Cette prédication sur Jean 13.31,34-35 a pour sujet la mort de Jésus qui a manifesté la gloire et l'amour de Dieu et de son Fils qui nous comblent de sa grâce et nous rendent capables d'aimer nos frères comme il nous a aimés.

Source: La veille de la crucifixion. 3 pages.

Jean 13 - La gloire et l'amour

« Quand Judas fut parti, Jésus dit : Maintenant, le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. […] Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que tous connaîtront que vous êtes mes disciples. »

Jean 13.31, 34-35

Pendant la dernière nuit passée avec ses disciples, petit à petit Jésus cherche à leur montrer le sens de sa mort et comment, par elle, « il mit le comble à son amour pour eux » (Jn 13.1).

Le lavage des pieds a pour but d’expliquer cette mort : il est le symbole de notre purification complète fondée sur la mort du Christ; il en illustre l’efficacité. En même temps, Jésus révèle la source de l’autorité chrétienne : une autorité qui consiste en humilité réciproque. Disciples, nous ne pouvons avoir d’autorité que dans l’humilité, car Dieu a choisi l’humilité du Christ pour manifester, dans sa grâce, son autorité, sa souveraineté et sa gloire.

Cette mort est-elle donc si proche? Oui, Jésus va mourir le lendemain. Judas, démasqué, ne vient-il pas de sortir pour déclencher les événements qui l’y conduisent tout droit? Alors que les disciples sont encore sous le coup de cette scène dramatique — l’un des leurs livre le Maître! — que leur dit Jésus? À peine pouvons-nous l’imaginer et le croire! « Maintenant, le Fils de l’homme est glorifié et Dieu est glorifié en lui » (v. 31). Quoi? La mort qui vient serait une gloire? Le texte est-il sûr? La traduction est-elle bonne? Ils le sont! Si certaines versions traduisent au temps passé, c’est que ce que dit Jésus est tellement vrai que c’est comme si c’était déjà fait.

La pensée est si paradoxale que beaucoup d’interprètes cherchent à modifier le sens du texte. Jean, comme Paul, expose les choses spirituelles en un langage spirituel que seul l’homme spirituel peut comprendre. C’est pourtant vrai : Jésus et Dieu sont, l’un et l’autre, tout particulièrement et suprêmement glorifiés dans cette mort. C’est « cette heure-là » (et non l’assurance d’une victoire future) qui fait que cette mort-là n’est pas un scandale, mais la suprême manifestation de la gloire; que le départ du traître est pour Jésus l’occasion d’une triomphante assurance, d’une glorification immédiate : « Maintenant, le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. » La mort du Christ? Un scandale du côté de l’homme, de ses juges, de ses bourreaux, de chacun de nous! Mais scandale pour Dieu? Scandale pour Jésus? Non pas!

Mieux que toute autre chose, Dieu est glorifié par la mort de Jésus : par l’acte final et décisif de cette heure-là, il met le comble à sa grâce. En cette heure-là, Jésus accomplit à la perfection son obéissance envers son Père, et celui-ci fait ruisseler sur ce Fils bien-aimé qui s’y est soumis un honneur et une gloire sans limites. Il n’y a jamais eu, il n’y aura jamais plus, dans les cieux et sur la terre, aucun acte qui soit digne d’autant de louange et d’honneur que la mort du Christ. L’heure de la mort, de cette mort-là, est celle de la fécondité : « Si le grain de froment meurt, il porte beaucoup de fruit », a dit Jésus (Jn 12.24). Par sa passion, Jésus fait resplendir l’amour de Dieu, sa vérité, sa justice pour le monde entier : « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même » (2 Co 5.19).

« Quelque ignominie qui apparaisse au gibet de la croix [dit Calvin dans le commentaire de ce texte]… Christ affirme cependant que cette même croix lui est glorieuse et honorable… La bonté inestimable de Dieu a été déployée devant le monde entier dans la croix du Christ… Il est bien certain que la gloire de Dieu… ne s’est jamais si clairement montrée qu’en la croix de son Fils, en laquelle a été fait un merveilleux changement des choses : la condamnation de tous a été montrée, le péché effacé et aboli, le salut rendu aux hommes, le monde entier restauré, toutes choses remises en bon ordre. »

Le Dieu de gloire, c’est le Dieu de miséricorde et de grâce! La croix? C’est le cœur de Dieu à nu, à vif pour nous! Voilà fondées jusqu’à l’ultime limite sa souveraineté et son autorité. En cette nuit, sur le chemin qui mène à la croix sonnent les cloches de gloire. Et nous? Sur quel chemin sommes-nous désormais?

De ce que cette heure signifie pour lui et pour Dieu, Jésus se tourne vers ce qu’elle signifie maintenant pour ses disciples, pour nous. La glorification du Fils de l’homme implique la séparation d’avec ses disciples. Il ne sera plus jamais visible à nos yeux ici-bas; tels que nous sommes, nous ne pouvons être où il est. C’est pourquoi Jésus inaugure pour ceux qui veulent et doivent le suivre, le chemin de l’obéissance à un commandement nouveau : « Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » (Jn 13.34). Où donc est la nouveauté?

La loi et les prophètes ne se résument-ils pas à ce grand commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »? Un commandement général à l’égard de tout prochain, quel qu’il soit, dont la mesure est l’amour que nous nous portons à nous-mêmes? Mais maintenant, à partir de la passion et de la mort du Christ, de sa gloire rayonnante, tout est changé, tout est nouveau! Certes, il s’agit bien encore d’aimer tout prochain comme soi-même, mais aussi d’aimer ses frères en Christ plus que soi-même, de les aimer « comme Christ nous a aimés ». Pour comprendre un peu ce qu’est cet amour, celui du Christ pour nous, il faut être disciple du Christ. C’est pourquoi ce commandement n’est donné qu’aux disciples : le monde ne peut pas le comprendre. Jésus a apporté ici-bas un amour nouveau, absolument différent de tout autre amour.

De ce foyer radicalement nouveau jaillit la flamme de sentiments essentiellement différents de tout ce que le monde avait connu jusqu’alors sous le nom d’amour, différents de tout ce que nous avons nous-mêmes connu et vécu jusqu’au jour où nous nous sommes convertis et avons donné notre cœur au Christ et à Dieu et que nous avons compris quelle gloire rayonne de la croix. La gloire et l’amour sont liés comme les deux branches d’une paire de ciseaux : il n’y a pas de gloire sans amour ni d’amour sans gloire. Voilà, en Christ, la nouveauté : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » L’amour de Jésus ne nous donne pas seulement la mesure, mais la nature du véritable amour mutuel de ses disciples : en Christ, aimer les autres plus que nous-mêmes, comme Christ nous a aimés.

Voulez-vous vous convaincre que cet amour ne nous est donné que dans la foi au Christ et dans sa communion? Écoutez ce qu’en écrit, tout récemment, un célèbre incroyant français :

« L’amour? Une rage homicide, doublée d’une folie suicidaire : le meurtre de l’homme symboliquement perpétré en soi-même et en autrui… Contentez-vous de vous anéantir. En un clin d’œil, la méthode SATAN (Sanctification Assurée par Thérapeutique Auto-Négatrice), vous permettra de devenir moins que rien, plus que n’importe qui : le premier de tous sous le rapport de l’impuissance.1 »

Contemplons le Christ et recevons de lui cet amour. Faisons ce qu’il nous commande : tout le contraire de ce que nous craignons! Cédons notre droit, soyons serviables, intéressons-nous aux autres, regardons-les pour eux-mêmes, non pour nous. Ne craignons pas d’être écrasés : soyons disponibles, donnons, aimons… C’est fatigant, direz-vous? Oui, c’est fatigant! C’est ce que le Christ appelle « donner sa vie pour ses amis », mais quand nous nous sentons fatigués d’humilité et d’amour, vanés, vidés même, quand nous sommes tentés de dire : « À quoi bon? J’en ai trop fait et pour obtenir quoi? », si nous contemplons le Christ à travers notre lassitude et peut-être notre découragement, alors nous prenons conscience que nous sommes vraiment « nés de nouveau », que notre humilité nous confère une autorité jamais atteinte, notre amour un partage de gloire avec le Christ. De notre fatigue même surgissent le rafraîchissement, la conviction, l’élan pour continuer à aller de l’avant sur la route où nous ne sommes jamais seuls, parce que nous vivons dans la communion du Christ et partageons avec lui, au jour : renouvellement, émerveillement, autorité et gloire!

Note

1. F. Jeanson, La Foi d’un incroyant, p. 135.