Introduction au livre du Deutéronome
Introduction au livre du Deutéronome
- Généralités
- Période
- Auteur
- Plan
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Moïse
a. Les derniers jours de Moïse
b. Interprétation théologique du personnage - Le Deutéronome dans la Bible
- Message
- Le Deutéronome aujourd’hui
1. Généralités⤒🔗
Le cinquième livre du Pentateuque porte dans la version grecque des Septante le titre de « Deuteronomion », c’est-à-dire seconde loi, qu’il ne faut pas traduire comme une loi secondaire, ou étant de canonicité seconde.
Ce titre grec est la traduction exacte de l’original hébreu « Mischne ». L’hébreu original a été compris par les traducteurs grecs comme une seconde loi, tandis que dans l’original il voulait dire « copie de la première ». Il ne s’agit pas d’une nouvelle législation ni d’une copie exacte de la première loi promulguée; il en est le commentaire, sous forme non de redite, de récitation, mais de témoignage nouveau en accord avec l’ancienne loi, adaptée à la situation nouvelle. La nouvelle génération des Israélites, qui n’avait pas eu l’occasion d’entendre la première version, entend par la bouche du vieillard médiateur les mêmes recommandations que celles du passé, quoique sous une forme nouvelle.
On a comparé le Deutéronome à l’Évangile selon Jean dans ses rapports avec les Évangiles synoptiques. Le Deutéronome donne la signification spirituelle, plus profonde, des faits et événements relatés dans les quatre premiers livres; il en est l’interprétation autorisée. On a recensé 259 allusions aux quatre premiers livres. On dit qu’il est leur conclusion et l’admirable couronnement de cet édifice dont la grandeur et la beauté apparaissent toujours davantage à ceux qui l’étudient avec amour. Il nous fait assister à la fois au terme du voyage d’Égypte en Canaan, au terme de la vie de Moïse, le libérateur, le législateur, le prophète, au cours du long pèlerinage. Le Deutéronome est un coucher de soleil paisible après une journée d’orage.
2. Période←⤒🔗
Le récit commence le premier jour du onzième mois de la quarantième année dans le désert, et se termine le trentième jour du deuil célébré après la mort de Moïse.
Israël est dans les plaines de Moab, aux confins de la terre promise. Moïse sait qu’il n’y pénétrera pas. Josué a été déjà désigné pour lui succéder. Que reste-t-il encore à dire avant le récit de la conquête?
En fait, ce livre entier, ample et majestueux, raconte de nouveau la grande aventure d’Israël dans le désert, à travers les souvenirs et les exhortations de Moïse.
3. Auteur←⤒🔗
La tradition l’a attribué à Moïse : le texte annonce, en effet, d’importantes parties du livre par des rappels tels que : « Voici les paroles que Moïse exposa… » et surtout il précise que « Moïse acheva d’écrire dans un livre les paroles de cette loi jusqu’à la fin » (Dt 31.24). Les rabbis tinrent donc pour assuré que l’ensemble du livre, à l’exception des huit derniers versets qui relatent la mort de Moïse et le deuil qu’elle provoque, était dû à la plume même du législateur d’Israël.
Comme pour les autres livres du Pentateuque, nous n’aborderons pas la question de son authenticité, nous contentant de signaler les deux positions opposées : celle qui admet l’authenticité mosaïque et celle de l’hypothèse dite « documentaire » qui, du côté libéral, prétend que le livre, rédigé ultérieurement, serait composé avec des matériaux provenant de plusieurs sources. L’examen de l’authenticité mosaïque exigerait une étude plus vaste que celle que nous pouvons présenter dans une brève introduction comme celle-ci, qui vise surtout à en présenter les points saillants afin d’en saisir le message central.
4. Plan←⤒🔗
1. Partie historique; revue de presse; discours - 1.4 à 4.43
a. Introduction : cadre historique
b. Récit du pèlerinage dans le désert
c. De Horeb à Kadès-Barnéa
d. De Kadès à Hesbon et Beth-Péor
e. Exhortation à l’obéissance et avertissement
f. Note historique; choix de trois villes de refuge
2. Partie législative - 4.44 à 26.19
a. Introduction
b. La loi du Sinaï
c. Répétition du Décalogue - 5.1-21
d. Discours sur le Décalogue - 5.22 à 11.32
e. Lois particulières religieuses - 12.1 à 16.17
1. Le sanctuaire, demeure du Seigneur
2. Le danger de l’idolâtrie
3. Questions de nourriture
4. Les dîmes
5. L’année de relâche
6. Premiers-nés des animaux
7. Fêtes annuelles
f. Lois civiles et autres - 16.18 à 20.20
1. Les juges
2. Les sacrificateurs
3. Le roi
4. Les droits des sacrifices
5. La divination et la magie
6. Vrais et faux prophètes
7. Villes de refuge
8. Les faux témoins
9. Lois pour le temps de guerre
g. Lois concernant la vie privée et sociale - 21.1 à 26.19
3. Partie prophétique - 27.1 à 30.20
a. Diverses instructions
b. Concernant les bénédictions et les malédictions
c. Les malédictions
d. Conséquence de l’obéissance et de la désobéissance
e. Les désobéissances
f. Le renouvellement de l’alliance
g. Promesses et menaces
4. Discours d’adieu - 31.1 à 34.12
a. Moïse, Josué, le peuple
b. Moïse et les sacrificateurs
c. Moïse et le Seigneur
d. Moïse et le Lévite
e. Le cantique de Moïse
f. Les derniers événements
g. Dernières paroles du Seigneur à Moïse
h. Bénédictions prophétiques de Moïse
i. Mort de Moïse
5. Moïse←⤒🔗
Dans le Pentateuque, Moïse était arrivé à une telle intimité avec Dieu qu’il a été dit de lui au moment de sa mort : il n’a pas paru en Israël plus aucun prophète semblable à Moïse, que l’Éternel connaissait face à face. À la fin de sa vie, il a contemplé :
1. Une nouvelle génération, car tous ceux qui avaient dépassé 20 ans en quittant l’Égypte avaient péri, excepté Caleb et Josué.
2. Un nouveau pays au seuil duquel il se tenait pour la seconde fois, mais dont l’entrée lui était, hélas!, interdite.
3. Une nouvelle vie à vivre dans le pays de la promesse : les tentes seront échangées contre des maisons, le tabernacle remplacé par le temple, la manne par le blé du pays.
4. De nouveaux devoirs, Moïse lui-même devant laisser la place à un nouveau chef, Josué.
a. Les derniers jours de Moïse←↰⤒🔗
Moïse vient de redire à la génération de la conquête les lois reçues au Sinaï, et de donner aux fils le programme de vie adopté, peut-être à la légère, par les pères. Ce magnifique chapitre (Dt 30.10) conclut ses instructions. La mort des conducteurs d’Israël si peu de temps avant la victoire, si près de la terre promise, est demeuré un mystère pour des croyants qui estimaient que Dieu récompense toujours visiblement ceux qu’il aime. Le livre des Nombres (Nb 20.1-13) offre une explication de ce scandale : Moïse et Aaron ont manqué de foi aux eaux de Mériba (en ne faisant pas immédiatement appel à l’Éternel) lorsqu’ils sont pris à partie, ou en frappant par deux fois le rocher pour en tirer l’eau vive. Les deux chefs ne connaîtront pas l’accomplissement de ce qu’ils ont tant préparé et attendu. Toutefois, Moïse reçoit un avant-goût de l’exaucement, puisqu’il peut contempler le pays promis. Par delà la faille profonde du Jourdain, le Nébo domine les monts de Juda, d’Éphraïm et de Samarie, toute cette contrée qui doit devenir israélite.
C’est une chose étonnante qu’on n’ait pas vénéré le tombeau de Moïse; on en ignorait même l’emplacement exact. Les rabbins interprétaient : « Il mourut sur l’ordre ou la parole du Seigneur en racontant qu’il avait expiré dans un baiser de Dieu. » Un récit apocryphe rapporte que l’ange Michel l’ensevelit en disputant son corps au Diable (voir Jude 1.9, ainsi que notre méditation sur le livre de Jude, La foi transmise une fois pour toutes).
La tradition rapporte que le lieu de la sépulture de Moïse resta inconnu afin que le peuple de Dieu soit préservé du culte idolâtre des héros. Moïse, le médiateur de l’alliance, ne doit pas être considéré comme un héros, mais comme un simple envoyé de Dieu (Dt 34.11). L’anonymat de sa mort doit nous rappeler que c’est son œuvre, et non sa personne, qui demeure à travers tous les changements. Le livre du Deutéronome s’intéresse simplement au fait qu’ici-bas un homme a été le familier de Dieu, lui a parlé « face à face » et a rempli fidèlement, jusqu’au terme assigné par Dieu, sa fonction de libérateur d’Israël.
La vie du plus grand des serviteurs de Dieu s’achève, sans amertume ni revendication, dans la sérénité de la foi. Dieu ne veut pas que son pied foule la terre promise? Qu’il en soit fait selon sa volonté! Josué va lui succéder. L’œuvre de Dieu se poursuivra sûrement.
Du sommet de cette montagne qui domine la Palestine, des hauts plateaux de Transjordanie qu’on vient de conquérir et le désert d’où l’Éternel a tiré les Israélites, Moïse contemple ces contrées, cadre de leur passé et de leur avenir. La longue ligne de sa vie façonnée par Dieu, depuis l’enfance dans les fastes d’Égypte et les premières épreuves jusqu’au solitaire et grandiose aboutissement, ici toutes les batailles contre les ennemis du dehors et du dedans revivent en son souvenir, en témoignage pour ceux qu’il va laisser. Il a appris et vécu l’obéissance au Dieu de sa vocation, au Dieu de l’alliance, pour la libération d’Israël et le salut des hommes; il l’a proclamé et représenté, ce Dieu qui choisit qui il veut et endurcit qui il veut, mais qui n’abandonne point les héritiers de ses promesses disposés à le servir.
Maintenant, Moïse va laisser la parole au prophète semblable à lui (Dt 18.15-18). Plus grand que lui, celui qui, en annonçant à son tour la Parole, sera, lui seul, la Parole elle-même.
Parce qu’il l’a fidèlement annoncée et qu’il a, sans faiblir, préparé ses chemins, Moïse paraîtra auprès de lui, avec Élie, sur la montagne de la transfiguration (Mt 17.3). Avec Élie, il résumera toute la révélation de Dieu en Israël, lui dans la loi, Élie en tête de la lignée des prophètes (Lc 19.29-31). Et le silence tombe sur cet homme d’action et de prière, de pensée et de foi, ce chef de peuple et plus encore, cet annonciateur du Père tout-puissant, amour et Saint-Esprit.
Le récit de la mort de Moïse vise précisément une époque où le peuple doit vivre sans Moïse. Mais l’alliance demeure et le peuple peut entendre l’exhortation : « Fortifie-toi et prends courage » (Dt 31.7,23). Le courage et la confiance du peuple de Dieu ne dépendent pas d’un homme, fût-il un chef puissant, mais de la seule promesse de Dieu. Pour proclamer ce message, à cet endroit nous entendons le cantique de Moïse. En dépit de l’ingratitude passée ou présente d’Israël, le fondement de l’espérance demeure la volonté de Dieu, pour la joie parfaite de ses élus.
b. Interprétation théologique du personnage←↰⤒🔗
Parmi tous les personnages de l’Ancien Testament, Moïse occupe une place unique. Il n’est pas seulement un chef politique, un prêtre, un thaumaturge ou un prophète; il est tout cela à la fois et bien plus encore : l’unique médiateur entre Dieu et son peuple, supérieur à tous les prophètes. Une telle mission révèle les éléments essentiels de l’alliance de Dieu avec Israël.
1. Dès la sortie d’Égypte, les relations entre Dieu et son peuple sont basées sur un individu unique, dont la présence manifeste tout ensemble la distance infranchissable entre l’homme et Dieu, et la volonté divine de se communiquer à l’homme. L’alliance de Dieu s’inscrit donc dans une histoire unique, d’où toute histoire ultérieure dépendra.
2. Cette volonté communiquée par Dieu à Moïse est à jamais la seule source originale d’où les Israélites puiseront la connaissance de Dieu, de ses promesses et de ses exigences.
3. La médiation unique de Moïse fait d’Israël un peuple, une nation sainte, une communauté liée à Dieu par l’alliance et dont les membres sont liés entre eux par la même alliance.
4. Pourtant, Moïse n’est qu’un instrument. L’œuvre que Dieu a posée en lui à jamais s’accomplira sans lui : il mourra avant d’entrer dans la terre promise.
Par delà les déformations du judaïsme ultérieur, qui fait de Moïse un homme parfait, génial, et non un simple médiateur, le Nouveau Testament confirme la vocation originale de Moïse et en montre l’accomplissement en Jésus-Christ.
1. La loi que Dieu a donnée par Moïse reste valable, mais Jésus en montre la signification nouvelle.
2. Le Nouveau Testament souligne le caractère prophétique de Moïse. Il a annoncé le Christ, la résurrection des morts, l’évangélisation des païens.
3. En sa personne, Moïse est lui-même un prototype du Christ, particulièrement du Christ souffrant.
4. Pourtant, le Christ, le nouveau Médiateur, est supérieur à l’ancien dont toute la réalité repose dans l’avenir enfin accompli.
En résumé, la typologie Moïse-Christ est l’un des points où se manifestent, dans la plupart des écrits néotestamentaires, la différence et l’unité des deux alliances.
6. Le Deutéronome dans la Bible←⤒🔗
Entre la première et la dernière page du livre, les événements historiques n’ont pas progressé : dès le début, l’on se trouve au-delà du Jourdain, dans le pays de Moab, et c’est là que Moïse mourra. Le contenu est beaucoup plus cohérent qu’ailleurs dans le Pentateuque : en fait, malgré quelques ruptures ou reprises, les chapitres 1 à 30 se présentent comme un discours de Moïse au peuple, une sorte de testament spirituel prononcé avant sa mort, sur le seuil de la terre promise.
Le reste de l’Écriture dans l’Ancien Testament fait près de 400 allusions à ce livre et près de 90 dans le Nouveau Testament (dans 17 livres). Il est particulièrement intéressant de noter que les trois citations de l’Écriture faites par Jésus lors de sa tentation dans le désert sont tirées du Deutéronome.
L’importance exceptionnelle de ce livre, appelé le plus spirituel de l’Ancien Testament, nous est révélée de plusieurs manières.
L’exhortation « Écoute » reviens environ vingt fois, et « souviens-toi » près de quinze fois. Son contenu devait être appris et répété de génération en génération. Tous les sept ans, il devait être lu en présence du peuple. Il devait faire l’objet des soins particuliers, il devait être même gardé à côté de l’arche de l’alliance.
On sait quelle influence le Deutéronome exerça sur la religion d’Israël. C’est sans doute ce livre que découvrit Hilkija au cours de travaux dans le temple, vers 622 av. J.-C.; monté au roi Josias, le Deutéronome l’orienta vers une réforme générale du culte de Juda. La destruction des hauts lieux et des idoles du pays, puis la concentration du culte au temple de Jérusalem découlent nettement de l’exigence de foi une et sainte que s’y trouve exprimée (2 R 22.23).
Sa pensée, son style même ont fortement influencé Jérémie et ceux qui écrivirent l’histoire d’Israël en ce 6e siècle. Les croyants formés par ce livre ont reconnu leur culpabilité devant Dieu, lors de l’Exil à Babylone. Et le séjour d’Israël au désert représente pour eux le temps des fiançailles du peuple avec son Dieu, temps austère, mais béni, où Dieu le guidait par la nuée et par le feu, le nourrissait du pain du ciel et scellait l’alliance du Sinaï dans le sacrifice de la Pâque, temps où Israël, mis en présence du choix, choisissait la vie pour Dieu, temps où Moïse près de sa fin annonçait la venue d’un nouveau Prophète (Dt 18.15-18).
Lorsque Jésus lisait les livres de la loi de Moïse, tel le père de famille de la parabole (Mt 13.52), il puisait dans le vieux trésor des choses anciennes et des choses nouvelles et, par delà le récit historique, il savait que Moïse avait écrit à son sujet et qu’il rendait témoignage du Christ (Jn 5.45-47; Lc 24.27).
Le Deutéronome tient dans la Bible une place importante. Ce n’est pas seulement parce que la tradition juive y trouve son credo fondamental, le célèbre « Shema Israël », « Écoute Israël », ni non plus parce que Jésus y puise le plus grand commandement. Cette tradition, par l’esprit particulier qui l’anime, influence profondément d’autres courants de l’Ancien Testament de vocabulaire et de thèmes entre le Deutéronome et le message de Jérémie, dont le ministère suit de près la réforme de Josias : l’oubli des bienfaits du Seigneur, la circoncision du cœur, la Nouvelle Alliance. Ce sont là des thèmes typiquement deutéronomiques.
7. Message←⤒🔗
L’exhortation finale : La bénédiction et la malédiction (Dt 27 et 28), dépendent de l’attitude adoptée vis-à-vis des commandements de Dieu. Il y a bénédiction lorsque le peuple croit à l’alliance, malédiction lorsqu’il se tient en dehors de cette alliance. Mais en aucun cas il ne saurait échapper au Dieu qui l’a pris en main (Dt 28.63). C’est le sens des cérémonies de bénédiction et de malédiction. Promesses et menaces se succèdent (Dt 29 et 30), sur la base de l’alliance par laquelle le peuple élu a reçu la connaissance de la volonté de Dieu.
La bénédiction de Moïse (Dt 33) poursuit le même but que le chapitre 32. C’est un psaume royal, semblable à ceux qu’on chantait pour célébrer la royauté de Dieu. Israël est propriété de Dieu (Dt 33.5).
Ce cantique correspond aux sentences de Genèse 49. Ainsi se ferme un cercle. Les historiens israélites utilisent volontiers ce procédé qui consiste à ramener la fin d’une narration au point où elle a commencé. Entre Genèse 49 et Deutéronome 33 s’inscrit le cercle de l’alliance de Dieu. Vivre dans ce cercle, c’est vivre de la promesse (Dt 3.29).
Toutes ces exhortations, adressées au peuple de Dieu sans cesse en proie aux tentations les plus diverses, témoignent que, même au sein de l’alliance, l’homme reste homme. Comme tel, il a très vite fait d’abandonner son premier amour ou de se laisser aller à des espérances illusoires. C’est pourquoi Dieu, dans ces chapitres, nous ramène sans cesse au seul fondement solide : son alliance et sa promesse.
Comme Parole de Dieu, il rend témoignage au Seigneur de l’élection gratuite, qui a manifesté sa puissance souveraine dans l’histoire d’Israël et qui, par son Esprit, continue à sanctifier ce peuple, en intervenant dans tous les domaines de son existence publique ou privée. Le Deutéronome est le témoignage de l’unicité de Dieu : un seul Dieu, un seul temple, un seul culte, une seule Église. En cela, il annonce l’Évangile de Jean qui, lui aussi, proclame celui qui est le chemin, la vérité, la vie. La place du Deutéronome à la fin de la Torah souligne l’importance de ce livre. Il présente en rétrospective les étapes au cours desquelles Dieu a conduit son peuple jusqu’aux plaines de Moab, préparant ainsi la suite de l’histoire de l’alliance.
La Torah, c’est-à-dire les cinq premiers livres de la Bible, proclame les faits fondamentaux du salut. Cette loi, ou plutôt ce manuel d’instruction, suscite la joie et la reconnaissance. Dans l’alliance, la loi n’est donc pas le contraire de la grâce, mais bien sa manifestation concrète.
8. Le Deutéronome aujourd’hui←⤒🔗
Le Deutéronome peut-il apporter quelque chose aux chrétiens de notre époque? La plupart de ses préceptes se réfèrent à un état social différent du nôtre. De plus, la loi n’est-elle pas devenue caduque depuis que le Christ a instauré le régime de la foi, de la grâce et de l’Esprit?
Il faut ici redire que le Deutéronome, avant d’être un recueil de préceptes, est une réflexion sur ce qui fonde toute notre obéissance à Dieu, à savoir son action dans la vie et l’histoire de son peuple. Ce qui commande l’existence des croyants, c’est alors la reconnaissance, au double sens de la découverte d’une présence et de la réponse à un don.
En outre, les préceptes eux-mêmes, s’ils ne requièrent pas toujours, tels quels, l’adhésion, ils sont formulés de manière à pouvoir nous éclairer. En effet, tout cet enseignement est dominé par la volonté de trouver une fidélité authentique au cœur d’un monde qui se transforme.
À l’heure présente où tant de croyants s’interrogent sur le bien-fondé de la morale, le Deutéronome fournit l’exemple d’une loi qui ne veut pas s’imposer du dehors, mais qui cherche à s’enraciner dans la réflexion et dans la décision du cœur. C’est une morale raisonnée, lucide, adulte, une véritable sagesse. Parce que c’est dans l’histoire qu’on rencontre Dieu, c’est en fonction des événements du salut que doit s’orienter la conduite de chaque jour.
Ce livre enseigne aussi une morale de l’amour en actes : l’amour du Seigneur engage tous les secteurs de l’existence humaine, de la politique à l’hygiène, et de la vie sociale ou familiale à la rencontre du frère, voire au respect de l’animal ou de l’arbre. Chaque situation nous place devant un choix pour ou contre le Seigneur, où se joue notre avenir, car nous serons jugés sur nos actes, et très particulièrement sur notre attitude envers les démunis.
Le Deutéronome nous parle encore par l’insistance qu’il met à souligner le caractère gratuit et sérieux de l’obéissance requise du peuple de Dieu. En effet, la loi n’y indique pas les conditions à remplir pour pouvoir entrer dans la terre promise, mais les conséquences qui découlent de l’élection et de l’héritage reçu en Canaan. Mais en même temps, l’auteur souligne le sérieux de cette obéissance; il accompagne la loi de promesses de bonheur pour ceux qui la pratiquent, et de menaces de malheur pour ceux qui la transgressent; car la loi de l’alliance place le peuple devant une question de vie ou de mort. Le Deutéronome maintient en équilibre ces deux traits caractéristiques de l’obéissance : gratuité et sérieux. Équilibre difficile à sauvegarder et qui, déjà dans le bas judaïsme, mais aussi dans les diverses confessions chrétiennes, versera souvent dans une éthique de mérites ou dans le moralisme. Parmi tous les témoins bibliques, le Deutéronome représente l’une des bases les plus fécondes pour la redécouverte d’une morale adulte, équilibrée et vivante.
Il est nécessaire que l’Église de Dieu réapprenne sans cesse à lire l’Ancien Testament dans cette perspective. Car elle est constamment guettée par un double danger : ou bien faire de la Torah une loi, c’est-à-dire un moyen pour l’homme de mériter le ciel et d’obliger Dieu; ou bien, la considérer comme périmée, et se replacer ainsi en dehors de l’alliance.