaiser par des victimes la colère de Dieu contre le péché. Nous répondrons que ces sacrifices n’avaient qu’un but : Inscrire dans le subconscient des hommes la nécessité et l’attente du grand sacrifice expiatoire. La croix de Jésus-Christ s’éclaire à la tragique lueur des sacrifices d’autrefois.
b. Un Dieu peut-il exiger la mort tragique de son Fils pour satisfaire sa justice?←↰⤒🔗
C’est précisément la valeur de la victime qui fait la grandeur de la croix.
c. Dieu ne pardonne-t-il pas sans condition à cause de son amour?←↰⤒🔗
Nous répondrons : Un tel pardon est destructeur de l’ordre moral. La Bible nous présente un Dieu à la fois amour, saint et juste. Le véritable amour se confond avec la sainteté; il ne saurait admettre le mal, il ne saurait pardonner sans sanction.
d. La repentance ne suffit-elle pas pour assurer le pardon?←↰⤒🔗
Voyez les croyants de l’Ancienne Alliance, le paralytique, le péager, le fils prodigue. Nous répondrons : Sans doute, la repentance est nécessaire, mais elle est aussi insuffisante. Elle met la condition du pardon dans l’homme lui-même. Or, le pardon doit venir de Dieu parce que c’est lui qui a été offensé par le péché et parce que le pardon venant de l’homme n’aurait pas une base sûre, l’homme pouvant toujours douter de s’être suffisamment repenti pour mériter le pardon.
Si les croyants de l’Ancien Testament et certains personnages du Nouveau Testament ont été pardonnés avant l’œuvre expiatoire du Christ, c’est qu’ils avaient prophétiquement des promesses positives de pardon et qu’ils étaient en quelque sorte un effet rétroactif de la croix.
e. La puissance du Christ vivant ne suffit-elle pas pour assurer le pardon?←↰⤒🔗
Jésus ne donne-t-il pas la force de le suivre à ceux qui le suivent? Nous répondons : Il manque à cette conception du salut, le sens tragique du péché qu’elle réduit à une insuffisance, une maladie, et non une révolte contre Dieu. Elle porte atteinte à la justice de Dieu et nie sa colère (Jn 3.36; Rm 1.18; 2.8; Col 3.6).
8. La croix sans l’expiation←⤒🔗
Si le Christ n’avait pas accompli l’expiation sur la croix, celle-ci ne serait plus que :
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Une erreur judiciaire commise par le sanhédrin aveuglé par la passion. Cette explication laisse dans l’ombre le fait qu’il n’a ni recherché ni évité cette mort, les paroles de Jésus annonçant à l’avance sa mort, l’angoisse de Jésus à Gethsémané.
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La mort d’un martyr, victime de ses illusions (thèse de Ernest Renan : La vie de Jésus). Mais le mystère subsiste : Pourquoi l’angoisse de Jésus-Christ tandis que tant de martyrs sont morts avec un grand courage? N’est-ce pas le poids du péché des hommes qui en est la cause?
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Une démonstration d’amour en vue de briser le cœur dur des hommes et de les amener à la repentance et à une vie nouvelle par son supplice qui est la tragique conséquence du péché. Mais cette explication se heurte aux déclarations de la Bible soulignant le caractère expiatoire de Jésus-Christ. Le cri de Jésus-Christ sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » (Mt 27.46) est incompréhensible sans l’expiation. Identifié avec l’homme pécheur, Jésus est séparé, abandonné de Dieu.
9. La nécessité psychologique de l’expiation←⤒🔗
L’expérience chrétienne dans tous les siècles montre que ce message répond aux besoins des cœurs. Il satisfait le besoin de réparation qui hante toute conscience d’homme. Au cri de détresse : « Tu ne peux effacer, tu ne peux réparer! », la Bible répond : Dieu peut effacer, Dieu peut réparer. Car, en son Fils, il a souffert, il a expié, il pardonne.
C’est une doctrine claire et biblique. Elle est remplie de certitude : Le croyant sait que son salut ne dépend pas d’une expérience personnelle, mais d’un fait extérieur : la croix. Elle nous pousse à la reconnaissance : Elle lie l’âme rachetée au Sauveur qui a souffert pour elle. Elle nous incite à l’humilité : Elle réduit l’homme à la seule confiance en Dieu qui a tout accompli pour lui, même son salut. Elle nous conduit à l’adoration : Devant le Christ étendu sur la croix, nous nous courbons et adorons.