Cet article a pour sujet notre appel à être comme un enfant devant Dieu et notre responsabilité à grandir en maturité pour devenir des adultes spirituels.

Source: Souveraineté de Dieu et responsabilité de l'homme. 3 pages.

Comme un enfant, comme un adulte

  1. Que constate-t-on aujourd’hui?
  2. Quels sont les caractères propres à l’enfant?
  3. Comme un enfant, pour grandir!
  4. La maturité
  5. La pédagogie de l’échec

Ce point se justifie ici, car si la souveraineté de Dieu peut être perçue comme nous rappelant le statut de l’enfant, la responsabilité nous rappelle celui de l’adulte.

1. Que constate-t-on aujourd’hui?🔗

Les hommes parlent de liberté, d’autonomie, d’émancipation. Ils se considèrent — par rapport aux générations précédentes — comme parvenus à l’âge adulte. Décider tout seul, ne rendre compte à personne, etc. Cependant, ils ont une forte tendance à se considérer comme victimes1, comme devant être pris en charge, assistés, etc. C’est le paradoxe de ce qu’on appelle parfois l’adulescence : voilà un homme de 28 ans qui a sa voiture et vit en concubinage, mais qui est incapable d’assumer sa vie et a toujours besoin de ses parents…

Bien des passages du Nouveau Testament2 montrent qu’un disciple, aux yeux de Jésus et des apôtres, à bien des égards est semblable à un enfant3. Cela a un rapport direct avec la reconnaissance de la souveraineté de Dieu4. Cela abolit-il le principe de responsabilité? Non.

2. Quels sont les caractères propres à l’enfant?🔗

Il apprend! Il pose des questions. Il se sait fragile et accepte d’être dépendant. Il connaît ses limites et sait demander de l’aide. Il fait confiance aux plus grands. Il accepte de ne pas tout comprendre (Ps 131.1-2). Il accepte de ne pas y arriver d’un coup ou de voir que ce qu’il fait n’est pas parfait. Il accepte d’être repris. Il sait pleurer. Il accepte d’être aimé sans l’avoir toujours mérité. Nous reconnaissons là, assez exactement, les caractéristiques d’un disciple.

Nicodème s’était élevé par la connaissance. Jésus va l’inviter à « redescendre ». « Tu es docteur de la loi et tu ne sais pas ces choses! » (Jn 3.10). Jésus invite Nicodème à repasser par la case « enfant ». Non pas pour y rester, mais pour recommencer à apprendre et à franchir les étapes de croissance. Il s’agit d’abandonner toute prétention, accepter d’être conduit par un autre5. Nous aimons « sauter les étapes »; mais ce n’est pas la pédagogie de Dieu.

3. Comme un enfant, pour grandir!🔗

En un sens, l’étape de l’enfant doit être dépassée, car un adulte qui se comporte comme un enfant n’est pas fiable. « Quand j’étais un enfant, je parlais comme un enfant; […] lorsque je suis devenu homme, j’ai abandonné ce qui est de l’enfant » (1 Co 13.11). Cependant, tout au long de sa vie, le disciple devra retrouver périodiquement6 la position de l’enfant, c’est-à-dire de celui ou celle qui se trompe et apprend, de celui ou celle qui se met à genoux, qu’on relève et même qu’on porte dans les bras, de celui ou celle qu’on reprend ou qu’on console (És 50.4-5), sans mettre en cause son statut d’enfant de Dieu. Pourquoi? En vue de grandir7.

N’est-ce pas ce que dit Jésus, alors qu’il place un enfant au milieu des disciples :

« Si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. C’est pourquoi quiconque se rendra humble comme ce petit enfant sera le plus grand dans le Royaume des cieux » (Mt 18.1-4).

Retenons l’expression « se rendre humble »8. Que faisaient les disciples à ce moment-là? Ils demandaient à Jésus qui est le plus grand dans le Royaume des cieux! Cet avertissement de Jésus doit être pris au sérieux (Jc 4.10; 1 Pi 5.6).

4. La maturité🔗

L’expression « entrer dans (ou recevoir) le Royaume de Dieu » (Lc 18.17) a sans doute quelque chose à voir avec le salut, mais je crois que c’est plus que cela. Certains, en effet, peuvent être sauvés et pourtant vivre peu de choses dans la dimension du Royaume de Dieu : peu de fruits, peu d’amour, peu d’autorité, peu de ressemblance avec Jésus, peu de témoignage vécu, peu de reflet de la grâce et de la lumière du Seigneur, peu de capacité à souffrir pour lui.

Exemple : une épouse fidèle n’aide pas son mari en lui disant oui systématiquement. Mais si elle est amenée à lui dire non, après l’avoir invité à réfléchir, ce n’est pas par insoumission : c’est par soumission à une autorité plus grande. La soumission à la souveraineté de Dieu équipe le chrétien et le rend responsable. Il en sera de même pour un chrétien dans son milieu professionnel, pour un enfant au milieu de ses camarades9

La maturité d’un chrétien apparaît quand il ne fait pas de son salut10 une finalité… On est sauvé en vue d’autre chose, notamment en vue du règne de Dieu, en vue de glorifier Dieu comme Roi! La foi et la vie chrétiennes sont normalement orientées vers Dieu. C’est une étape de maturité qui demande de repasser par la case « enfant ».

5. La pédagogie de l’échec🔗

L’étape de maturité peut nous paraître hors de portée. Elle l’est, à moins de s’humilier comme un petit enfant qui admet : Je n’y arrive pas tout seul! Je ne peux pas. Porte-moi! C’est la pédagogie de l’échec. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15.5). Paul l’a appris et en rend témoignage à maintes reprises (1 Co 2.3), reconnaissant ne plus « mettre sa confiance en la chair » (Ph 3.3-4, 7), c’est-à-dire dans ce qui faisait sa force à ses propres yeux et aux yeux des autres, et demandant qu’on prie pour lui (Ép 6.19). On se souvient qu’il a dit : « Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2 Co 12.10). Le mot faible traduit le grec asthenos et signifie : qui ne peut pas tenir debout. Qui ne tient pas debout tout seul; qu’on doit tenir par la main. C’est la position du disciple, de celui qui accepte la correction (Hé 12.5-11).

Est-ce pour régresser? Non, c’est pour avancer. Repasser par la case enfant. On ne s’y installe pas, mais on y revient autant de fois qu’il le faut pour retrouver le repos, après le combat et en vue du combat.

Notes

1. Dans le milieu judiciaire, on parle du syndrome de victimisation : une posture dans laquelle on forge son identité et de laquelle on ne peut plus se défaire…

2. Voir mon article intitulé Être comme un enfant… mais devenir adulte, en particulier la section 2, « Le disciple comme un enfant ».

3. Notons que, si le disciple, en un sens, est comme un enfant, l’enfant, lui, devrait être comme un petit disciple… En d’autres termes, ce que nous disons ici ne fait pas de l’enfant un être innocent et irresponsable! Voir Pr 22.15.

4. Lire Ps 119.67 : « Avant d’avoir été humilié je m’égarais; maintenant, j’observe ta parole. »

5. « En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais plus jeune, tu te ceignais toi-même, et tu allais où tu voulais; mais quand tu seras vieux, tu étendras tes mains, et un autre te ceindra, et te mènera où tu ne voudras pas » (Jn 21.18). Jésus dit cela à Pierre après que ce dernier eut pleuré d’avoir trahi son maître.

6. Pourquoi pas tous les jours, à genoux pour la prière.

7. Apollos était « un homme éloquent et versé dans les Écritures, instruit dans la voie du Seigneur et fervent d’esprit; il enseignait avec exactitude ce qui concerne Jésus ». Mais il a accepté d’être repris et enseigné encore (Ac 18.24-26).

8. On pourrait dire : se rendre volontairement humble, non pas en apparence seulement. C’est ce qui a conduit Jésus de la gloire céleste à la condition humaine, à la condition d’un serviteur obéissant (Ph 2.6-8).

9. Martin Luther, dans son Traité de la liberté chrétienne, dit ceci : « Le chrétien est l’homme le plus libre; maître de toutes choses, il n’est assujetti à personne. L’homme chrétien est en toutes choses le plus serviable des serviteurs; il est assujetti à tous. »

10. Un chrétien âgé et souffrant m’a dit un jour : « Ne priez pas pour que j’aille mieux; priez pour que je sois fidèle. »