Exode 20 - Repos et travail - 4e commandement
Exode 20 - Repos et travail - 4e commandement
« Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Tu travailleras six jours et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le sabbat de l’Éternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui réside chez toi. Car en six jours l’Éternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve, et il s’est reposé le septième jour : C’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié. »
Exode 20.8-11
L’Écriture sainte ne pose pas le problème du travail en soi, comme nous avons l’habitude de le faire. D’ailleurs, elle ne pose jamais des questions d’ordre abstrait, car elle s’intéresse à l’homme dans tous les aspects de sa vie. Elle parle au travailleur et lui décrit l’intervention de Dieu dans sa vie. Elle nous montre l’homme total confronté à la Parole de Dieu et à sa grâce; au jugement de Dieu aussi.
Peut-être en lisant ou en écoutant le quatrième commandement nous laissons échapper un soupir de soulagement. Enfin, disons-nous, une parole terre à terre, une préoccupation réaliste et concrète des conditions de la vie quotidienne. Les commandements précédents nous apparaissaient peut-être comme le domaine religieux, dans lequel on peut s’aventurer ou non! Nous avons tous la fâcheuse tendance de distinguer dans notre vie deux domaines différents, voire opposés : celui de la religion et du sacré, celui du profane et du journalier. Dieu d’une part, mais aussi et surtout la quête du pain quotidien d’autre part.
En fait, le quatrième commandement devrait nous surprendre, comme toute Parole de Dieu, en affirmant le contraire de ce que nous imaginons ou tenons pour vrai. Il renverse notre échelle de valeurs et fait disparaître nos classifications artificielles.
Ce commandement conteste notre autonomie par rapport à Dieu. Elle vient unir ce que nous avons séparé. Elle associe dans une relation intime le culte et le travail. En réalité, nous avons ici un seul commandement concernant le culte qu’il faut rendre à Dieu et le travail qu’il faut accomplir. Notre culture moderne s’acharne pourtant, à notre détriment, à créer un fossé de plus en plus profond entre les deux aspects de la même vérité.
Pour bien travailler, il faut d’abord rendre culte à Dieu; pour rendre culte à Dieu, il faut bien travailler. Celui qui refuse d’adorer Dieu ne peut pas travailler. Celui qui refuse de travailler n’a pas le droit de rendre culte à Dieu. Le culte est le permis de travail dont nous avons tous besoin.
Ce n’est certes pas une coïncidence si le problème du travail se présente à nous avec tant d’acuité. Il ne faut point s’en étonner, car le jour du repos par excellence ne jouit d’aucune considération dans une culture et une société qui se veulent toutes les deux sécularisées. Il y a certainement une relation de cause à effet, et nous sommes en présence de deux aspects du même mal. Quand l’importance du jour du repos est contestée, il ne reste que six journées de servitude intolérable par un travail devenu ingrat, plus encore, par un travail devenu un monstre dévorant.
Pour la plupart des travailleurs, le travail est devenu une absurdité qui compromet leur santé psychique et nerveuse. L’homme ne peut plus s’exprimer dans son œuvre et le temps qu’il consacre au travail lui paraît une dure servitude. Quand le travailleur n’a aucune ressource intérieure et spirituelle, les résultats de son labeur sont désastreux et son travail tombe en miettes. Dieu seul donne à notre travail sa valeur véritable. Si nous transgressons une partie du commandement, l’autre partie sera inévitablement compromise. Jamais le lundi ne pourra remplacer le dimanche, car l’un comme l’autre appartiennent à la période normale constituée par la semaine de sept jours. Même la sagesse populaire répétant avec une naïve assurance que « travailler c’est prier » ne pourra rien y changer du tout.
Une loi fondamentale régit l’ordre de l’univers. La semaine de sept jours en fait partie, et Dieu exprime un but particulier en établissant cette loi. Le cycle travail-repos ne relève nullement d’une institution humaine, pas plus que d’un accommodement pratique dans des conditions de travail pénibles. Ignorer cet ordre de choses mène toujours à une perturbation profonde, aussi bien de notre vie personnelle que celle de la société.
C’est pourquoi ce texte de la loi sur le Sinaï est une bonne parole pour nous. À son tour, le commandement nous appelle à la libération; il veut nous reprendre en main, nous replacer dans notre position initiale d’hommes libres et épanouis. Une telle libération et un tel épanouissement sont possibles si le culte rendu à Dieu prend la première place dans nos journées.
L’ordre de la création nous y invite. Les premières pages du livre de la Genèse, parlant de l’origine du monde, affirment que Dieu créa toutes choses en six jours et que le septième jour il se reposa. Ce fut à la fin du sixième jour seulement qu’il créa l’homme. Tout fut préparé pour celui-ci. La lumière, la terre solide, l’étendue des océans, les plantes et les animaux; Dieu ne laissa rien d’incomplet. Sa puissance créatrice et son amour divin le placèrent au milieu d’une nature merveilleuse, bonne et parfaite, le chef-d’œuvre de sa main et de son Esprit.
Lorsque l’homme se réveilla au lendemain de sa création, en ouvrant les yeux à la lumière d’un jour resplendissant pour contempler la beauté du monde et faire la connaissance de l’univers qui l’entourait, le roi de la création ne fut pas appelé précipitamment à accomplir une besogne urgente! Il put jouir du congé divin dans le calme d’une nature en paix. Son premier jour sur la terre fut celui du repos et le moment du culte. Dieu n’avait nullement besoin de la contribution de l’œuvre humaine. Il n’y a nulle place, dans la Bible, pour une exaltation orgueilleuse de celle-ci.
La même foi fondamentale régit l’ordre de la rédemption. Le Fils de Dieu a suivi le même programme que Dieu son Père. Sur la croix où il achève sa mission terrestre, il peut s’écrier : « Tout est accompli » (Jn 19.30). Son corps fut placé dans un tombeau, mais le premier jour de la semaine, Jésus inaugure une ère nouvelle. Depuis Pâques, les disciples de Jésus et, à leur suite, l’Église universelle ont compris que la fin du travail vain a sonné pour toujours. Le dimanche, jour du Seigneur, a été observé comme jour de repos. Ceci sans aucune contestation ni controverse dès l’origine. Si le dimanche, jour de la résurrection, remplace l’ancien sabbat, le sens qu’il comporte demeure le même. À son tour, il annonce et indique que Dieu seul accorde le vrai repos; lui seul peut nous décharger de tous nos fardeaux.
Le Créateur et le Sauveur peut rencontrer l’homme, et celui-ci pourra l’adorer en toute quiétude, louer avec joie la bonté divine et rendre des actions de grâces pour un travail considéré jusque là comme une malédiction.
Si notre vie doit connaître la plénitude, elle doit commencer par le culte, le jour du repos; si nous voulons échapper à l’asphyxie, à l’angoisse subtile, déchiffrer le sens de notre existence et celui de notre univers, il faut nous tourner vers Dieu dans l’adoration, dans la prière et dans l’attente. Autrement, il n’y aura de bénédictions d’aucune sorte. Les difficultés du travail et toutes les aggravations qui s’ensuivent ne relèvent pas simplement du domaine de la technique ou de l’économie politique; elles sont inévitables si notre conduite échappe au contrôle salutaire de la loi de Dieu.
L’histoire de l’homme dans le jardin d’Eden sera notre histoire. Adam avait reçu l’ordre de garder la terre, de veiller à son plein rendement et d’empêcher toute action nuisible. Mais il ignora délibérément cet ordre. Il ne surveilla pas les animaux comme il le devait, et Satan put le séduire en se présentant dans le plus habile et le plus rusé d’entre eux : le serpent. Depuis lors ne cessent d’apparaître toutes sortes de perversions et d’idolâtries. Dans une humanité qui reste inéluctablement solidaire règnent les puissances de domination et de jouissance. Au respect de l’homme et de la création a succédé l’exploitation des faibles par les forts, et le travail de l’homme est utilisé par les luttes et les conflits. D’où le caractère douloureux et pénible du travail auquel nous faisions allusion il y a un instant.
Mais Dieu a pitié de l’homme et vient briser le cercle infernal de son travail forcé. Il y met une limite. Sa miséricorde apparaît de nouveau dans notre misère. Il prouve qu’en définitive nous sommes incapables de réussir seuls et de nous sauver nous-mêmes. À ceux qui courent une course folle, à ceux qui ont la fièvre de l’agitation, aux hommes et aux femmes qui cherchent désespérément à assurer leur avenir en redoublant d’efforts et en travaillant toujours avec plus d’intensité, Dieu dit : Arrêtez, cessez d’être des esclaves de votre travail. Écouter ma loi, c’est dans le calme et la confiance que sera votre force.
Mais au-delà de notre pénible labeur, alors que la nature tout entière connaît les douleurs de l’enfantement, ce quatrième commandement nous invite non seulement à une cessation temporaire et à un repos passager, mais à saisir surtout la grande annonce du repos définitif, de la réfection totale, de la régénération de toutes choses que Dieu prépare pour les siens. Il le leur accordera d’une manière certaine, quand il viendra établir ici-bas son Royaume éternel.