Introduction au livre de l'Exode
Introduction au livre de l'Exode
- Généralités
- Période
- Plan
-
Message
a. La loi
b. La sainteté de la loi
c. Les fêtes et le sacerdoce; l’arche et le tabernacle
d. Une parabole de notre rédemption
e. Quelques thèmes théologiques
1. Généralités⤒🔗
Le titre du livre, « Exodos » (« sortie » en grec), convient particulièrement à la première partie qui relate la sortie des nomades israélites hors de l’Égypte. Ce titre montre toute l’importance attribuée à ce fait.
Dans sa plus grande partie, ce livre contient des récits et des textes de loi. Nous y voyons comment Dieu accorde la révélation de son nom à un Hébreu miraculeusement préservé de l’extermination et comment il l’appelle à libérer ses frères. Moïse doit donc lutter en Égypte pour obtenir du Pharaon, par des prodiges effrayants, l’autorisation d’emmener le peuple d’Israël adorer son Dieu au désert.
C’est alors le passage de la mer Rouge et la victoire sur Amalek, la vie entretenue par la manne quotidienne et par l’eau jaillie du rocher. Au Sinaï, le peuple libéré reçoit les règles de sa vie et l’ordre de confectionner l’arche et le tabernacle, signes de la présence de Dieu au milieu des siens.
Mais Israël (comme l’Église de toujours) est rebelle et contredisant, mécontent et incrédule. Moïse doit constamment intervenir en juge auprès du peuple, en intercesseur auprès de Dieu.
La question de son authenticité ne nous retiendra pas ici, comme d’ailleurs celle relative aux autres livres du Pentateuque. Si traditionnellement on l’attribue à Moïse, la critique moderne y trouve diverses couches provenant de sources différentes. Il est certain que le Pentateuque n’a pu être rédigé dans sa totalité par Moïse en personne, puisque le dernier chapitre nous rapporte sa mort. Il est probable qu’un rédacteur ultérieur y a mis une dernière main.
L’essentiel est de nous rappeler le contenu de ce deuxième livre de la Bible, dont l’histoire authentique est également une puissante parabole de la vie des fidèles, dans le peuple de Dieu et dans l’Église.
La Bible s’intéresse aussi bien au sens des événements qu’à leur chronologie, et en nous parlant de 40 ans passés par Moïse au pays de Madian, puis de ceux du peuple d’Israël au désert, elle veut également nous dire la longue patience de Dieu et la valeur de l’épreuve et du dépouillement pour préparer notre retour au Père.
Sans doute nous est-il difficile de nous représenter l’exode de plus de 600 000 hommes, leurs déplacements massifs pendant tant d’années, leurs étapes autour de l’oasis de Kadès, puis dans les plaines de Moab. Reconnaissons pourtant que cette magnifique histoire relate la victoire miraculeuse et répétée de l’Éternel sur Moïse, puis sur le Pharaon, puis sur le peuple élu et sur tous les dangers qui le menacent.
2. Période←⤒🔗
Le livre commence par la mort de Joseph et se termine par la dédicace du tabernacle. Nous ne savons pas exactement combien d’années séparent Genèse 50 du premier chapitre de l’Exode. Quatre passages nous parlent d’une période d’environ 400 ans (Gn 15.13-16; Ac 7.6; Ex 12.40-41; Ga 3.17). Le texte originel fait remonter le début de cette période à la venue de Jacob en Égypte. Pendant ces quatre siècles, la famille du patriarche composée de 70 personnes multiplia, grâce à une bénédiction particulière du Seigneur Dieu, jusqu’à devenir un peuple nombreux (Ex 1.12; 12.37; 600 000 hommes supposent une population d’environ 2 millions de personnes).
L’arrière-fond historique se présente de la manière suivante. Au cours du deuxième millénaire avant notre ère, des tribus hébraïques étaient tombées en esclavage en Égypte. Il existait encore, en dehors des frontières de ce pays, un véritable prolétariat de la steppe formé de peuplades qui, laissées en liberté, se livraient au pillage, et qui, réduites en esclavage, devenaient une masse inerte, abrutie par le travail forcé. L’Égypte utilisait une partie de ces gens comme mercenaires et surtout comme ouvriers de construction.
À cette époque, l’empire des pharaons avait déjà derrière lui des siècles de brillante civilisation et constituait encore une grande puissance par sa culture et par sa force militaire. Certes, ce n’était pas la seule grande puissance de l’époque, puisqu’au cours de ce même millénaire, et jusqu’aux environs de l’an 1600 av. J.-C., l’Égypte était tombée sous la domination de rois étrangers, et que, pendant longtemps encore, ses zones d’influence devaient demeurer peu sûres. Certains pharaons firent des tentatives pour reconquérir les territoires perdus jusque dans la région de l’Euphrate.
Que signifie donc l’Égypte pour la tradition biblique? Comme l’ont montré les faits historiques, l’Égypte était alors la grande puissance qui cherchait à dominer le peuple de Dieu et qui élevait ses prétentions non seulement sur la terre promise, mais encore sur la liberté et la vie même du peuple élu. En un mot, l’Égypte est, selon le témoignage de l’Écriture sainte, une puissance qui cherche par sa volonté d’hégémonie à priver le peuple élu de son héritage, c’est-à-dire du fruit de la promesse.
3. Plan←⤒🔗
1. Israël en Égypte - 1.1 à 12.36
a. Oppression - 1.1-22
1. Expansion
2. Servitude
3. Menace d’extermination
b. Préparation du libérateur - 2.1 à 4.28
1. Moïse en Égypte
2. Moïse, berger en Madian
c. Préparation de la libération - 4.29 à 12.36
1. Premiers signes
2. Premières plaies
3. Dernière plaie
2. La délivrance - 12.37 à 19.2
a. Départ - 12.37 à 13.22
b. Traversée de la mer Rouge - 14.1-31
c. Cantique de délivrance - 15.1-21
d. Premières leçons dans le désert - 15.22 à 19.2
3. Israël au Sinaï - 19.3 à 40.38
a. Révélation de la volonté de Dieu - 19 à 31
1. La loi
2. Le tabernacle
3. La sacrificature
4. Le service
b. Opposition - 32 à 34
1. Le veau d’or
2. L’alliance renouvelée
c. Accomplissement de la volonté de Dieu - 35 à 40
1. La construction du tabernacle
2. Le tabernacle dressé
3. La dédicace du tabernacle
4. Message←⤒🔗
a. La loi←↰⤒🔗
Historiens des religions et sociologues cherchent dans les livres du Pentateuque des indications sur l’évolution des mœurs et des croyances d’Israël. Ils les comparent aux livres sacrés et codes des autres peuples antiques. Ils montrent comment la religion israélite, créée par le génie inspiré de Moïse et compromise par l’influence des cultes cananéens, fut vivifiée par la personnalité des grands prophètes, pour finir dans le ritualisme du temple de Jérusalem et le légalisme desséché du pharisaïsme. Et c’est passionnant. Mais s’il ne s’agit que de reconstitution historique, cela nous engage-t-il plus que l’histoire de Rome ou de Byzance?
Il est évident que, pour les croyants d’Israël, la loi de Moïse tout entière (et non seulement le Décalogue ou quelques beaux passages prophétiques du Deutéronome) apparaissait comme le dernier mot de la volonté de Dieu; parole terriblement exigeante, certes, mais aussi don magnifique, joint à la libération de la servitude! Quand le psalmiste parle des commandements de Dieu (Ps 119), il exulte de joie et chante un véritable hymne de reconnaissance. Et c’est bien la loi, en effet, qui plus tard, pendant l’Exil, a gardé les déportés des tentations de la religion et de la civilisation babyloniennes et leur a constitué une « haie » protectrice sous les régimes successifs de domination païenne.
Sans doute, nous ne devons pas oublier que la loi, mal appliquée par des prêtres et des scribes, est devenue un instrument de torture pour les âmes, et qu’elle apporte par elle-même mort et condamnation en commandant la sainteté. Saint Paul a dénoncé avec vigueur le danger de se fier à elle, mais il a rappelé pourtant qu’elle a été donnée au peuple comme garde-fou, comme « pédagogue », pour diriger, avertir, redresser et châtier ceux qui s’égarent loin de Dieu et se perdent. Elle abonde ainsi en principes d’ordre et de conservation pour un peuple que menaçait constamment un anarchique laissez-faire.
Mais elle parle encore un autre langage aux chrétiens. Jésus nous a appris à en saisir l’essence, non seulement en nous désignant les deux commandements de Moïse qui constituent le sommaire de la loi (Mt 22.35-40; Dt 6.5 et Lv 19.18), mais encore en la vivant au lieu de la prêcher seulement, comme tous ceux qui l’avaient précédé. Il n’est pas venu l’abolir, mais l’accomplir. Qu’est-ce à dire, sinon qu’elle a servi à préparer les cœurs pour sa venue et qu’elle l’a annoncée ou parfois même préfigurée? En réalisant parfaitement avec la lettre la substance de la vérité, il a révélé qu’elle ne tend pas à la mort, mais à la vie. Mais plus mystérieusement encore, il l’accomplit par son sacrifice, car il a été immolé suivant ses règles même; il met ainsi le terme à sa suprématie : désormais, la loi cérémonielle est bien caduque, et Jésus ouvre aux hommes le chemin de la grâce.
Condition du salut pour les Juifs (et les seuls Juifs) au temps des prêtres, la loi peut redevenir ce qu’elle était dans les miséricordieux desseins de Dieu : l’évocation de la vie sainte et l’appel à la vie éternelle. Oui, nous savons que nous ne pouvons pas être sauvés par l’obéissance à la loi; mais en Jésus-Christ, nous savons que nous sommes sauvés pour obéir à Dieu. Il n’y a pas d’antagonisme entre la foi et l’obéissance. Saint Augustin disait vrai lorsqu’il priait : « Donne ce que tu ordonnes, et ordonne ce que tu veux. »
b. La sainteté de la loi←↰⤒🔗
L’idée de la sainteté qu’expriment les lois mosaïques nous étonne et parfois même nous choque.
Des contacts tout extérieurs, telle maladie, tel accident naturel, la compromettent. On emploie d’étranges moyens pour la retrouver : que d’ablutions! que d’aspersions! que de sacrifices sanglants! quel rituel compliqué et incompréhensible! La sainteté dont nous parle la loi a dû se frayer son chemin à travers une multitude de pratiques qui tenaient plus du tabou que de la loi morale. On nous fait remarquer que plusieurs présentaient une valeur hygiénique certaine. Mais croit-on vraiment que c’est pour cela qu’on les observait, et n’empruntaient-elles pas une partie de leur autorité au fait qu’on en avait oublié la raison d’être première?
La conception qui ressort de toutes les prescriptions mosaïques, c’est que l’homme est menacé par maintes possessions occultes qui le disputent au Dieu vivant; l’attouchement des morts, l’emprise des maladies ou de tel accident d’ordre sexuel, l’ivresse, la consultation des morts sont autant de risques de passer sous l’autorité d’une puissance démoniaque. À certains, cela paraîtra primitif et dépassé. En sommes-nous tellement sûrs?
Il est toujours vrai que l’Esprit de Dieu réclame l’homme tout entier. Celui qui est ainsi fait enfant du peuple de Dieu ne peut plus se partager entre Dieu et Mammon (ou Satan, ou une quelconque autre idole). Si les règles cérémonielles ont été abolies après avoir achevé leur action pédagogique, il reste toujours que Dieu réclame la consécration totale de chacun de ses enfants. Nous savons maintenant que la sainteté ne consiste pas dans le boire et le manger, dans le vêtement ou les contacts extérieurs; mais l’exigence demeure :
« Soyez saints, car je suis saint, dit l’Éternel » (Lv 19.2). Et toute la loi nous rappelle que l’obstacle premier à la sainteté, c’est l’idolâtrie. « Soyez saints » parce que Dieu ne peut tolérer le mal. « Soyez saints » parce que le Christ a donné sa vie pour cela. « Soyez saints », parce que vous êtes appelés à faire éclater dans le monde le témoignage de vos vies consacrées.
Bien des siècles après l’alliance du Sinaï, Dieu appelle ainsi les siens à la même sainteté. Paul dira : « Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à offrir vos corps en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu » (Rm 12.1). Et Pierre dira de même : « Vous êtes la race élue, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple que Dieu s’est acquis, afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière » (1 Pi 2.9).
c. Les fêtes et le sacerdoce; l’arche et le tabernacle←↰⤒🔗
Le rituel hébreu est maintenant périmé; il n’intéresse plus nos contemporains. Nos enfants le connaissent à peine.
Il faut cependant comprendre ce que ces pratiques ont pu avoir de permanent, si l’on veut suivre la lente et fidèle préparation de tout un peuple et recevoir l’intelligence des pages du Nouveau Testament où le culte d’Israël apparaît comme la figure des choses qui devaient venir.
Il est nécessaire de savoir que pendant des siècles Israël a cherché la purification et la réconciliation avec Dieu par l’oblation d’innombrables victimes.
Il est nécessaire de savoir que la Pâque commémorait la délivrance de la servitude égyptienne. Sinon comment comprendrions-nous le dernier repas pascal de Jésus et l’institution de la sainte Cène, où il substitue l’offrande unique et suffisante de son corps et de son sang aux inefficaces sacrifices d’agneaux offerts par son peuple?
Si nous voulons comprendre ce que l’épître aux Hébreux nous dit du Grand-Prêtre éternel, il faut que nous sachions comment le grand-prêtre juif pénétrait une fois l’an dans le lieu très saint, intercesseur et propitiateur pour les tribus dont il portait les noms sur ses épaules.
Si nous voulons comprendre ce que Paul nous explique du rôle de Jésus-Christ, il nous faut connaître ce que furent l’arche, ce lieu où l’Éternel venait rencontrer l’homme, et le tabernacle où il était comme présent, en attendant de venir visiblement parmi nous, en Christ.
Si nous voulons comprendre que Jésus est bien celui qui devait venir, le Saint de Dieu, la Lumière du monde, le Pain descendu du ciel et la Source d’eau vive, il est bon, il est salutaire que nous ayons suivi Israël au désert et que nous ayons eu connaissance de la manne et du rocher, du feu et de la nuée, de l’alliance et de la loi sainte.
Nombreuses sont les leçons du livre de l’Exode. Si Dieu a choisi Israël, puis l’a délivré de la servitude pour organiser et établir sa vie nationale, ce n’est pas un caprice de son amour; Israël est destiné à incarner la volonté divine, à servir d’instrument pour le bien de toutes les nations. Dans ce but, Dieu se révèle progressivement (il est celui qui est, le Dieu de la grâce et le Dieu d’amour) et prend soin de donner avec force détails des ordres précis sur l’organisation familiale, sociale, nationale et religieuse du peuple élu. La responsabilité de ce peuple consiste à placer Dieu au centre même de sa vie, d’où la place centrale de l’arche dans le tabernacle, du tabernacle dans le camp. Délivré de la servitude par le sang de l’agneau pascal, il est désormais dans l’obligation de servir son Libérateur. Laisse aller mon peuple afin qu’il me serve…
Quant à sa méthode avec les particuliers, nous constatons qu’elle est celle de la patience et de la liberté; l’occasion de faire son choix est donnée à un Moïse et à un pharaon, par exemple. La responsabilité individuelle consiste à faire ce choix suprême, qui influencera la destinée entière. Moïse, malgré ses lacunes et ses faiblesses, devint une noble personnalité ayant choisi de se soumettre à l’autorité divine. Pharaon, par contre, prépara sa propre ruine par son refus persistant d’obéissance aux ordres de l’Éternel. L’Exode affirme ainsi à la fois la liberté humaine et la souveraineté divine, qui, elle, est manifestée dans la justice et l’exercice du jugement.
Au Dieu de sa délivrance et de son salut, l’Éternel souverain, qui domine les événements et les siècles, capable d’utiliser les cris d’un bébé et la sensibilité d’un cœur de femme pour faire tourner sur ses gonds une porte de prison restée verrouillée pendant quatre siècles, à ce Dieu-là l’homme doit l’adoration et l’obéissance intégrale; la séparation du monde (Égypte) doit être totale.
d. Une parabole de notre rédemption←↰⤒🔗
Pour récapituler le message principal du livre de l’Exode, redisons que ce deuxième écrit du Pentateuque est une puissante parabole de notre rédemption.
1. Nous y voyons la puissance de Dieu déployée dans les fléaux avec lesquels il frappe l’Égypte, le pays de l’oppresseur. Ces miracles démontrent le pouvoir surnaturel dont Dieu dote Moïse, son agent libérateur. Certes, Dieu aurait pu faire sortir Israël sans avoir recours à ces moyens extraordinaires. Il se serait soumis le pharaon sans engager une bataille gigantesque contre l’arrogant tyran de la plus brillante civilisation antique. Mais il lui dit : « Je t’ai laissé subsister, au contraire, afin de te faire voir ma force et pour que l’on publie mon nom par toute la terre » (Ex 9.16). Au moyen de ces fléaux, Dieu a exalté sa puissance en la comparant à la faiblesse, au néant des divinités égyptiennes, puisque ces derniers adoraient précisément certains éléments qui furent l’objet des plaies surnaturelles.
2. La grâce divine s’aperçoit dans les mesures de division qu’il prend pour séparer Israël de l’Égypte. Les premières plaies frappent indistinctement les deux peuples. Mais en commençant avec la quatrième, Israël est à l’abri, ce qui démontre qu’il est devenu l’objet de la sollicitude toute particulière de Dieu. Ayant choisi Israël comme son peuple, il l’abrite contre les fléaux.
3. La dernière plaie cause la mort des premiers-nés. Israël en sera automatiquement exempté. La Pâque est donnée comme moyen qui lui permettra d’échapper à ce terrible malheur. Le sacrifice d’un agneau et l’aspersion des linteaux des portes par le sang procurent donc le salut d’Israël. Ici, nous voyons représentée la grande vérité que le péché ne peut être ôté qu’au moyen du sacrifice offert comme châtiment du péché. Et ce sacrifice annonce le Christ, notre Agneau pascal sacrifié pour ôter les péchés du monde.
4. Le repas pascal signifie l’expiation, c’est-à-dire que le péché a été ôté et que la communion est rétablie avec Dieu. Tel est le sens de ce repas. Il symbolise prendre un repas en présence même de Dieu. Il offrait aux Israélites la preuve qu’ils étaient vraiment précieux aux yeux de leur Dieu Libérateur.
5. En même temps que la liberté d’Israël hors de la maison de servitude, nous constatons aussi la destruction de ses ennemis. Celle-ci, déjà certaine dans les dix plaies, atteint son point culminant, le point de non-retour, lors du passage de la mer Rouge. Dans cet incident, les Israélites pourront traverser la mer divisée en deux, leur laissant un passage libre, tandis que les Égyptiens, eux, seront soudain engloutis par les flots revenus dans leur lit.
6. Enfin, dans le récit du séjour dans le désert, nous apprenons que Dieu ne délivre pas les siens pour les abandonner ensuite. Sans cesse, il les protège et les défend; quotidiennement, il prend soin d’eux en les nourrissant et en les abreuvant.
Ces six points sont une indication de la rédemption véritable que Dieu accorde à son peuple, ancien et nouveau, Israël dans le passé, l’Église chrétienne et seulement elle à présent. La lecture du livre de l’Exode nous aide puissamment à saisir toute l’étendue, toute la largeur, la profondeur intégrale et la hauteur incommensurable des desseins de Dieu, et nous permet de le louer sans cesse et de le servir dans la reconnaissance.
e. Quelques thèmes théologiques←↰⤒🔗
Concernant la personne et l’action de Dieu, relevons les divers points suivants, que l’on peut utilement développer dans une étude plus vaste : Dieu se souvient; Dieu est transcendant; Dieu œuvre le salut; Dieu est saint; Dieu contrôle l’histoire; Dieu parle; Dieu exerce son jugement; son courroux peut être évité; Dieu séjourne au milieu de son peuple.
L’interprétation théologique des faits donne au livre sa véritable dimension et en souligne l’incontestable valeur dans la pensée religieuse d’Israël comme, ensuite, dans la théologie chrétienne.
Il suffit de mentionner quelques-uns des thèmes théologiques qui apparaissent dans cette histoire pour en saisir l’importance dans la pensée biblique.
C’est d’abord la certitude historique du peuple vis-à-vis de son Dieu; Dieu l’a sauvé de l’esclavage. La libération s’est effectuée à travers un combat sanglant entre le Dieu des Hébreux et le pharaon, considéré comme dieu des Égyptiens. L’expression de la volonté de Dieu s’est manifestée aussi bien dans les coups terribles dont il a frappé l’Égypte que dans la patience qu’il a montrée dans ce combat, dont l’issue n’a été certaine qu’au dernier moment, après avoir failli une dernière fois près de la mer Rouge se transformer en défaite totale.
Pourquoi ce salut du peuple? Parce que Dieu est fidèle à sa promesse aux patriarches. Le Dieu qui se révèle à Moïse, dont la présence active et efficace est connue déjà par ce nom, est le Dieu des pères qui a choisi et appelé Abraham et lui a promis une descendance qui hériterait du pays de Canaan. Promesse et accomplissement ne sont pas seulement des mots, mais des actes et des faits.
La suite de l’histoire rend témoignage au Dieu de la providence qui, après avoir sauvé son peuple, le conduit dans sa marche au désert; il lui donne l’eau à boire, la nourriture à manger, la victoire sur ses adversaires occasionnels. Ce Dieu compatissant et proche est pourtant toujours le Dieu redoutable et saint, que personne ne peut voir sans mourir. Moïse lui-même, médiateur entre Dieu et le peuple, ne peut contempler la gloire de Dieu face à face, malgré sa proximité amicale, puisqu’il lui parlait comme un homme parle à son ami.
C’est alors que Dieu, fait alliance avec son peuple et le scelle à la fois par la loi révélée à Moïse et par le culte dont les prescriptions sont données comme à travers d’un modèle céleste divin. Tout le problème de la loi est ainsi posé, avec son importance grandissante et les déviations que parfois elle connaîtra plus tard. Mais contrairement à l’idée, si fréquente encore aujourd’hui, remarquons que le salut de Dieu est venu avant sa loi et non après. L’obéissance à la loi est une fidélité à l’alliance conclue après la délivrance de l’esclavage. Toute la portée du Décalogue, pour les Juifs comme pour les chrétiens, en est éclairée. C’est parce que le peuple a été sauvé qu’il peut compter sur cette alliance, en obéissant à la loi qui engage toute sa vie dans tous les domaines. Ce n’est pas parce qu’il obéit à la loi qu’il peut être sauvé. Le salut précède la loi et l’alliance.
Ici apparaît une autre notion qui prendra une signification essentielle dans la suite de l’histoire biblique, et en particulier dans le livre du Deutéronome : celle du Dieu unique qui ne peut tolérer que son peuple se tourne vers d’autres dieux. Le récit de la fabrication du veau d’or et de la colère de Moïse n’est que le prélude à toutes les réactions des prophètes contre la perpétuelle tentation du peuple de se tourner vers les Baals et les divinités étrangères.
L’une des notions les plus importantes apparaît enfin dans les derniers chapitres de l’Exode : la notion de la présence de Dieu au milieu de son peuple, par la manifestation de sa gloire dans le sanctuaire. Que ce soit sous l’aspect d’une rencontre de Dieu en relation avec l’arche de l’alliance ou sous celui d’une présence permanente dans un sanctuaire de toile avant l’édifice de Jérusalem, l’idée d’un Dieu présent auprès de son peuple est inséparable de la foi d’Israël en un Dieu Sauveur. Une telle présence, dans toute sa gloire merveilleuse et redoutable, ne peut que conduire le peuple à une adoration dans le culte et dans tous les rites cultuels qui ont été prescrits par Dieu lui-même, précisément pour rendre témoignage à sa présence dans le sanctuaire.
Le salut de Dieu par l’intermédiaire de Moïse est devenu le signe du salut de Dieu par Jésus-Christ, son Fils unique, dont la mort a été rapprochée du sacrifice de l’agneau pascal et de son sang protecteur. Les récits du désert, l’eau du rocher, la manne et les cailles, le tabernacle et le sacerdoce sont repris dans le Nouveau Testament comme des préfigurations eucharistiques ou christologiques; Moïse lui-même devient la figure dominante, incarnant la loi de Dieu, tandis qu’Élie représentera les prophètes.
Jésus, dans l’Évangile de Jean, dit : « Si vous croyiez Moïse vous me croiriez aussi, parce qu’il a écrit de moi. Mais si vous ne croyez pas à ses écrits, comment croiriez-vous à mes paroles? » (Jn 5.46-47). Et l’apôtre Paul, parlant des récits de l’Exode, de la mer Rouge, de la marche au désert, de l’eau jaillie du rocher, nous rappelle que : « Ces choses leur sont arrivées pour servir d’exemples, et elles ont été écrites pour notre instruction, à nous qui sommes parvenus à la fin des siècles » (1 Co 10.11).