Introduction au livre de Joël
Introduction au livre de Joël
1. Auteur⤒🔗
Le nom de Joël signifie « L’Éternel est Dieu ». Ce nom a été porté par plusieurs personnages mentionnés dans l’Ancien Testament (voir, entre autres, 1 S 8.2; 1 Ch 6.36). Notre auteur est désigné d’une façon plus spéciale au verset 1 par le nom de son père Péthuel (« simplicité de Dieu »). Mais c’est la seule indication un peu précise que contient son livre sur sa personne. Pour tout le reste, nous en sommes réduits aux déductions à tirer du discours prophétique qui y est renfermé.
Il appartenait certainement au royaume de Juda et demeurait probablement à Jérusalem; c’est ce qui ressort, d’un bout à l’autre de sa prophétie, de la place qu’y occupent le temple, Jérusalem et la tribu de Juda. Le royaume des dix tribus n’est même pas mentionné. À cause de quelques références faites au sacerdoce (Jl 1.13-14; 2.17), certains ont conclu que Joël était prêtre autant que prophète, un prophète « officiel » ou « cultuel », sorte de chantre inspiré qui accomplissait dans le cadre du culte officiel un ministère liturgique.
D’autres n’acceptent pas cette hypothèse, mais font remarquer son grand amour pour son pays autant que la grande connaissance qu’il a de son histoire et de ses pratiques cultuelles. Il a pu prophétiser à une époque où le peuple n’était pas tombé encore dans la grande dépravation religieuse et morale et ne méritait pas un châtiment accablant. Cela amène des spécialistes à situer son ministère durant la période du règne de Joas et d’Osias (2 R 11.17-18; 12.2-16; 2 Ch 24.4-14). Si tel est le cas, ce fut sans doute après le règne idolâtre et inique d’Athalie, la fille infâme d’Achab et de Jézabel (2 R 11), lorsque sous Jehojada (2 Ch 23.16-21 et 24.14-18) un certain renouveau religieux se fit jour.
2. Circonstances←⤒🔗
La première partie de cette section est tirée de la Bible Annotée (Introduction à Joël).
Pour déterminer la période durant laquelle Joël a exercé son ministère prophétique, il faut avant tout tenir compte du fait qu’il n’y est pas encore parlé ni des Babyloniens, ni même des Assyriens, mais seulement des plus anciens ennemis des Israélites : des Égyptiens et des Édomites (Jl 3.19), des Phéniciens et des Philistins (Jl 3.4). Cette circonstance place naturellement Joël avant Jérémie et même avant Ésaïe, qui vivaient au milieu des invasions chaldéennes et assyriennes. De tous les prophètes, Abdias est le seul chez lequel nous retrouvons précisément la mention des mêmes ennemis (Édomites, Philistins, Phéniciens). Cette circonstance prouve qu’ils ont dû être à peu près contemporains et qu’ils occupent, chronologiquement parlant, le premier rang entre les petits prophètes. Un fait frappant qui confirme la priorité de Joël sur tous les autres prophètes (sauf Abdias), c’est qu’il est souvent cité par ceux-ci.
On se rappelle l’époque désastreuse durant laquelle Athalie, femme de Joram, roi de Juda, chercha à exterminer entièrement la famille de David, afin d’établir en Juda le culte de Baal. Le jeune Joas échappa seul du massacre par la sollicitude et la vigilance du grand prêtre Jehojada. À la suite de cette grande restauration nationale, Joas occupa le trône pendant près d’un demi-siècle. Dans les premiers temps où, encore jeune enfant, il régnait sous la tutelle de celui auquel il devait la vie et le trône, le culte de l’Éternel était de nouveau célébré avec zèle et les sacrificateurs occupaient de nouveau une position éminente. Le peuple entier était docile à leur voix. Tel est l’état de choses en face duquel nous place la prophétie de Joël. Tout le tableau du peuple qu’elle nous trace rentre dans cette situation comme dans son cadre naturel. Nous plaçons donc Joël un peu avant le milieu du neuvième siècle avant J.-C. (vers 870).
La circonstance qui donna l’éveil au don prophétique de Joël et motiva son message au peuple de Juda fut la dévastation du pays par une invasion de sauterelles qui dura plusieurs années. À cette calamité se joignit une sécheresse persistante. (Bible Annotée).
La terrifiante évocation de ces deux fléaux, souvent liés, fait état combien ils furent dommageables pour le pays. Vignes et figuiers ont été dépouillés de leurs feuilles, blé et orge sont ravagés, la récolte est perdue, tous les arbres ont séché, les troupeaux gémissent et s’affolent faute d’herbe dans les pâturages, les bêtes sauvages elles-mêmes souffrent de la soif; dans le temple, les ministres de l’autel ne disposent même plus des produits nécessaires aux rites sacrificiels. Joël sentit le besoin de faire comprendre au peuple ce que voulait lui dire son Dieu par ces fléaux dont il le châtiait si rudement.
Pour le prophète, cette invasion des sauterelles est l’image de la visite que Dieu, dans son courroux, mais également avec justice, vient rendre à son peuple pour le juger. Aussi appelle-t-il à une repentance nationale et à un jeûne solennel, et il exhorte ses auditeurs à donner l’exemple de la vraie piété. Ensuite, il prophétise et annonce la faveur divine et une ère de prospérité pour le pays. Après quoi, sous une exceptionnelle inspiration divine, il prédit l’effusion du Saint-Esprit. Pour terminer, Joël prévoit la défaite ultime des ennemis du peuple de Dieu.
3. Style←⤒🔗
« Le style vigoureux, souvent incisif, une langue hébraïque vivante, qui n’a encore rien perdu de sa vitalité, militent en faveur d’une date pré-exilique. En analysant le vocabulaire et la pensée de l’auteur, on découvre une grande parenté avec les théologiens de la fin du huitième siècle et le début du sixième siècle. […] Les deux premiers chapitres ne contiennent aucune allusion historique précise. […] Le chapitre 4 en revanche renferme des allusions historiques précises » (TOB).
Le livre est l’un des joyaux littéraires de l’Ancien Testament. Il est construit avec un grand soin pour produire un effet dramatique sur le lecteur, et ici et là apparaissent des passages d’une très grande beauté (que fait mieux ressortir le texte original), révélant la puissance exceptionnelle de l’auteur. D’autres prophètes écrivains ont également rédigé leurs écrits avec passion et avec un style puissant, qui se sont élevés sur de grandes hauteurs pour saisir la révélation divine; aucun d’entre eux cependant n’a fait preuve d’un tel soin et d’un souci méticuleux pour polir la forme littéraire de son écrit. Joël possède un style éminemment pur, caractérisé par sa douceur et coulant aisément dans le rythme, par les rondeurs des phrases, la régularité dans les parallélismes. Il réunit la force de Michée, a-t-on dit, la tendresse de Jérémie, la vivacité de Nahum et le style sublime d’Ésaïe.
4. Plan←⤒🔗
1. Partie historique - 1.1 à 2.17
a. L’invasion des sauterelles et la sécheresse - 1.1-20
1. Jugement présent : description; écoutez; racontez - 1.1-4
2. Exhortations - 1.5-14
a. Aux ivrognes
b. À la jeune fille de Sion
c. Aux laboureurs et aux vignerons
d. Aux sacrificateurs
3. Supplication : crainte; désolation; espérance - 1.15-20
b. Le jour de l’Éternel : jugement à venir - 2.1-17
1. La terrible situation - 2.1-11
a. Le jour annoncé; le jour décrit
b. La Parole de l’Éternel exécutée
2. Exhortation à la repentance, à la prière; supplication - 2.12-17
2. Partie prophétique - 2.18 à 4.21
a. Promesses et bénédictions présentes - 2.18-27
1. Conditions renversées - 2.18-20
2. Renouveau et joie - 2.21-27
b. Promesses et bénédictions futures - 3.1 à 4.21
- Commencement : puissante manifestation de l’Esprit
- Suite : extermination des ennemis
- Consommation : restauration du peuple élu
Tableau prophétique brossé par Joël :
- Conversion et délivrance des Juifs 2.28 à 3.21
- Retour des captifs en Palestine 2.32 à 3.1
- Établissement du Royaume de Dieu 3.17-21
5. Message←⤒🔗
Nous discernons un triple message, historique, prophétique et eschatologique.
Joël décrit la terrible invasion de sauterelles qui ravage le pays comme étant un puissant appel à la repentance. L’invasion des sauterelles est une image du jugement qui fondra sur les nations au grand jour de l’Éternel. Les malheurs qui arrivent dans la nature et dans l’histoire ont un message à nous apporter de la part de Dieu. La famine qui suit l’invasion des sauterelles parle de la famine et de la désolation spirituelle dont la cause est toujours le péché.
Le désastre frappe le royaume du Sud, Juda, sans prévenir. Un terrible nuage noir descend et enveloppe le pays tout entier. Ce sont des nuages formés par des armées de redoutables sauterelles.
En quelques heures, toute végétation vivante est anéantie. Bien que ce désastre est déjà une terrible catastrophe naturelle, en comparaison au jour du jugement que Dieu prépare, il sera bien pâle. Car au jour du jugement Dieu détruira tous ses ennemis. Ce jour-là est plus qu’un simple jour, c’est une grandeur à la fois temporelle et spatiale, en quelque sorte personnifiée, un monstre effrayant qui est comme la condensation d’une force incommensurable, d’une énergie radicalement incomparable, d’une énergie qui ne peut être décrite que dans le langage inadéquat emprunté aux catastrophes naturelles ou à une guerre meurtrière, d’une énergie qui, par rapport à la lumière terrestre, n’est que ténèbres, dont l’assaut anéantit toute vie et tout souffle des astres, dont la manifestation implique la condamnation de tout ce qui prétend s’opposer au Maître de l’univers.
Pour l’homme, ce jour est synonyme de dépouillement total. Ce dépouillement total est la condition d’un retour tout aussi total, d’une conversion qui ne consiste pas seulement dans des rites, formes extérieures d’un processus intérieur, mais surtout dans une nouvelle orientation de la personne tout entière. Cette conversion est résumée dans l’expression « invoquer le nom du Seigneur » et il est précisé qu’elle suppose, pour être efficace, l’élection divine; seuls survivront au dépouillement radical ceux que le Seigneur aura appelés. Dépouillé de tout, l’homme ne peut plus que s’en remettre à Dieu, il ne peut plus que compter sur sa grâce, il ne peut plus que se dire : Peut-être se repentira-t-il?
Ainsi, le prophète commence par se placer entre la calamité présente, qu’il décrit au chapitre premier dans toute sa sinistre grandeur, et une calamité future, bien plus redoutable, dont il trace le tableau effrayant au chapitre 2, qu’il appelle le jour de l’Éternel. S’il venait de se réaliser, il ne serait rien moins que l’extermination complète du peuple. Dans cette situation, entre le malheur passé et le malheur futur, le prophète appelle le peuple entier à un jour solennel de jeûne et d’humiliation, afin d’obtenir la réparation des conséquences du premier malheur et de prévenir le second.
Or « Dieu se repentira », pour emprunter à la Bible une expression qui annonce à sa façon la compassion divine. Il répandra ses bénédictions sur son peuple. Dans son inlassable amour, Dieu appelle à la repentance, offrant au pénitent les trésors intarissables de sa grâce : le pardon, la protection, la victoire, la prospérité et la félicité éternelle. Il est toujours prêt à effacer nos fautes et à réparer même les conséquences de ses jugements. La croix du Calvaire et le sacrifice expiatoire du Fils de Dieu en seront les preuves ultimes, sublimes, les plus convaincantes.
De son regard prophétique, Joël voit Dieu acceptant l’acte de repentance de son peuple, se laissant fléchir et rendant au peuple élu sa bénédiction. Cette bénédiction est triple :
- Dieu promet d’écarter le nouvel ennemi qui menaçait les siens d’une complète destruction.
- Il promet de rendre à son peuple la prospérité temporelle que le fléau actuel lui avait fait perdre.
- Enfin, le prophète annonce une grâce plus grande que toutes celles qu’il a reçues jusqu’à cette heure, une pluie spirituelle qui l’arrosera et le vivifiera tout entier, l’effusion du Saint-Esprit.
Le jour de l’Éternel, qui a été épargné à Juda, frappe les païens qui se sont coalisés contre le peuple élu renouvelé par l’Esprit de Dieu. Le peuple élu lui-même, avec ceux des païens qui se sont joints à lui, est comblé d’une grâce éternelle par l’habitation de l’Éternel.
« Aucun prophète ne part d’un fait aussi particulier et en apparence aussi insignifiant que Joël pour s’élever à des vues plus générales; une plaie de sauterelles, une sécheresse, voilà son point de départ. À l’occasion de cette circonstance vulgaire contemplée à la lumière d’en haut, les plus hautes pensées de Dieu lui sont dévoilées. La nature n’est pas une machine obéissant à une loi aveugle : c’est un instrument préparé et manié par le Créateur en vue de son règne parmi les hommes. Chaque fléau, comme en général chaque souffrance particulière, est un avertissement qui doit mettre l’homme en face du jugement final, du jour de l’Éternel.
Si, placé dans cette position sérieuse, entre le châtiment actuel et le jugement futur, l’homme rentre en lui-même, s’humilie et en appelle sincèrement à la justice et à la grâce, non seulement Dieu le délivrera du mal présent et éloignera de lui le châtiment à venir, mais à l’occasion de ce retour à lui, il lui fera part des plus précieux de ses dons et l’élèvera à une vie nouvelle. Le jour de l’Éternel n’en reste pas moins là pour ceux qui persistent dans leur inimitié naturelle contre Dieu et contre son peuple. Une dernière agression de ces rebelles amènera leur ruine éternelle, tandis que les fidèles, ceux du peuple élu et ceux des autres peuples qui auront accepté l’appel divin, habitant dans la cité de Dieu, deviendront eux-mêmes sa vivante demeure.
Telles sont les pensées de Joël. Elles planent au-dessus de l’histoire dans laquelle elles descendent et s’incarnent au fur et à mesure que les conditions morales de leur réalisation sont fournies par l’homme, soit en bien, soit en mal. C’est le cas sans doute des pensées sous un jour absolument favorable au peuple de Dieu. Il montre celui-ci repentant et détournant par là le châtiment présent et le jugement futur. C’est comme si la voie du salut était encore ouverte devant le peuple de Dieu, sans que celui-ci fût déjà corrompu au point de devoir nécessairement passer par la journée de l’Éternel, le jugement de la destruction nationale » (Bible Annotée, Conclusion à Joël).
La certitude de l’imminence du jugement entraîne nécessairement un acte de repentance. Cette repentance est encore possible. Le cœur de l’homme naturel étant incapable de soutenir le jour de l’Éternel, Dieu promet aux siens l’effusion de son Esprit qui transformera complètement leur être.
Il y a donc une espérance pour la communauté. C’est la promesse de Pentecôte, qui permet d’affronter sans crainte le jugement de Dieu, jugement qui s’étendra au monde entier; les nations devront rendre compte de leur attitude et seront jugées. Le jugement de Dieu, comme ses actes de délivrance, n’a qu’un but : faire connaître qu’il est le Seigneur, l’Éternel. Cette assurance permet à la communauté d’affronter aussi bien les épreuves du moment présent que celle du jugement à venir.
Le message du livre de Joël s’adresse encore aujourd’hui à la communauté chrétienne livrée sans défense aux puissances de ce monde. Il lui est permis de subsister comme telle pour autant qu’elle fasse pénitence et que, dans l’attente de la Pentecôte de Dieu et consciente de l’imminence du jugement, elle suive sans crainte sa voie.
De l’avenir messianique, un seul trait ressort d’une manière saillante et propre à Joël : c’est la promesse de l’envoi du Saint-Esprit, qui fera du peuple entier un peuple de prophètes.
En interprétant l’effusion du Saint-Esprit à la Pentecôte dans les termes qu’il emprunte en premier lieu à Joël (Ac 2.17-24, comparer à Jl 3.1-5), l’apôtre Pierre atteste que ce dépouillement et ce bouleversement, prélude et moment décisif de l’expérience salutaire, sont réalisés dans l’existence chrétienne. C’est le Saint-Esprit qui, pour le chrétien et dans son cœur, opère ce dépouillement et qui suscite en lui la connaissance de Dieu.