Cet article sur Jean 17.1-26 a pour sujet la prière de Jésus pour lui-même, pour ses apôtres et pour son Église. Dans son rôle de Sacrificateur, il intercède pour les siens, pour leur mission, leur sanctification et leur unité.

Source: Afin de croire et d'avoir la vie - Méditations sur l'Évangile selon Jean. 5 pages.

Jean 17 - La prière sacerdotale

« Après avoir ainsi parlé, Jésus leva les yeux au ciel et dit : Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils, afin que le Fils te glorifie, selon que tu lui as donné pouvoir sur toute chair, afin qu’il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. Je t’ai glorifié sur la terre; j’ai achevé l’œuvre que tu m’as donné à faire. Et maintenant, toi, Père, glorifie-moi auprès de toi-même de la gloire que j’avais auprès de toi, avant que le monde fût. J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu m’as donnés du milieu du monde. Ils étaient à toi et tu me les as donnés; et ils ont gardé ta parole. Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi. Car je leur ai donné les paroles que tu m’as données; ils les ont reçues; ils ont vraiment reconnu que je suis sorti d’auprès de toi et ils ont cru que tu m’as envoyé. C’est pour eux que je prie. Je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés, parce qu’ils sont à toi — et tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi — et je suis glorifié en eux. Je ne suis plus dans le monde; eux sont dans le monde, et moi je vais à toi. Père saint, garde-les en ton nom, ce nom que tu m’as donné, afin qu’ils soient un comme nous. Lorsque j’étais avec eux, je gardais en ton nom ceux que tu m’as donnés. Je les ai préservés, et aucun d’eux ne s’est perdu, sinon le fils de perdition, afin que l’Écriture soit accomplie. Et maintenant, je vais à toi, et je parle ainsi dans le monde, afin qu’ils aient en eux ma joie parfaite. Je leur ai donné ta parole, et le monde les a haïs, parce qu’ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde. Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les garder du Malin. Ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde. Sanctifie-les par la vérité : ta parole est la vérité. Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde. Et moi, je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’eux aussi soient sanctifiés dans la vérité. Ce n’est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un; comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi, qu’eux aussi soient [un] en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, afin qu’ils soient un comme nous sommes un — moi en eux, et toi en moi —, afin qu’ils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés, comme tu m’as aimé. Père, je veux que là où je suis, ceux que tu m’as donnés soient aussi avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée, parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. Père juste, le monde ne t’a pas connu; mais moi, je t’ai connu, et ceux-ci ont connu que tu m’as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom, et je le leur ferai connaître, afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi, je sois en eux. »

Jean 17.1-26

  1. Sa personne (Jn 17.1-5)
  2. Sa reconnaissance (Jn 17.6-8)
  3. Son intercession pour les disciples (Jn 17.9-15)
  4. Sa prière pour la sanctification (Jn 17.16-19)
  5. Enfin, la prière pour l’unité (Jn 17.20-26)

Ce titre a été donné par un théologien luthérien du seizième siècle à la prière que Jésus prononça à la fin de la dernière soirée passée avec ses disciples. « Sacerdotal » est l’adjectif correspondant au substantif prêtre (« sacerdos » en latin). C’est la prière du Grand-Prêtre de la Nouvelle Alliance. Jésus intercède pour les siens, qu’il porte dans son cœur, comme le grand-prêtre (souverain sacrificateur) d’Israël intercédait pour les tribus dont il portait les noms gravés sur son pectoral (Ex 28.29). C’est aussi la prière sacerdotale parce que Jésus remplit l’office du prêtre qui offrait les sacrifices expiatoires pour les péchés du peuple. Ce sacrifice n’est plus celui d’un animal immolé, mais bien le don de sa personne. Il est lui-même l’agneau de Dieu qui, par son sacrifice volontaire, ôte les péchés du monde (Jn 1.29). L’épître aux Hébreux a développé magnifiquement ce rôle du Christ, qui est à la fois prêtre et victime, et a montré que ce sacrifice unique ne peut être renouvelé, mais seulement rappelé (Hé 4; 5; 7-10).

Toutefois, le titre, si justifié qu’il soit, ne doit pas restreindre la portée de cette prière de Jésus. Pour la bien comprendre, il faut se reporter au moment où elle fut prononcée. Jésus, après avoir adressé à ses disciples ses suprêmes recommandations, se tourne maintenant vers Dieu. Il prie à haute voix, comme pour associer « ses amis » à sa prière et leur montrer la source à laquelle il leur faudra désormais aller puiser force et courage lorsqu’il les aura quittés.

Cependant, cette prière n’est pas celle d’un maître humain ou d’un croyant qui s’adresse à son Dieu; elle a le caractère unique d’être la prière du Fils qui s’entretient avec son Père. D’où le ton ineffable, fait de confiance, de sérénité et de tendresse, qui la caractérise. Jésus rend compte à son Père de la mission dont Dieu l’a chargé et il se réjouit à la pensée de retourner près de lui.

Mais au moment où il s’apprête à rentrer dans la gloire, il n’oublie pas ceux que Dieu lui a donnés. Il intercède pour qu’ils demeurent fidèles à la mission que leur Maître leur a confiée dans ce monde qui désigne à la fois le lieu où ils sont situés et l’humanité pécheresse à laquelle ils auront à annoncer la rédemption. Enfin Jésus, par-delà le petit groupe de ses fidèles, pense à tous ceux qu’ils amèneront à la foi. Il prie pour l’Église que l’Esprit suscitera le jour de la Pentecôte et qui doit rendre témoignage par son message et par son unité.

Avant d’achever son intercession, le Seigneur demande que tous ceux qui lui ont été donnés puissent un jour être là où il sera et contempler la gloire de leur Sauveur. En attendant ce jour, Jésus les remplira de son amour, amour dont il se sent lui-même aimé par son Père.

Il ne faut pas chercher dans cette prière un plan rigoureux, car « la prière de Jésus n’est pas une composition, mais un épanchement » ainsi que l’écrivait un théologien français. Elle exprime admirablement les sentiments de Jésus; elle nous permet d’entrer dans son intimité plus qu’aucun autre passage de l’Évangile. Elle nous fait comprendre que Jésus, du haut du ciel, continue à prier ainsi pour les siens (voir Jn 14.16; Rm 8.34; Hé 7.25; 1 Jn 2.1-2). Son dernier mot, c’est l’amour qui l’animera toujours pour ceux que le Père lui a donnés.

Cinq thèmes principaux peuvent être développés à partir de la lecture de cette prière dont nous venons de donner une brève introduction. En suivant le commentaire que Walter Lüthi a consacré au quatrième Évangile, nous les énumérerons; et c’est en les résumant que nous dégagerons le message qui actuellement s’adresse aussi à nous.

1. Sa personne (Jn 17.1-5)🔗

Dès l’introduction de la prière de Jésus-Christ, souverain Sanctificateur, nous recevons l’assurance qu’il a achevé l’œuvre que le Père lui avait donné à faire. Dieu veuille graver dans nos cœurs par le Saint-Esprit cette certitude! Ne nous laissons plus décourager à la pensée que Dieu n’a rien fait pour les hommes sur la terre! Ne donnons pas trop d’importance à notre action, comme si l’œuvre de Dieu, pareille aux royaumes de la terre, dépendait de notre fidélité! Sans nous consulter, sans faire appel à nous et sans avoir besoin de notre aide, Dieu a accompli son œuvre ici-bas par son Fils. Ceux qui s’imaginent devoir lui prêter main-forte ou même sauvegarder sa cause s’épuisent toujours misérablement. Que cela nous plaise ou non, Jésus dit : « J’ai achevé l’œuvre que tu m’as donné à faire » (Jn 17.4). Cette œuvre, c’est de glorifier le Père. C’est en glorifiant son Père ici-bas que Jésus est devenu la lumière du monde. Jésus a glorifié le Père afin de nous donner la vie éternelle.

2. Sa reconnaissance (Jn 17.6-8)🔗

« J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu m’as donnés du milieu du monde. Ils étaient à toi et tu me les as donnés » (Jn 17.6). Surprenante affirmation! Le Maître voit donc dans ses disciples des dons pour lesquels il rend grâces à son Père; et nous, nous jouons le rôle de serviteur empressé et indispensable; nous croyons nous démener pour gagner des âmes à Dieu! Oublions-nous qu’il est écrit : « Les enfants sont un don de Dieu. » S’il en est ainsi des enfants selon la chair, combien plus cette parole s’applique-t-elle aux enfants selon l’Esprit! Puissent tous les éducateurs s’appuyer par la foi, dans l’humilité et dans la gratitude, sur cette parole : « Ils étaient à toi et tu me les as donnés. »

C’est donc une bonne nouvelle que nous lisons ici dans la doctrine de la prédestination. La décision dépend toujours du Père. Le rôle de Jésus est de révéler à ceux que le Père lui a donnés ce choix divin, cette élection gracieuse. Telle fut l’œuvre de Jésus.

3. Son intercession pour les disciples (Jn 17.9-15)🔗

Que Jésus prie « pour ceux que le Père lui a donnés », chacun le comprendra. Mais qu’il ajoute à sa requête « je ne prie pas pour le monde », voilà qui est extraordinaire et nous paraît anormal! Le Baptiste n’avait-il pas dit : « Voici l’Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde »? (Jn 1.29). Jésus n’a-t-il pas déclaré solennellement : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique »? (Jn 3.16). Et à présent, il semble se contredire : « Je ne prie pas pour le monde » (Jn 17.9).

Mais voilà : débordant de reconnaissance, il regarde les onze qui lui sont fidèles, comme un cultivateur contemple une poignée de grains qui lui reste après que le gel ou la grêle ait anéanti sa moisson. Il sait que le champ sera ensemencé une fois encore et il attend avec patience et confiance que le froment mûrisse quand le temps sera venu. Si Jésus prie d’abord pour eux, c’est dans l’intérêt du monde, car les disciples sont « le sel de la terre, la lumière du monde » (Mt 5.13-14). Il leur a donné les clés du Royaume et sa Parole toute-puissante par laquelle ils peuvent lier ou délier les âmes. Mais la lutte qu’ils doivent soutenir est telle que la vie spirituelle risque d’être étouffée en eux, comme un champ de fleurs sous l’avalanche. C’est alors que le souverain Sacrificateur intervient et crie au monde : « Halte! n’enfouis pas mes semailles! »; et au Père : « C’est pour eux que je prie. Je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés » (Jn 17.9).

4. Sa prière pour la sanctification (Jn 17.16-19)🔗

Nous pénétrons ici dans le mystère de la communauté des disciples. Les fondements mêmes de l’Église de Jésus-Christ sont découverts devant nous. Quiconque a des oreilles pour entendre reçoit de ce passage consolation, confiance et actions de grâces! Le souverain Sacrificateur demande au Père : « Sanctifie-les par la vérité » (Jn 17.17); et il ajoute : « Je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’eux aussi soient sanctifiés dans la vérité! » (Jn 17.19). Que signifient ces paroles?

La sanctification est une notion fondamentale du christianisme. C’est pourquoi il est important de bien la saisir. Dans l’Ancien Testament, être sanctifié, c’est être engagé au service de Dieu et attaché à sa personne. Dieu s’empare des hommes, les prend pour serviteurs et confidents, selon son plan de salut pour le monde. Dieu seul peut sanctifier Israël, qui n’est pas meilleur que les autres peuples. Mais Jésus-Christ est le premier et le dernier qui puisse le faire et le dire parce qu’il a participé au mystère de la sainteté. Il est le Fils de Dieu. Seul il peut dire : « Je me sanctifie moi-même! » Puis, Jésus demande au Père que la sanctification acquise à la croix tourne à l’avantage de ses disciples; que le Père les sanctifie à travers lui; qu’il ne prenne pas garde à leur insuffisance passée, présente et future.

Notre sainteté individuelle, celle de l’Église, est le don de Dieu. Nous sommes entrés au service de Jésus et lui restons attachés malgré les péchés, les insuffisances, le sépulcre et l’enfer. Or, il nous faut nous rappeler que tous les mouvements de sanctification courent le danger d’opposer le Saint-Esprit à la Parole de Dieu. C’est la vérité de Dieu qui sanctifie, et cette vérité est dans la Parole écrite. « Ta parole est la vérité », disait encore Jésus (Jn 17.17). Ne cherchons pas la vérité ailleurs et la sanctification en dehors de sa Parole.

5. Enfin, la prière pour l’unité (Jn 17.20-26)🔗

« Ce n’est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole » (Jn 17.20). Le Christ prie pour tous ceux qui, depuis bientôt deux mille ans, sont venus au Père par l’Église chrétienne. Dieu seul connaît leur nombre et leurs noms! Cela signifie que partout où un messager de Dieu aborde une côte lointaine en terre de mission, ou frappe à la porte d’une maison voisine de chez lui, ou a recours aux ondes électromagnétiques pour proclamer la vérité du Christ, le Christ l’a devancé. Chaque porteur du message chrétien est toujours précédé par le Christ qui, en sa qualité de souverain Sacrificateur, prie pour tous ceux qui croiront en lui par sa parole. Appuyons-nous sur cette promesse! Dans l’exercice de son ministère, le pasteur prédicateur parle à des hommes pour lesquels Jésus prie. Depuis le jour où nous prenons au sérieux l’intercession du Christ, notre attitude envers notre prochain se transforme. Nous ne pouvons savoir si les hommes sont chrétiens ou non, mais celui que nous rencontrons est peut-être l’un de ceux pour lesquels Jésus prie! La prière du Christ pénètre dans le mystère de l’avenir.

Lorsque le Christ pardonne à un pécheur, il n’enlève pas seulement les ténèbres de son cœur, mais il projette sur lui l’éclat de la lumière éternelle, la gloire qu’il a reçue de son Père. C’est une lumière de l’au-delà dont le coucher de soleil le plus éclatant n’est qu’un pâle reflet. « Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée » (Jn 17.22). La gloire de Dieu est accordée au Fils et, par lui, nous est communiquée.

L’unité de l’Église ne repose pas sur la terre. Elle est fondée dans l’unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et particulièrement dans l’œuvre et la personne du Christ. Quiconque croit en lui est attaché comme un sarment au cep. Il est la tête et les croyants sont incorporés dans l’unité du Père avec le Fils. Jésus-Christ seul peut établir l’unité de l’Église. Il le fait et le fera toujours. Il pourrait certes nous laisser tomber, mais, dans sa miséricorde, il nous prend avec lui et nous conduit auprès du Père. Aucune puissance sur la terre et aucune ruse de l’enfer ne peut détruire l’unité fondamentale de l’Église depuis que le souverain Sacrificateur a prié Dieu « afin que tous soient un; comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous » (Jn 17.21).

Croyons la sainte Église universelle, persévérons dans la foi, dans la ferme attente du jour où « il y aura un seul troupeau, un seul berger! » (Jn 10.16).