Cette prédication sur Jean 17.6-19 a pour sujet la prière de consécration de Jésus par laquelle il sépare les siens du monde, afin qu'ils soient consacrés par la Parole de vérité et gardés par le nom du Père et dans l'unité.

Source: La veille de la crucifixion. 3 pages.

Jean 17 - La prière de consécration (2)

« J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu m’as donnés du milieu du monde : ils étaient à toi! et tu me les as donnés et ils ont retenu ta parole. Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi. Car je leur ai donné les paroles que tu m’as données, et ils les ont reçues; ils ont vraiment reconnu que je suis venu de toi, et ils ont cru que c’est toi qui m’as envoyé. Je prie pour eux; je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés, parce qu’ils sont à toi. Et tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi, et je suis glorifié en eux. Je ne suis plus dans le monde, mais eux sont dans le monde, et moi je vais auprès de toi. Père saint, garde-les! Qu’ils soient fidèles en ton nom que tu m’as donné afin qu’ils soient un comme nous. […] Sanctifie-les dans la vérité; ta Parole est vérité. […] Et je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’eux aussi soient sanctifiés dans la vérité. »

Jean 17.6-11, 17-19

D’après le calendrier ecclésiastique, nous célébrons aujourd’hui le « dimanche des Rameaux ». « Béni soit le Roi qui vient au nom du Seigneur! », crie la foule quand Jésus entre à Jérusalem. « Paix dans le ciel et gloire dans les lieux très hauts » (Lc 19.38). M’en voudrez-vous, chers amis, si je vous invite aujourd’hui à faire monter vos louanges à Dieu non en commentant l’Évangile de l’entrée de Jésus à Jérusalem, mais en méditant une dernière fois avec vous la prière de consécration du Christ dont nous avons, dimanche dernier, étudié la première partie? Je ne le pense pas. Par son intention, sa puissance, son efficacité, la prière du Christ, en effet, ne s’adresse pas seulement aux onze disciples qui l’ont entendue : aucun de nous — jeune, adulte ou vieillard — ne peut s’exclure du nombre de ces « hommes » pour lesquels Jésus a prié. Ce qu’il a dit conserve pour chacun, aujourd’hui, son actualité et sa vérité. Cette merveilleuse prière nous permettra mieux encore de crier avec la foule : « Béni soit le Roi qui vient au nom du Seigneur! »

Cinq idées fondamentales, qui se tiennent comme les doigts de la main, nous donnent la clé de la prière du Christ pour nous : le monde, le nom de Dieu, la Parole, la vérité, l’unité.

« J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu m’as donnés du milieu du monde : Ils étaient à toi, et tu me les as donnés, et ils ont retenu ta Parole » (v. 6). Le « monde », le « nom », la « Parole »!

Première affirmation essentielle : c’est « du milieu du monde » que Dieu nous « donne » au Christ (voir Col 1.13 et Ac 26.18). En nous tirant « du milieu du monde », il nous affranchit d’une situation dramatique : il nous soustrait à la puissance de Satan pour nous soumettre à la puissance du Christ, à son amour. Dieu nous disjoint d’avec le monde. « Ils ne sont pas du monde, comme je ne suis pas du monde », dit Jésus. Entre nous et le monde, s’établit une sorte d’hétérogénéité. Pourquoi? Afin d’être « envoyés » dans le monde, comme Jésus lui-même a été l’envoyé, l’« apôtre » de Dieu dans le monde. Il y a donc un double mouvement : nous ne sommes des « envoyés » que si nous avons d’abord été des « arrachés », pour être « transférés » en Christ, et « consacrés ».

Comment donc prenons-nous conscience de ce fait étonnant? Quand, dans le concret de notre vie, un jour ou l’autre, d’une manière ou d’une autre, le nom ineffable de Dieu nous a été « manifesté » par le Christ. « Manifester » est plus lourd de sens qu’enseigner, c’est rendre visible et clair; accomplir un fait. Dieu nous manifeste son nom par tout ce que le Christ est, dit et fait. À deux reprises (aux versets 11 et 12 de ce chapitre), Jésus affirme que Dieu lui a donné son propre nom : « Qu’ils soient fidèles en ton nom que tu m’as donné » (c’est ainsi qu’il faut traduire sans rien ajouter au texte grec de l’Évangile). Le nom, c’est la personne telle qu’elle se fait connaître. Or Dieu s’est fait connaître en Jésus-Christ tel qu’il est, conformément à son nom, ce nom merveilleux révélé à Moïse dans Exode 34 :

« L’Éternel, oui, l’Éternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité, qui conserve sa grâce jusqu’à mille générations, qui pardonne l’iniquité, la révolte et le péché, mais qui ne tient pas le coupable pour innocent. »

Voilà le nom de Dieu! Eh bien! Il y a dans ma vie un jour où j’ai compris que ce nom-là, en Jésus-Christ, était quelque chose pour moi, que je ne pouvais plus vivre sans en tenir compte, sans m’attacher à lui. Ce jour-là, Dieu m’a « arraché » à l’empire des ténèbres et, du milieu du monde, m’a si bien donné à Christ, qu’il me serait intolérable de penser qu’il pût jamais être rayé de mon esprit ou de mon cœur, de ne pas le servir dans ce monde où il me maintient pour que je sois son envoyé, et me consacre pour son témoin (sanctifier, ne l’oubliez pas, signifie consacrer).

Et comment le nom du Père m’a-t-il été manifesté? Par la Parole : la Parole parlée qui est dite, et la Parole parlante le Christ. Quand Christ fait irruption en moi, le monde d’abord se retire de moi, car je ne suis plus du monde; mais il m’attire aussitôt, parce que Jésus m’y pousse pour que l’Esprit y agisse par la Parole que j’ai, moi, à y porter, comme il a agi dans mon cœur par cette même Parole portée par ses témoins qui ont été la cause prochaine de ma foi. Le nom et la Parole sont en substance identiques. En étant les « gardiens » de la Parole (v. 7), nous sommes nous-mêmes « gardés dans le nom que Dieu a donné au Christ », nous restons fidèles dans ce nom (v. 12), joyeux de notre mission (v. 13) et consacrés (v. 19).

C’est pourquoi Jésus ajoute : « Père saint : garde-les en ton nom que tu m’as donné, afin qu’ils soient un comme nous » (v. 11). « Consacre-les dans la vérité; ta Parole est vérité » (v. 17). Et voilà les thèmes de vérité et d’unité qui seront développés à la fin de cette prière.

Ah! Comme Jésus, qui a été tenté comme nous en toutes choses, connaît bien notre nature (Hé 4.15)! Comme il sait, d’avance, compatir à nos faiblesses et les prévenir! Il sait que nous avons besoin de soins divins pour rester fidèles et maintenir notre relation avec ce nom sauveur, celui du Père et celui du Christ. Il prie pour que nous soyons gardés « dans ce nom », et nous le sommes quand nous nous savons à la fois « séparés » du monde, mais dans l’unité du Christ, et « consacrés » pour le monde et dans le monde.

Une importante remarque s’impose ici. La prière de Jésus n’est pas un vœu formulé à l’optatif : « Qu’ils soient fidèles…; qu’ils soient un »…, car il parle au participe présent : « étant fidèles…; étant un » (notre syntaxe française a souvent bien de la peine à se plier aux finesses des langues bibliques). Jésus affirme, au contraire, que ce qu’il demande est et sera réellement accompli : ses disciples sont et demeureront un, à la seule condition de demeurer fidèles au nom du Père, donné au Christ et manifesté par lui. Tous les croyants sont spirituellement un quand demeurent en chacun la même Parole vivante, le même nom, la même foi, la même vie, dans le nom, dans la communion du Dieu de grâce tel qu’il s’est révélé et manifesté en son Fils.

Quand les disciples sont et demeurent « dans son nom », dans sa Parole, l’unité est gardée, parce qu’ils sont alors, parce que nous sommes dans la même vérité. « Sanctifie-les dans la vérité », dit Jésus, « ta Parole est vérité ». Nous ne pouvons être gardés dans l’unité que par une adhésion inconditionnelle à la Parole, car la Parole est vérité, et seule la vérité « sanctifie », « consacre » au service du Christ. Nous sommes consacrés au Christ et pour le monde dans la vérité. Consécration dans la vérité et unité sont synonymes. La puissance de Satan ne commence que là où la souveraineté de la Parole de Dieu décline ou disparaît. La prière pour l’Église est donc à présent nécessaire. Dans sa prière, Jésus apporte pour chacun de nous, pour chaque Église dans le monde, pour tout dialogue entre chrétiens ou entre Églises, le schéma de toute réflexion, de toute décision, de toute action conduites dans la fidélité, la vérité et la sainteté.

Sauf à retomber sous la puissance du Malin, nous ne pouvons jamais rien faire et nulle part, rien d’authentique et de valable, sans nous référer en tout dans la repentance et l’humilité aux cinq idées-clé de cette prière : le monde, le nom, la Parole, la vérité, l’unité. C’est alors seulement que nous pouvons être et que nous sommes sanctifiés, consacrés et fidèles, oui! les envoyés du Christ dans le monde. « Béni soit le Roi qui vient au nom du Seigneur! Paix dans le ciel et gloire dans les lieux très hauts. »