Jean 15 - La haine du monde
Jean 15 - La haine du monde
« Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui serait à lui; mais parce que vous n’êtes pas du monde et que je vous ai choisis du milieu du monde, c’est à cause de cela que le monde vous hait. Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite : le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi; s’ils ont retenu ma parole, ils retiendront aussi la vôtre. Mais ils vous feront tout cela à cause de mon nom, parce qu’ils ne connaissent pas celui qui m’a envoyé. Si je n’étais pas venu, et que je ne leur eusse point parlé, ils n’auraient point de péché; mais maintenant, leur péché est sans excuse. Celui qui me hait hait aussi mon Père. Si je n’avais pas fait parmi eux des œuvres qu’aucun autre n’a faites, ils seraient sans péché; mais maintenant, ils les ont vues, et ils ont haï et moi et mon Père. Et cela, afin que fût accomplie cette parole écrite dans leur loi : Ils m’ont haï sans cause. »
Jean 15.18-25
Demeurer dans l’amour du Christ, c’est porter des fruits qui demeurent! Telle était, dimanche dernier, la conclusion de notre entretien. Mais, pour porter du fruit, nous ne sommes pas seulement liés à notre Sauveur comme le sarment au cep, nous sommes aussi en relation avec le monde. Dans ce discours qu’il prononce la veille de sa crucifixion, Jésus, qui suit un plan rigoureux, tient à préciser maintenant quelle sera la relation du monde avec ses disciples.
Le dernier mot qu’il vient de prononcer pour qualifier nos relations avec lui et avec nos frères dans l’Église, c’est l’amour. Le premier qu’il emploie quant à nos relations avec le monde, c’est la haine. Quel contraste!
« Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui serait à lui; mais parce que vous n’êtes pas du monde et que je vous ai choisis du milieu du monde, c’est à cause de cela que le monde vous hait. »
La marque de l’Église, c’est l’amour; la marque du monde, de ceux qui n’ont pas été renouvelés par l’Esprit Saint, c’est non seulement la capacité de haïr, mais la haine de l’amour. Notre initiation au mystère de la mort du Christ implique que nous soyons aussi initiés à la haine du monde qui décida sa mort. L’amour de Dieu, la haine du monde nous sont révélés ensemble, l’un par l’autre : ce sont les deux mystères de notre existence. L’amitié pour Jésus déclenche l’inimitié du monde. L’esprit du monde n’accepte et ne reçoit que ce qui vient du monde et s’accorde avec sa manière d’être, de penser et d’agir : tout ce qui lui est contraire, il le rejette, car il le hait. Détestant le Christ, il ne peut que détester ses amis, manifestant par là la vérité, l’authenticité de leur amitié pour lui.
L’œuvre du Christ est de choisir les siens, ses disciples, « du milieu du monde » (Jn 15.19) : c’est « du milieu du monde » également que le Père les « donne » à son Fils (Jn 17.6). Cet appel, ce choix, ce don au Christ déclenchent la haine du monde et font des disciples des « objets de haine » (Jn 15.19). Si le Maître n’est pas du monde, ceux qu’il choisit ne sont plus du monde, pour être envoyés « dans le monde » (Jn 17.14-16). S’ils étaient encore du monde, le monde aimerait ce qui est à lui; il ne pourrait pas les haïr, pas plus qu’il ne pouvait haïr les frères de Jésus qui ne croyaient pas en lui (Jn 7.5-7). « Mais parce que vous n’êtes pas du monde et que je vous ai choisis du milieu du monde, c’est à cause de cela que le monde vous hait. »
Être chrétien, tirés et séparés du monde, et, en même temps, être du monde, aimé de lui, est une contradiction : attendons-nous à être haïs. Il faut que nous le soyons. Souvenons-nous sans cesse de l’enseignement de Jésus : « Le serviteur n’est pas plus grand que son maître ni l’envoyé plus grand que celui qui l’envoie » (Jn 13.16). Après le lavage des pieds, cette affirmation est d’abord appliquée à la nécessité de l’amour mutuel parmi les disciples et à l’humilité de cet amour. La voici qui vise l’humilité dans la persécution.
« Il suffit au disciple d’être comme son Maître, et au serviteur d’être comme son Seigneur. S’ils ont appelé le père de famille Béelzébul, combien plus appelleront-ils ainsi ceux de sa maison. Ne les craignez donc point! » (Mt 10.24-25).
Ainsi, l’attitude du monde envers Jésus détermine son comportement envers ses disciples. Ceux qui le persécutent persécutent aussi ceux qui parlent en son nom, ceux qui gardent sa parole gardent aussi la leur.
Mais d’où vient que Jésus soit ainsi persécuté et haï? Du péché, résultat de l’ignorance du Père qui a envoyé son Fils pour nous. La haine du monde envers Jésus est, en fait, inimitié contre Dieu. La venue du Christ n’était pas simple présence corporelle : elle était accompagnée de paroles et d’œuvres pour le salut du monde.
« Les œuvres que le Père m’a donné d’accomplir […] rendent à mon sujet le témoignage que le Père m’a envoyé. Et le Père qui m’a envoyé m’a lui-même rendu témoignage. Vous n’avez jamais entendu sa voix, vous n’avez jamais vu sa face, et sa parole ne demeure pas en vous » (Jn 5.36-38).
« Les paroles que je vous dis, ce n’est pas de moi-même que je les prononce. C’est le Père demeurant en moi qui accomplit ses propres œuvres » (Jn 14.10).
C’est pourquoi la haine contre le Fils est haine contre le Père : « Ils ont haï et moi et mon Père. »
Rejeter Jésus est un péché, différent de tous les autres péchés. Ce péché-là est « sans excuse ». Celui qui le commet est en effet tenu pour responsable par Jésus de ne pas accueillir la vérité quand elle lui est présentée, de ne point voir les œuvres divines dont il est le témoin. Il refuse d’entendre, de voir et de comprendre. Ainsi s’accomplit la prophétie : « Ils m’ont haï sans cause »; sans autre cause que le péché, l’endurcissement dans le péché, l’amour du péché, la haine de l’amour; car seule la haine du péché donne l’amour de l’amour!
Chers frères, cet esprit d’apostasie, cette haine du monde à l’égard du Christ et de ses disciples, qui est une haine contre Dieu, se manifestent non seulement entre gens de ce monde et fidèles disciples de Jésus, mais dans toutes les activités humaines qui ne veulent tenir compte ni du Christ ni de Dieu, que ce soit d’une manière directe ou sournoise. Nous les retrouvons toujours dans la fausse science, les philosophies, les idéologies, la politique, le travail, le droit, la morale courante, et par conséquent dans la littérature, le cinéma, la radio et la télévision. Rien n’y échappe! Chrétiens, nous sommes quotidiennement assaillis comme un îlot battu par la tempête, agressés de tous les côtés à la fois par le mépris du Christ et de Dieu. Il importe que nous tenions ferme et restions inébranlables. Aucun de nous ne peut éviter ce combat!
Pour distinguer l’esprit du monde de l’esprit du Christ, pour apprendre, comme nous le demande l’apôtre, à « discerner » à « éprouver les esprits pour voir s’ils viennent de Dieu » (Ph 1.10; 1 Jn 4.1), nous devons être constamment en éveil, réfléchir, travailler avec cœur, conclure avec lucidité, vouloir et faire tout ce qu’il faut avec acharnement pour rester fidèles. Nul de nous n’a ici aucun droit au repos. Nul ne peut éviter cette empoignade, ce corps à corps. Celui qui ne combat pas est tout simplement du monde. Qu’il découvre alors les voies subtiles, les masques, les truquages, la piperie dont parle l’apôtre (Ép 4.14), qui ont fait de lui, sans qu’il y prenne assez garde, un ennemi du Christ, un ennemi de Dieu. Pourrions-nous jamais nous associer aux œuvres de la haine de l’amour?
Dans ce combat qui mobilise toutes nos facultés, et réclame autant de finesse d’esprit et de cœur que de courage, chacun de nous reçoit deux consolations : D’une part, nous sommes témoins de la puissance de la Parole de Dieu : « S’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. » Et cette parole accomplit chaque jour, aux yeux de ceux qui ont la foi capable de discerner les fruits de la foi, des œuvres de Dieu plus grandes même que n’ont été celles du Christ. Des vies sont bouleversées et transformées, l’Église s’édifie, se réforme, s’accomplit dans l’attente de son Époux.
Et voici la seconde consolation : Comme seuls, nous ne pouvons rien, Jésus nous annonce la présence, l’illumination, la consolation, la communion du Saint-Esprit : Esprit de prophétie, Esprit de force, Esprit de joie, Esprit de paix, Esprit de victoire sur le monde. C’est par là que Jésus va terminer cet ultime entretien et nous verrons comment dimanche prochain.